• Patron de choc

    Par Paule Masson 

    C’était il y a un an. Un peu plus à peine. En avril 2011, la presse économique saluait les résultats de PSA. Peugeot était présentée comme une entreprise «en pleine forme», avec une activité en hausse de plus de 10 % au premier trimestre. Le titre grimpait en Bourse. Les investisseurs étaient ravis, le versement de dividendes était au rendez-vous. Deux ans plus tôt, en pleine tempête financière, le gouvernement Sarkozy avait décidé d’accorder un plan d’aide à la filière de 6,5 milliards d’euros, dont 3,5 milliards pour PSA, afin, avait-il précisé, de «permettre (aux constructeurs) de préparer sereinement l’avenir». Nous y sommes, dans cet «avenir». Et après l’annonce de la suppression de 8 000 emplois et de la fermeture du site d’Aulnay, il est plombé pour les salariés, leurs familles, pour le territoire déjà maltraité de la Seine-Saint-Denis.

    Par sûr pour autant qu’il le soit pour l’entreprise. 

    Le constructeur automobile aurait-il utilisé les subsides de l’État, donc des contribuables, pour préparer un vaste plan de délocalisation de la production ? Le gouvernement, lui-même, doute. « Il y a, je crois, un devoir de Peugeot vis-à-vis de la nation France », insinue Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif. Philippe Varin, le PDG de PSA, impute justement les difficultés financières du groupe à son «patriotisme économique». En clair, il aurait dû délocaliser plus tôt. Et maintenant, il faut accélérer la cadence. Tous les documents stratégiques de l’entreprise en attestent : l’objectif est d’accélérer l’internationalisation, de vendre 50 % des véhicules hors d’Europe d’ici à 2015 et les deux tiers en 2020. Laisser faire revient à prendre le risque qu’au bout, l’histoire de l’industrie automobile dans l’Hexagone se termine comme celle de la sidérurgie dans les années 1980.

    Dans ses nombreuses interventions médiatiques, le patron de choc, qui justement vient de la sidérurgie (vingt ans chez Pechiney), se montre compatissant, explique qu’il comprend bien et partage l’émotion provoquée par son annonce. Ces vapeurs de chloroforme ne doivent pas endormir les esprits éveillés. PSA, c’est un des poids lourds du patronat de la métallurgie, l’UIMM, digne héritière du Comité des forges, prêt à tout pour asseoir son pouvoir, augmenter ses profits, toujours en pointe pour défendre les intérêts de la caste. Le mensonge, le chantage, un lobbying intense, la répression antisyndicale, et même une caisse antigrève pour aider les patrons en proie à une rébellion des salariés, façonnent l’histoire de cette branche patronale. Ces dernières années, l’UIMM, aujourd’hui dirigée par Frédéric de Saint-Geours, directeur des marques Peugeot Citroën, n’a jamais été à cours d’idées pour flexibiliser à outrance le travail.

    La preuve par le chantage exercé aujourd’hui sur les ouvriers de Sevelnord.

    Au cœur du désastre social annoncé, PSA a décidé de donner le change en laissant fuiter une bonne nouvelle : l’attribution à l’usine située dans le nord de la France de la fabrication de l’utilitaire K-Zéro en 2016. Les salariés, eux, ne sont pas enchantés par les conditions que PSA impose et que nous révélons aujourd’hui. Pour obtenir le véhicule, les syndicats doivent accepter (et signer) un « accord compétitivité-emploi » – tiens donc, à la conférence sociale, Jean-Marc Ayrault avait pourtant enterré ce type d’accord tout sarkozyen ! – qui entérinerait une multitude de reculs sociaux d’ampleur (extension de la flexibilité des horaires quasiment sans préavis, gel des salaires jusqu’en 2014, etc.) Un vrai cadeau empoisonné qui montre que ce patronat ne lâche jamais la partie, en digne héritier du Comité des forges.


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