• Le mode de production capitaliste

    A. — Le capitalisme prémonopoliste

    Chapitre 8 — Le salaire

    8.1. Le prix de la force de travail. La nature du salaire.

    Avec le mode de production capitaliste, la force de travail, comme toute autre marchandise, possède une valeur. La valeur de la force de travail, exprimée en argent, est le prix de la force de travail.

    Le prix de la force de travail se distingue du prix des autres marchandises. Quand le producteur vend sur le marché, par exemple, de la toile, la somme d’argent qu’il en retire n’est autre chose que le prix de la marchandise vendue. Quand le prolétaire vend au capitaliste sa force de travail et en reçoit une somme d’argent déterminée sous forme de salaire, cette somme d’argent n’apparaît pas comme le prix de la marchandise force de travail, mais comme le prix du travail.

    Cela tient à plusieurs causes. Premièrement, le capitaliste paye son salaire à l’ouvrier après que celui-ci a accompli son travail. En second lieu, le salaire est établi soit au prorata du temps de travail fourni (heures, jours, semaines), soit au prorata de la quantité du produit fabriqué. Prenons l’exemple de tout à l’heure. Supposons que l’ouvrier travaille 12 heures par jour. En 6 heures, il produit la valeur de 6 dollars, égale à la valeur de sa force de travail. Pendant les 6 autres heures, il produit la valeur de 6 dollars qui constitue la plus-value que le capitaliste s’approprie. L’entrepreneur ayant loué le prolétaire pour une journée de travail complète, lui paye pour ce total de 12 heures de travail 6 dollars. De là, l’apparence trompeuse selon laquelle le salaire serait le prix du travail, et 6 dollars le paiement complet de toute une journée de travail de 12 heures. En réalité, les 6 dollars ne représentent que la valeur journalière de la force de travail, tandis que le travail du prolétaire a créé une valeur égale à 12 dollars. Et si l’entreprise paye selon la quantité du produit fourni, l’apparence se crée que l’ouvrier est payé pour le travail dépensé par lui pour chaque unité de marchandise fabriquée, c’est-à-dire que, cette fois encore, tout le travail dépensé par l’ouvrier est payé intégralement.

    Cette apparence trompeuse n’est pas une erreur due au hasard. Elle est engendrée par les conditions mêmes de la production capitaliste dans lesquelles l’exploitation est masquée, estompée, et où les rapports de l’entrepreneur et de l’ouvrier salarié sont présentés de façon déformée comme des rapports entre possesseurs égaux de marchandises.

    En réalité, le salaire de l’ouvrier salarié n’est pas la valeur ou le prix de son travail. Si l’on admet que le travail est une marchandise ayant une valeur, la grandeur de cette valeur doit pouvoir se mesurer. Il est évident que la grandeur de la « valeur du travail », comme celle de toute autre marchandise, doit se mesurer par la quantité de travail qui y est incorporée. Une telle hypothèse conduit à un cercle vicieux : le travail est mesuré par le travail.

    De plus, si le capitaliste payait à l’ouvrier la « valeur du travail », c’est-à-dire tout son travail, il n’y aurait pas de source d’enrichissement pour le capitaliste, pas de plus-value, autrement dit il ne pourrait y avoir de mode de production capitaliste.

    Le travail est créateur de la valeur des marchandises, mais lui-même n’est pas une marchandise et ne saurait avoir une valeur. Ce qu’on appelle dans la vie courante la « valeur du travail » est en réalité la valeur de la force de travail.

    Le capitaliste achète sur le marché non pas le travail, mais une marchandise particulière, la force de travail. La consommation de force de travail, c’est-à-dire la dépense d’énergie musculaire, nerveuse, cérébrale de l’ouvrier, est le processus du travail. La valeur de la force de travail est toujours inférieure à la valeur nouvellement créée par le travail de l’ouvrier. Le salaire n’est le paiement que d’une partie de la journée de travail, du temps de travail nécessaire. Mais comme le salaire apparaît sous forme de paiement du travail, on a l’impression que la journée de travail est payée intégralement. C’est pourquoi Marx qualifie le salaire dans la société bourgeoise de forme transformée de la valeur, ou du prix, de la force du travail.

    Le salaire du travail n’est pas ce qu’il paraît être, à savoir la valeur (ou le prix) du travail, mais seulement une forme déguisée de la valeur (ou du prix) de la force de travail.

    ( K. Marx et F. Engels, Critique des programmes de Gotha et d’Erfurt, p. 30, Éditions sociales, Paris, 1950. )

    Le salaire est l’expression monétaire de la valeur de la force de travail, son prix qui apparaît extérieurement comme le prix du travail.

    Sous le régime de l’esclavage, entre le maître et l’esclave, il n’y a pas de transaction vente-achat de la force de travail. L’esclave est la propriété du maître. C’est pourquoi il semble que tout le travail de l’esclave est fait gratuitement, que même la partie du travail qui couvre les frais d’entretien de l’esclave est un travail non payé, travail fait pour le compte du maître. Dans la société féodale, le travail nécessaire du paysan dans son exploitation et le surtravail sur le domaine du seigneur sont nettement délimités, dans le temps et l’espace. En régime capitaliste même le travail non payé de l’ouvrier salarié apparaît comme du travail payé.

    Le salaire dissimule toutes les traces de la division de la journée de travail en temps de travail nécessaire et en temps de surtravail, en travail payé et non payé, et c’est ainsi qu’il masque le rapport d’exploitation capitaliste.

    8.2. Les formes principales du salaire.

    Les formes principales du salaire sont le salaire au temps et le salaire aux pièces.

    Le salaire an temps est une forme de salaire dans laquelle la grandeur du salaire de l’ouvrier dépend du temps qu’il a fourni : heures, jours, semaines, mois. Il y a donc lieu de distinguer : le paiement à l’heure, à la journée, à la semaine, au mois.

    Pour un salaire au temps de même grandeur, le salaire effectif de l’ouvrier peut être différent, selon la durée de la journée de travail.

    La mesure de la rémunération de l’ouvrier pour le travail fourni par unité de temps est le prix d’une heure de travail. Bien que, comme on l’a déjà dit, le travail par lui-même n’ait pas de valeur, ni par conséquent de prix, pour déterminer la grandeur de la rémunération de l’ouvrier, on adopte l’appellation conventionnelle de « prix du travail ». L’unité de mesure du « prix du travail » est la rémunération ou le prix d’une heure de travail. Ainsi, si la durée moyenne de la journée de travail est de 12 heures, et si la valeur journalière moyenne de la force de travail est égale à 6 dollars, le prix moyen d’une heure de travail (600 cents : 12) sera égal à 50 cents.

    Le salaire au temps permet au capitaliste de renforcer l’exploitation de l’ouvrier en allongeant la journée de travail, de diminuer le prix de l’heure de travail, en laissant inchangé le salaire journalier, hebdomadaire ou mensuel. Supposons que le salaire journalier demeure comme précédemment de 6 dollars, mais que la journée de travail passe de 12 à 13 heures ; en ce cas, le prix d’une heure de travail (600 cents : 13) s’abaissera de 50 à 46 cents. Sous la pression des revendications des ouvriers, le capitaliste est parfois contraint d’augmenter le salaire journalier (et, en proportion, les salaires hebdomadaire et mensuel), mais le prix d’une heure de travail peut rester invariable ou même diminuer. Ainsi, si le salaire journalier est augmenté de 6 dollars à 6 dollars 20 cents, la journée de travail passant de 12 à 14 heures, le prix d’une heure de travail tombera alors (620 cents : 14) à 44 cents.

    Au fond, l’intensification du travail signifie aussi la baisse du prix de l’heure de travail car, avec une plus grande dépense d’énergie (ce qui équivaut en fait à l’allongement de la journée de travail) la rémunération reste la même. Avec la baisse du prix de l’heure de travail le prolétaire, pour vivre, est obligé d’accepter un nouvel allongement de la journée de travail. L’allongement de la journée de travail et l’intensification excessive du travail entraînent une dépense plus élevée de force de travail et son épuisement. Moins est payée chaque heure de travail, et plus grande est la quantité de travail ou bien plus longue est la journée de travail nécessaires pour que l’ouvrier soit assuré ne serait-ce que d’un faible salaire. D’autre part, la prolongation du temps de travail provoque à son tour une baisse de la rémunération de l’heure de travail. Le capitaliste utilise dans son intérêt le fait qu’avec l’allongement de la journée de travail ou avec l’intensification du travail, le salaire horaire baisse.

    Quand les conditions de la vente des marchandises sont favorables, il allonge la journée de travail, introduit les heures supplémentaires, c’est-à-dire un travail en plus de la durée établie de la journée de travail. Mais si les conditions du marché sont défavorables et si le capitaliste est obligé de diminuer momentanément le volume de sa production, il réduit la journée de travail et introduit la rémunération à l’heure. La rémunération à l’heure, la journée ou la semaine de travail étant incomplètes, diminue notablement le salaire. Si, dans notre exemple, la journée de travail est diminuée de 12 à 6 heures avec maintien de l’ancien salaire horaire de 50 cents, le salaire à la journée de l’ouvrier sera de 3 dollars en tout, c’est-à-dire deux fois moins crue la valeur journalière de la force de travail. Par conséquent, l’ouvrier perd non seulement si la journée de travail est excessivement allongée, mais également quand il est obligé de travailler à temps réduit.

    Le capitaliste peut maintenant extorquer à l’ouvrier un certain quantum de surtravail, sans lui accorder le temps de travail nécessaire à son entretien. Il peut anéantir toute régularité d’occupation et faire alterner arbitrairement, suivant sa commodité et ses intérêts du moment, le plus énorme excès de travail avec un chômage partiel ou complet.

    ( K. Marx, Le Capital, livre 1, t. 2, p. 216. )

    Avec le salaire au temps, la grandeur du salaire de l’ouvrier n’est pas en raison directe du degré d’intensité de son travail : si celui-ci augmente, le salaire au temps n’augmente pas, et le prix de l’heure de travail baisse en fait. Afin de renforcer l’exploitation, le capitaliste entretient des surveillants spéciaux, qui veillent au respect — par les ouvriers — de la discipline capitaliste du travail, ainsi qu’à son intensification ultérieure.

    Le salaire au temps était appliqué dès les premières phases du développement du capitalisme, quand l’entrepreneur qui ne rencontrait pas encore de résistance tant soit peu organisée de la part des ouvriers, pouvait rechercher un accroissement de la plus-value en allongeant la journée de travail. Mais le salaire au temps se maintient aussi au stade supérieur du capitalisme. Dans nombre de cas, il offre au capitaliste de notables avantages : en accélérant la vitesse des machines, le capitaliste fait travailler les ouvriers avec plus d’intensité, sans augmenter pour autant leur salaire.

    Le salaire aux pièces est une forme de salaire dans laquelle la grandeur du salaire de l’ouvrier dépend de la quantité d’articles ou de pièces détachées fabriquées en une unité de temps, ou bien du nombre des opérations exécutées. Avec le salaire au temps, le travail dépensé par l’ouvrier se mesure par sa durée ; avec le salaire aux pièces, par la quantité des articles fabriqués (ou des opérations exécutées), dont chacun est payé d’après un tarif déterminé.

    En fixant les tarifs, le capitaliste tient compte, premièrement, du salaire au temps journalier et, en second lieu, de la quantité d’articles ou de pièces que l’ouvrier fournit au cours d’une journée, en prenant d’ordinaire pour norme le plus haut rendement de l’ouvrier. Si, dans une branche de production donnée, la moyenne du salaire au temps est de 6 dollars par jour, et si la quantité d’articles d’une espèce déterminée fabriqués par l’ouvrier est de 60 unités, le tarif aux pièces pour un article ou une pièce détachée sera de 10 cents. Le tarif aux pièces est établi par le capitaliste de telle sorte que le salaire par heure (par jour, par semaine) ne soit pas supérieur au salaire au temps. Ainsi, le salaire aux pièces est, à l’origine, une forme modifiée du salaire au temps.

    Le salaire aux pièces, plus encore que le salaire au temps, crée l’illusion que l’ouvrier vend au capitaliste non pas sa force de travail, mais son travail et reçoit une rémunération complète, proportionnelle à la quantité de production fournie.

    Le salaire aux pièces capitaliste aboutit à l’intensification constante du travail. Il facilite, d’autre part, pour l’entrepreneur la surveillance des ouvriers. Le degré d’intensité du travail est contrôlé ici par la quantité et la qualité des produits que l’ouvrier doit confectionner pour acquérir les moyens de subsistance qui lui sont nécessaires. L’ouvrier est obligé d’augmenter le rendement aux pièces, de travailler avec de plus en plus d’intensité. Mais dès qu’une partie plus ou moins importante des ouvriers atteint un niveau plus élevé d’intensité du travail, le capitaliste diminue les tarifs aux pièces. Si, dans notre cas, le tarif aux pièces est diminué, par exemple, de moitié, l’ouvrier pour conserver le salaire précédent est obligé de travailler le double, c’est-à-dire d’augmenter son temps de travail ou d’intensifier son travail encore davantage pour produire dans le cours d’une journée non plus 60, mais 120 pièces.

    L’ouvrier cherche à conserver la masse de son salaire en travaillant davantage, soit en faisant plus d’heures, soit en fournissant davantage dans la même heure… Le résultat est que plus il travaille, moins il reçoit de salaire.

    ( K. Marx, Travail salarié et capital suivi de Salaire, prix et profit, p. 42, Éditions sociales, Paris, 1952. )

    C’est là la particularité essentielle du salaire aux pièces en régime capitaliste.

    Les formes de salaire au temps et aux pièces sont appliquées assez souvent simultanément dans les mêmes entreprises. En régime capitaliste, ces deux formes de salaire ne sont que des méthodes différentes pour renforcer l’exploitation de la classe ouvrière.

    Le salaire aux pièces capitaliste se trouve à la base des systèmes de surexploitation pratiqués dans les pays bourgeois.

    8.3. Les systèmes de salaires de surexploitation.

    Un trait essentiel du salaire aux pièces capitaliste est l’intensification excessive du travail qui épuise toutes les forces du travailleur. Cependant le salaire ne compense pas les dépenses accrues de force de travail. Au-delà d’une certaine durée et d’une certaine intensité du travail, aucune compensation additionnelle n’est capable de conjurer la destruction pure et simple de la force de travail.

    L’emploi, dans les entreprises capitalistes, de méthodes d’organisation du travail exténuantes, amène généralement, en fin de journée, un surmenage des forces musculaires et nerveuses de l’ouvrier, qui conduit à la baisse de la productivité du travail. Soucieux d’augmenter sa plus-value, le capitaliste a recours à toutes sortes de systèmes de salaires fondés sur le surmenage pour obtenir une haute intensité du travail durant toute la journée. En régime capitaliste, l’ « organisation scientifique du travail » poursuit les mêmes buts. Les formes les plus répandues de cette organisation du travail, avec application de systèmes de salaire qui épuisent complètement le travailleur, sont le taylorisme et le fordisme, à la base desquels se trouve le principe de l’intensification maxima du travail.

    Le taylorisme (système qui porte le nom de son auteur, l’ingénieur américain F. Taylor) consiste essentiellement en ceci : On choisit dans l’entreprise les ouvriers les plus forts et les plus habiles. On les fait travailler avec le maximum d’intensité. L’exécution de chacune des opérations est évaluée en secondes et en fractions de secondes. Sur la base des données du chronométrage, on établit le régime de production et les normes de temps de travail pour l’ensemble des ouvriers. La norme — la « tâche » — étant dépassée, l’ouvrier reçoit un petit supplément à son salaire journalier, une prime ; si la norme n’est pas remplie, l’ouvrier est payé d’après des tarifs fortement diminués. L’organisation capitaliste du travail d’après le système Taylor épuise complètement les forces de l’ouvrier, fait de lui un automate qui exécute mécaniquement toujours les mêmes mouvements.

    Lénine cite un exemple concret (le chargement de la fonte dans une benne), qui montre qu’avec l’introduction du système Taylor le capitaliste a pu, rien que pour l’exécution d’une seule opération, réduire le nombre des ouvriers de 500 à 140, soit de 72 % ; c’est en intensifiant monstrueusement le travail qu’on est arrivé à augmenter la norme journalière de l’ouvrier occupé au chargement, de 16 à 59 tonnes, soit de 270 %. En accomplissant, durant une journée, un travail qui demandait auparavant trois ou quatre jours, l’ouvrier voit son salaire journalier augmenter nominalement (et seulement dans les premiers temps) de 63 % au total. En d’autres termes, avec l’introduction de ce système de paiement, le salaire journalier de l’ouvrier a diminué en fait, par rapport aux dépenses de travail, de 56,5 %. « Et le résultat, écrivait Lénine, c’est qu’en neuf ou dix heures de travail, on arrive à pressurer l’ouvrier pour lui faire produire trois plus de travail, on l’épuise sans pitié, on pompe avec une vitesse triplée chaque goutte d’énergie nerveuse et musculaire de l’esclave salarié. Et s’il meurt plus avant l’âge ? Il y en a beaucoup d’autres qui attendent à la porte !… » (V. Lénine : « Un système “scientifique” pour pressurer l’ouvrier », Œuvres, t. 18, p. 619.)

    Cette organisation du travail et du salaire ouvrier, Lénine l’a qualifiée de sweating-system scientifique.

    Le système d’organisation du travail et du salaire, introduit par le « roi de l’automobile » américain H. Ford et beaucoup d’autres capitalistes (système du fordisme) poursuit le même but : tirer de l’ouvrier la plus grande quantité de plus-value sur la base de l’intensification maxima du travail. On y arrive en accélérant le plus possible les cadences des chaînes et en introduisant des systèmes de salaires de surexploitation. La simplicité des opérations sur les chaînes de Ford permet d’employer largement les ouvriers non qualifiés et d’établir pour eux de bas salaires. L’intensification énorme du travail ne s’accompagne pas d’une augmentation des salaires ou d’une réduction de la journée de travail. Il s’ensuit donc que l’ouvrier s’use rapidement, devient invalide : on le renvoie de l’entreprise pour incapacité, et il va grossir les rangs des chômeurs.

    Le renforcement de l’exploitation des ouvriers s’obtient aussi par d’autres systèmes d’organisation du travail et des salaires, qui sont des variétés du taylorisme et du fordisme. Parmi eux, citons par exemple, le système de Hantt (États-Unis). Contrairement au système de salaire aux pièces de Taylor, le système de Hantt est un système de salaire au temps et aux primes. On assigne à l’ouvrier une « tâche » et on lui fixe un paiement garanti très bas par unité de temps fourni, indépendamment de l’exécution de la norme. On paye à l’ouvrier qui accomplit la « tâche » un petit supplément au minimum garanti, une « prime ». À la base du système Halsey (États-Unis) se trouve le principe du paiement d’une prime pour le temps « économisé » en supplément de « la paye moyenne » par heure de travail. Avec ce système, par exemple, si l’intensité du travail est doublée, chaque heure « économisée » comporte une « prime » de l’ordre d’un tiers environ de la rémunération horaire. Dans ces conditions, plus le travail est intense, et plus le salaire de l’ouvrier diminue par rapport au travail qu’il a dépensé. Le système Rowan (Angleterre) repose sur les mêmes principes.

    Un des moyens d’augmenter la plus-value, qui n’est qu’une duperie des ouvriers, est celui que l’on appelle participation des ouvriers aux bénéfices. Sous prétexte d’intéresser l’ouvrier à l’augmentation de la rentabilité de l’entreprise, le capitaliste diminue le salaire de base et organise ainsi un fonds de « répartition des bénéfices entre ouvriers ». Puis, en fin d’année, sous forme de « bénéfices », on remet en fait à l’ouvrier la retenue effectuée précédemment sur son salaire. En fin do compte, l’ouvrier « qui participe aux bénéfices » reçoit en fait une somme inférieure à son salaire habituel. Dans le même but, on pratique le placement parmi les ouvriers d’actions d’une entreprise donnée.

    Les subterfuges des capitalistes, quel que soit le système de rémunération, visent à tirer de l’ouvrier la plus grande quantité possible de plus-value. Les entrepreneurs utilisent tous les moyens pour intoxiquer la conscience des ouvriers par l’intérêt qu’ils ont soi-disant à voir s’intensifier le travail, diminuer les dépenses de salaires par unité de production, augmenter la rentabilité de l’entreprise. C’est ainsi que les capitalistes s’efforcent d’affaiblir la résistance du prolétariat face à l’offensive du capital, d’obtenir la scission du mouvement ouvrier, le refus des ouvriers de se syndiquer, de prendre part aux grèves. Malgré la multiplicité des formes du salaire aux pièces capitaliste, son essence reste inchangée : avec l’intensification du travail, de sa productivité, le salaire de l’ouvrier diminue en fait, les revenus du capitaliste augmentent.

    8.4. Le salaire nominal et le salaire réel.

    Aux premiers stades du développement du capitalisme, la rémunération des salariés en nature était pratiquée sur une grande échelle : l’ouvrier recevait un gîte, une maigre pitance et un peu d’argent.

    Le salaire en nature subsiste dans une certaine mesure à la période du machinisme. Il était pratiqué, par exemple, dans l’industrie extractive et textile de la Russie d’avant la Révolution. La rémunération en nature est répandue dans l’agriculture capitaliste, lorsqu’elle utilise le travail des ouvriers agricoles, dans certaines industries des pays capitalistes, dans les pays coloniaux et dépendants. Les formes de rémunération en nature sont variées. Les capitalistes mettent les ouvriers dans une situation qui les contraint à prendre à crédit les produits dans le magasin de l’usine, à utiliser les logements de la mine ou des plantations, à des conditions onéreuses établies par l’entrepreneur, etc. Le capitaliste, en payant un salaire en nature, exploite l’ouvrier salarié non seulement comme vendeur de la force de travail, mais aussi comme consommateur.

    Le salaire en argent est caractéristique du mode de production capitaliste évolué.

    Il faut distinguer entre le salaire nominal et le salaire réel.

    Le salaire nominal est celui qui est exprimé en argent ; c’est la somme d’argent que l’ouvrier reçoit pour la force de travail qu’il a vendue au capitaliste. Le salaire nominal ne donne pas par lui-même une idée du niveau réel de la rémunération de l’ouvrier. Il peut, par exemple, demeurer inchangé, mais si, en même temps, les prix des objets de consommation et les impôts augmentent, le salaire effectif de l’ouvrier baissera. Le salaire nominal peut même augmenter, mais si le coût de la vie durant cette période vient à s’élever plus encore que le salaire nominal, le salaire effectif diminuera.

    Le salaire réel est celui qui s’exprime en moyens de subsistance de l’ouvrier ; il indique la quantité et la qualité des objets de consommation et des services que l’ouvrier peut se procurer pour son salaire en argent. Pour déterminer le salaire réel de l’ouvrier, il faut partir du taux du salaire nominal, du niveau des prix des objets de consommation, du loyer, des charges fiscales acquittées par l’ouvrier, des journées non payées avec la semaine de travail réduite, du nombre des chômeurs totaux et partiels qui sont entretenus aux frais de la classe ouvrière. Il faut tenir compte également de la durée de la journée de travail et du degré d’intensité du travail.

    En établissant le niveau moyen du salaire, les statistiques bourgeoises déforment la réalité : elles rangent dans la catégorie des salaires les revenus des couches dirigeantes de la bureaucratie industrielle et financière (administrateurs d’entreprises, directeurs de banques, etc.), n’introduisent dans leurs calculs que le salaire des ouvriers qualifiés et en excluent celui de la couche nombreuse des ouvriers non qualifiés et mal payés, du prolétariat agricole ; elles ne font pas état de l’armée nombreuse des chômeurs totaux ou partiels, de la hausse des prix des objets de consommation courante et du relèvement des impôts ; elles ont recours à d’autres méthodes de falsification pour présenter sous un jour favorable la situation de fait de la classe ouvrière en régime capitaliste.

    Mais même les statistiques bourgeoises falsifiées ne peuvent dissimuler le fait que le salaire en régime capitaliste, par suite de son bas niveau, du renchérissement du coût de la vie et de la croissance du chômage, n’assure pas à la majorité des ouvriers le minimum vital.

    En 1938, les économistes bourgeois des États-Unis, adoptant des normes très inférieures, ont évalué pour les États-Unis le minimum vital d’une famille ouvrière de quatre personnes, à 2 177 dollars par an. Or, en 1938 la moyenne du salaire annuel d’un ouvrier industriel aux États-Unis était de 1 176 dollars, soit un peu plus de la moitié de ce minimum vital, et en tenant compte des chômeurs, de 740 dollars, c’est-à-dire un tiers seulement de ce minimum vital. En 1937, le minimum vital très restreint d’une famille ouvrière moyenne en Angleterre était évalué par les économistes bourgeois à 55 shillings par semaine. D’après les chiffres officiels, 80 % des ouvriers de l’industrie houillère, 75 % des ouvriers de l’industrie extractive (sans l’industrie houillère), 57 % des ouvriers des entreprises municipales d’Angleterre gagnaient moins que ce minimum vital.

    8.5. La baisse du salaire réel en régime capitaliste.

    Sur la base de l’analyse du mode de production capitaliste, Marx a établi la loi fondamentale suivante en ce qui concerne le salaire.

    La tendance générale de la production capitaliste n’est pas d’élever le salaire normal moyen, mais de l’abaisser.

    ( K. Marx, Travail salarié et capital, suivi de Salaire, prix et profit, p. 114. )

    Le salaire en tant que prix de la force de travail, de même que le prix de toute marchandise, est déterminé par la loi de la valeur. Les prix des marchandises dans l’économie capitaliste oscillent autour de leur valeur sous l’influence de l’offre et de la demande. Mais à la différence des prix des autres marchandises, le prix de la force de travail, en règle générale, oscille au-dessous de sa valeur.

    Le décalage du salaire par rapport à la valeur de la force de travail est dû avant tout au chômage. Le capitaliste entend acheter la force de travail à meilleur compte. Avec le chômage, l’offre de la force de travail excède la demande. Ce qui distingue la marchandise force de travail des autres marchandises, c’est que le prolétaire ne peut en différer la vente. Pour ne pas mourir de faim, il est obligé de la vendre aux conditions que lui offre le capitaliste. Dans les périodes de chômage total ou partiel l’ouvrier ou bien ne reçoit aucun salaire ou un salaire considérablement réduit. Le chômage accentue la concurrence entre ouvriers. Le capitaliste en profite et paye à l’ouvrier un salaire inférieur à la valeur de sa force de travail. Ainsi donc, la situation misérable des chômeurs, qui font partie de la classe ouvrière, influe sur la situation matérielle des ouvriers occupés à la production, abaisse le niveau de leur salaire.

    Ensuite, le machinisme ouvre aux capitalistes de larges possibilités de remplacer dans la production la main-d’œuvre masculine par le travail des femmes et des enfants. La valeur de la force de travail est déterminée par la valeur des moyens de subsistance nécessaires à l’ouvrier et à sa famille. Aussi, lorsque la femme et les enfants de l’ouvrier sont entraînés dans la production, le salaire diminue, toute la famille reçoit dès lors à peu près autant que recevait auparavant le seul chef de famille. L’exploitation de la classe ouvrière dans son ensemble s’en trouve encore aggravée. Dans les pays capitalistes, les ouvrières qui fournissent un travail égal à celui de l’homme touchent un salaire sensiblement inférieur.

    Le capital extorque la plus-value par une exploitation effrénée de la main-d’œuvre enfantine. Le salaire des enfants et des adolescents dans tous les pays capitalistes et coloniaux est de plusieurs fois inférieur à celui des ouvriers adultes.

    Le salaire moyen d’une ouvrière était inférieur au salaire moyen d’un ouvrier, aux États-Unis (en 1949) de 41 %, en Angleterre (en 1951) de 46 %, en Allemagne occidentale (en 1951) de 42 %. Cette différence est encore plus importante dans les pays coloniaux et dépendants.

    Aux États-Unis, en 1949, selon des données inférieures à la réalité, on compte parmi les salariés plus de 3,3 millions d’enfants et d’adolescents. La durée de la journée de travail des enfants et des adolescents est très longue. Ainsi dans les amidonneries, les usines de conserves et de viande, dans les blanchisseries et les entreprises pour le dégraissage des vêtements, les enfants travaillent de 12 à 13 heures par jour.

    Au Japon, on pratique couramment la vente des enfants pour le travail dans les fabriques. La main-d’œuvre enfantine était largement employée dans la Russie des tsars. Une partie assez importante des ouvriers des fabriques textiles et de certaines autres entreprises se composait d’enfants de 8 à 10 ans. Dans l’industrie cotonnière de l’Inde les enfants forment de 20 à 25 % de la totalité des ouvriers. L’exploitation de la main-d’œuvre enfantine par le capital prend des formes particulièrement féroces dans les pays coloniaux et dépendants. En Turquie, dans les fabriques de textile et les manufactures de tabac, les enfants de 7 à 14 ans travaillent, tout comme les adultes, une journée complète.

    Les bas salaires des ouvrières et l’exploitation des enfants provoquent de nombreuses maladies, un accroissement de la mortalité infantile, exercent une action néfaste sur l’éducation et l’instruction des jeunes générations.

    La baisse du salaire réel des ouvriers est aussi conditionnée par le fait qu’avec le développement du capitalisme, la situation d’une grande partie des ouvriers qualifiés s’aggrave. Comme on l’a déjà dit, la valeur de la force de travail comprend aussi les frais nécessités par l’apprentissage du travailleur. Le travailleur qualifié crée dans une unité de temps plus de valeur, donc plus de plus-value, que l’ouvrier non spécialisé. Le capitaliste est obligé de payer le travail qualifié plus que le travail des manœuvres. Mais avec le développement du capitalisme et le progrès technique, d’une part, on demande des ouvriers hautement qualifiés, capables de manier des mécanismes complexes ; d’autre part, beaucoup d’opérations sont simplifiées, le travail d’une partie importante des ouvriers qualifies devient mutile. De larges couches d’ouvriers spécialisés perdent leur qualification, ils sont éliminés de la production et se voient obligés de faire un travail non qualifié, payé beaucoup moins.

    L’augmentation du coût de la vie et la baisse du niveau du salaire réel qu’elle entraîne sont déterminées avant tout par la hausse des prix systématique des objets de consommation courante. Ainsi, en France, par suite de l’inflation, les prix de détail des denrées alimentaires en 1938 avaient dépassé de plus de sept fois leur niveau de 1914.

    Le loyer absorbe une grande partie du salaire de l’ouvrier. En Allemagne, de 1900 à 1930, le loyer a augmenté en moyenne de 69 %. D’après les chiffres du Bureau International du Travail, après 1930, les ouvriers dépensaient pour le loyer, le chauffage et l’éclairage aux États-Unis 25 %, en Angleterre 20 %, au Canada 27 % du budget de la famille. Dans la Russie tsariste, les frais de logement chez les ouvriers atteignaient jusqu’à un tiers du salaire.

    Une somme importante à décompter du salaire est constituée par les impôts perçus sur les travailleurs. Dans les principaux pays capitalistes, après la guerre, les contributions directes et indirectes absorbent au moins un tiers du salaire de la famille ouvrière.

    Un moyen très répandu de réduire le salaire est le système des amendes. En Russie tsariste, avant la promulgation de la loi sur les amendes (1886), qui limita un peu l’arbitraire des fabricants, les retenues sur les salaires sous forme d’amendes atteignaient, dans certains cas, la moitié du salaire mensuel. On infligeait des amendes à tout propos : pour un « travail mal fait », pour « infraction au règlement », pour bavardage, participation à une manifestation, etc. Les amendes sont non seulement un moyen de renforcer la discipline capitaliste du travail, mais aussi une source de revenu supplémentaire pour le capitaliste.

    La baisse du salaire réel est également conditionnée par les salaires extrêmement bas du prolétariat agricole. La grande armée de travailleurs en surnombre de la campagne exerce une pression constante sur le niveau des salaires des ouvriers occupés, dans le sens de la baisse.

    Ainsi, par exemple, de 1910 à 1939, le salaire moyen mensuel de l’ouvrier agricole aux États-Unis a oscillé entre 28 et 47 % du salaire de l’ouvrier d’usine. La situation des ouvriers agricoles de la Russie tsariste était extrêmement dure. Avec une journée de 16 à 17 heures de travail, le salaire journalier moyen d’un ouvrier agricole saisonnier, en Russie, de 1901 à 1910, était de 69 kopeks, et avec ce salaire dérisoire qu’il touchait durant la période des travaux des champs, il lui fallait se tirer d’embarras pendant les autres mois de chômage complet ou partiel.

    Ainsi, avec le développement du mode de production capitaliste, le salaire réel de la classe ouvrière est en baisse.

    En 1924, le salaire réel des ouvriers allemands, par rapport au niveau de 1900, était de 75 % ; en 1935, de 66 %. Aux États-Unis, de 1900 à 1938, le salaire nominal moyen (compte tenu des chômeurs) a augmenté de 68 % ; mais, pour la même période, le coût de la vie a été multiplié par 2,3, ce qui ramenait le salaire réel des ouvriers en 1938 à 74 % du niveau de 1900 ; en France, en Italie, au Japon, sans parler des pays coloniaux et dépendants, la baisse du salaire réel, au cours des 19e et 20e siècles, a été beaucoup plus sensible qu’aux États-Unis. En Russie tsariste, en 1913, le salaire réel des ouvriers d’usine était tombé à 90 % du niveau de 1900.

    Dans les différents pays, la valeur de la force de travail est inégale. Les conditions qui déterminent la valeur de la force de travail changent dans chaque pays. De là des différences nationales dans le salaire. Marx écrivait qu’en comparant les salaires dans les différents pays, il fallait mettre en ligne de compte tous les facteurs qui déterminent des modifications dans la grandeur de la valeur de la force de travail : les conditions historiques qui ont présidé à la constitution de la classe ouvrière, ainsi que le niveau de ses besoins, les dépenses nécessitées par la formation de l’ouvrier, le rôle de la main-d’œuvre féminine et enfantine, la productivité du travail et son intensité, les prix des objets de consommation, etc.

    On observe un niveau particulièrement bas des salaires dans les pays coloniaux et dépendants. Dans sa politique d’asservissement et de pillage systématique des pays coloniaux et dépendants, le capital bénéficie d’un important excédent de main-d’œuvre dans ces pays et rétribue la force de travail à un prix de beaucoup inférieur à sa valeur. Ce faisant, on tient compte de la nationalité de l’ouvrier. Ainsi, par exemple, les Blancs et les Noirs, qui fournissent un travail égal sont payés différemment. En Afrique du Sud, le salaire moyen du Noir est le dixième du salaire moyen de l’ouvrier anglais. Aux États-Unis, le salaire des Noirs dans les villes est inférieur de 60 % et, dans l’agriculture, de 66 % à celui des Blancs pour un même travail.

    En diminuant les salaires de la masse essentielle des ouvriers et en pillant les colonies, la bourgeoisie crée des conditions privilégiées pour une couche relativement réduite d’ouvriers hautement qualifiés. La bourgeoisie utilise cette aristocratie ouvrière, formée de ces couches hautement payées et comprenant des représentants de la bureaucratie des syndicats et des coopératives, une partie des contremaîtres, etc., pour diviser le mouvement ouvrier et intoxiquer la conscience de la grande masse des prolétaires en prêchant la paix sociale, la communauté des intérêts des exploiteurs et des exploités.

    8.6. La lutte de la classe ouvrière pour l’augmentation des salaires.

    Dans chaque pays, le niveau du salaire est établi sur la base de la loi de la valeur, à la suite d’une lutte de classe acharnée entre le prolétariat et la bourgeoisie.

    Les écarts du salaire par rapport à la valeur de la force de travail ont leurs limites.

    La limite minima du salaire en régime capitaliste est déterminée par des conditions purement physiques : l’ouvrier doit disposer de la quantité de moyens de subsistance qui lui est absolument nécessaire pour s’entretenir et reproduire sa force de travail.

    Quand il tombe à ce minimum, le prix [de la force de travail] est descendu au-dessous de la valeur de la force de travail, qui alors ne fait plus que végéter.

    ( K. Marx, Le Capital, livre 1, t. 1, p. 176. )

    Lorsque le salaire descend au-dessous de cette limite, il se produit un processus accéléré de destruction physique pure et simple de la force de travail, de dépérissement de la population ouvrière. Il s’exprime par une diminution de la durée moyenne de la vie, un abaissement de la natalité, une augmentation de la mortalité de la population ouvrière aussi bien dans les pays capitalistes développés que surtout dans les colonies.

    La limite maxima du salaire en régime capitaliste est la valeur de la force de travail. Le niveau moyen du salaire se rapproche plus ou moins de cette limite selon le rapport des forces de classe du prolétariat et de la bourgeoisie.

    Dans sa chasse aux profits, la bourgeoisie cherche à abaisser le salaire au-dessous de la limite du minimum physique. La classe ouvrière lutte contre les amputations du salaire, pour son augmentation, pour l’établissement d’un minimum garanti, pour l’introduction des assurances sociales et la réduction de la journée de travail. Dans cette lutte, la classe ouvrière fait face à la classe des capitalistes dans son ensemble et à l’État bourgeois.

    La lutte acharnée de la classe ouvrière pour l’augmentation des salaires a commencé en même temps que naissait le capitalisme industriel. Elle s’est déroulée d’abord en Angleterre, puis dans les autres pays capitalistes et coloniaux.

    À mesure que le prolétariat se forme en tant que classe, les ouvriers, pour mener à bien la lutte économique, s’unissent en syndicats. Aussi l’entrepreneur se trouve-t-il en face non plus d’un prolétaire isolé, mais de toute une organisation. Avec le développement de la lutte de classe, à côté des organisations professionnelles locales et nationales se créent des fédérations syndicales internationales. Les syndicats sont une école de la lutte de classe pour les grandes masses des ouvriers.

    Les capitalistes forment de leur côté des unions patronales. Ils corrompent les chefs des syndicats réactionnaires, organisent les briseurs de grèves, divisent les organisations ouvrières, utilisent pour réprimer le mouvement ouvrier la police, la troupe, les tribunaux et les prisons.

    Un des moyens efficaces de lutte des ouvriers pour l’augmentation des salaires, la réduction de la journée de travail et l’amélioration des conditions de travail en régime capitaliste, est la grève. À mesure que les antagonismes de classe s’aggravent et que le mouvement prolétarien se renforce dans les pays capitalistes et coloniaux, des millions d’ouvriers sont entraînés dans les mouvements de grève. Lorsque les ouvriers en lutte contre le capital font preuve de résolution et de ténacité, les grèves économiques obligent les capitalistes à accepter les conditions des grévistes.

    C’est seulement grâce à la lutte opiniâtre de la classe ouvrière pour ses intérêts vitaux que les États bourgeois sont amenés à promulguer des lois sur le salaire minimum, la réduction de la journée de travail, la limitation du travail des enfants.

    La lutte économique du prolétariat a une grande importance : avec une direction judicieuse, animée d’une haute conscience de classe, les syndicats résistent avec succès au patronat. La lutte de la classe ouvrière arrête dans une certaine mesure la chute des salaires. Mais la lutte économique de la classe ouvrière est impuissante à supprimer les lois du capitalisme et à soustraire les ouvriers à l’exploitation et aux privations.

    Tout en reconnaissant le rôle important de la lutte économique de la classe ouvrière contre la bourgeoisie, le marxisme-léninisme enseigne que cette lutte est dirigée uniquement contre les conséquences du capitalisme et non contre la cause première de l’oppression et de la misère du prolétariat. Cette cause est le mode de production capitaliste lui-même.

    C’est seulement par la lutte politique révolutionnaire que la classe ouvrière peut supprimer le système d’esclavage salarié, source de son oppression économique et politique.

    Résumé du chapitre 8

    1. Le salaire dans la société capitaliste est l’expression monétaire de la valeur de la force de travail, son prix qui apparaît comme le prix du travail. Le salaire masque le rapport de l’exploitation capitaliste, en créant une apparence trompeuse qui fait croire que l’ouvrier est payé pour tout le travail fourni, alors qu’en réalité le salaire n’est que le prix de sa force de travail.

    2. Les formes essentielles du salaire sont le salaire au temps et le salaire aux pièces. Avec le salaire au temps, la grandeur du gain de l’ouvrier se trouve dépendre du temps qu’il a fourni. Avec le salaire aux pièces, la grandeur du gain de l’ouvrier est déterminée par la quantité des articles fabriqués par lui. Afin d’augmenter la plus-value, les capitalistes appliquent toutes sortes de systèmes de surexploitation qui mènent à l’intensification extrême du travail et à la prompte usure de la force de travail.

    3. Le salaire nominal est la somme d’argent que l’ouvrier reçoit pour la force de travail qu’il vend au capitaliste. Le salaire réel est le salaire exprimé en moyens de subsistance de l’ouvrier ; il indique la quantité de moyens de subsistance et de services que l’ouvrier peut acheter avec son salaire.

    4. Le développement du capitalisme a pour effet de diminuer le salaire réel. Contrairement au prix des autres marchandises, le prix de la force de travail, en règle générale, oscille au-dessous de sa valeur. Cela est dû avant tout au chômage, à l’emploi en grand du travail des femmes et des enfants, au salaire extrêmement bas des ouvriers agricoles, et aussi des ouvriers des pays coloniaux et dépendants. L’augmentation des prix des objets de consommation, les loyers élevés et l’accroissement des impôts sont des éléments importants de la baisse du salaire réel.

    5. La classe ouvrière, unie dans les syndicats, lutte pour la réduction de la journée de travail et pour l’augmentation du salaire. La lutte économique du prolétariat contre le capital ne peut, par elle-même, le soustraire à l’exploitation. Ce n’est qu’avec la liquidation du mode de production capitaliste, par la lutte politique révolutionnaire, que seront éliminées les conditions de l’oppression économique et politique de la classe ouvrière.


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