• Partage et décroissance au service de l’idéologie dominante...

    Partage des richesses, partage du travail et décroissance, développement durable, conversion écologique : des thèmes au service de l’idéologie dominante


    Lepcf 31

     Dans la crise systémique du capitalisme, il convient aujourd’hui aux forces dominantes de créer un ensemble de concepts idéologiques propres à mystifier les salariés en détournant leurs aspirations vers des combats qui ne mettent pas en cause la domination capitaliste fondamentalement basée sur l’exploitation du travail salarié par les détenteurs du capital. Il en est ainsi des idées qui se cachent derrière les termes de : partage des richesses, partage du travail et décroissance. Le développement durable la conversion écologique et sociale étant censés unifier en une théorie et une pratique l’ensemble de ces orientations.


     

    Le partage des richesses est devenu un thème partagé par tout ce qui compte de forces se réclamant du changement social, mais dont la pratique vise au maintien de la domination capitaliste.

     

    Cette notion de partage des richesses se retrouve dans la littérature du Parti Socialiste (PS) au Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) en passant par le Parti Communiste français (PCF), le Parti de Gauche (PG), Europe Écologie les Verts (EELV) et le Front de Gauche (FG), au plan syndical, elle est utilisée par toutes les organisations réformistes et plus récemment par la CGT elle-même.

     

    Que recouvre cette notion de partage des richesses ? Elle part du principe que la richesse créée par le travail humain -dont on sait que dans système capitaliste il est aliéné- doit être partagée entre le capital et le travail. Rappelons que ce « partage » ou plutôt ce combat entre la rémunération du capital et celle du travail motive au quotidien la lutte de classe.

     

    Pour les tenants du « partage », il s’agit de trouver une voie juste entre les deux rémunérations, celle du capital et celle du travail, sans pour autant remettre en cause le fait que toute la valeur créée est le fruit du travail, travail accumulé sous forme de capital ou travail vivant, en clair les salariés sont sommés de partager ce qui leur appartient en totalité.

     

    Évidemment dans ces conditions, il n’y a pas de remise en cause de l’exploitation du travail. Ce concept de « partage des richesses » est-il vraiment très nouveau ? La réponse est non. Il transpire de toute l’idéologie du christianisme social et il se retrouve théorisé comme un antidote à la lutte de classe dans toutes les encycliques traitant du problème des rapports sociaux, et sous forme actualisée dans la dernière d’entre elles en 2009 : « Caritas in Veritate ».

     

    Le partage du travail relève de la même problématique. Ce concept fait partie de la panoplie idéologique d’EELV et du NPA. Si ces deux formations se prononcent pour les 32 heures hebdomadaires, elles se gardent bien de préciser la question du salaire. C’est d’ailleurs sur cette base que les 35 heures ont pu avoir l’accord du patronat des grandes entreprises puisqu’en contrepartie des 35 heures, il a obtenu plus de flexibilité dans l’utilisation de la force de travail et que les 35 heures n’ont eu aucune incidence significative sur la part des salaires dans la valeur produite. Le point de départ du partage du travail est l’affirmation que la quantité de travail disponible est une valeur bornée. Dans ces conditions le chômage résulte d’un trop grand nombre de travailleurs disponibles sur ce que les capitalistes appellent « le marché du travail ». Cet argument a été repris par le Président de la République pour expliquer la différence des taux de chômage entre la France et l’Allemagne. Il est aussi intéressant de noter que les propositions gouvernementales en matière de chômage partiel rejoignent cette idée que, face à un marché contraint du travail, il convient de disposer de salariés employables et utilisables au gré des fluctuations de ce dernier.

     

    L’idée est assez voisine de celle que développent les idéologues du partage celle de l’impossibilité dans une économie mondialisée de garantir le droit au travail. Toutes ces formules ont l’avantage de ne pas mettre en cause la question pourtant fondamentale de l’exploitation du travail salarié et de laisser les « solutions » confinées dans le cadre des rapports sociaux capitalistes.

     

    Le développement durable, la décroissance et la conversion écologique et sociale sont évidemment le couronnement de ces concepts. La croissance serait une tare du capitalisme se caractérisant par la production à tout prix comme si les profits dépendaient de la seule production et de la vente et non de l’exploitation du travail salarié.

     

    Au travers de l’affirmation que la décroissance fait obstacle au capitalisme, il y a masqué l’idée que les besoins fondamentaux de l’humanité sont satisfaits en matière d’énergie, de nourriture, de soins…. ce qui est loin d’être le cas et cela même dans les pays capitalistes avancés.

     

    Au contraire, si le capitalisme engendre de nombreux gâchis, l’armement étant le moins cité mais le plus évident, la question est bien de comment organiser une croissance au service des hommes, de leur développement social, physique et intellectuel. Cette croissance pour se réaliser doit impérativement se défaire de ce qui fait en permanence le gâchis des ressources naturelles et humaines, c’est-à-dire le capitalisme lui-même dont le développement extensif et intensif est prédateur vis-à-vis de ces ressources.

     

    K. Marx a observé et décrit cette situation. L’histoire du développement du capitalisme montre qu’en s’accaparant les ressources naturelles, il ne s’est donné aucune limite que celles que les luttes des peuples lui ont imposées, de même, il a utilisé des formes d’exploitation humaine particulièrement violente pour se procurer une force de travail bon marché, sans compter sur les guerres qu’il a entretenues et entretient pour assurer sa domination.

     

    Les victimes du capitalisme se comptent par dizaine de millions. Or, cette question n’est jamais abordée par les tenants de la décroissance, pas plus d’ailleurs que les difficultés dans lesquelles se débattent les peuples soumis à la décroissance du fait des choix drastiques de l’austérité fait par leurs gouvernements, choix qui ont pour objectif de rétablir les taux de profits des capitalistes.

     

    En France, pays riche, un quart de la population se restreint sur la santé, des millions de salariés et de chômeurs sont dans la misère et vivent de secours caritatifs, plus d’un million de familles vivent dans des logements trop étroits et/ou insalubres. Cette idée de la décroissance n’est pas plus nouvelle que celle du partage. En son temps Malthus constatant ce qu’il appelait les limites productives face à la montée de la population mondiale préconisait la limitation de la croissance humaine et de la consommation.

     

    En fait, il s’agissait surtout de justifier le caractère non vertueux des revendications sociales. Plus récemment, au début des années 70, le « Club de Rome » au nom de principes voisins a avancé le concept de « croissance zéro » avec son rapport « Halte à la croissance ». Il s’agissait entre autre de justifier l’abandon de politiques industrielles pour favoriser l’émergence des activités financières au nom de la défense de l’environnement. Afin d’intégrer à leur stratégie les PVD hostiles au rapport « Halte à la croissance », les forces dominantes des pays capitalistes développés organisèrent une série de conférences internationales autour du développement et de la défense de la nature avec les ONG, leurs vecteurs idéologiques qu’elles financent, qui aboutirent dans les années 80 à la tautologie du développement durable, concept unificateur d’une pensée Malthusienne relookée. Nous connaissons aujourd’hui le succès d’une telle stratégie. Elle fut le fondement théorique de l’écologie politique.

     

    Le développement durable, la conversion écologique et sociale de la société, concept qui est en train de se constituer entend donner un ciment théorique et global aux notions de partage et de décroissance. Les théoriciens de cette conversion, peut être vaudrait-il mieux parler des « grands prêtres » quand ils choisissent de décrire la croisade pour laquelle ils agissent comme une conversion, s’appuient sur le postulat que le monde étant fini et clos, ses ressources le sont aussi ce qui limiterait fatalement le développement de l’Humanité. Ils font donc abstraction des capacités humaines à maîtriser grâce au développement social, scientifique et technique des capacités nouvelles capables de répondre plus largement aux besoins des sociétés. À partir de l’acceptation de ce premier postulat, qui se double d’une acceptation du capitalisme comme seul horizon des rapports de production, ils cherchent à définir des choix qui seraient fatalement acceptables puisque imposés par les « contraintes écologiques ». Cette « contrainte » étant censée assurer l’ordre social dont ils craignent et veulent prévenir les désordres. Les promesses d’un futur radieux comme conséquence du « verdissement de l’économie » sont autant de leurres agités pour faire accepter une austérité dite écologique.

     

    Il est donc tout à fait clair que l’ensemble de ces concepts sont des moyens d’évitement de la question essentielle : comment se débarrasser de rapports de société basés sur l’exploitation du travail humain. Cette question ne peut trouver sa résolution que dans la lutte de classe faisant émerger à partir des besoins humains une société nouvelle.

    Michel Gruselle

    Membre du Conseil Economique Social et Environnemental d’Ile de France (deuxième collège groupe CGT)

    Président de la commission de l’emploi et du développement économique,

    URL article : http://lepcf.fr/Partage-et-decroissance-au-service


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