• Les gangsters, les ânes et les lèche-cul

    « Après la nationalisation, en Belgique, de Dexia, qu’il faudra s’approprier collectivement pour qu’elle serve, à long terme, l’intérêt général, c’est à la nationalisation (ou réappropriation, ou réquisition, ou mise sous contrôle public) de la sidérurgie qu’il nous faut dès à présent travailler. »

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    Dexia. ArcelorMittal. Et demain ? Le système craque. Sur le pont du navire à la dérive, l’orchestre joue encore un peu plus fort. Bercés par la musique, les ânes refusent d’entendre les craquements qui précèdent l’effondrement… et la colère qui, du fond de la cale, monte et gronde.

    Dexia. Trois ans à peine après une grande déglingue nommée « Fortis » et la recapitalisation « publique » de quelques fleurons privés de l’activité bancaire, voici revenu l’un deux, Dexia, qui quémande une nouvelle aide et fait appel, une fois encore, à l’État, dernière planche de salut avant le naufrage.

    Sur les plateaux de télévision, derrière les micros, dans les journaux, les mêmes experts, vieillis, pas même embarrassés, répètent les mêmes chapelets. Entre deux crises, ces lèche-cul du capitalisme n’ont pas appris la modestie. Ils pontifient sans talent sur le rôle de l’État, qui selon eux n’est pas de gérer des banques, en tout cas à long terme.

    « Mais ici, en l’occurrence, il n’y avait pas d’alternative ». Pour eux, il n’y a jamais d’alternative. Cela simplifie la vie et la réduit à du papier à musique. Ainsi rabâchent-ils avec application les âneries de leur ministre des Finances : sauver le petit épargnant et épargner les actionnaires. Comment ? En transférant la charge du risque, en cas de coup dur, vers le citoyen appelé à régler la facture.

    Dans leur religion, la vocation de l’État est donc... de faire payer leur crise aux peuples. Tandis que les banquiers appellent le contribuable à la caisse, le débat budgétaire illustre toute la difficulté de faire contribuer au financement des besoins collectifs les détenteurs de capitaux et tous ceux qui vivent des revenus du lucre. Cette contradiction n’est pas tenable. Ce n’est pas la dette et la misère qu’il faut partager, ce sont les richesses !

    Depuis 2008, le monde politique n’a rien appris. Rien n’a été fait pour empêcher de nouvelles perspectives de faillites bancaires qui agissent comme un révolver sur la tempe des gouvernements au moment d’éponger les pertes liées aux folies spéculatives d’acteurs aveuglés par l’appât du gain. « Mêmes les critiques les plus modérées de type social-démocrate sont rejetées avec une virulence qui fait peur », constatait récemment l’économiste français proche d’ATTAC, Michel Husson. « Et les grands partis de la gauche institutionnelle se laissent intimider. Ils n’osent plus proposer de réponses qui sortent du cadre libéral qui nous a pourtant menés dans l’impasse. »

    ArcelorMittal. Et pour sauver la sidérurgie de Liège, en Belgique, et les milliers de familles qui en vivent ? Allons-nous devoir supporter les mêmes refrains éculés en ce qui concerne le « chaud » de Liège et ses travailleurs, coulés avec un cynisme ordurier par les saigneurs d’ArcelorMittal ? Ou bien allons-nous enfin oser sortir du cadre ?

    Allons-nous courber l’échine et abdiquer sans combattre, au motif qu’il n’est pas possible de faire le poids face à la puissance de cette pieuvre multinationale ? Ou que « l’Europe » nous « interdit » de décider nous-mêmes de notre devenir ? Ou que l’assainissement coûteux des sols pollués et désertés par les vautours serait désormais la seule utopie que nous pourrions encore caresser ?

    Nous n’en démordrons pas : nous ne sommes pas condamnés à la terre brûlée, au désert économique, à voir nos enfants vivre demain moins bien que nous. Nous ne sommes pas condamnés à regarder tristement Mittal et ses actionnaires partir avec la caisse, sans réagir. Nous ne sommes pas condamnés à nous soumettre au racket et à l’impunité des patrons-voyous, des financiers et des agences de notation. Nous refusons de voir des milliers de travailleurs sacrifiés, des milliers de familles jetés dans la précarité.

    Le système craque, et rompre avec ses logiques de mort est la seule issue. Au moment où les gangsters, les ânes et les lèche-cul s’entendent pour nous faire payer leurs mauvais coups, il nous appartient, comme syndicalistes, comme militants, comme citoyens, de leur imposer cette rupture. Aujourd’hui, il est redevenu possible de « penser l’impensable » (1), et de réaliser « l’impossible ». Après la nationalisation de Dexia, qu’il faudra s’approprier collectivement pour qu’elle serve, à long terme, l’intérêt général, c’est à la nationalisation (ou réappropriation, ou réquisition, ou mise sous contrôle public) de la sidérurgie qu’il nous faut dès à présent travailler.

    Nico Cué, Secrétaire général des Métallos Wallonie-Bruxelles de la FGTB (Belgique).

    (1) « Penser l’impensable », par Serge Halimi, in Le Monde diplomatique, novembre 2008.

    http://bellaciao.org/fr


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