• Louise Michel. Féministe et révolutionnaire

    Louise Michel. Féministe et révolutionnaire :« Révolution, mes amours! » 

     

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    "L'enterrement de Louise Michel", gravure d'Albert Peters-Desteray, 1905. Musée d'art et d'histoire de Saint-Denis

    À la veille de la Journée internationale des femmes, portrait de l’une des grandes figures de la Commune et du mouvement ouvrier français. Elle fut une combattante inlassable de l’injustice sociale et de l’émancipation féminine (*)Par Xavière Gauthier, écrivaine

    Louise-Michel.jpg Victor Hugo lui a dédié un poème, Viro Major (plus grande qu’un homme !). Verlaine voyait en elle «l’ange gardien du pauvre». Séverine (la première femme journaliste) admirait «Louise de la misère et de la miséricorde, vibrante comme la révolte». Georges Clemenceau saluait «une chrétienne des premiers jours». Mais si Louise Michel vivait aujourd’hui, nul doute qu’elle nous inciterait à brûler les banques… La bâtarde est venue au monde, le 29 mai 1830, dans le château délabré d’un petit village de Haute-Marne. Où a-t-elle puisé la force extraordinaire de se révolter pour défendre les travailleurs, lutter contre les injustices faites aux femmes, s’élever contre le colonialisme et, sans hésiter, sauver le monde ? Marianne, sa mère, servante soumise, même pas capable de dire quel châtelain l’a engrossée (le père ou le fils ?), ne veut pas que sa fille pique une colère quand elle voit les pauvres mourir de faim, car «ça fait pleurer le bon Dieu». Et lorsqu’à vingt ans, Louise, jeune fille romantique et royaliste, écrit à Victor Hugo, elle lui dit qu’elle «s’est donnée à Dieu pour toujours». Alors ? Où a-t-elle été chercher «l’anarchie communiste qui de toutes parts est à l’horizon» ? Le vieux châtelain lui a fait lire très jeune les philosophes des Lumières. Lui et sa femme (grand-mère Demahis, dite Louise) lui ont donné une éducation de demoiselle libre-penseuse et ont laissé libre cours à son insatiable curiosité. Elle galope comme «un cheval échappé» et prend des rages contre les tortures infligées aux bêtes. Elle fera de cette terrible émotion le cœur de son engagement : ne jamais se plier à la raison du plus fort. Se marier ? Au diable les prétendants que lui propose sa famille, elle ne va tout de même pas se laisser mettre en cage. «Comme toutes les femmes, je plaçais mon rêve très haut», écrit-elle.
    Louise devient une institutrice passionnée. Féministe dans l’âme, elle veut absolument que les filles aient une aussi bonne éducation que les garçons, elle veut tout leur enseigner : les mathématiques, le théâtre, les sciences naturelles et même l’éducation sexuelle ! alors qu’à l’époque on leur apprenait surtout les travaux d’aiguille et le catéchisme. «Si l’égalité entre les deux sexes était reconnue, ce serait une fameuse brèche dans la bêtise humaine», affirme-t-elle. Elle ouvre une école à Montmartre, à Paris. Là, s’agite tout un monde de révoltés : républicains, anarchistes, socialistes de toutes tendances. Elle se radicalise, prend la parole dans les meetings, enflamme les foules. Lorsqu’au matin du 18 mars 1871 le peuple de Paris se soulève, elle est au premier rang des rebelles, émerveillée par cette «aube splendide de délivrance». Pendant les jours de la Commune, où le peuple a pris le pouvoir, elle ne touche plus terre : «C’est dans la Révolution que battent nos ailes !», s’écrie-t-elle. Mais, très vite, les Versaillais attaquent Paris ; elle s’empare d’une carabine Remington et fait le coup de feu, souvent vêtue d’un uniforme de garde national, grimpant à l’assaut des barricades, au mépris du danger – sans oublier de sauver un chaton ou de soigner les blessés. La Commune écrasée, elle est condamnée à la déportation dans une enceinte fortifiée. C’est lors de son procès qu’elle devient vraiment célèbre : elle réclame la mort et défie ses juges – tous des hommes, impressionnés par le regard de feu de cette indomptable. En Nouvelle-Calédonie, son attitude a aussi de quoi surprendre. N’est-elle pas capable de défendre les Canaques, d’étudier leur langue et leurs mythes et de leur donner des cours ? Elle leur reconnaît ainsi une véritable civilisation alors que presque tous les Occidentaux, à l’époque, considèrent que ces Noirs sont à peine des êtres humains… Les Blancs ne sont pas supérieurs, ils sont mieux armés, c’est tout. C’est la même idée que dans son enfance : «Tout se tient, tous les crimes de la force…»
    Revenue en France et plus que jamais agitatrice, elle est jetée en prison parmi les prostituées : elle les défend aussi. Ces femmes ne sont pas des délinquantes méprisables, ce sont les victimes de souteneurs qui abusent d’elles parce qu’elles sont pauvres et sans défense, les battent et les vendent, «car le bétail humain est ce qui rapporte le plus». Que les «grands négociants des marchés de femmes» soient pendus ! Bien avant Beauvoir, elle considère que le mariage est une prostitution légalisée. «Est-ce qu’il n’y a pas des marchés où l’on vend, dans la rue, aux étalages des trottoirs, les belles filles du peuple, tandis que les filles des riches sont vendues pour leur dot ? L’une, la prend qui veut ; l’autre, on la donne à qui on veut. La prostitution est la même.» Que les ouvriers fassent la grève générale et viennent à bout de leurs patrons qui les pressent comme des citrons ! Posons des bombes contre les tyrans (elle-même ne le fera pourtant pas), cela fera place nette pour un avenir radieux. «Allons, allons, l’art pour tous, la science pour tous, le pain pour tous ! Levez-vous, les grands chasseurs d’étoiles !» Elle, la généreuse, la consolante, la charitable, «la Sainte laïque», n’hésite pas à appeler à la lutte finale : «À travers des fleuves de sang, voici venir la délivrance !»
    Son combat flamboyant pour la dignité des malheureux provoque admiration extrême ou horreur indignée. Ardente prophétesse, femme au verbe haut, elle fait la une des journaux. Quand elle meurt d’épuisement, le 9 janvier 1905, son enterrement est suivi par une foule de cent mille personnes. L’histoire de France l’a reconnue. Plusieurs centaines de rues (et le grand square sous le Sacré-Cœur, à Paris), d’écoles, de lycées, de centres sociaux, partout en France, sont baptisés Louise-Michel. Elle est même la seule femme à avoir une station de métro qui porte son nom.

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