• PCF: Cette fois-ci, c'est vraiment la lutte finale...

    Les résultats détaillés du vote des militants du PCF sont aujourd'hui connus. Ils font de Jean-Luc Mélenchon le candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle. Cela faisait des années    que le PCF est devenu chaque fois plus un parti "local", appuyé non pas sur un projet national mais sur des "notables" locaux et leurs clientèles. Par le vote d'aujourd'hui, les militants    communistes ont consenti à la conclusion logique de cette transformation: l'effacement du PCF de la scène nationale.       

        Cela n'a pas été sans mal. Il n'est pas inutile de s'arrêter sur les résultats détaillés du scrutin (disponibles ici), car ils révèlent beacoup de choses intéressantes sur le PCF. D'abord, sur ses effectifs: pour ce scrutin, le nombre d'adhérent ayant le droit de vote (c'est à dire,    ayant leur carte du PCF et étant à jour de leurs cotisations...) n'est plus que de 69.000. Une seule fédération dépasse les 5000 adhérents (le Nord, avec 5200), trois fédérations sont autour de    3000 (le Val-de-Marne avec 3600, la Seine-Saint-Denis et le Pas-de-Calais avec un peu plus de 3000), suivies de onze fédérations réunissant entre 1000 et 1500 adhérents. Ensuite, et c'est un    point important, le vote semble dépendre peu de la nature de la fédération, de son effectif ou de sa situation géographique. Ainsi, par exemple la Seine-Saint-Denis donne son vote à 78% à    Mélenchon, alors qu'une fédération voisine et en tout point comparable, celle du Val-de-Marne donne à Chassaigne une majorité de 51%, contre seulement 47 à Mélenchon. Comment expliquer une telle    différence alors que les deux départements sont géographiquement et sociologiquement proches ?        

        Car la dispersion des votes est très grande, alors qu'il est difficile de trouver une explication. Qu'y a-t-il de commun entre la Haute-Saône, le Puy-de-Dôme, les Ardenes et le Pas-de-Calais, a    part le fait qu'ils ont accordé à Mélenchon moins de 30% des suffrages ? Qu'y a-t-il de commun entre l'Yonne, les Alpes-Maritimes, l'Aveyron ou la Dordogne, à part le fait qu'ils lui ont accordé    plus de 80% ?       

        En fait, la dispersion apparemment aléatoire des résultats indique que ceux-ci ne dépendent pas de paramètres tels que la sociologie ou l'économie de chaque département, mais du positionnement    local de chaque fédération. Là ou les notables locaux appuient Mélenchon et où les fédérations "tiennent" leurs troupes, celui-ci fait des scores "staliniens" (comme dans les Bouches du Rhone,    78%). Là où au contraire les "notables" lui sont hostiles (comme dans le Pas de Calais ou le Val de Marne), il est mis en minorité (29 et 47% respectivement). Cette dispersion des résultats    montre d'une manière éloquente combien le scrutin se joue moins sur les question nationales que sur des questions locales.       

        Et finalement, le résultat. Pour Mélenchon, il n'y a pas de quoi pavoiser: malgré le battage médiatique et l'appui indéfectible de la direction nationale du PCF, il ne réunit que 59% des votants    (et à peine 40% des inscrits...). Et si l'ont tient compte du climat du vote, on voit bien que c'est plus un vote de raison qu'un vote d'enthousiasme.       

        Plus grave, la candidature de Mélenchon n'a pas réussi à convaincre les militants des plus grosses fédérations: les deux plus grosses fédérations (Nord et Val-de-Marne) ne lui donnent pas de    majorité (42 et 47% respectivement). Sur les dix plus grosses fédérations, cinq donnent la majorité à Mélenchon (Bouches-du-Rhone, Seine-Saint-Denis, deux fédérations plutôt "populaires", mais    aussi les Hauts-de-Seine, Paris et la Gironde, qui le sont moins) alors que cinq lui refusent cet honneur (Rhône, Seine-Maritime, Nord, Val-de-Marne, Pas-de-Calais)(1). Or, l'engagement des    grosses fédérations est important parce que ce sont elles qui ont les cordons de la bourse et les militants à qui on demandera de porter la campagne dans le régions où se trouvent    traditionnellement les réservoirs de voix du PCF.       

        Mais le plus inquiétant ce sont les conditions dans lesquelles ce vote s'est déroulé. Rappellons que les militants communistes n'ont pas, en théorie, voté seulement pour Mélenchon. Voici comment    était libellé l'option correspondante du bulletin de vote:       

    "Pour les élections présidentielle et législative, le PCF s'engage sur la base du contrat politique travaillé avec les partenaires du Front de Gauche comportant les orientations politiques et    la conception de la campagne, le programme populaire partagé, et l'accord sur les législatives proposé par la conférence nationale. Le PCF existera pleinement dans ce choix.

    Dans le cadre de ce contrat, le PCF soutient la candidature de Jean-Luc Mélenchon, comme représentant du Front de Gauche à l'élection présidentielle.

    Conformément à l'accord sur les législatives, qui prévoit de réserver environ 80% des circonscriptions pour le PCF et 20% pour nos partenaires, le PCF désignera ses candidates et candidats;    et il soutiendra les candidates et candidats du Front de Gauche sur l'ensemble du territoire" (2)       

        Or, il faut bien constater qu'à la date du vote ni le "programme populaire partagé" ni "l'accord pour les législatives" ne sont agréés entre les trois organisations qui composent le Front de    Gauche. Pour ce qui concerne le programme, c'est toujours le programme du seul PCF et n'a pas été repris ni par le candidat prospectif, ni par les autres organisations. Et pour ce qui concerne    l'accord sur les législatives, on attend toujours.       

        Un militant communiste mal averti qui lirait ce bulletin pourrait penser qu'à défaut d'accord entre les composantes du Front de Gauche sur un "programme populaire partagé" ou sur les    circonscriptions législatives, le résultat de ce vote est caduc et chacun reprend sa liberté. Exacte en droit, cette vision ignore totalement le poids des rapports de force politique. Maintenant    que Mélenchon a été désigné, il serait ruineux politiquement de revenir sur cette désignation. En désignant le candidat, le PCF a abandonné la seule arme dont il disposait dans le rapport de    forces avec ses partenaires du Front de Gauche. On remarquera d'ailleurs que ce que la direction du PCF appelle le "programme populaire partagé" n'est en fait "partagé" par personne: on ne le    trouve nulle part dans les documents ou sur les sites internet du PG, de la GU ni même du Front de Gauche. C'est un document interne du PCF qui n'engage en fait que ceux qui y croient. Et on va    s'en apercevoir très vite: maintenant que Mélenchon est le candidat désigné, c'est lui qui passera au fenestron et il y défendra son programme, et non celui que la direction du    PCF a déclaré "partagé". Même chose sur les législatives: alors que la "dernière séance" de négociation était promise pour le 10 juin dernier, aucun accord n'est en vue. Et les partenaires du    Front de Gauche auront maintenant tout loisir pour faire traîner les choses... à quoi bon prendre des engagements avant l'élection présidentielle ? Il sera toujours temps de renégocier après, en    position de force et en fonction du score qu'aura fait le candidat Mélenchon...       

        Qu'une direction décide de renoncer à toute présence dans le débat national pour sauver des sièges de députés est une stratégie discutable mais en dernière instance légitime. Encore faut-il bien    faire les choses et se donner les moyens tactiques de sa politique. L'expérience du "programme commun" a montré au délà du raisonnable que "l'union" n'est pas une question de confiance, mais de    rapport de forces. Imaginer un instant que Mélenchon - ou qui que ce soit d'autre, ce n'est pas une question de personnes - respectera un accord "virtuel" au lendemain des présidentielles parce    qu'il aime bien Marie-George, c'est se fourrer le doigt dans l'oeil (4). Si la candidature Mélenchon est un succès, le candidat aura acquis une légitimité populaire qui lui permettra d'imposer sa    loi au PCF (l'expérience Mitterrand ne vous a pas suffi, camarades ?) et il ne s'en privera pas. Et si sa candidature est un échec, le PCF n'en profitera pas à l'heure de faire réélire ses députés.       

        Croire que le PCF arrivera à faire respecter les conditions qu'il a mises à la candidature de Jean-Luc Mélenchon c'est se bercer de douces illusions. Et le faire croire aux militants, c'est    franchement criminel. Que feront les dirigeants du PCF lorsquel le candidat ignorera - et je suis prêt à parier que c'est ce qui va se passer - le "programme populaire partagé" et "l'accord sur    les législatives" ? Croit-on vraiment que le PCF sera en position de dire "si c'est comme ça, on retire nos billes" ? Qu'il pourra se choisir un autre candidat ? Faut pas rêver: Mélenchon est    maintenant candidat, et encore plus fort, il a réussi à l'être sans avoir à s'engager personnellement auprès des militants communistes ni sur le programme, ni sur l'accord électoral, puisque ce    n'est pas lui qui a sollicité leur suffrages, mais la direction de leur parti qui l'a fait. Mélenchon aura beau jeu demain lorsqu'il mettra de côté un "programme populaire partagé" et un "accord    pour les législatives" qu'il n'a jamais signé.       

        Et on n'a pas eu longtemps à attendre pour voir combien "programme" et "accord" sont virtuels. Le communiqué du PG concernant le vote des militants communistes est très révélateur. Que dit-on du    "programme populaire partagé" ? Rien. Il n'est même pas mentionné (3). On nous parle au contraire d'un "programme de radicalité concrète,  sociale, écologique et républicaine". Que dit-on de    l'accord sur les législatives, qui n'a d'accord que le nom, puisque personne n'est en fait d'accord ? Pas davantage. Jean-Luc Mélenchon était l'invité du journal de TF1 ce soir. A-t-il fait    mention du "programme partagé" ? Non. Des législatives ? Pas davantage. Exit donc la "campagne collective des 1500 candidats" et autres balivernes. En à peine un mois les "conditions" mises par    le comité national du PCF pour rassurer les militants sur le fait qu'ils conserveraient un certain contrôle sur les évènements et réaffirmées par la conférence nationale sont allées à la    poubelle.       

        Après tout ça, il faut avoir de l'estomac pour lire les commentaires de militants communistes sur tel ou tel blog se réjouissant du résultat de ce vote et annonçant des lendemains qui chantent.    Est-il possible que le PCF et ses militants n'aient pas tiré les leçons des quarante dernières années de vie politique ? Est-il possible qu'ils croient encore au père Noël ? Elle est toujours à    l'oeuvre, cette envie de croire qui avait porté des militants honnêtes à voter pour l'ancien fonctionnaire de Vichy, l'ancien ministre "Algérie française", l'anticommuniste de toujours. Cette    même envie de croire qui avait fait que les militants avaient voté "oui" à la participation du PCF au gouvernement de la "gauche plurielle" sur la base d'un accord PS-PCF qui prévoyait l'arrêt    des privatisations. On sait ce qu'il en devint, de cet accord...       

        Alors, camarades, lorsque le candidat que vous avez choisi ira défendre dans les médias et en votre nom un programme qui n'a rien à voir avec celui que vous avez voté, lorsque vous vous ferez    piquer vos députés par des candidats labelisés "Front de Gauche", aux dents longues et aux idées courtes (genre Clémentine Autain), ne soyez pas surpris. On vous aura prévenu. 

          

        Descartes 

            

        (1) On a quand même l'impression que plus un département regroupe un électorat populaire, moins l'impulsion du vote Mélenchon a été forte.       

        (2) Le lecteur saura excuser le caractère absurde où hésitant de la ponctuation de ce texte, elle est strictement reprise de l'original...       

        (3) Il faut dire que le document que le PCF appelle "programme populaire partagé" n'a pas une seule fois été mentionné sur le site du PG ou de la GU, pas plus que sur leurs documents. Gageons    qu'il sera aussi totalement absent du discours du candidat Mélenchon...       

        (4) Quoique... il se passent de drôles de choses entre Marie-George et le PG. Par exemple, on trouve dans le site du PG parmi les communiqués d'actualité une étrange invitation signée de    Marie-George (ici) pour fêter la    désignation de Mélenchon comme candidat présidentiel et... sa propre désignation comme candidate législative pour la 4ème circonscription de Seine-Saint-Denis. Comme quoi l'accord global sur les    législatives n'existe pas, mais le PG sait récompenser ses "amis" au sein du PCF qui peuvent d'ores et déjà compter sur leur circonscription. C'est beau, non ? Quant à savoir pourquoi    Marie-George prefère inviter à sa fête sur le site du PG plutôt que sur le site de son propre parti... disons que cela fait partie des mystères du Front de Gauche. 


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