• Mali : Méfiance de l’Afrique sur l’intervention militaire occidentale

    Mali : Méfiance de l’Afrique sur l’intervention militaire occidentale

    L’intervention contre les groupes terroristes est présentée comme un soulagement pour la population malienne. Mais, en Afrique, tout le monde ne se fie pas à l’ancienne puissance coloniale.

    Tony Busselen

    Mali : Méfiance de l’Afrique sur l’intervention militaire occidentale

    C’est surtout chez les voisins algériens qu’on est très mécontent de l’intervention française au Mali. L’approche algérienne, la semaine dernière, de la prise d’otages sur le site gazier d’In Aménas est critiquée çà et là dans la presse européenne.

    Dimanche 20 janvier, le quotidien algérien El Watan reprenait dans les détails une analyse du journal américain Foreign Policy (FP), pour défendre cette façon de faire. FP fait remarquer que, déjà en 2011, l’Algérie avait prévenu que les bombardements de l’Otan en Libye allaient mener à l’effondrement de l’État libyen et que d’importantes quantités d’armes allaient tomber aux mains des terroristes qui ne tarderaient pas à déstabiliser la région. L’Algérie s’inquiétait également, l’an dernier, qu’une approche militaire de la situation dans le Nord du Mali comportait un risque énorme de voir le conflit dégénérer et mener vraisemblablement à des attentats terroristes islamistes en Algérie. « De ce fait, dit la même source, la communauté internationale est indirectement responsable de ce qui s’est passé là-bas (sur ce site gazier, NdlR) et elle est mal placée pour dire à l’Algérie comment elle aurait dû réagir. »

    Les journaux algériens sont très critiques à l’égard de la France. Le 6 janvier, par exemple, Le Quotidien d’Oran y allait d’un article au vitriol sous le titre « L’Etat de guerre ». Le journal constate qu’une intervention française suit l’autre : « La Côte d’Ivoire, puis la Libye et maintenant le Mali… sans parler en outre du plan visant à intervenir en Syrie. » « C’est inquiétant. Car cet État est venu à deux reprises déjà, en Libye et aujourd’hui au Mali, avec ses armes aux frontières de l’Algérie et des pays de l’Afrique du Nord. Chaque Algérien, chaque Nord-Africain se fait du souci du fait qu’il est confronté à un Etat de guerre de l’autre côté de la Méditerranée. »

    Déstabiliser l’Algérie pour contrôler tout le Sahel

    Le commentateur algérien Laid Seraghni met en garde : « Cette crise n’est qu’un pas sur la route vers l’Algérie, dont le flanc sud est déjà entouré par l’armée française. Cette armée est déjà active en Libye, en Côte d’Ivoire, au Niger, en Mauritanie, au Tchad et au Mali. » Dans la région, l’Algérie est sans aucun doute l’État le plus fort, tant économiquement que militairement, sans parler de la taille. La révolution algérienne de 1957 a empêché qu’un État touareg indépendant et séparé tombe sous contrôle de la puissance coloniale. L’Algérie a également refusé des bases militaires françaises sur son territoire. Et, enfin, elle a aussi refusé d’accéder à la zone monétaire du franc CFA (Communauté financière africaine) dirigée par la France. Via cette zone monétaire, Paris détermine entièrement la politique monétaire de la plupart des pays ouest-africains.

    Le contrôle du Sahel signifie non seulement le contrôle de l’uranium, de l’or et du pétrole du sous-sol. C’est aussi une condition pour concrétiser les projets des multinationales françaises et allemandes de l’énergie qui, en 2050, entendent tirer de l’énergie solaire du Sahel jusqu’à 25 % de la consommation d’électricité en Europe. « Contrôler le Sahel n’est possible qu’en déstabilisant l’Algérie », affirme Seraghni. A ce propos, il fustige le double jeu de la France à l’égard des extrémistes après la chute du régime Kadhafi : « Le rôle de la France dans l’armement des terroristes du Sahel a été mis en lumière par Le Temps d’Algérie du 11 septembre 2011. Les services de renseignement français organisent le commerce des missiles libyens : un lot de 20 000 Sam-7 russes ou de Stingers américains est tombé aux mains d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). »

    Les pays du SADC

    La SADC (South African Development Community) est la plus forte alliance économique et militaire du continent africain. D’importants pays économiquement émergents comme l’Afrique du Sud, l’Angola, le Mozambique… en sont membres. Ainsi que la République démocratique du Congo et le Zimbabwe. Au cours des dernières décennies du siècle dernier, ces pays ont bâti une forte tradition de lutte contre l’apartheid, l’oppression et la terreur soutenue par la CIA.

    Le président sud-africain Zuma était aux premiers rangs des protestations de l’Union africaine (UA) contre les bombardements de l’Otan en Libye. Après la guerre, le bloc du SADC a mené un rude combat politique pour la présidence de la Commission de l’UA. Jusqu’alors, elle était aux mains du pro-français Jean Ping (Gabon). Le SADC a proposé le ministre sud-africain des Affaires étrangères comme candidat alternatif et a obtenu gain de cause. A l’occasion de l’envoi de 400 soldats sud-africains en République centrafricaine (où des rebelles avaient essayé de renverser le pouvoir), le 6 janvier, l’analyste sud-africain Mzocxolo Mpolase écrit : « Avec la plus grosse économie du continent et aussi l’une de ses armées les mieux équipées, l’Afrique du Sud estime qu’il est de son devoir d’envoyer des troupes parce qu’autrement les puissances occidentales ne cesseront de s’immiscer dans les conflits africains, comme on l’a vu lors de l’intervention française  en Côte d’Ivoire en 2011 et lors de l’intervention de l’Otan en Libye la même année. Pretoria entend réduire au strict minimum l’influence occidentale dans les conflits africains. »

    Le week-end des 27 et 28 janvier aura lieu pour la première fois un sommet annuel de l’UA, sous la direction de la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, fraîchement élue. A l’agenda figurent les conflits du Mali, du Congo, de la République centrafricaine et du Soudan. Mercredi 16 janvier, le président sud-africain Jacob Zuma s’est rendu spécialement à Luanda pour préparer soigneusement ce sommet en compagnie de son collègue angolais, Dos Santos. Mme Zuma a convié tous les membres de l’UA à soutenir l’armée malienne dans sa lutte contre les terroristes et elle a insisté en même temps sur le fait que la résolution de l’ONU (utilisée par la France pour justifier son intervention) parlait bel et bien d’une « mission dirigée par l’Afrique ».1

    1. www.tripolipost.com

    http://www.ptb.be


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