• Portugal :: « Ce n’est pas au Parlement que nous gagnerons ce combat »

    Portugal :: « Ce n’est pas au Parlement que nous gagnerons ce combat »

    « Question organisation de la résistance, le PTB se rapproche du PCP davantage que tout autre parti», déclarait le président du PTB, Peter Mertens, il y a un mois dans Solidaire. Rencontre avec Miguel Tiago, parlementaire du Parti communiste du Portugal.

    Tim Joye

    Suite à l’abolition d’une loi empêchant l’augmentation de certains loyers, de nombreux propriétaires ont demandé jusqu’à 50 euros en plus à leurs locataires. « Quand on sait que la pension moyenne au Portugal se situe aux alentours de 400 euros, on comprend le genre de catastrophe sociale qui se produit », explique Miguel Tiago. (Photo Fernando Coelho / Flickr)

     

    Miguel Tiago est l’un des quatre députés de la CDU représentant la ville industrielle de Setúbal. La CDU, c’est la Coalition démocratique unitaire, une liste commune entre les verts et les communistes du PCP.  Aux élections de 2011, elle a obtenu pour l’ensemble du pays seize élus (quatorze communistes et deux écolos) et elle constitue ainsi le quatrième groupe au parlement. Miguel Tiago – qui n’a que 33 ans – en est déjà à son troisième mandat.

    Miguel Tiago. L’une des stratégies suivies par le gouvernement est de répercuter la facture de la crise sur les communes. Mais tout le monde ne s’y résigne pas comme cela. D’abord, il y a eu une campagne contre la suppression d’un certain nombre de conseils de quartier, ensuite, il y a eu les protestations contre l’augmentation des loyers.
        Au début de cette année, on a aboli une loi stipulant que les contrats locatifs conclus avant 1990 ne pouvaient pas augmenter le loyer au-dessus de l’indexation. Partout, les locataires ont reçu des lettres de leur propriétaire notifiant que le loyer augmentait de 25, voire de 50 euros. Celui qui ne peut payer se retrouve à la rue. Il s’agit surtout des vieilles personnes, puisque les contrats ont été signés avant 1990. Quand on sait que la pension moyenne au Portugal se situe aux alentours de 400 euros, on comprend le genre de catastrophe sociale qui se produit.

    Comment luttez-vous contre une telle politique ?

        Miguel Tiago. En descendant dans la rue, avec le plus de monde possible. Ce n’est pas au Parlement que nous gagnerons le combat. Dans ce cas-ci, ce ne sera pas facile. Quand 100 personnes arrêtent le travail à Setúbal, ça a plus d’impact que lorsque mille pensionnés descendent dans la rue à Lisbonne. La crise frappe en effet toutes les couches de la société et, partout, nous incitons les gens à lutter pour leurs droits. Depuis un mois, le PCP mène une nouvelle campagne – « Battre ce gouvernement et cette politique » – dans laquelle tous ces mouvements de protestation peuvent s’inscrire.

    Quel rôle les parlementaires communistes y jouent-ils ?

    Miguel Tiago. Être élu au Parlement est une grande responsabilité. Les gens n’ont pas voté pour nous afin que nous allions papoter pendant quatre ans à Lisbonne. Si une manifestation ou une grève a lieu quelque part, nous nous y rendons. Le prestige qu’on a en étant parlementaire est un atout énorme dans la lutte quotidienne des gens. La presse vous suit également avec plus attention. Nous essayons de la sorte d’assumer nos responsabilités vis-à-vis des électeurs.

    Où se situe le travail parlementaire, dans la liste des priorités du parti ?

    Miguel Tiago. La priorité est et reste les mouvements de lutte des travailleurs. C’est la seule façon pour nous de pouvoir changer cette société et rompre avec la spirale négative dans laquelle s’est retrouvé notre pays. Par la lutte commune des nombreux mouvements de protestation qu’il y a actuellement, nous voulons faire tomber le gouvernement. Ainsi, un nouveau mouvement pourra naître, avec le PCP, qui luttera pour un bouleversement radical de la politique actuelle.

     

     Être élu est une grande responsabilité. Les gens n’ont pas voté pour nous afin que nous allions papoter pendant quatre ans.

    Au niveau local, dans plusieurs endroits, vous participez à la gestion, parfois même avec une majorité absolue. Quelle est l’importance de la politique communale, selon vous ?

    Miguel Tiago. Très importante. Ce n’est pas là qu’on prend les vraies décisions, mais il est essentiel, en tant que pilier d’une démocratie de base, d’amener la politique plus près des gens. Au Portugal, toutes les communes sont encore subdivisées en petites freguesias (littéralement : paroisses, NdlR) avec chacune son propre président élu et ses consultations populaires. Mais ces freguesias sont elles aussi dans le collimateur du gouvernement. À Lisbonne, il y en a 53. Une nouvelle loi va toutefois les fusionner en 24 grandes freguesias. Cela signifie que le fossé entre la population et la politique va s’élargir.

    Quelle est la différence entre une commune PCP et une autre ?

    Miguel Tiago. La différence se situe surtout dans la relation avec les instances supérieures. D’autres élus locaux travaillent surtout comme représentants de l’administration centrale. Si la population a un problème, ils doivent surtout défendre les décisions du gouvernement national, et aller ainsi à l’encontre des protestations locales. Chez nous, c’est l’inverse. Quand les attaques contre la vie quotidienne des quartiers et des villages déclenchent des protestations, nous essayons de les diriger contre le gouvernement national.

    Si vous êtes dans la majorité au niveau local, alors qu’au niveau national on décide de rogner sur le budget des communes, n’êtes-vous pas obligés d’économiser aussi ?

    Miguel Tiago. Avec ce processus de « municipalisation », les communes reçoivent beaucoup moins et, en même temps, elles reçoivent plus de compétences. Prenez l’exemple de l’enseignement : dans le temps, les communes n’étaient responsables que des écoles primaires. Aujourd’hui, elles doivent également gérer l’enseignement secondaire. Là où notre parti est au pouvoir, nous avons refusé cette mission. Nous n’allons pas gérer des écoles si nous ne recevons plus d’argent pour le faire. Et nous organisons les personnes concernées afin qu’elles puissent montrer leur opposition à cette décision. La semaine dernière encore, il y a eu à Almeda – une ville que nous dirigeons – une manifestation d’enseignants et de parents pour le maintien de leur école.
        Et nous faisons la même chose à partir de l’opposition. À Odivelas, les autorités sociales-démocrates ont décidé que l’entreprise communale de distribution d’eau allait être cédée en concession au privé pour 30 ans. En compagnie du syndicat, nous avons mobilisé les habitants de la commune et les travailleurs de l’entreprise en vue d’une grande action de protestation au conseil communal, où notre élu a ensuite fait une intervention retentissante. 

    Le pessimisme social des sociaux-démocrates
    Depuis 2011, le Portugal est gouverné par une coalition composée par le Parti populaire (PP, droite) du Premier ministre Passos Coelho et le PSD de centre droite. Le PS social-démocrate a été renvoyé dans l’opposition. En Belgique, les sociaux-démocrates disent toujours : « Sans nous, ce serait pire. » Est-ce vrai ?


        Miguel Tiago. (Rires) Chez nous, ils disent exactement pareil. Cela ne rime bien sûr à rien. Il n’y a guère de différence entre un gouvernement avec ou sans le PS : avant 2011, le gouvernement PS de Socrates a appliqué lui aussi un tas de mesures néolibérales. Quand on y pense, le refrain du « sans nous, ce serait pire » équivaut en fait à une vision très pessimiste sur l’avenir de notre société. Si « moins mauvais » est tout ce qu’ils ont à nous proposer…

    http://www.ptb.be/index.php?id=1340&tx_ttnews[tt_news]=34238&cHash=2c4a92050f5cae7f950e15459788bd70


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :