• Rapport moral de la FDSEA 03Ce congrès coïncide avec l’arrivée d’un nouveau président , la FDSEA n’a jamais regardé la couleur du pouvoir en place pour formuler les besoins , les attentes ou les revendications urgentes des paysans de l’Allier . Pourtant bien avant de connaître le résultat des élections présidentielles , le conseil avait décidé de dénoncer la finançiarisation du secteur agricole .

    Quand on parle agriculture on pense Crédit Agricole , c’est en effet le premier secteur qui a abandonné l’agriculture pour aller se consacrer à la finance et entrer en bourse , ceux qui ont créé cet outil doivent s’en retourner dans leur tombe , la première des pierres du mutualisme était brisée , l’assurance a suivi de peu allant même jusqu’à assurer les tours américaines du Walter Center ,la mission agricole est bien loin , que reste t’il de la MSA que reste t’il de la coopération sinon de grandes enseignes qui ont tourné le dos au bien commun ; j’arrête là mais je pourrais tout passer en revue . Nous constatons ,que partout la finance a pris le pas sur l’homme , partout le pouvoir de l’argent a pris le pas sur le politique ; mais qu’est ce que le politique sinon la science de gérer la cité ,d’apprendre le vivre ensemble ,ce que nous faisons tous ici même . Cette grande idée est née dans la Grèce antique d’où vient d’ailleurs le mot démocratie (dēmokratía, « souveraineté du peuple », de δῆμος / dêmos, « peuple » etκράτος / krátos, « pouvoir », « souveraineté » ) est aujourd’hui au sens propre du terme foulée au pied par la haute finance , par le pouvoir de l’argent .

    Les paysans sont insultés tous les jours , ceux qui restent attachés aux valeurs qui ont fait de la France ce jardin que tant de pays ont admiré , sont bafoués , nombres d’entre eux ont quitté ou quittent le métier qu’ils ne reconnaissent plus .

    Mais comment en est t’on arrivé là !

    Peut être me trouvez vous pessimiste ? Non , je ne le crois pas , j’essaie au contraire de regarder les choses en face , nier les problèmes , les ignorer ne règlera rien , pour combattre ce basculement de société , il nous faut les regarder droit dans les yeux …. Trouvez vous normal que tant d’exploitants jettent l’éponges , que tant d’autres soient pris en otages par les banques , alors que tant d’autres frappent à la porte des tribunaux pour demander l’aide de la justice afin de tenter de sauver ce qui peut l’être ? Trouvez vous normal que tous ceux qui approchent de 55ans appellent de leur vœux l’heure de la retraite comme une délivrance tellement le quotidien devient difficile à vivre ?… Un ressort s’est cassé , les paysans ont perdu confiance et dans leur vie ils ne voient que les soucis administratifs et financiers qui détruisent leur rêve , leur amour d’un métier qui a demandé et demande encore toute leur énergie …..

    Tout ce que nous avions acquit notamment depuis le front populaire et la libération est consciencieusement détruit ; terminer les offices qui garantissaient le prix du blé -aujourd’hui calculé selon les caprices de la bourse- vidé le statut du fermage – l’Allier a encore la chance d’avoir une section des fermiers et métayers qui limite les dégâts- . Et que dire de la protection sociale , des retraites agricoles toutes au dessous du seuil de la pauvreté .

    Oui ,le futur pouvoir politique a beaucoup de pain sur la planche , il ne peut y avoir de progrès sans progrès social ; ce que les paysans ont réussi d’ un point de vue technique ne sera rien si les êtres humains n’en récupèrent pas un progrès humain significatif ,le pouvoir de l’argent a déjà trop détruit ,, trop asservis et asservit encore tous les jours de plus en plus de familles qui redoutent toujours un peu plus le lendemain , rien ne se fera sans redonner au paysan sa fierté d’homme de la terre . Que penser de cette quasi-disparition des installations dans l’Allier d’une part les jeunes fuient le métier mais pire un mur se dresse devant eux quand ceux ci veulent néanmoins s’installer ;ce mur c’est l’agrandissement toujours , l’individualisme est tel que rien ne compte aux yeux de ceux qui ont décidé que « le soleil ne se lève que pour eux » les exemples sont légions toutes les ficelles sont bonnes pour contourner la législation pourtant laxiste ,de la vente d’herbe à la sous location tout est bon , des terres récupérées pour des gamins qui n’ont même pas fait leur première communion ! C’est le règne des requins , sous des airs de sournois enjôleurs certains sont capables de rajouter les pires ennuis à ceux qui en déjà trop ,afin de les faire partir ; dans ce domaine tout est permis , un exemple me vient à l’esprit comme ce paysans à bout de souffle en pleine dépression victime d’addiction et qui finit par se suicider , le lendemain de sa mort , le corps pas encore refroidi , un de ces bons voisins avait déjà acheter les semences de maïs pour l’exploitation qu’il s’était attribué sans même se soucier du devenir de sa femme et de son fils …...

    La politique agricole actuelle porte en elle les germes de l’individualisme et encourage tous les dérapages .Le travail paysan en est bafoué ,rien de ce qui a fait la fierté de notre métier ne subsiste à cet ouragan de libéralisme outrancier . Les paysans qui continuent contre vent et marrée se sentent broyés, humiliés , et tous , -ils sont encore nombreux heureusement- rencontrent les plus grandes difficultés à résister , à exister ; ce sont toujours les premiers en difficulté en cas de problèmes climatiques ou sanitaires , non les paysans ne méritent pas ce traitement . N’oublions jamais que le secteur agricole n’est pas un secteur économique comme un autre , nous sommes dans le vivant , travaillant avec le vivant , pour les vivants , pour la vie , tout notre travail est une ode à la vie , nos productions nourrissent les peuples c’est le seul pilier essentiel à la vie , et pourtant nous sommes traités comme des parias , comme n’importe quel autre secteur , c’est une hérésie pure , d’ailleurs depuis plusieurs décennies les USA se servent des productions agricoles comme arme alimentaire et comme des benêts les pouvoirs publics plient l’échine face au dictat américain et face à la dictature financière . Depuis le néolithique nos ancêtres œuvrent pour permettre à chacun de se nourrir , depuis l’instant ou l’homme s’est sédentarisé , le paysan , l’agriculture est devenue la base de la société , pourtant il fallu attendre la fin du 20ème siècle pour constater cette main mise de la finance sur ce secteur primordiale , et il fallu attendre la fin du 20ème siècle pour avoir des famines non plus dues au manque de production , mais à l’explosion du prix de celles ci à la consommation engendré par la spéculation financière ...pendant ce temps les paysans dans toutes les parties du monde souffrent , et en France la politique agricole commune asservi les plus faibles d’entre nous les poussant à la faillite engendrant ainsi une spirale dont nul ne sait ou elle s’arrêtera . Si chaque année j’insiste autant sur le constat ce n’est pas pour noircir du papier ou pour vous ennuyer , c’est d’abord pour être certains que chacun d’entre comprenne bien le traitement que l’on nous inflige , c’est l’histoire de la grenouille plongée dans l’eau froide a qui l’on fait chauffé tout doucement son bain , si dans un premier temps elle sent les bienfaits de la douce chaleur , elle ne se rend pas compte de la température qui monte , au moment ou elle éprouve un trop plein de chaleur , elle ne peut s’échapper , elle commence à cuire c’est trop tard … qu’aurait ’elle fait si elle avait été plongée dans l’eau bouillante ? D’un coup de patte elle se serait éjectée ! Et bien c’est exactement ce que nous subissons depuis 1991 , depuis cette date à petit coup la température monte quand elle sera intenable , il sera trop tard ! Faut t’il se laisser finir de cuire ou réagir

    La fédération existe depuis 1904 , c’est peut être une vieille dame , mais c’est d’abord une institution pleine d’expérience dont le discours ne se limite pas au département de l’Allier mais résonne partout ou les paysans sont bafoués partout ou producteurs et consommateurs n’y trouvent plus leur compte , depuis Michel Bernard et Emile Guillaumin en passant par Albert Poncet et Emile Parnière , et bien d’autres ou même plus près de nous Georges Mercier ; nous avons gardé cette constante , dénoncer le régime et tenter de construire une société juste et humaine , ce qui était vrai hier , l’est d’autant plus aujourd’hui ! Que peut on espérer avec cette nouvelle aire qui s’ouvre ?

    La problématique est simple , nous restons avec la PAC actuelle et rien ne se passera pour nous , les choses ne ferons qu’empirer même si les discours changent , rien n’est donc possible avec l’actuelle PAC , rien n’est possible avec l’environnement économique qui est imposé , rien n’est possible en restant dans l’OMC ; ajoutons que toutes ces officines internationales n’ont rien de représentatives , elles sont seulement là pour servir les intérêts de la finance nous ne leur reconnaissons aucune légitimité , elles sont toutes nées de la volonté des multinationales relayée par leur commis au pouvoirs dans les pays riches . Soyons clair , la politique agricole commune n’est en rien un outil au service de l’agriculture , croire ou faire croire que grâce à la PAC que nous avons conservé notre agriculture n’est qu’un mensonge , par contre grâce à elle « ils » tentent de conserver un type « d’agriculteurs »pour un type d’agriculture , c’est pourquoi il faut refondre complètement notre politique agricole . L’économie agricole doit être la résultante d’une politique , et non le contraire. La gestion du patrimoine agricole français , européen et à plus forte raison mondiale doit primordialement servir les peuples autant d’un point de vue des consommateurs que du point de vue des paysans , rien n’est possible autrement si ce n’est servir une fois de plus la finance et détruire un peu plus le tissus rural. Il ne s’agit bien sur pas de faire marche arrière et de travailler comme il y a un siècle , nous ne sommes pas des passéistes , non il s’agit de travailler à un monde moderne construit à partir de nos expériences .

    Nous savons que le manque d’installations est mortel pour nos régions , mortel pour nos communes et à terme mortel pour notre pays , jamais notre civilisation ne survira en ne se basant que sur des industries agricoles , tout simplement parce que cela est contre nature ,-pesez bien ces mots « contre nature »- effectivement toutes les colonnes de chiffres , toutes les affirmations des économistes en costumes trois pièces ne réussiront pas à changer le cycle immuable de la nature ,le vivant ne le sera que si l’ homme arrête de se considérer comme naturellement prédateur et exploiteur d’une nature qui jusqu’alors était généreuse , les paysans ont toujours su cela , et leur vie n’est réglée que sur le rythme des saisons et du temps , une des raisons de l’obligation de garder un nombre important de paysans réside dans le fait que les paysans gardent la maitrise du vivant parce qu’ils savent s’adapter d’autant plus facilement que leur exploitation reste modeste , plus elle grandit , plus elle devient dépendante de la finance , plus il faut qu’elle soit rentable , plus elle devient fragile aux aléas du temps , et des habitudes alimentaires . (Je fais une parenthèse ici pour étayer mon propos : lors d’une rencontre avec des élus locaux , qui , innocemment ou faisant semblant de l’être disaient leur écœurement de voir des gens venus des métropoles en grandes difficultés financières ne pas faire seulement un bout de jardin , pour soulager leur maigre budget, je me suis alors rappeler la réflexion d’un des mes camarades de Molinet qui me disait dans les années 90 , « tu vois La France est en train de fabriquer une société cul de jatte » , il était catastrophé de voir ainsi les gens se spécialiser à outrance oubliant ainsi l’essentiel, l’ouvrier ne se concentrer qu’à emploi du moment ! L’agriculteur « moderne » ne se consacrant qu’à sa production dominante oubliant tout le reste ). Je constate aujourd’hui toute la justesse de son propos de sage ...comment voulez vous qu’un homme à la tête de centaines d’Ha et autres ateliers hors sol , se consacre encore à son jardin ! On moque souvent le citadin qui ne connait le lait qu’en brique en carton mais combien d’agriculteurs ne sont plus capable de faire leur jardin et leur bois de chauffage pas plus que la volaille de consommation , oui mon amis a raison cette société cul de jatte ne sert pas les Hommes ,mais plus surement cette société de consommation mise en musique par la haute finance qui a tout intérêt à avoir sous son aile qu’un petit nombre de grands exploitants sous perfusion financière plutôt qu’un nombre important de paysans conscients de leur condition et exigeants quand au devenir de l’humanité .

    Pourquoi dévoyer le mutualisme en agriculture comme dans d’autres secteurs ? Essentiellement parce qu’en lui il véhicule les idées de la grandeur humaine , les valeurs de solidarité et de justice , tout ceci est contraire à la rentabilité , et à la finance internationale . Pourtant quelle grande idée que celle ci , savoir mettre en commun , savoir travailler ensemble , savoir construire ensemble plutôt que d’opposer , le mutualisme est l’ennemi de l’individualisme ; n’avez vous jamais entendu les adversaires de nos organisations humaines vous lancer à la figure : « fait donc ton travail avant de t’occuper des autres » ou encore « si il s’était occuper de ses affaires il s’en serait sorti » Ces affirmations obscurantistes sont la preuve flagrante que c’est une méthode efficace pour régler ensemble un certains nombres de problématique telle que la coopération , la réduction des coûts de matériels , l’assurance des biens et des personnes , le financement de notre activité déconnecté de la seule notion de rentabilité à cour terme , en un mot la gestion Humaine de nos activités Humaines . Quand est t’il de la gestion de notre terre , « du foncier » , a t’on toujours tenu compte du bien commun ? Bien sûr que non les vieille survivance de l’ancien régime tenant comme privilège absolu le droit du nom attaché au fief , à la possession fait que - la section des fermiers et métayers sait de quoi je parle - les paysans qui s’étaient engagés dans la lutte anti-nazi avaient très bien compris le rôle essentiel de la stabilité des exploitants familiaux sur leur lieux de travail ainsi est né le statut du fermage , avec l’idée que la terre aille à ceux qui la travaille ;c’était une idée révolutionnaire , pour en arriver là , il a fallu les affres de la 2ème guerre mondiale avec son corolaire de souffrances , 67 ans plus tard tout est remis en cause . Si une cause noble existe c’est bien celle à la quelle s’attache la section des fermiers et métayers de l’Allier en défendant ce statut que d’aucun se charge de vider de sa substance , quand à la même heure nombre de propriétaires « traders » rêvent de la jouissance totale de leur « bien » afin de jouer au casino financier , pendant que d’autres jouent les gros bras en faisant savoir que c’est eux qui commandent ,eux qui décident et emploient l’’article possessif en parlant de la famille en place « mon fermier » ou « mes fermiers » vous me direz ce n’est qu’un détail mais les « détails » sont révélateurs de l’état d’esprit . Voilà pourquoi non seulement nous nous devons de défendre le statut du fermage mais aussi d’en exiger un renforcement , ne nous faisons aucune illusion nous serons les seuls à le demander tous trouveront une bonne raison de ne pas le demander à commencer par la FNSEA …..finance oblige !

    Stabilité foncière , stabilité économique , en effet comment ne pas exiger une refonte du système d’écoulement de nos produits . Non seulement les coopératives de vente ne jouent plus leur rôle mais font pire que certains « privés » .C’est vrai en fruits et légumes mais aussi vrai en lait , en viande mais pire encore en céréales .

    Les paysans se doivent de retrousser leur manches afin de reconstruire un réel outil coopératif au service de la paysannerie comme du consommateur , les requins sont à notre porte , de Carrefour en passant par des Intermarché,ou encore des Leclerc ou je ne sais quelles enseignes qui cachent toutes des milliardaires ; l’exploitation des être humains y est patente autant du côté paysan que côté consommateur des fortunes se construisent sur le droit inaliénable à se nourrir et les paysans à vivre dignement de leur métier ; la spéculation n’y a pas sa place , pas plus que les profits insultants , tôt ou tard nous nous rapproprierons les circuits de distribution afin d’en chasser ces profiteurs assassins ! C’est dans l’ordre des choses …..

    J’entends déjà nos détracteurs , avec à la bouches des mots comme rétrogrates , hommes du passé , ou passéistes , non messieurs ,mesdames c’est tout le contraire et l’histoire nous donnera raison , la finance ne s’imposera pas longtemps maintenant , même si nous devons passer par des périodes houleuses , perturbées , voir par des épisodes violents , de tout de façon le peuple aura , au bout du compte raison ,la paysannerie aussi ;nous ne sommes pas rien que des fabricants d’EBE ou de marge brute , nous ne sommes pas que des producteurs de matières premières , de minerai comme disent ces économistes du CAC 40 , nous sommes avant tout des êtres humains qui réfléchissent à leur avenir et à ceux de leurs enfants .

    Nous savons tous qu’un monde juste est possible ,notre syndicalisme est là pour participer à le construire et nous le ferons , je n’ai aucune prétention , je ne ferai pas parti de ceux qui en écrirons la conclusion , il me reste une énorme confiance en la jeunesse , elle a su déjà arrêter d’autres machines infernales , en 1936 le mouvement avait su imposer en ce qui nous concerne les office du blé et bien évidement en 1945 ils étaient bien jeunes ceux qui ont stoppé la bête immonde , mais encore en 1968 elle a bien su arrêter cette société bien pensante qui l’étouffait . La FEDERATION sera de ce fait à la pointe du combat comme toujours depuis plus d’un siècle , avec cette jeunesse qui reprendra le flambeau en engageant encore le combat Humain pour une agriculture Humaine dans un monde juste , durable et HUMAIN .

    JC Depoil


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  • Des milliers de variétés de semences pourraient être privatisées. Cela se passe en Inde où les multinationales Monsanto, Syngenta, ou la française Limagrain, tentent de s’accaparer ce bien commun. De quoi mettre en péril la souveraineté alimentaire de l’Inde dont les variétés végétales ancestrales seraient brevetées et privatisées par les multinationales de biotechnologies. L’écologiste indienne Vandana Shiva sonne la contre-attaque.

    40 000 variétés de semences en Inde pourraient tomber entre les mains des multinationales. C’est ce que révèle un article de l’édition indienne du Wall Street Journal du 18 mai. Dans un entretien, Swapan K. Datta, chercheur en génie génétique et directeur général adjoint du Conseil indien de recherche agricole (ICAR) propose d’« offrir » aux multinationales l’immense banque de gènes nationale. La contrepartie ? « Bénéficier de l’expertise des multinationales en vue de développer des semences à rendements plus élevés pour les agriculteurs indiens ». Ces semences « améliorées » sont celles présentées par les firmes de biotechnologies comme résistantes à la sécheresse et aux aléas climatiques [1].

    M. Datta évoque aussi « le partage des profits » et « la conquête d’un marché des semences », évalué à 200 milliards de dollars. « Vendre notre banque de gènes, c’est mettre en péril notre souveraineté alimentaire », s’insurge la militante écologiste indienne Vandana Shiva. « Il est complètement ridicule de considérer les institutions publiques indiennes comme étant en mesure de conquérir le marché mondial des semences, alors même que le marché des semences indien est confisqué par d’autres ». Dix firmes contrôlent les deux tiers du marché mondial de la semence, et 65 % des brevets et produits issus des biotechnologies agricoles dans le monde, selon le rapport 2009 du think-tank canadien ETC Group.

    Monsanto, Syngenta, Limagrain... à l’assaut de la biodiversité

    Parmi ces firmes, les américaines Monsanto et Dupont, la suisse Syngenta et la française Limagrain. Toutes s’intéressent aux banques de semences de variétés végétales, collectées dans les champs et stockées en chambres froides depuis les années 50. Cette conservation des variétés ex situ, c’est à dire « hors site », s’inscrit dans le cadre de politiques publiques visant initialement à garantir la sécurité alimentaire. Face aux changements climatiques, conserver les vieilles variétés donne la possibilité de puiser à tout moment dans l’ancien matériel génétique et ainsi de renouveler les variétés plantées. On compte aujourd’hui 1 500 banques de gènes dans le monde. Mais un demi-siècle après leur création, les gouvernements se retirent massivement de leur fonctionnement, pour laisser la place aux multinationales. Cette privatisation progressive des conservatoires de semences en font un réservoir de gènes pour les semenciers privés.

    « Ce que propose le Dr Datta, c’est la légalisation de la biopiraterie, autrement dit la piraterie de la biodiversité à travers des brevets », résume Vandana Shiva. Une société américaine, W.R. Grace, s’est déjà illustrée dans une affaire de biopiraterie avec le Neem, également appelé le margousier des Indes. La compagnie avait déposé auprès de l’Office européen des brevets (OEB), une demande de brevet portant sur une propriété fongicide du margousier en vue de la fabrication d’un pesticide. Des propriétés connues depuis des millénaires par les communautés autochtones. C’est au terme d’une longue bataille juridique que l’OEB a rejeté en 2005 cette demande de brevet.

    Privatisation des ses savoirs traditionnels

    Une autre bataille se livre actuellement entre l’Autorité nationale de la biodiversité indienne et le géant agroalimentaire Monsanto. Ce dernier a utilisé – sans autorisation – une dizaine de variétés locales d’aubergines pour développer l’aubergine Bt, génétiquement modifiée, afin de produire un insecticide. Cette aubergine, protégée par un brevet, pourrait privatiser le travail millénaire et les savoirs ancestraux des populations qui ont permis la sélection de variétés adaptées aux besoins locaux. « Les communautés ne vont pas rester assises à regarder le matériel génétique qu’eux et leurs ancêtres ont fait évoluer, remplir les poches d’entreprises ou d’entités privées », promet Vandana Shiva.

    © Guillaume de Crop

    Chaque semence ayant rejoint la banque de gènes est un produit naturel, qui a pu évoluer du fait d’interventions humaines. « Ce ne sont pas les multinationales qui ont créé des variétés résistantes au changement climatique, assure Vandana Shiva. Elles les ont volées aux communautés paysannes qui ont fait évoluer ces semences au cours des millénaires ». Les organismes publics comme l’ICAR sont donc dépositaires d’un matériel génétique inestimable qui n’a pas vocation à être mis aux enchères.

    Maintenir des variétés, un travail pour l’humanité

    Fondatrice de Navdanya, association pour la conservation de la biodiversité et la protection des droits des paysans, Vandana Shiva contribue avec plus de 10 000 paysans d’Inde, du Pakistan, du Tibet, du Népal et du Bangladesh à une banque de semences traditionnelles. Ces semences sont données aux paysans qui veulent revenir à une agriculture biologique. Comme l’explique le réseau Semences paysannes, « c’est seulement en gardant la liberté de sélectionner leurs semences que les paysans peuvent choisir les modes de production et de transformation qu’ils souhaitent et aussi se prémunir contre la contamination par des organismes génétiquement modifiés ».

    « Ces 40 000 variétés de plantes ne sont ni la propriété du Dr Datta, ni même du gouvernement, souligne l’écologiste indienne. Elles sont une propriété collective ». En fondant Navdanya en Inde, Vandana Shiva propose une alternative non lucrative à la mainmise privée sur le vivant. En France aussi, les maisons de la semence se développent [2]. Elles visent à protéger et à gérer les semences collectivement et localement, et à garantir que ce patrimoine commun reste disponible. « Et si les milliards d’euros aujourd’hui consacrés aux recherches en biotechnologies végétales étaient reconvertis pour financer massivement la conservation dynamique des variétés paysannes ? », propose le Réseau semences paysannes. Une mesure qui ne réjouira certainement pas Monsanto et consorts.

    Sophie Chapelle

    Photo de une : source

    © Bio d’Aquitaine


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  • FDSEA 03 : les paysans dans une tourmente économique que les responsables taisent

     
    Le monde des paysans subit une des crises les plus graves qu'il lui a été donné de vivre depuis la libération , mais ce désastre est  caché , nié , rejeté au point ou ceux qui dénoncent ce marasme sont vilipendés .


     Les responsables de la politique agricole actuelle transforment ou tentent de transformer les paysans  en adversaires ,en concurrents en transformant leur voisin en réserve d'hectares , mais au delà les paysans qui ne s'en sortent pas et sont culpabilisés , à coup d'info ou d'intox  la pensée unique les fait passer pour responsables de leur situation , créant ainsi un climat morose au possible et empêchant les exploitants de se révolter , mais le drame réside bien dans le fait que ce genre de politique  engendre des comportements dépressifs qui vont  jusqu’à la solution extrême,  près de 400 suicides sont enregistrés tous les ans , un vrai carnage qui plus est  soigneusement caché  , nié et rejeté lui aussi, nous ,qui dénonçons cette politique de financiarisation de l'agriculture   ,sommes considéré comme des extrémistes ou des gens en mal d'audience .

    Oui nous vivons une époque terrible qui voit les plus âgés souhaiter la retraite le plus vite possible et les jeunes empêchés de s'installer par une politique d'agrandissement à outrance .Le paysage rural se modifie a une vitesse fulgurante sans pour autant choquer ces grands responsables de notre agriculture , eux y voient la reconnaissance de ceux qui savent "gérer " mais gérer quoi ? La vérité est ailleurs et bien moins reluisante nous assistons plutôt à une mise en place des plans  historiques qui  avaient désigné les régions au sud de la Loire comme n'étant qu'un "supplément" aux bassins du Nord et de l 'Ouest, il y était écrit clairement que ces régions n'étaient pas utiles , et que l'Europe pouvaient s'en passer  , et bien nous y voilà..........

    Au dessus de toutes les magouilles d’appareils syndicaux qui , en ce moment jouent aux chaises musicales au  gré des besoins financiers , et de l'appétit de pouvoir d'autres , la FDSEA03 en conseil fait savoir qu'elle se battra jusqu'au bout pour dénoncer cette infamie , elle reste disponible avec tous ceux qui ont conscience de ce saccage pour construire une autre politique agricole prenant en compte l'homme et son environnement  ,considérant que seul un revenu basé sur des prix rémunérateurs à la production   peut permettre aux Hommes de la terre de vivre dignement de leur métier et aux consommateurs de pouvoir se nourrir avec des produits de qualité...........
     
     

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    Les banques accusées de spéculer sur les denrées alimentaires

     

     

     

     

    Le prix du blé ou de la poudre de lait flambent. Une étude des Amis de la terre Europe accuse les banques et assureurs européens d’entretenir la volatilité des cours, mettant en danger la sécurité alimentaire des pays les plus dépendants des importations pour se nourrir.

    C’était il y a un peu plus d’un an : en janvier 2011, Nicolas Sarkozy s’en prenait vertement à "l’irresponsabilité des spéculateurs", coupables d’entretenir la flambée des cours des matières premières agricoles. Dans la foulée, les pays G20 se réunissaient pour étudier les moyens à mettre en œuvre pour réguler ce marché devenu fou…

    Depuis, quelques mesures ont bien été prises, mais pas de quoi mettre un terme à ces dysfonctionnements. La raison de cette impuissance? Le rapport "Récolter l’argent" des Amis de la Terre Europe (1) accuse les institutions financières qui ont développé des produits complexes basés, notamment, sur les cours du blé ou sur la poudre de lait.

    Ces banques ou assureurs participent également au financement des rachats de terres agricoles dans les pays du sud par des Etats ou des multinationales en position de force pour spéculer sur les prix des produits agricoles. Et dans ce grand jeu planétaire, des banques et compagnies d’assurances européennes ont largement leur part de responsabilité.

    "Trophée de la honte" pour Barclays

    L’ONG a ainsi passé à la loupe les activités de 29 d’entre elles. Parmi les plus actives: la banque britannique Barclays. Apportant de l’eau au moulin de l’ONG, Geenpeace Suisse et la Déclaration de Berne ont attribué début janvier à la Barclays le "trophée de la honte". L’établissement a, en effet, engrangé 340 millions de livres sterling (405 millions d’euros) en 2011 en spéculant sur le marché des matières premières agricoles.

    Dans le sillage de la banque d’Outre Manche, la Deutsche Bank, le fonds de pension néerlandais ABP, le groupe Allianz ou encore BNP Paribas qui souhaite, selon l’étude, "doubler d’ici trois ans les revenus dégagés de sa présence sur les marchés des matières premières". Banques et assureurs européens misent sur les denrées alimentaires pour diversifier leurs portefeuilles.

    Ce que, pour sa part, la Société générale reconnaît explicitement :

    La demande globale de nourriture va augmenter dans les années à venir, contribuant à accroire la valeur des matières premières agricoles et des terres cultivables. Les entreprises agricoles sont le moyen le plus sûr pour permettre aux investisseurs d’en bénéficier…"

    écrit dés 2009, l'analyste Dylan Grice dans une note aux clients de la banque.

    Responsabilité sociale bafouée

    Le problème est que la spéculation alimentaire et le financement de l’accaparement des terres mènent tout droit à une instabilité catastrophique des prix des denrées alimentaires, plongeant des millions de personnes dans la pauvreté et la faim. Les banques, les compagnies d’assurance et les fonds de pension européens qui spéculent sur les prix alimentaires et avec les terres jouent avec la vie des populations et en retirent d’énormes profits"

    souligne Juliette Renaud, chargée de campagne sur la responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes pour des entreprises qui cherchent à mettre en avant leur politique en matière de responsabilité sociale…

    Par  Laurence Estival (Paris)


    (1) Les amis de la terre Europe, Farming Money, janvier 2012. Le rapport est disponible ici: cliquez


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  • Les fils de la terre : une vérité que l'on crient depuis des années ; une vérité qui arrive à l'écran sous les formes d'un documentaires

    Les fils de la terre : une vérité que l'on crient depuis des années

    Au Salon de l'agriculture, il y a de vraies gens, de vrais agriculteurs, de vraies vaches. Les candidats à la présidentielle ont une semaine pour s'y montrer et les téléspectateurs, pour s'y croire, quelques images de tapes dans le dos, sur les croupes, les groins et les museaux. Mais la vraie vie des agriculteurs et de leurs vaches se trouve évidemment ailleurs, loin des cohues de la porte de Versailles et le documentaire "Les Fils de la terre", en a montré, mardi 28 février sur France 2, une tranche particulièrement amère.

    Sébastien Itard, 38 ans, élève des vaches dans le Lot. A perte, car le prix du lait ne cesse de baisser depuis plusieurs années. On s'attend à être éclaboussé de chiffres : prix de revient, taux de rentabilité, marges arrières… Mais non, il n'y en a qu'un à retenir : chaque année de 400 à 800 agriculteurs français se suicident.
    Le père de l'auteur du film, Edouard Bergeon, est entré dans cette sinistre statistique en 1999. Au fur et à mesure que les images racontent, sur plusieurs mois, l'histoire de Sébastien, les photos- souvenirs de la famille Bergeon retracent l'itinéraire d'un éleveur sombrant peu à peu dans la dépression qui finit par s'empoisonner avec des pesticides.
    Alors, même quand le ciel est bleu et les nuages légers, l'atmosphère reste lourde. On s'attend à un drame à chaque tournant de la route que prend Sébastien pouraller travailler dans l'exploitation où ses parents, retraités, vivent toujours. Ecrasé par les dettes et la fatigue, il confie ses angoisses, à fleur de peau, souvent au bord des larmes. Très vite, on se retrouve au milieu d'un conflit entre le fils et le père. "Je me bats pour garder ce que mon père a fait, est-ce que ça vaut une vie ?", demande Sébastien. "Je me crève le cul pour faire tourner une exploitation qui est morte. Lui, il branle rien, tu le vois faire quelque chose depuis que tu viens ?", lance Jean-Claude. Du coup, chaque fois que le fils croise le père, on craint l'affrontement, l'avoinée, les cris. Même les vaches ont l'air triste.
    Après une dispute de trop, Sébastien s'arrête de travailler. Les saisons passent, les tracteurs rouillent, les hommes aussi. Nous, on a fini par prendre nos repères : à la ferme des parents, le coin du feu et les lourds meubles en bois comme cette table où le père se tape le front quand il réalise que la vente devient inéluctable ; dans la maison de ville où Sébastien vit avec sa compagne, la nappe en toile cirée et l'horloge qui égrène les heures durant lesquelles il reste cloîtré dans sa chambre.
    Pendant ce temps, Edouard Bergeon a retrouvé le journal de bord où sa propre mère écrivait : "Christian au lit toute la journée…" Les histoires se rejoignent quand Sébastien se pend dans sa cave. Puis elles s'éloignent quand il en réchappe. Au printemps, il reprend espoir grâce à un réseau de vente directe du lait. La ferme n'est plus à vendre, il se réconcilie avec son père mais reste prudent : "Tu sais pas ce qui va se passer dans trois-quatre ans. Tu sais même pas l'année prochaine..."L'année prochaine, quand on verra à la télévision les cohues du Salon de l'agriculture, on se souviendra de la solitude de Sébastien.

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  • Voici une très longue analyse sur la façon dont un produit essentiel se retrouve la proie des multinationales , et comment le même lait devient concurrentiel des laits locaux"dit lait populaire "; moi qui suit producteur de lait j'ai du mal à produire et en produisant je produits de la misère .........écrit par GRAIN(association humanitaire)

    Le lait prend actuellement une importance toujours plus grande dans les moyens de subsistance et la santé des populations pauvres dans le monde. La plupart des marchés de produits laitiers utilisés par les pauvres sont assurés par des petits vendeurs qui collectent le lait auprès d’agriculteurs qui ne possèdent que quelques animaux laitiers. Mais de tels systèmes de « lait populaire » sont en concurrence directe avec les ambitions de grandes entreprises laitières comme Nestlé et d’un nombre croissant d'autres acteurs fortunés qui veulent prendre le contrôle de la totalité de la filière laitière dans le Sud, depuis les fermes jusqu’aux marchés. Une bataille sur les produits laitiers est en cours, qui exerce une influence profonde sur l'orientation du système alimentaire mondial et la vie des populations.

    PARTIE 1 : LE « LAIT POPULAIRE »
    Assurer la dignité
    Aux premières heures de chaque journée, avant que la plupart des gens en Colombie ne sortent de leur lit, environ 50 000 vendeurs de lait convergent vers les villes du pays. Cesjarreadores, comme on les appelle, voyagent en moto en transportant de grands bidons de lait qu'ils collectent dans quelque deux millions de petites fermes laitières de la campagne colombienne.
    Les jarreadores de Colombie (Photo: Aurelio Suárez Montoya)
    Les jarreadores de Colombie (Photo: Aurelio Suárez Montoya)

    Chaque jour, ils vont livrer 40 millions de litres de lait frais à un prix modique à quelque 20 millions de Colombiens, qui vont le faire bouillir brièvement à la maison pour en s’assurer qu’il soit sans danger. Il n’y a peut-être pas de plus importante source de subsistance, d’alimentation et de dignité en Colombie que ce qui est communément connu sous le nomleche popular ou « lait populaire ».

    Les jarreadores se sont récemment rassemblés dans les rues pour une autre raison. Avec des agriculteurs, des petits transformateurs de produits laitiers et des consommateurs, ils ont protesté contre les mesures répétées du gouvernement colombien visant à détruire leur leche popular. Le problème a commencé en 2006, lorsque le gouvernement du président Uribe a promulgué le Décret 616 qui interdit la consommation, la vente et le transport de lait cru, plaçant de fait le leche popular dans l’illégalité.
    Le décret a déclenché des manifestations énormes à travers le pays, forçant le gouvernement à reporter l'adoption de la réglementation. L'opposition populaire ne s’est pas éteinte et, deux ans plus tard, avec plus de 15 000 personnes défilant dans les rues de Bogota, le gouvernement a été contraint une nouvelle fois de repousser encore les mesures de deux ans.

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  • Voici une très longue analyse sur la façon dont un produit essentiel se retrouve la proie des multinationales , et comment le même lait devient concurrentiel des laits locaux"dit lait populaire "; moi qui suit producteur de lait j'ai du mal à produire et en produisant je produits de la misère .........écrit par GRAIN(association humanitaire)

    Le lait prend actuellement une importance toujours plus grande dans les moyens de subsistance et la santé des populations pauvres dans le monde. La plupart des marchés de produits laitiers utilisés par les pauvres sont assurés par des petits vendeurs qui collectent le lait auprès d’agriculteurs qui ne possèdent que quelques animaux laitiers. Mais de tels systèmes de « lait populaire » sont en concurrence directe avec les ambitions de grandes entreprises laitières comme Nestlé et d’un nombre croissant d'autres acteurs fortunés qui veulent prendre le contrôle de la totalité de la filière laitière dans le Sud, depuis les fermes jusqu’aux marchés. Une bataille sur les produits laitiers est en cours, qui exerce une influence profonde sur l'orientation du système alimentaire mondial et la vie des populations.

    PARTIE 1 : LE « LAIT POPULAIRE »
    Assurer la dignité
    Aux premières heures de chaque journée, avant que la plupart des gens en Colombie ne sortent de leur lit, environ 50 000 vendeurs de lait convergent vers les villes du pays. Cesjarreadores, comme on les appelle, voyagent en moto en transportant de grands bidons de lait qu'ils collectent dans quelque deux millions de petites fermes laitières de la campagne colombienne.
    Les jarreadores de Colombie (Photo: Aurelio Suárez Montoya)
    Les jarreadores de Colombie (Photo: Aurelio Suárez Montoya)
    Chaque jour, ils vont livrer 40 millions de litres de lait frais à un prix modique à quelque 20 millions de Colombiens, qui vont le faire bouillir brièvement à la maison pour en s’assurer qu’il soit sans danger. Il n’y a peut-être pas de plus importante source de subsistance, d’alimentation et de dignité en Colombie que ce qui est communément connu sous le nomleche popular ou « lait populaire ».
    Les jarreadores se sont récemment rassemblés dans les rues pour une autre raison. Avec des agriculteurs, des petits transformateurs de produits laitiers et des consommateurs, ils ont protesté contre les mesures répétées du gouvernement colombien visant à détruire leur leche popular. Le problème a commencé en 2006, lorsque le gouvernement du président Uribe a promulgué le Décret 616 qui interdit la consommation, la vente et le transport de lait cru, plaçant de fait le leche popular dans l’illégalité.
    Le décret a déclenché des manifestations énormes à travers le pays, forçant le gouvernement à reporter l'adoption de la réglementation. L'opposition populaire ne s’est pas éteinte et, deux ans plus tard, avec plus de 15 000 personnes défilant dans les rues de Bogota, le gouvernement a été contraint une nouvelle fois de repousser encore les mesures de deux ans.
    Mais le décret 616 n’était pas la seule menace pour le leche popular. La Colombie avait entamé des négociations en vue de plusieurs accords bilatéraux de libre-échange (ALE) avec des pays exportateurs de produits laitiers. Alors que la Colombie est autosuffisante en matière de lait, les ALE retireraient au secteur laitier des protections clés, ce qui le placerait dans une situation de vulnérabilité face aux importations de lait en poudre bon marché, en particulier de l'UE, où la production laitière est fortement subventionnée. Pour reprendre les propos d’Aurelio Suárez, le directeur exécutif de l'Association nationale pour la préservation de l'économie agricole (Salvación Agropecuaria), un ALE avec l'UE représenterait une « véritable hécatombe » pour le secteur laitier colombien.
    En 2010, lorsque la législation pour interdire le leche popular a été une nouvelle fois remis sur les rails, la colère contre les ALE proposés a entraîné un regroupement de l’opposition. Des mobilisations massives s’en sont suivies, ne laissant au gouvernement que le choix de reporter la législation à mars 2011, date à laquelle, accueilli par une nouvelle vague de manifestations, le gouvernement a dû s’avouer vaincu. En mai 2011, le Décret 1880, qui reconnaît que le leche popular est à la fois légal et essentiel, a été promulgué.
    Ce fut une impressionnante série de victoires pour les gens du secteur laitier de la Colombie, qui devrait inspirer les nombreuses luttes similaires que les petits producteurs et vendeurs laitiers mènent dans d'autres parties du monde.1 Bien sûr, la bataille n'est pas terminée ; un ALE avec les États-Unis a été adopté, et les négociations pour un ALE avec l'UE viennent juste d’être conclues. Mais le secteur laitier est désormais au cœur de la résistance populaire à ces accords et, quoi qu'il arrive, il est clair que leche popular sera au premier rang si, et quand, le peuple colombien réussira à tourner le dos aux politiques de son gouvernement, pour tracer une nouvelle voie de transformation sociale.2
    Le lait populaire
    Le peuple de Colombie résiste actuellement à une forte tendance mondiale. Le secteur laitier, comme les autres secteurs alimentaires et agricoles, a traversé ces dernières décennies une grave
    Fromages à un marché d’Ayacucho, au Pérou (Photo : Tomandbecky).
    Fromages à un marché d’Ayacucho, au Pérou (Photo : Tomandbecky).
    phase de concentration. Aujourd'hui, quelques multinationales, comme Nestlé et Danone, vendent leurs produits laitiers dans tous les coins de la planète. La concentration a aussi lieu au niveau des fermes. Les troupeaux laitiers sont de plus en plus grands, et les nouvelles technologies permettent d’obtenir de plus en plus de lait de chaque vache. Et de nouveaux fonds, provenant principalement du secteur financier, sont désormais drainés vers l'agriculture, à la recherche d'une part des profits dans ce mouvement vers des exploitations laitières de plus grande taille.
    Mais l'histoire est loin de s’arrêter là. Dans la plupart des pays, les produits laitiers sont encore pour l’essentiel entre les mains des populations pauvres. Les sociétés laitières se développent, mais dans de nombreux endroits les marchés laitiers appartiennent encore à ce que le gouvernement et l'industrie aiment appeler le « secteur informel » : des agriculteurs qui vendent leur lait directement, ou des vendeurs locaux qui s’enfoncent dans la campagne pour acheter du lait à des petits agriculteurs et l'amènent directement aux consommateurs. Les données disponibles suggèrent que plus de 80 % du lait commercialisé dans les pays en développement, et 47 % du total mondial, est du « lait populaire ».
    En Inde, le premier producteur mondial de lait, la filière du lait populaire représente encore 85 % du marché du lait national. Bien qu’on parle beaucoup de l'importance des coopératives laitières indiennes dans l’accroissement de la production laitière du pays, la véritable histoire du pays de la « révolution blanche », qui a vu un triplement de la production laitière entre 1980 et 2006, trouve son explication dans le secteur du lait populaire. Ce sont les petits agriculteurs et les marchés locaux qui ont impulsé le développement massif de la production laitière du pays au cours de ces années et, par conséquent, les avantages de ce boom de la production ont été largement répartis. Aujourd'hui, 70 millions de ménages ruraux en Inde – bien plus de la moitié du total des familles rurales du pays – ont des animaux laitiers, et plus de la moitié du lait qu'ils produisent, qui est principalement du lait de buffle, permet de nourrir des gens dans les communautés où ils vivent, tandis qu’un quart de celui-ci est transformé en fromage, en yaourts et en d’autres produits laitiers par le « secteur non structuré » local.3
    Fromages Wagashi fabriqués par des femmes Peules au Bénin. Dans la culture peule, les hommes s'occupent du bétail et les femmes s'occupent du lait. Les fromages Wagashi sont fabriqués d'une manière particulière qui leur permet de résister aux températures élevées de l'Afrique occidentale. Photo : Pulaku Project
    Fromages Wagashi fabriqués par des femmes Peules au Bénin. Dans la culture peule, les hommes s'occupent du bétail et les femmes s'occupent du lait. Les fromages Wagashi sont fabriqués d'une manière particulière qui leur permet de résister aux températures élevées de l'Afrique occidentale. Photo : Pulaku Project
    Le lait populaire apporte de nombreuses contributions à la vie des pauvres dans le monde. C’est un moyen d’alimentation essentiel : un aliment de subsistance pour ceux qui ont des animaux laitiers et une nourriture abordable pour ceux qui n'en ont pas. Le lait populaire frais est généralement beaucoup moins cher que le lait transformé, conditionné et vendu par les sociétés laitières. En Colombie, il coûte moins de la moitié du prix du lait pasteurisé et conditionné, vendu dans les supermarchés.4 Il en est de même au Pakistan, où les gawalas (vendeurs de rue) vendent aux consommateurs des villes le lait frais qu'ils collectent dans des fermes rurales pour environ la moitié du prix du lait transformé et conditionné.5
     
    Pour les petits agriculteurs, le lait populaire offre l'une des rares sources de revenus réguliers et constants. Comme le lait est une denrée périssable, il est également une importante source de revenus pour les petits vendeurs et les petits transformateurs qui peuvent se le procurer quotidiennement auprès des agriculteurs et l'apporter aux consommateurs qui achètent du lait frais, des fromages, des yaourts et d’autres produits laitiers pratiquement chaque jour. Les coutumes habituelles consistant à faire chauffer ou à faire fermenter le lait garantissent qu’il ne présente pas de risque pour la consommation. Au Pakistan, par exemple, beaucoup laissent leur lait mijoter des heures sur des fourneaux spéciaux appelés karrhni, qui brûlent du fumier à petit feu. Dans le nord du Nigeria, le lait est souvent consommé sous la forme d’une boisson fermentée appelée nono.
    Le « secteur informel » est traité avec dédain par les élites. Le produit est qualifié de « non hygiénique » ou de « qualité médiocre », et le système est traité d’« inefficace ». Certains déplorent qu’il ne contribue pas aux impôts. Mais la vérité est que le lait populaire prospère dans de nombreux pays. Des petits agriculteurs, des éleveurs nomades et des paysans sans terre montrent qu'ils peuvent produire suffisamment de lait pour satisfaire les besoins des gens, et les petits vendeurs et les petits transformateurs n’ont pas grande difficulté à amener le lait et les autres produits laitiers en toute sécurité sur les marchés. Le « secteur non structuré » peut faire les choses tout aussi bien sans les grands acteurs quand ils ne sont pas fragilisés par les excédents de lait bradés venant d’ailleurs, ou persécutés par des réglementations inéquitables (voir Encadré 1 : Au Kenya, le lait prend le vélo).
      Même sur les marchés où les produits laitiers sont industrialisés depuis longtemps, le lait populaire est de retour. Que ce soit aux États-Unis ou en Nouvelle-Zélande, les marchés d'achat direct de lait de ferme ou de lait biologique cru sont en plein essor, parce que les gens recherchent des aliments de meilleure qualité, produits en dehors du système industriel. Dans ces pays, les agriculteurs en ont aussi de plus en plus fréquemment assez du modèle dominant. Du fait de la production intensive, ils supportent des coûts élevés et sont criblés de dettes, tandis que le prix du lait atteint rarement le coût de sa production. Et les communautés rurales où vivent les agriculteurs sont fatiguées de la pollution générée par la présence accrue des méga-fermes laitières. Une pression se fait sentir en faveur de nouveaux modèles de production et de distribution afin de protéger les moyens de subsistance des agriculteurs et de fournir aux consommateurs des aliments de qualité. La lutte sur l'avenir des produits laitiers est particulièrement âpre en Europe (voir Encadré 2 : La crise du lait dans l'UE en passe de s'aggraver).
    Le mouvement en faveur du lait populaire, cependant, se heurte de plein fouet aux ambitions des grandes sociétés qui cherchent à contrôler l'industrie laitière mondiale, qu’on peut appeler collectivement les « Géants laitiers ». Avec des marchés laitiers dans le Nord déjà saturés, pour se développer, les Géants laitiers visent très précisément les marchés approvisionnés par le lait populaire. Au fur et à mesure que ces sociétés laitières envahissent le Sud, elles sont appuyées par un certain nombre d'autres entreprises et d’élites riches (voir les tableaux 4 et 5) qui, ensemble, essaient de réorganiser toute la filière, des fermes jusqu’aux marchés.
    Encadré 1 : Au Kenya, le lait prend le vélo
    Jusque dans les années 1990, la collecte et la commercialisation du lait au Kenya a été entièrement contrôlée par un monopole d'État, avec des règlements interdisant la vente commerciale du lait et des produits laitiers populaires. Au début des années 1990, le monopole a été supprimé et l'entreprise publique a été privatisée dans le cadre du programme d'ajustement structurel imposé au pays par des prêteurs multilatéraux. La société d'État privatisée a rapidement fait faillite, et aucun des autres transformateurs privés arrivés sur le marché n’était prêt à combler le vide ; ils se sont plutôt tournés vers l'importation de lait en poudre.
    Le transport du lait jusqu’au marché au Kenya
    Le transport du lait jusqu’au marché au Kenya
    En 2001, les importations de lait en poudre ont énormément augmenté, déclenchant l'indignation du public et l’action du gouvernement, qui a porté les tarifs douaniers de 25 à 60 %. Pourtant, même ces nouveaux tarifs douaniers n'ont pas suffi à inciter les entreprises laitières à reconstruire les filières d'approvisionnement du pays. En revanche, le secteur du lait populaire est arrivé et a repris en charge la collecte et la fourniture de lait local dans le pays.
    Aujourd'hui, une filière nationale de petits agriculteurs et de vendeurs à vélo(s) fournit 80 à 86 % du lait commercialisé dans le pays (45 % de la production laitière nationale relève d’une agriculture de subsistance).6 Environ 800 000 ménages de petits agriculteurs kenyans dépendent du secteur du lait populaire pour gagner leur vie, et 350 000 autres personnes travaillent à la collecte, au transport, à la transformation et à la vente du lait.7 Les agriculteurs et les consommateurs sont bénéficiaires dans ce système. Les agriculteurs obtiennent pour leur lait un prix qui est en moyenne 22 % plus élevé que celui payé par les grands transformateurs de produits laitiers, et et le lait populaire est deux fois moins cher pour les consommateurs que celui vendu par les entreprises laitières.8
    Les entreprises laitières nationales et étrangères n'aiment pas cette concurrence exercée par le lait populaire. Le Kenya est un marché laitier important, qui peut potentiellement être exportateur vers d'autres pays africains. Le secteur du lait populaire est donc sous la menace constante, non seulement des accords commerciaux qui pourraient ouvrir le pays aux importations bon marché de lait en poudre, mais aussi des mesures prises par l'industrie pour présenter le lait populaire comme dangereux.
    Très récemment, Nestlé et quelques autres sociétés ont commencé à travailler avec des projets d'ONG soutenus par la Fondation Gates et Heifer International pour mettre en place des approvisionnements locaux. Ces projets ont incité les agriculteurs kenyans à augmenter leur production de lait en introduisant des races exotiques et des technologies coûteuses adaptées aux normes des transformateurs commerciaux. La plus grande entreprise nationale du Kenya, Brookside, qui est détenue par la puissante famille Kenyatta, a racheté plusieurs des entreprises privées de transformation qui avaient tenté de se lancer après l'effondrement du monopole d'État, et elle est maintenant en train mettre en place ses propres fermes.
    En 2010, cependant, au milieu d'une crise alimentaire nationale, la production de lait a été excédentaire. L’offre a dépassé la demande des transformateurs, qui ont continué d'importer du lait en poudre à des prix historiquement bas. Le prix du lait payé par les transformateurs a chuté et, désespérés, les agriculteurs qui les fournissaient ont commencé à brader leur lait et à réduire leurs troupeaux. Beaucoup ont fait faillite, incapables de payer leurs échéances de prêts. Pendant toute cette période, les prix dans le secteur du lait populaire sont restés stables.
    PARTIE 2 : LES GÉANTS LAITIERS
    Faire son beurre
    La mainmise des grandes entreprises sur l'approvisionnement en lait dans le monde s'est accélérée ces dernières années en parallèle à la mondialisation de l'industrie. Les vingt plus grandes sociétés laitières contrôlent désormais plus de la moitié du marché mondial du lait (« structuré ») et transforment près d'un quart de la production mondiale de lait.9 À elle seule, une entreprise, Nestlé, contrôle environ 5 % de ce marché mondial, avec des ventes de 25,9 milliards d’USD en 2009.
    Nestlé n'est pas un producteur de lait. Il ne possède que peu de vaches, et achète le lait directement auprès d’agriculteurs ou de fournisseurs et le transforme en toutes sortes de produits. La plupart des autres entreprises de ce Top 20 sont également des transformateurs, même si, comme Nestlé, certaines ont commencé à exploiter leurs propres fermes.10 Les coopératives laitières, dont cinq sont dans le top 20 (six si l’on inclut le groupe mexicain Grupo Lala), font exception à cette règle.11
    Ces cinq coopératives sont détenues par près de 70 000 agriculteurs adhérents aux États-Unis, en Europe et en Nouvelle-Zélande.12 Bien qu'elles produisent chacune leurs propres produits laitiers, une bonne partie du lait produit par leurs agriculteurs va alimenter les multinationales de la
    La société suédoise Tetra Pak domine le marché mondial du conditionnement du lait pasteurisé et encourage la consommation de lait conditionné et transformé en finançant des programmes de lait à l’école, comme celui-ci en Thaïlande. Une importante division de l’entreprise, appelée DeLaval, « développe, fabrique et commercialise des équipements et des systèmes complets pour la production de lait et l’élevage » dans plus de 100 pays. Au Pakistan, DeLaval met en œuvre un programme « Dairy Hub » en collaboration avec le gouvernement et plusieurs transformateurs de produits laitiers pour développer des grandes fermes laitières modernes et commerciales. La vidéo promotionnelle de son « Dairy Hub » affirme : « L’approche traditionnelle de l’agriculteur et son manque de connaissances des méthodes modernes de production laitière représentent les principaux obstacles pour que le lait réalise son véritable potentiel. »)
    La société suédoise Tetra Pak domine le marché mondial du conditionnement du lait pasteurisé et encourage la consommation de lait conditionné et transformé en finançant des programmes de lait à l’école, comme celui-ci en Thaïlande. Une importante division de l’entreprise, appelée DeLaval, « développe, fabrique et commercialise des équipements et des systèmes complets pour la production de lait et l’élevage » dans plus de 100 pays. Au Pakistan, DeLaval met en œuvre un programme « Dairy Hub » en collaboration avec le gouvernement et plusieurs transformateurs de produits laitiers pour développer des grandes fermes laitières modernes et commerciales. La vidéo promotionnelle de son « Dairy Hub » affirme : « L’approche traditionnelle de l’agriculteur et son manque de connaissances des méthodes modernes de production laitière représentent les principaux obstacles pour que le lait réalise son véritable potentiel. »)
    transformation. De ce point de vue, les intérêts des grandes coopératives et des transformateurs sont souvent étroitement liés. En fait, les grandes coopératives sont des multinationales à part entière, la plupart ayant créé ou pris le contrôle d’entreprises laitières à l'étranger, et leurs politiques peuvent entrer en conflit avec les intérêts des agriculteurs qui les fournissent, notamment des petits producteurs laitiers (voir Encadré 3 : Des coopératives aux grandes entreprises).
    Tous les grands acteurs du secteur laitier ont, ces dernières années, fait des efforts énergiques pour se développer au-delà des marchés laitiers saturés du Nord et conquérir les marchés en pleine croissance dans le Sud. Ils se sont lancés dans une frénésie de dépenses, en rachetant des grands acteurs nationaux ou en investissant dans leurs propres unités de production. Nestlé indique qu'environ 36 % du total de ses ventes proviennent maintenant des marchés émergents. Il prévoit que d’ici 2020 cette proportion va monter à 45 % et il envisage de doubler son chiffre d'affaires en Afrique tous les trois ans.
    L'expansion dans le Sud n’est pas seulement poussée par les grandes entreprises laitières. Un certain nombre de grandes entreprises d'autres secteurs de l'industrie alimentaire, comme PepsiCo et General Mills, ont récemment lancé des opérations importantes dans les produits laitiers. Des acteurs financiers comme Kohlberg Kravis Roberts & Co et Citadel Capital (voir Tableau 4), s’impliquent également directement, tout comme de nouvelles entreprises basée dans le Sud, dont certaines ont commencé à s’implanter sur des marchés dans le Nord (voir Tableau 5). En outre, il y a une multitude de sociétés n’intervenant pas dans la production ou la transformation laitière qui ont des intérêts directs dans l'expansion de l'industrie laitière transnationale, dans la vente de produits de génétique animale et de médicaments vétérinaires ou dans le conditionnement et l'équipement.
    Encadré 2 : La crise du lait dans l'UE en passe de s'aggraver
    Rien n'est plus important pour l'alimentation et l'agriculture dans l'UE que les produits laitiers. Ils représentent environ un cinquième de la production agricole totale de l'UE, et environ un cinquième de l'approvisionnement mondial en lait est consommé dans l'UE. Mais la production laitière européenne traverse actuellement une crise profonde.
    Le nombre d'exploitations laitières dans l'UE a diminué de 80 % depuis 1984, et ces dernières années ont été particulièrement difficiles. La Communauté autonome du País Vasco (Pays basque) en Espagne, par exemple, a perdu 60 % de ses fermes laitières entre 2002 et 2010.13 Les agriculteurs mettent en cause les politiques communautaires qui font baisser les prix payés pour le lait en dessous du coût de production.
    La politique laitière de l'UE s’orga
    En Belgique, en 2009, des producteurs laitiers déversent du lait dans des champs pour demander de meilleurs prix. Cette année-là, les prix payés aux agriculteurs pour le lait ont plongé jusqu’à 0,20-0,24 € le litre, soit la moitié du coût de production. (Photo: ANP).
    En Belgique, en 2009, des producteurs laitiers déversent du lait dans des champs pour demander de meilleurs prix. Cette année-là, les prix payés aux agriculteurs pour le lait ont plongé jusqu’à 0,20-0,24 € le litre, soit la moitié du coût de production. (Photo: ANP).
    nise autour d'un système de tarifs douaniers élevés, de quotas de production et de subventions. Il y a aussi des mesures de soutien aux prix, mais celles-ci ont été pour l’essentiel remplacées par des paiements directs aux producteurs. Les subventions à l'exportation étaient censées être éliminées aussi, mais l'UE peut et va les remettre en place pour faire face aux problèmes d’offre excédentaire, comme elle l'a fait en 2009. Ces subventions vont surtout aux grandes entreprises de transformation.14
    Les organisations d'agriculteurs, comme Via Campesina Europe, affirment que l'UE et ses États membres ont systématiquement géré les quotas de telle sorte que l'offre dépasse la demande. Cela a permis aux transformateurs de faire baisser le prix à la ferme en dessous du coût de production, et de vendre les produits laitiers européens sur le marché international à des prix compétitifs. Les agriculteurs survivent à ces prix bas seulement en raison des paiements directs qu'ils reçoivent du gouvernement, mais ces derniers sont biaisés en faveur des grandes exploitations. Les trois quarts du total des paiements directs vont à un quart des exploitations agricoles de l'UE.15
    Les exportations de produits laitiers de l'UE représentent déjà près d'un quart du marché international des produits laitiers, et une réforme imminente de la Politique agricole commune (PAC) devrait vraisemblablement augmenter cette part.16 L'UE s'est engagée à supprimer les quotas en 2015, mais, quand il s'agit de tarifs douaniers ou de subventions, l'UE ne touchera pas à ces aspects sans une conclusion du Cycle de négociations de Doha à l'Organisation mondiale du commerce. Dans la mesure où ces pourparlers sont dans l’impasse, et où l’UE obtient de toute façon l'accès qu’elle souhaite pour ses produits laitiers grâce aux différents accords bilatéraux de libre-échange qu'elle met en œuvre à travers le monde, les subventions et les tarifs douaniers de l'UE resteront en place dans un avenir prévisible. Le résultat probable, par conséquent, sera une augmentation des exportations de l'UE, puisque les faibles prix du lait sont maintenus grâce à des subventions, les limites sur la production sont levées, et les obstacles aux exportations seront supprimés par des ALE bilatéraux.
    On peut s’attendre également à une augmentation des investissements étrangers dans l'industrie laitière européenne. Au cours du seul premier semestre 2011, le géant français des produits laitiers Yoplait a été repris par l’Américain General Mills, les fabricants chinois de préparations pour nourrisson (Synutra et Ausnutria) ont fait part de leur intention d’ouvrir une usine de lait en poudre en France et de reprendre une société laitière néerlandaise, et Fonterra a confirmé qu'il était en pourparlers pour créer des joint-ventures européennes avec deux grandes entreprises laitières européennes.17
    Les producteurs laitiers européens s’opposent résolument à cette perspective. Dans les principaux pays producteurs de produits laitiers et au niveau européen, diverses organisations paysannes se sont réunies pour exiger des politiques qui alignent l’offre sur la demande. Elles réclament un système de gestion de l'offre, régi par tous les acteurs de la filière laitière, orienté vers le marché intérieur et avec des prix basés sur les coûts de production.18
    Prendre aux pauvres
    Les espoirs des grandes entreprises pour les marchés émergents reposent en grande partie sur des projections de croissance des classes moyennes dans le Sud, qui consommeront plus de produits
    Usine Pepsi en Roumanie. Le PDG de PepsiCo, Indra Nooyi, appelle le secteur laitier « la nouvelle frontière en matière de distribution d’alimentation et de boissons. » Sa société s’est récemment déchaînée sur le marché en rachetant des transformateurs de produits laitiers et en prenant par la même occasion le contrôle d’un certain nombre de méga-fermes laitières. Elle a acheté le géant russe des produits laitiers Wimm-Bill-Dann pour 5,4 milliards d’USD en 2010, ce qui lui donne une part de 34 % du marché national et la propriété de cinq méga-fermes en Russie. Grâce à une joint-venture avec le géant saoudien des produits laitiers, Almarai, elle a développé une présence importante sur les marchés des produits laitiers du Moyen-Orient, dans la perspective de s’étendre encore plus en Afrique et en Asie. Cette joint-venture lui donne aussi le contrôle de deux autres méga-fermes laitières, l'une en Égypte et l’autre en Jordanie (Photo : Reuters/Bogdan Cristel)
    Usine Pepsi en Roumanie. Le PDG de PepsiCo, Indra Nooyi, appelle le secteur laitier « la nouvelle frontière en matière de distribution d’alimentation et de boissons. » Sa société s’est récemment déchaînée sur le marché en rachetant des transformateurs de produits laitiers et en prenant par la même occasion le contrôle d’un certain nombre de méga-fermes laitières. Elle a acheté le géant russe des produits laitiers Wimm-Bill-Dann pour 5,4 milliards d’USD en 2010, ce qui lui donne une part de 34 % du marché national et la propriété de cinq méga-fermes en Russie. Grâce à une joint-venture avec le géant saoudien des produits laitiers, Almarai, elle a développé une présence importante sur les marchés des produits laitiers du Moyen-Orient, dans la perspective de s’étendre encore plus en Afrique et en Asie. Cette joint-venture lui donne aussi le contrôle de deux autres méga-fermes laitières, l'une en Égypte et l’autre en Jordanie (Photo : Reuters/Bogdan Cristel)
    laitiers, et achèteront ces produits laitiers dans des chaînes de supermarchés en expansion rapide. Les supermarchés comme Wal-Mart et Carrefour ferment leurs portes au lait populaire, tout comme les chaînes de restaurants comme McDonald et Starbucks. Il est tout simplement impossible pour le système du lait populaire de respecter les normes privées et les politiques d'achat fixées par ces sociétés. Au Chili, par exemple, les supermarchés exigent que leurs fournisseurs de fromage les autorisent à retarder le paiement jusqu'à 4-5 mois, ce que peu de petits fromagers peuvent se permettre.19 Aussi, plus les produits laitiers sont consommés par le biais de ces points de vente, moins ils sont consommés par le biais des marchés du lait populaire, et plus le lait est fourni par des entreprises en mesure de respecter les normes et les politiques d’achats fixées par les distributeurs.
    Ce n’est pas que les Géants laitiers se désintéressent des pauvres. La marge bénéficiaire peut être réduite, mais l'ensemble du marché peut être assez important, et les multinationales laitières déploient des efforts importants pour élaborer des produits et des stratégies de commercialisation qui ciblent les consommateurs à faible revenu (voir Encadré 4: Des produits laitiers pour les « sous-groupes » de consommateurs ; Encadré 5 : Vendre « la santé et le bien-être »). Comme ces populations ont actuellement tendance à consommer du lait populaire frais, de la ferme, un axe de la stratégie des entreprises consiste à qualifier ce lait de « dangereux ».
    Au Kenya, par exemple, en 2003, les grands transformateurs de produits laitiers ont lancé une campagne « Milk Safe » (« Lait sain »), accusant le secteur du lait populaire de vendre du lait frelaté.20 Une coalition d'agriculteurs, de vendeurs, de chercheurs et de citoyens concernés a réussi à se regrouper pour riposter. Avec le soutien de l'Université du Kenya, ils ont effectué leur propre étude, qui a démontré que ces accusations étaient totalement fausses.
    « L’explication la plus plausible de ce qui se passe dans l'industrie est que les grands acteurs complotent pour exclure les petits vendeurs et les petits producteurs afin de pouvoir avoir le marché pour eux-mêmes », estime le Dr Wilson Nguyo, chercheur senior à l’Institut Tegemeo de politique et de développement agricoles de l’Université d’Egerton.21
    Il y a beaucoup plus de raisons d'être préoccupés par les falsifications dans la filière industrielle que par le secteur du lait populaire, comme le récent scandale de la mélamine en Chine le démontre amplement. Dans ce dernier cas, le lait était trafiqué dans des centres de collecte desservant plusieurs des plus grandes entreprises laitières de Chine. Les grandes sociétés laitières multinationales ont également été impliquées. La société néo-zélandaise Fonterra possédait 43 %
    Mme Zulaikho vend du lait de ses propres vaches à un client à Tachkent, en Ouzbékistan, le 8 janvier 2011. Les ventes de lait populaire en Ouzbékistan ont récemment augmenté. Les gens apprécient sa qualité et sa fraîcheur, et il se vend deux fois moins cher que le lait acheté en magasin. Le gouvernement et l'industrie ont réagi en disant que le lait ne respecte pas les normes d’hygiène et, récemment, une campagne a été lancée à Tachkent pour éduquer les écoliers à l'importance de boire du lait transformé et emballé au lieu du lait populaire. « Les jeunes d'aujourd'hui seront de futurs parents, avec une perspective nouvelle et des besoins modernes de produits de qualité », explique l'agent de commercialisation de la campagne, Saida Ziyamova. « Il est donc important de leur faire comprendre l'importance d’un lait sain, sans risque. » Lorsqu'on lui a demandé pourquoi beaucoup de gens en Ouzbékistan pensent que le lait populaire est de qualité supérieure, le directeur de l'usine Nestlé en Ouzbékistan, Muzaffar Akilov, a expliqué : « Les gens se trompent par ignorance. »
    Mme Zulaikho vend du lait de ses propres vaches à un client à Tachkent, en Ouzbékistan, le 8 janvier 2011. Les ventes de lait populaire en Ouzbékistan ont récemment augmenté. Les gens apprécient sa qualité et sa fraîcheur, et il se vend deux fois moins cher que le lait acheté en magasin. Le gouvernement et l'industrie ont réagi en disant que le lait ne respecte pas les normes d’hygiène et, récemment, une campagne a été lancée à Tachkent pour éduquer les écoliers à l'importance de boire du lait transformé et emballé au lieu du lait populaire. « Les jeunes d'aujourd'hui seront de futurs parents, avec une perspective nouvelle et des besoins modernes de produits de qualité », explique l'agent de commercialisation de la campagne, Saida Ziyamova. « Il est donc important de leur faire comprendre l'importance d’un lait sain, sans risque. » Lorsqu'on lui a demandé pourquoi beaucoup de gens en Ouzbékistan pensent que le lait populaire est de qualité supérieure, le directeur de l'usine Nestlé en Ouzbékistan, Muzaffar Akilov, a expliqué : « Les gens se trompent par ignorance. »
    de Sanlu, l'entreprise laitière chinoise au cœur du scandale, et il semble que le lait contaminé de Chine rentrait dans ses approvisionnements mondiaux, ainsi que ceux de Nestlé et d’autres multinationales.
    Les grandes sociétés laitières ont réagi en essayant de prendre leurs distances par rapport à ce scandale. Lorsque des tests effectués à l'Université de Dacca au Bangladesh ont établi que le lait à dissolution instantanée Nestlé Nido, fait avec du lait en poudre fourni par Fonterra, était contaminé à la mélamine, les deux sociétés ont publiquement remis en question les conclusions et la compétence du laboratoire universitaire. Mais, à peu près au même moment, des résultats similaires sont arrivés concernant des produits Nestlé à Taïwan et en Arabie Saoudite. Les autorités saoudiennes ont qualifié d’« extrêmement dangereux » les niveaux de mélamine qu’elles ont découverts.22 Une demande officielle d'accès à l'information (Freedom of Information Act) déposée par Associated Press a révélé que la Food and Drug Administration américaine avait trouvé de la mélamine dans des tests effectués sur des préparations pour nourrissons et des suppléments nutritionnels vendus aux États-Unis par Nestlé et d'autres sociétés.23
    Quelle fut la réponse de Nestlé ? Selon lui, de faibles niveaux de mélamine ne sont pas dangereux et peuvent se retrouver dans la plupart des produits alimentaires. « Des traces infimes existent dans le cycle alimentaire naturel », précise la société, qui exhorte en même temps les gouvernements à adopter des limites maximales de résidus au lieu d’une tolérance zéro.24
    Encadré 3: Des coopératives qui deviennent des sociétés commerciales
    De toutes les denrées agricoles, les produits laitiers sont les plus « fragiles » dans le sens où ils ont une faible durée de conservation et nécessitent une gestion rigoureuse. Le lait cru est une matière très vivante, riche de toute une variété d'organismes vivants qui peuvent avoir des résultats formidables – demandez à n’importe quel fabricant de fromage - mais qui peut aussi attirer certains compagnons plutôt désagréables.
    La fragilité du lait met les producteurs laitiers dans une position difficile dans les pays où le secteur de la transformation est en train de se regrouper. Les différents producteurs laitiers n’ont pas pu retirer leur lait du marché pour obtenir un meilleur prix, et n’ont guère eu d’autre choix que de s'organiser en coopératives en espérant vivre décemment de leur activité essentielle. Les premières coopératives laitières ont été organisées au XIXe siècle, et se sont multipliées par la suite jusqu’à bientôt dominer la collecte du lait pour les transformateurs industriels dans la plupart des grands pays producteurs de produits laitiers.
    Mais si le mouvement pour les coopératives laitières est né d'une remise en cause du pouvoir des entreprises, beaucoup de coopératives sont aujourd'hui devenues de grandes entreprises laitières à part entière. Le groupe mexicain Grupo Lala, par exemple, a été créé dans les années 1940 sous la forme d’une coopérative de petits producteurs familiaux indépendants dans la région de La Laguna. La coopérative a grandi grâce à la mise en place d'une loi fédérale interdisant la vente de lait non pasteurisé et d'un programme gouvernemental visant à mettre en place des districts laitiers spécialisés. Mais les petits agriculteurs ont été largement exclus de cette croissance. Aujourd'hui, la coopérative est contrôlée par seulement 150 très grandes exploitations laitières, dont le modèle de production très consommateur en eau conduit à toutes sortes de problèmes pour les communautés paysannes voisines.25 Grupo Lala est maintenant en pleine expansion à l'étranger. En 2009, il a acheté le transformateur laitier américain National Dairy, ce qui en fait la deuxième société laitière aux États-Unis et la cinquième dans le monde.26
    Les activités des grandes coopératives sont devenues transnationales, mais ce n’est pas le cas de leurs structures de coopération. L'adhésion à Friesland Campina n'est pas ouverte aux agriculteurs vietnamiens qui le fournissent maintenant, pas plus que l'adhésion à Fonterra n’est ouverte à ses fournisseurs chiliens.
    Sur certains marchés de produits laitiers « émergents » du Sud, ce sont en réalité les grands transformateurs laitiers qui travaillent à organiser des coopératives comme moyen de faciliter la collecte de lait cru et de développer des groupes d’exploitations plus vastes.
    « Il y a deux façons de développer un marché du lait cru », explique Jean-Christophe Laugée, directeur de Danone. « Investir dans des grandes exploitations agricoles ou aider des producteurs individuels à se développer et à s'agrandir en se regroupant dans des coopératives. » J.-C. Laugée prend l’exemple de l'Ukraine, où la société suit les deux pistes. Elle investit dans la construction de ses propres exploitations de 1 000 vaches, et travaille directement avec des coopératives pour développer le nombre et la taille des exploitations qui l’approvisionnent. Danone a récemment lancé un projet avec Heifer International, en Ukraine, pour construire une ferme de démonstration de 100 vaches qui « démontre à un petit agriculteur les avantages des grandes exploitations agricoles et l'incite à augmenter le nombre de vaches. »27
    Les petits agriculteurs ne sont pas les bienvenus
    Le canular le plus cruel consiste à affirmer que le développement des multinationales laitières dans
    L'action militante internationale a obtenu un succès considérable en forçant Nestlé et d'autres multinationales à modérer leur promotion agressive et trompeuse du lait maternisé pour remplacer le lait maternel. Mais, aujourd'hui, ces sociétés vilipendent le lait populaire – l'une des plus importantes sources d’alimentation et de subsistance pour les gens pauvres dans les pays pauvres – ce qui est tout aussi sinistre et criminel.
    L'action militante internationale a obtenu un succès considérable en forçant Nestlé et d'autres multinationales à modérer leur promotion agressive et trompeuse du lait maternisé pour remplacer le lait maternel. Mais, aujourd'hui, ces sociétés vilipendent le lait populaire – l'une des plus importantes sources d’alimentation et de subsistance pour les gens pauvres dans les pays pauvres – ce qui est tout aussi sinistre et criminel.
    le Sud offrira plus de débouchés aux producteurs laitiers. Nestlé et Danone peuvent avoir quelques programmes dans les pays pauvres visant à créer des filières d'approvisionnement avec de petits agriculteurs, et il existe de nombreux projets pilotes d'ONG qui tentent d'aider les petits agriculteurs à respecter les critères de « qualité » fixés par ces sociétés. Mais cela ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan. Si les multinationales laitières ont besoin de développer quelques filières d'approvisionnement locales au fur et à mesure de leur expansion dans le Sud, la réalité est que l'écrasante majorité des producteurs laitiers du Sud, qui ne possèdent en moyenne que quelques bêtes laitières, ne pèseront jamais bien lourd dans ces filières.28
    Contrairement aux petits vendeurs qui s’enfoncent dans les campagnes sur leurs motos et leurs bicyclettes, les gros transformateurs ne sont pas disposés à s'aventurer dans des centaines de petites fermes pour collecter le lait. Dans les rares endroits où ils développent des filières d'approvisionnement locales dans le Sud, ils exigent que les agriculteurs apportent leur lait à des centres de collecte centralisés, appelés « zones de collecte » ou « plates-formes », pour lesquels les coûts de réfrigération sont souvent supportés par les agriculteurs.29 Généralement, les entreprises ne vont acheter du lait dans la zone du programme qu’auprès des agriculteurs qui ont signé des contrats exclusifs et, en fin de compte, la société a tout pouvoir quand il s'agit de fixer les prix et de déterminer si le lait fourni par l'agriculteur répond aux normes de l'entreprise, ce qui, souvent, n'est pas le cas. Dans les années 1990 au Brésil, par exemple, lorsque le marché des produits laitiers a connu une évolution spectaculaire dans le sens des supermarchés et du lait emballé sous vide et traité à ultra-haute température, 60 000 petits producteurs laitiers ont été radiés par les 12 transformateurs les plus importants.30
    Au Kenya, Nestlé refuse même d'acheter du lait auprès des producteurs laitiers traditionnels, malgré des siècles d'expérience dans la production d’un lait de grande qualité. La société affirme que le lait produit et transformé au Kenya ne répond pas à ses normes et, à la place, il utilise du lait en poudre importé, principalement de Nouvelle-Zélande. Récemment, la société a lancé un projet pilote pour commencer à mettre en place une collecte de lait locale, mais les agriculteurs participants doivent adopter les races animales exotiques et le modèle à coût élevé, à haute production et, finalement, à haut risque, exigés par l'entreprise.31
    Un bar à lait au Kenya, qui sert du lait frais produit localement (Photo : ILRI/Elsworth).
    Un bar à lait au Kenya, qui sert du lait frais produit localement (Photo : ILRI/Elsworth).
    Les agriculteurs kenyans peuvent se tourner vers le secteur du lait populaire pour éviter de telles tactiques des grandes entreprises. Dans d'autres pays, où le marché des produits laitiers est totalement contrôlé par les grands transformateurs, les agriculteurs sont dans une position beaucoup plus vulnérable. Le lait est un produit extrêmement périssable, ce qui ne laisse guère d’autre choix aux agriculteurs que de vendre immédiatement ce qu'ils produisent au-delà des besoins de leurs familles, quel que soit le prix offert. Dans de nombreux pays du Nord et plusieurs pays du Sud, les agriculteurs ont agi pour redresser ce déséquilibre de pouvoir entre eux et les transformateurs de produits laitiers, en mettant en place des coopératives pour renforcer leur pouvoir de négociation. La mondialisation de l'industrie laitière a, cependant, fondamentalement faussé la vision fondatrice de certains mouvements coopératifs, et rendu beaucoup plus difficiles les efforts pour contrebalancer le pouvoir des grandes sociétés laitières.
    Dans un marché national fermé, les coopératives peuvent, surtout si elles disposent d’un contrôle sur l'offre, exercer une certaine influence sur les prix, et même faire en sorte que d'autres considérations soient prises compte, comme des protections pour les petites exploitations et l'environnement. Mais dès que les marchés nationaux sont ouverts aux importations, il y a peu d'espoir de garantir des prix équitables.
    Danone est peut-être plus agressif que toutes les autres multinationales laitières dans la mesure où il se donne une image de société socialement responsable. (à gauche) Agriculteurs livrant du lait à une usine de yaourts dans le village de Bogru, au Bangladesh. L'usine est détenue par une joint-venture entre Danone et la banque de microcrédit Grameen (Photo : Haley/SIPA). (au centre) Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank, et Emmanuel Faber, Directeur général délégué de Danone à l'occasion de l’Assemblée générale de Danone Communities 2011 au Carrousel du Louvre à Paris, le 28 avril 2011. (à droite) Des représentants de Danone lors du Forum Social Mondial à Dakar, au Sénégal, 6 février 2011.
    Danone est peut-être plus agressif que toutes les autres multinationales laitières dans la mesure où il se donne une image de société socialement responsable. (à gauche) Agriculteurs livrant du lait à une usine de yaourts dans le village de Bogru, au Bangladesh. L'usine est détenue par une joint-venture entre Danone et la banque de microcrédit Grameen (Photo : Haley/SIPA). (au centre) Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank, et Emmanuel Faber, Directeur général délégué de Danone à l'occasion de l’Assemblée générale de Danone Communities 2011 au Carrousel du Louvre à Paris, le 28 avril 2011. (à droite) Des représentants de Danone lors du Forum Social Mondial à Dakar, au Sénégal, 6 février 2011.

    Encadré 4: Des produits laitiers pour les « sous-groupes » de consommateurs
    Nestlé avait un problème au Pakistan : les enfants des villes buvaient du lait frais entier, au lieu du lait en poudre NIDO de Nestlé. « Seulement 4 % des 21 millions d'enfants dans les zones urbaines du Pakistan consommaient des produits laitiers NIDO, principalement dans les familles à revenu élevé », déplorait un rapport de la société. Aussi Nestlé a-t-il fait des recherches de marché. Avec des taux de carence en fer élevés chez les enfants en milieu urbain au Pakistan (30 %), la société a compris qu’en additionnant son lait NIDO avec de la poudre de fer et en investissant massivement dans la publicité TV et des campagnes d'éducation, elle pourrait convaincre les mères pauvres pakistanaises que NIDO était un meilleur choix pour santé de leurs enfants. Les ventes ont décollé et ont quintuplé en 2009 lorsque le nouveau programme de marketing a été lancé.
    En Indonésie, Danone vend 2 millions de bouteilles par jour de son produit Milkuat au prix d’environ 0,10 € par bouteille, avec des ventes en hausse de 70 % en 2006.
    En Indonésie, Danone vend 2 millions de bouteilles par jour de son produit Milkuat au prix d’environ 0,10 € par bouteille, avec des ventes en hausse de 70 % en 2006.
    NIDO, que Nestlé vend comme un « lait nutritif pour les enfants en croissance », est l’un de ses « produits à prix populaires » (PPP). Il s’agit de produits que Nestlé fabrique pour la moitié de la population mondiale qu’il classe parmi les « pauvres » ou ceux qui dépensent peu pour leur alimentation (« low food spenders »). « Les PPP ciblent le plus grand segment de consommateurs et celui qui croît le plus rapidement dans les marchés émergents, ainsi que d'importants sous-groupes sur les marchés développés », explique Nestlé.32Cette société n'est pas la seule dans ce cas. Danone, Kraft, General Mills : toutes les plus grandes sociétés laitières ont une gamme de produits bon marché destinée aux pauvres.
    Les sociétés maintiennent des prix bas pour ces produits en utilisant des ingrédients bon marché. Ils sont destinés à inciter les gens à se détourner du lait frais d'origine locale (et du lait maternel) et des produits laitiers frais, comme le fromage et le yaourt, et à acheter des produits laitiers transformés, fabriqués avec des ingrédients industriels provenant du monde entier. Une des pratiques les plus courantes consiste à utiliser de la poudre de lait écrémé au lieu du lait frais, et ensuite à le reconstituer avec de l'huile de palme ou une autre huile végétale bon marché. Au Mexique, où l'importation de poudre de lait écrémé à partir des États-Unis domine le marché des produits laitiers, ce processus est appelé « filling » (« remplissage ») et, dans certains produits, jusqu'à 80 % de la matière grasse du lait est remplacée.33 Les pays en développement représentent la quasi-totalité des importations de poudre de lait écrémé.34
    Fonterra, qui s'appuie fortement sur la réputation mondiale de la Nouvelle-Zélande pour son lait de grande qualité, mélange régulièrement son lait en poudre avec de l'huile végétale dans ses produits pour les consommateurs pauvres. « Si vous pouvez faire un produit qui a en grande partie les qualités nutritives d'une poudre de lait entier – mais pour un coût différent et à un prix unitaire inférieur - il y a un marché pour ça », estime Mark Wilson, directeur général de la branche Asie-Moyen-Orient de la multinationale Fonterra. « Nous sommes une entreprise laitière mais nous devons aussi être conscients de la nécessité de satisfaire les exigences des consommateurs. »
    Les grandes entreprises dépensent des sommes d'argent colossales pour créer une demande pour leurs produits transformés. Dans la région pauvre du nord-est brésilien, Nestlé et Danone ont engagé des sociétés de relations publiques pour les aider à mettre en place des stratégies locales afin d’attirer les consommateurs pauvres. Nestlé a un programme appelé « até voce » (« Nestlé vient à vous ») où les vendeurs font du porte à porte pour vendre des paquets de biscuits, des produits laitiers, des yaourts et des desserts. Selon le magazine de publicité Adage, « les vendeurs sont formés pour intervenir en tant que consultants en diététique, en aidant les consommateurs à comprendre en quoi consiste une alimentation saine. »35
    Le pouvoir de la poudre
    Le problème fondamental est que les prix internationaux des produits laitiers sont bien en dessous des coûts de production pour presque tous les pays. Le prix est artificiel et basé sur une production excédentaire fortement subventionnée en Europe et aux États-Unis, et un modèle à faible coût de production pour l'exportation en Nouvelle-Zélande et en Australie, que les agriculteurs dans de nombreux autres pays ne peuvent pas concurrencer.
    Graphique 1. Part des exportations mondiales de produits laitiers
    Bien que le commerce international des produits laitiers soit assez réduit par rapport au marché laitier mondial global, son impact est énorme. L’accès aux importations de lait en poudre bon marché et d’autres « produits » laitiers (voir photo) permet aux transformateurs et aux distributeurs d'exercer une pression à la baisse sur les prix locaux du lait, forçant souvent les agriculteurs à accepter des prix inférieurs aux coûts de production.
    Au Vietnam, par exemple, où le marché laitier est dominé par une poignée de grands transformateurs, et où les importations de lait en poudre représentent 80 % du marché national, les transformateurs fixent leurs prix d'achats locaux en fonctions des prix internationaux du lait en poudre. Ces derniers sont égaux ou inférieurs aux coûts de production pour l'agriculteur vietnamien moyen.36 Le représentant national de la société néerlandaise Friesland Campina, l'un des plus grands transformateurs de produits laitiers au Vietnam, a déclaré que les agriculteurs vietnamiens
    Des millions de kilos de lait en poudre appartenant au gouvernement stockées dans un entrepôt à Fowler, en Californie, aux États-Unis. La poudre de lait écrémé et entier est la principale forme sous laquelle s’effectuent le commerce du lait au niveau mondial, puisque le lait frais est trop périssable pour ce commerce (Photo : Peter DaSilva/NYT).
    Des millions de kilos de lait en poudre appartenant au gouvernement stockées dans un entrepôt à Fowler, en Californie, aux États-Unis. La poudre de lait écrémé et entier est la principale forme sous laquelle s’effectuent le commerce du lait au niveau mondial, puisque le lait frais est trop périssable pour ce commerce (Photo : Peter DaSilva/NYT).
    devraient arrêter de se plaindre, car ils bénéficient d’un prix qui rendrait les agriculteurs hollandais « jaloux ».37 Il n'a pas précisé que le prix versé aux agriculteurs néerlandais par son entreprise est encore plus inférieur aux coûts de production, et que si les exploitations agricoles néerlandaises peuvent survivre grâce à de tels prix c’est uniquement parce qu’elles bénéficient de fortes subventions, auxquelles les agriculteurs vietnamiens n'ont pas accès.
    Il y a peu d'espoir de voir apparaître un changement dans la dynamique du marché mondial du lait. La réforme imminente des politiques laitières de l'UE va probablement augmenter les exportations, tout en ne faisant rien pour régler des prix artificiellement bas(voir Encadré 2 : La crise du lait dans l'UE en passe de s'aggraver). Et plusieurs autres pays, comme l'Uruguay, le Chili, l'Inde et le Kenya, apparaissent comme de nouvelles zones pour une production à l'exportation à faible coût pour compléter les exportations bon marché en provenance des États-Unis, de Nouvelle-Zélande et d’Australie.
    À l'heure actuelle, la croissance du commerce mondial n’est limitée que par les tarifs douaniers sur les produits laitiers et d'autres mesures de protection qui restent importantes et généralisées. La protection douanière moyenne pour les produits laitiers est de 80 %, à comparer à une moyenne globale pour les produits agricoles de 62 %. Ces tarifs douaniers ont joué un rôle crucial dans le développement du lait populaire dans des pays du Sud comme l'Inde, la Colombie et le Kenya. Lorsqu'il n'y a pas de protections douanières et commerciales significatives, comme au Sri Lanka ou au Cameroun, la production laitière locale a souffert.
    La possibilité pour les pays du Sud de maintenir ou de mettre en place des droits de douane ou d'autres protections commerciales sur les produits laitiers est sous la menace de la multitude
    Les tentatives visant à développer des filières locales pour les transformateurs laitiers nationaux au Cameroun ont échoué, du fait de la concurrence des importations de lait en poudre bon marché depuis l’UE. Une entreprise nationale, Sotramilk, a commencé ses activités dans le nord-ouest du Cameroun en 1995, avec l'espoir de produire du yaourt à base de lait local. Cependant, la concurrence des autres entreprises qui utilisaient du lait en poudre importé a forcé l'entreprise à accroître également son utilisation de lait en poudre importé, et à réduire le prix d'achat local jusqu’au point où il n'était plus possible pour les agriculteurs de vendre leur lait à l'entreprise. En 2008, l'entreprise a fermé. Selon Tilder Kumichii de l‘Association citoyenne de défense des intérêts collectifs, « les subventions à l’exportation de l'UE ne sont qu'une partie du problème des 'importations bon marché’, mais elles envoient à tous les investisseurs nationaux le message clair de ne pas se mêler de l'économie laitière et de laisser le marché mondial profiter des énormes opportunités offertes par le marché des produits laitiers au Cameroun. »
    Les tentatives visant à développer des filières locales pour les transformateurs laitiers nationaux au Cameroun ont échoué, du fait de la concurrence des importations de lait en poudre bon marché depuis l’UE. Une entreprise nationale, Sotramilk, a commencé ses activités dans le nord-ouest du Cameroun en 1995, avec l'espoir de produire du yaourt à base de lait local. Cependant, la concurrence des autres entreprises qui utilisaient du lait en poudre importé a forcé l'entreprise à accroître également son utilisation de lait en poudre importé, et à réduire le prix d'achat local jusqu’au point où il n'était plus possible pour les agriculteurs de vendre leur lait à l'entreprise. En 2008, l'entreprise a fermé. Selon Tilder Kumichii de l‘Association citoyenne de défense des intérêts collectifs, « les subventions à l’exportation de l'UE ne sont qu'une partie du problème des 'importations bon marché’, mais elles envoient à tous les investisseurs nationaux le message clair de ne pas se mêler de l'économie laitière et de laisser le marché mondial profiter des énormes opportunités offertes par le marché des produits laitiers au Cameroun. »
    d'accords commerciaux bilatéraux et régionaux mis en œuvre et négociés à travers le monde. Dans la négociation de ces accords commerciaux, l'UE, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, l'Argentine et d'autres exportateurs insistent pour que les pays importateurs ouvrent leurs marchés à leurs produits laitiers et se conforment à d’autres exigences qui protègent les intérêts des exportateurs. L'UE et les États-Unis ne veulent pas pour autant soumettre leurs propres industries laitières à la même concurrence étrangère (voirEncadré 2La crise du lait dans l'UE en passe de s'aggraver).38 Beaucoup de gouvernements dans le Sud, cependant, ne se sont montrés que trop disposés à sacrifier la production laitière locale dans les négociations commerciales en échange d'autres avantages escomptés.
    Le ministre colombien de l'Agriculture, Andrés Fernández, admet que l'ALE que son gouvernement a lancé avec l'UE aura un impact défavorable sur plus de 400 000 familles paysannes à travers la Colombie. Mais il dit que cela doit être considéré comme un sacrifice, car d'autres secteurs comme le tabac et le café vont bénéficier de l'ALE. « L’industrie laitière elle-même est exposée, nous ne pouvons pas mentir au pays, mais nous ne pouvons pas arrêter de signer des accords commerciaux avec d'autres pays simplement parce qu'un secteur est sévèrement touché », a déclaré A. Fernandez.39
    De même, le gouvernement thaïlandais, pleinement conscient des conséquences que l’accord de libre-échange avec l'Australie sur la production locale des produits laitiers, a accepté une réduction substantielle des tarifs douaniers sur les importations de produits laitiers australiens dans le cadre d'un ALE que les deux pays ont signé en 2005. Les impacts ont été rapides. Selon Witoon Lianchamroon de BIOTHAI : « Dans l’année qui a suivi la signature de l'ALE, l’association des producteurs laitiers thaïlandais a publié un rapport indiquant qu’un tiers des producteurs laitiers adhérents ont fait faillite en raison de cet Accord. Ils ont dû de chercher un autre emploi pour gagner leur vie. »40
    Le gouvernement chilien, motivé par les accords commerciaux qu'il cherchait à obtenir avec des grands exportateurs de produits laitiers, a été l'un des premiers à libéraliser son secteur laitier. Entre le milieu des années 1980 et le début des années 2000, le Chili a réduit ses tarifs douaniers sur les produits laitiers de 20 à 6 %. Il en est résulté une chute du prix national pour le lait à la ferme qui est tombé en dessous du coût de production. Lorsque les agriculteurs ont protesté, le gouvernement a affirmé que ses mesures forceraient le secteur à se moderniser, et que les agriculteurs bénéficieraient bientôt du développement des marchés à l'exportation. Dans les années qui suivirent, le Chili est en effet devenu exportateur de lait, mais les importations ont également augmenté. Et surtout, l'ensemble du secteur a été radicalement transformé.
    Avant la libéralisation, l'industrie laitière du Chili se caractérisait par de petites exploitations et une industrie locale florissante de transformation du lait, composée de petites unités produisant presque exclusivement pour les marchés locaux. La dictature de Pinochet avait détruit de nombreuses coopératives du pays, mais ces dernières et les groupes de producteurs à but non lucratif avaient encore une présence significative sur le marché national, alors que la présence des multinationales était assez faible. Cependant, lorsque le marché a été ouvert, les petits transformateurs qui dépendaient de la production de lait locale n’ont pas pu rivaliser avec les plus gros acteurs du secteur, qui avaient la possibilité d'utiliser du lait en poudre importé pour maintenir des prix bas. Les changements correspondants aux lois sur les investissements étrangers ont également permis aux acteurs internationaux, tels que Fonterra, de venir s’emparer des principaux transformateurs laitiers nationaux.41 En quelques années seulement, Fonterra et Nestlé, qui ont une collaboration officielle pour leurs activités laitières dans la plus grande partie de l'Amérique latine, avaient pris le contrôle de plus de 45 % de l'approvisionnement national en lait.42 Les deux sociétés ont cherché à fusionner leurs activités au Chili, mais cela a jusqu'ici été bloqué par le Tribunal de la concurrence du pays. Néanmoins, les producteurs laitiers chiliens sont convaincus que les deux entreprises s'entendent pour fixer les prix, et ont régulièrement d'autres pratiques anticoncurrentielles pour maintenir des prix bas. Aujourd'hui, le prix du lait vendu au détail au Chili est six fois supérieur à celui que les agriculteurs perçoivent à la ferme.43
    Une cave où est empilé du Parmesan à Montecavolo, près de Reggio Emilia, en Italie, en 2009. En application du système européen des appellations d’origine contrôlée (geographic indicators – GI), le fromage vendu sous le nom de Parmigiano-Reggiano ne peut être produit qu’à Parme, Reggio Emilia, Modène, Bologne ou Matua. En 2008, cependant, l’UE a décidé que la même règle s’appliquait à tous les fromages produits sous le nom de “Parmesan” un terme générique largement utilisé pour différents fromages produits dans le monde entier. L’UE a pris la même décision pour la Feta, en affirmant qu’elle ne pouvait être produite qu’en Grèce, bien que le nom de “Feta” soit devenu un nom générique ou habituel dans beaucoup de pays extérieurs à l’UE où des fromages vendus sous le nom “Feta” sont aussi fabriqués. La « relocalisation »des termes génériques est devenue un aspect essentiel des négociations commerciales internationales de l’UE. Dans l’accord négocié avec la Corée du Sud, par exemple, l’UE a insisté sur la relocalisation d’une longue liste de fromages, dont le Provolone, le Parmesan, le Romano, le Roquefort, la Feta, l’Asiago, le Gorgonzola, le Grana et le Fontina. Les producteurs de fromage américains ont à juste titre signalé qu’un tel accord menace leurs exportations de ces produits vers la Corée, le deuxième marché à l’exportation des États-Unis pour le fromage. En juin 2011, ils ont demandé à Ron Kirk, le Représentant américain au commerce, d’obtenir une garantie écrite de Kim Jung-hoon, confirmant que la Corée considère des noms comme le Brie, le Camembert, le Cheddar, la Mozzarella, le Gorgonzola et le Parmesan comme des noms génériques et non la propriété exclusive des fabricants de fromage européens.4 Comment l’UE va-t-elle réagir? Il est trop tôt pour le dire. Mais pour d’autres produits, les efforts de relocalisation se sont étendus jusqu’à des traductions et des variantes locales des termes génériques. Par exemple, l’UE insiste dans ses négociations de libre échange avec l’Ukraine pour que les vinificateurs arrêtent de donner à leurs vins blancs pétillants fabriqués en Ukraine le nom de « champanskoye », même si cette variante locale du nom « champagne » est couramment utilisée depuis des décennies (Photo : AP).
    Une cave où est empilé du Parmesan à Montecavolo, près de Reggio Emilia, en Italie, en 2009. En application du système européen des appellations d’origine contrôlée (geographic indicators – GI), le fromage vendu sous le nom de Parmigiano-Reggiano ne peut être produit qu’à Parme, Reggio Emilia, Modène, Bologne ou Matua. En 2008, cependant, l’UE a décidé que la même règle s’appliquait à tous les fromages produits sous le nom de “Parmesan” un terme générique largement utilisé pour différents fromages produits dans le monde entier. L’UE a pris la même décision pour la Feta, en affirmant qu’elle ne pouvait être produite qu’en Grèce, bien que le nom de “Feta” soit devenu un nom générique ou habituel dans beaucoup de pays extérieurs à l’UE où des fromages vendus sous le nom “Feta” sont aussi fabriqués. La « relocalisation »des termes génériques est devenue un aspect essentiel des négociations commerciales internationales de l’UE. Dans l’accord négocié avec la Corée du Sud, par exemple, l’UE a insisté sur la relocalisation d’une longue liste de fromages, dont le Provolone, le Parmesan, le Romano, le Roquefort, la Feta, l’Asiago, le Gorgonzola, le Grana et le Fontina. Les producteurs de fromage américains ont à juste titre signalé qu’un tel accord menace leurs exportations de ces produits vers la Corée, le deuxième marché à l’exportation des États-Unis pour le fromage. En juin 2011, ils ont demandé à Ron Kirk, le Représentant américain au commerce, d’obtenir une garantie écrite de Kim Jung-hoon, confirmant que la Corée considère des noms comme le Brie, le Camembert, le Cheddar, la Mozzarella, le Gorgonzola et le Parmesan comme des noms génériques et non la propriété exclusive des fabricants de fromage européens.4 Comment l’UE va-t-elle réagir? Il est trop tôt pour le dire. Mais pour d’autres produits, les efforts de relocalisation se sont étendus jusqu’à des traductions et des variantes locales des termes génériques. Par exemple, l’UE insiste dans ses négociations de libre échange avec l’Ukraine pour que les vinificateurs arrêtent de donner à leurs vins blancs pétillants fabriqués en Ukraine le nom de « champanskoye », même si cette variante locale du nom « champagne » est couramment utilisée depuis des décennies (Photo : AP).

    Encadré 5 : Vendre « la santé et le bien-être »
    Le fait d'associer leurs produits à des qualités nutritionnelles est extrêmement important pour les
    Dites « Cheez » ! Les concentrés de protéines laitières sont créés en faisant subir au lait un processus d’ultrafiltration qui élimine le liquide est petites molécules, dont certains minéraux nutritifs. Non seulement ils se vendent à bon marché sur le marché international, ils peuvent aussi échapper aux tarifs douaniers sur les produits laitiers. C'est pourquoi les grandes entreprises laitières l’utilisent de plus en plus. Aux États-Unis, où les importations de concentrés de protéines laitières ont explosé ces dernières années, des sociétés comme Kraft et Nestlé les utilisent pour faire des fromages fondus bon marché, comme des tranches de fromage (ci-dessus) qu'ils exportent vers le Mexique et d'autres pays. Au Canada, les entreprises laitières importent un produit appelé « mélange huile de beurre - sucre » comme matière grasse de substitution pour la fabrication des glaces. Puisque le mélange contient 51% de sucre, il est considéré comme un produit de confiserie et n’est pas soumis aux droits de douane canadiens sur l’importation des produits laitiers.
    Dites « Cheez » ! Les concentrés de protéines laitières sont créés en faisant subir au lait un processus d’ultrafiltration qui élimine le liquide est petites molécules, dont certains minéraux nutritifs. Non seulement ils se vendent à bon marché sur le marché international, ils peuvent aussi échapper aux tarifs douaniers sur les produits laitiers. C'est pourquoi les grandes entreprises laitières l’utilisent de plus en plus. Aux États-Unis, où les importations de concentrés de protéines laitières ont explosé ces dernières années, des sociétés comme Kraft et Nestlé les utilisent pour faire des fromages fondus bon marché, comme des tranches de fromage (ci-dessus) qu'ils exportent vers le Mexique et d'autres pays. Au Canada, les entreprises laitières importent un produit appelé « mélange huile de beurre - sucre » comme matière grasse de substitution pour la fabrication des glaces. Puisque le mélange contient 51% de sucre, il est considéré comme un produit de confiserie et n’est pas soumis aux droits de douane canadiens sur l’importation des produits laitiers.
    géants laitiers. Un tiers du marché mondial des produits laitiers des États-Unis, qui représente 300 milliards d’USD, est classé dans la catégorie « santé et bien-être », selon Euromonitor International. Danone contrôle 5,8 milliards d’USD sur ce segment de marché. Il est suivi par le Japonais Yakult (qui est détenu à 20 % par Danone) avec des ventes de 3,2 milliards d’USD, et Nestlé avec des ventes de 2,8 milliards d’USD.
    Parmi ces produits « santé », les plus importants sont les yaourts probiotiques, qui ont pris leur envol au Japon, où ils sont commercialisés comme un produit qui peut être consommé par des personnes ayant une intolérance au lactose. Les yaourts probiotiques sont aujourd'hui vantés pour toutes sortes de bienfaits pour la santé, depuis la stimulation de l'immunité des enfants jusqu’à la diminution du cholestérol chez les adultes. Danone commercialise un yaourt à boire qui est censé « nourrir » la peau. La valeur du marché mondial des probiotiques devrait atteindre 32 milliards d’USD en 2014, l'Asie représentant un tiers de ce chiffre.
    Danone, en particulier, s'est emparé des probiotiques pour augmenter ses bénéfices en Asie et sur les marchés stagnants d'Europe et d'Amérique du Nord. La société dispose de la plus grande collection de bactéries lactiques dans le monde, avec 3 600 souches, et elle consacre environ la moitié de son budget annuel de R&D, de 164 millions d’euros, aux probiotiques. Toute souche bactérienne identifiée par ses scientifiques et qui peut présenter un intérêt fait rapidement l’objet d’un dépôt de brevet et de marque.
    Une partie appréciable du budget de R&D de Danone va également à la production de données scientifiques pour étayer les allégations utilisées pour son marketing, et il y a des raisons de croire que l'entreprise prend régulièrement des libertés avec la vérité. Les autorités britanniques ont contraint Danone à retirer une publicité pour son produit le plus vendu, Actimel, en disant que l’affirmation de l'entreprise selon laquelle il était « scientifiquement prouvé [que ce yaourt probiotique] aide à renforcer les défenses de vos enfants » était trompeuse, malgré les montagnes de données cliniques fournies par Danone. Peu de temps après, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a refusé de confirmer les allégations de Danone sur le fait qu’Actimel pouvait renforcer la protection du corps contre la maladie ou que son autre produit-phare probiotique, Activia, pouvait faciliter la digestion.44
    Ouvrir la voie aux méga-fermes
    Il va sans dire que la libéralisation du marché des produits laitiers au Chili a conduit à la disparition de nombreuses petites exploitations laitières dans le pays. Ce qui est peut-être plus surprenant, c'est ce qui a pris leur place. Les prix bas et les flux commerciaux qui sont si néfastes aux petits agriculteurs ont eu un effet stimulant pour les compagnies étrangères et les élites économiques locales qui ont commencé à mettre en place les sociétés agricoles dans le pays.
    « Sur les cinq kilomètres de route qui séparaient la ferme laitière de ma mère de la ville proche, il y avait huit familles avec des petites exploitations laitières », explique Max Thomet, directeur de l'organisation chilienne CET-SUR.45 « Maintenant, une seule grande ferme a repris ces terres et elle est contrôlée par un magnat des affaires chilien qui a fait fortune dans l'assurance vie. »
    La ferme laitière d’Ancali, appartenant à Carlos Heller, héritier de la fortune de la famille Falabella, l’une des plus riches dynasties du Chili, possédant d’importantes participations dans la distribution, l’immobilier et le transport. La ferme compte 6 500 vaches, et produit 7,5 millions de litres de lait par mois. (Photo : El Mercurio)
    La ferme laitière d’Ancali, appartenant à Carlos Heller, héritier de la fortune de la famille Falabella, l’une des plus riches dynasties du Chili, possédant d’importantes participations dans la distribution, l’immobilier et le transport. La ferme compte 6 500 vaches, et produit 7,5 millions de litres de lait par mois. (Photo : El Mercurio)
    Au cours des dernières années, les plus riches familles du pays, qui ont des participations dans la distribution, les médias et les télécommunications, ont rapidement pris le contrôle des exploitations laitières dans les régions laitières les plus importantes du Chili. Les investisseurs étrangers, surtout néo-zélandais, ont fait de même. En 2005, l'ancien président de Fonterra, Henry van der Heyden, et 14 autres grandes familles de producteurs laitiers de Nouvelle-Zélande ont créé un fonds, appelé Manuka, pour acheter des fermes laitières dans la région d'Osorno au Chili. Le fonds a commencé par acheter 13 fermes de 150 à 500 ha, puis il a repris la plus grande laiterie du Chili, Hacienda Rupanco. Aujourd'hui, les activités agricoles du fonds couvrent plus de 22 000 ha et assurent la production de 82 000 000 litres de lait par an, dont la plupart sont vendus à une filiale de Fonterra, Soprole. Maintenant les propriétaires de Manuka cherchent à se développer en faisant appel à d'autres investisseurs.
    Ces nouvelles fermes énormes, détenues par des propriétaires absents, représentent l'avenir pour la fourniture du lait aux multinationales qui dominent maintenant le marché chilien des produits laitiers. Déjà, la ferme Ancali (voir photo) et les fermes Manuka représentent près de 10 % de la production laitière nationale du Chili.46 Avec leurs volumes de production élevés, ces fermes peuvent faire du profit même lorsque les prix du lait sont faibles, étant donné surtout que les grands transformateurs paient des prix plus élevés pour les exploitations agricoles qui fournissent des volumes plus importants.47 Le Chili va peut-être devenir un jour une puissance exportatrice de produits laitiers, comme le gouvernement l’avait promis, mais les petits agriculteurs n'auront plus aucune place dans ce secteur.
    Ce qui se passe au Chili n'est pas un cas isolé. Cela s’inscrit dans une évolution mondiale. Partout dans le monde, au Nord comme au Sud, des sociétés et des grands acteurs financiers se déplacent pour mettre en place des méga-fermes et s’emparer de l’approvisionnement mondial en lait (voir encadré 6 : Fonterra va « hors des frontières"; Encadré 7 : L'élevage laitier industriel se mondialise).
    Lorsque des chaînes de restauration rapide comme McDonald’s s’implantent sur de nouveaux marchés dans le Sud, leurs fournisseurs mondiaux leur emboîtent le pas. Les principaux fournisseurs mondiaux de produits laitiers de McDonald’s, Schreiber Foods et Eerie Foods, sont arrivés en Inde dans les années 1990 pour développer un approvisionnement régional pour la chaîne de restauration. À la demande de McDonald’s, les sociétés ont conclu un partenariat avec la riche famille Goenka pour créer une grande entreprise de transformation de produits laitiers dans le Maharashtra, maintenant appelée Schreiber-Dynamix. L'entreprise a commencé par la mise en place d’une agriculture contractuelle et de centres de collecte pour collecter le lait des agriculteurs locaux, mais elle a ensuite commencé à créer sa propre exploitation agricole de taille industrielle pour couvrir ses besoins. En novembre 2010, la société a inauguré une ferme laitière « prête pour l’avenir », avec 6 000 vaches sur 300 hectares, dans le district de Pune, avec le soutien de la State Bank of India. Dynamix fournit également Danone, Nestlé, Yum! et KFC (Photo : USC).
    Lorsque des chaînes de restauration rapide comme McDonald’s s’implantent sur de nouveaux marchés dans le Sud, leurs fournisseurs mondiaux leur emboîtent le pas. Les principaux fournisseurs mondiaux de produits laitiers de McDonald’s, Schreiber Foods et Eerie Foods, sont arrivés en Inde dans les années 1990 pour développer un approvisionnement régional pour la chaîne de restauration. À la demande de McDonald’s, les sociétés ont conclu un partenariat avec la riche famille Goenka pour créer une grande entreprise de transformation de produits laitiers dans le Maharashtra, maintenant appelée Schreiber-Dynamix. L'entreprise a commencé par la mise en place d’une agriculture contractuelle et de centres de collecte pour collecter le lait des agriculteurs locaux, mais elle a ensuite commencé à créer sa propre exploitation agricole de taille industrielle pour couvrir ses besoins. En novembre 2010, la société a inauguré une ferme laitière « prête pour l’avenir », avec 6 000 vaches sur 300 hectares, dans le district de Pune, avec le soutien de la State Bank of India. Dynamix fournit également Danone, Nestlé, Yum! et KFC (Photo : USC).
    Si ce passage à des méga-fermes se poursuit dans le Sud, il sera brutal pour les petits agriculteurs. Dans l'UE et aux États-Unis, tout comme dans des pays du Sud comme le Chili et l'Argentine, où il ne reste pas grand-chose du système du lait populaire, l'industrialisation et la concentration de la production laitière ont anéanti un nombre énorme de petits agriculteurs. Les États-Unis ont perdu 88% de leurs exploitations laitières entre 1970 et 2006, tandis que les neuf pays à l'origine de l'Union européenne en ont perdu 70 % entre 1975 et 1995. Le rythme de destruction n'a pas ralenti. En Argentine, en Australie, au Brésil, en Europe, au Japon, en Nouvelle–Zélande, en Afrique du Sud et aux États-Unis, le nombre de fermes a diminué de 2 à 10 % par an sur la période 2000-2005. Une situation très différente de celle de la plupart des pays en développement, où les multinationales de la transformation des produits laitiers et les méga-fermes laitières sont encore peu présentes. Durant les mêmes années, le nombre de fermes dans ces pays a augmenté de 0,5 à 10% par an.48
    Le passage à des exploitations à grande échelle serait une catastrophe aussi bien environnementale que sanitaire. Les exploitations de ce type engloutissent d’énormes quantités d'eau, souvent au détriment des autres fermes et des communautés qui dépendent des mêmes sources.49 Elles exigent également beaucoup de terrains, pas pour y faire vivre leurs vaches, mais pour produire leur alimentation.50 Et elles génèrent d’énormes quantités de déchets. Une vache produit en moyenne 20 fois plus de déchets qu'un humain : donc une ferme industrielle avec 2 000 vaches produit autant de déchets qu'une petite ville. La plus grande partie des excréments n'est pas traitée et finit dans de grands bassins situés à côté de la ferme. Ces derniers attirent les mouches et créent une odeur insupportable pour ceux qui vivent à proximité. La plupart des déchets dans les bassins seront en fin de compte pulvérisés sur les champs mais, trop souvent, certains d'entre eux s’écoulent dans des cours d'eau, contaminant l’approvisionnement local. Les bassins de déjections sont aussi des sources majeures d'émissions de gaz à effet de serre. Une étude a constaté qu'une ferme industrielle utilisant des bassins à déjections rejette 40 fois plus de méthane (un gaz à effet de serre) qu’une ferme biologique où les vaches sont au pâturage.51
    L'impact de l'agriculture industrielle sur la santé animale est également bien documenté. Comme les animaux dans ces fermes sont poussés à produire plus, par l’utilisation d’une alimentation à haute teneur en protéines, des traites fréquentes et des hormones et des médicaments favorisant la production, ils deviennent stressés et sensibles aux maladies et aux blessures. Pour compenser, les animaux reçoivent des quantités importantes d'antibiotiques et d’autres médicaments vétérinaires. Un des résultats est l'apparition dans ces fermes de superbactéries résistantes aux antibiotiques qui peuvent infecter les humains, comme le SARM.52 Mais ces pratiques ont également une incidence directe sur la qualité du lait. Une étude américaine récente fait apparaître une différence significative dans la qualité nutritionnelle du lait provenant de vaches élevées dans les fermes-usines et les vaches élevées en pâturage dans des systèmes biologiques.53 Par ailleurs, les hormones et les antibiotiques utilisés dans les fermes industrielles peuvent se retrouver dans le lait fourni, ou produire des effets secondaires néfastes.54 L’hormone de croissance recombinante bovine (BGH), par exemple, un médicament améliorant la production qui est couramment utilisé dans des fermes industrielles aux États-Unis, en Afrique du Sud et au Mexique, mais interdit en Australie, au Canada, en Europe, au Japon et en Nouvelle-Zélande, est liée à une augmentation des niveaux de substances cancérigènes et antimicrobiennes dans le lait qui représentent un risque pour la santé humaine.55
    Encadré 6 : Fonterra va « hors des frontières »
    Fonterra appelle sa stratégie d'expansion à l'étranger « aller hors des frontières ». La société sait que la Nouvelle-Zélande ne peut fournir qu’une partie limitée de l’approvisionnement mondial en lait .Par conséquent, pour poursuivre sa croissance, Fonterra met actuellement en place une production sur les principaux marchés et de nouveaux centres potentiels de production à l’exportation, comme le Chili. Le point d'entrée pour la stratégie d'expansion de Fonterra a été la Chine, premier marché de l'entreprise pour ses exportations de lait en poudre.
    Fonterra prévoit que le marché chinois des produits laitiers va passer de 25 milliards d’USD à plus de 70 milliards en 2020, et il sait que seule une petite fraction de cette augmentation de la consommation peut être fournie par la Nouvelle-Zélande. Ainsi, la société a investi agressivement dans l'approvisionnement local en produits laitiers. Sa première incursion majeure a été un investissement de 200 millions d’USD dans la société laitière chinoise San Lu, ce qui a donné à Fonterra une participation de 43 % et trois sièges au sein de son conseil d’administration. En 2008, cependant, San Lu a été impliqué dans le scandale de la mélamine qui a tué six bébés et a rendu terriblement malades 300 000 autres enfants. La société a fait faillite, et Fonterra a dû péniblement prendre ses distances pour se dégager de toute responsabilité.
    Depuis lors, les importations de lait en poudre néo-zélandais en Chine sont,
    La Fazenda Leite Verde à Bahia, la plus grande ferme laitière pastorale au Brésil. La ferme, qui couvre désormais 5 500 ha et compte 3 500 vaches, a été créée en 2008 par l'ancien dirigeant de Fonterra, Simon Wallace, avec un financement de 10 millions d’USD provenant d’un des entrepreneurs les plus riches de Nouvelle-Zélande, Sam Morgan, spécialisé dans les activités liées à Internet. En 2010, la société néo-zélandaise a ouvert une usine de transformation du lait, qui vend du lait sous la marque Leitíssimo. La société est dans une phase d'expansion de sa ferme qui lui permettra de tripler la taille de ses activités de production.6 S. Wallace ne voit aucune contradiction entre ce que fait son entreprise et les ambitions de son pays d'origine en matière d'exportation des produits laitiers. « La valeur de Fonterra ne tient pas à ce que le lait est produit en Nouvelle-Zélande, mais au fait que le lait est produit dans beaucoup d'endroits différents et ensuite commercialisé dans le monde entier. Les producteurs laitiers néo-zélandais investissent massivement dans une activité mondiale, pas seulement quelques exploitations laitières en Nouvelle-Zélande. C’est ce que nous avons fait depuis le début ; seulement, parfois, dans les discussions et les débats qui ont lieu, nous devenons un peu protecteurs ou nous nous concentrons sur la propriété foncière. »
    La Fazenda Leite Verde à Bahia, la plus grande ferme laitière pastorale au Brésil. La ferme, qui couvre désormais 5 500 ha et compte 3 500 vaches, a été créée en 2008 par l'ancien dirigeant de Fonterra, Simon Wallace, avec un financement de 10 millions d’USD provenant d’un des entrepreneurs les plus riches de Nouvelle-Zélande, Sam Morgan, spécialisé dans les activités liées à Internet. En 2010, la société néo-zélandaise a ouvert une usine de transformation du lait, qui vend du lait sous la marque Leitíssimo. La société est dans une phase d'expansion de sa ferme qui lui permettra de tripler la taille de ses activités de production.6 S. Wallace ne voit aucune contradiction entre ce que fait son entreprise et les ambitions de son pays d'origine en matière d'exportation des produits laitiers. « La valeur de Fonterra ne tient pas à ce que le lait est produit en Nouvelle-Zélande, mais au fait que le lait est produit dans beaucoup d'endroits différents et ensuite commercialisé dans le monde entier. Les producteurs laitiers néo-zélandais investissent massivement dans une activité mondiale, pas seulement quelques exploitations laitières en Nouvelle-Zélande. C’est ce que nous avons fait depuis le début ; seulement, parfois, dans les discussions et les débats qui ont lieu, nous devenons un peu protecteurs ou nous nous concentrons sur la propriété foncière. »
    paradoxalement, montées en flèche, et Fonterra, aussi désireux que jamais de mettre la main sur la production locale, a utilisé le scandale pour justifier l’accélération de la construction de ses propres fermes dans le pays. Mais Fonterra prévoyait déjà de construire ses propres fermes en Chine avant le scandale. « Le plan que nous étions en train de déployer en Chine, avant la crise de la mélamine, était de construire un grand nombre de fermes, de façon à pouvoir contrôler, en fin de compte, la totalité de la chaîne de production », confie le PDG de Fonterra, Andrew Ferrier. « Nous voyons la Chine comme un marché qui sera desservi par Fonterra à la fois avec du lait chinois sain, qui sera notre proposition concurrentielle, et du lait néo-zélandais. »
    La première ferme de Fonterra, la ferme de Tangshan, est située dans la province du Hebei, au nord-est de Pékin. Elle accueille 7 200 vaches Holstein frisonnes, importées de Nouvelle-Zélande, sur un terrain ne dépassant pas 35 ha. La société a maintenant une deuxième ferme en exploitation, non loin de la première et basée sur le même modèle, qui abrite 3 200 vaches supplémentaires. La construction d’une troisième débutera en novembre 2011. La société envisage d'avoir en fin de compte six fermes-usines dans le Hebei et un second groupe de fermes dans une autre région de Chine.
    Les fermes que Fonterra construit en Chine n’ont rien à voir avec celles que ses propriétaires agriculteurs exploitent en Nouvelle-Zélande. Ces fermes chinoises sont d’énormes étables en « stabulation libre », avec une densité de 94 vaches par hectare. En Nouvelle-Zélande, la densité moyenne de bétail est de 2,77 vaches par hectare, et il y a une intense opposition locale à toute tentative de créer des fermes industrielles dans le pays, même à des densités et des tailles beaucoup plus réduites que les fermes chinoises de Fonterra.56
    La Chine n'est que le début pour Fonterra. La société vise également à construire des méga-fermes similaires au Brésil et en Inde. Les activités de Fonterra au Brésil s’effectuent dans le cadre d’une joint-venture avec Nestlé, Dairy Partners of the Americas (DPA), qui gère également les activités laitières des deux sociétés en Argentine, en Colombie et en Équateur.57 DPA est la plus grande entreprise laitière au Brésil, et elle achète son lait à environ 6 500 producteurs, plusieurs milliers d'autres fournissant l'entreprise à travers des coopératives. Mais Fonterra est en train de prendre des mesures pour mettre en place ses propres fermes pour approvisionner DPA. En 2011, la société a acheté 850 ha de terres cultivées dans l'État de Goias, sur lesquelles elle va construire une énorme ferme laitière « pilote » pour étudier si « les approvisionnements en lait liquide à l’intérieur du pays sont commercialement viables. »58 Selon Kevin Murray, directeur commercial des activités de Fonterra en Amérique latine, cette première ferme fournira environ 1 % des 2 milliards de litres de lait que DPA collecte chaque année à l’intérieur du Brésil.59 La ferme laitière de Fonterra sera l'une des nombreuses exploitations laitières de grande taille mises en place récemment au Brésil par des investisseurs néo-zélandais, dont certains sont des agriculteurs travaillant au sein de Fonterra (voir photo).
    En Inde, Fonterra est en train de s’associer avec l’Indian Farmers’ Fertiliser Co-operative et une nouvelle société appelée Global Dairy Health (GDH) pour construire une ferme pilote de 13 000 vaches sur 65 ha de terres dans une zone économique spéciale à proximité de Nellore, dans l’Andhra Pradesh. Les sociétés effectuent actuellement une étude de faisabilité, et envisagent de commencer les opérations avant mars 2012. Si l’affaire se concrétise, les sociétés vont ensuite chercher à développer d’autres fermes en Inde.
    GDH incarne la nouvelle race des grandes entreprises propriétaires d’exploitations laitières. Soutenue par l’une des plus grandes sociétés indiennes de plantation de thé, le groupe Appela, et gérée par d'anciens cadres de la banque agricole néerlandaise Rabobank (la banque agricole néerlandaise), l’entreprise a l’ambitieux programme de s’emparer d’une grande partie de la production laitière de l'Inde, la plus importante du monde. Le projet de la société est de construire 100 fermes laitières de grande taille à travers l’Inde, avec 3 000 vaches chacune, dans les 10-15 ans qui viennent. La société débutera avec huit de ces fermes industrielles, « pour démontrer que de grandes exploitations laitières peuvent fonctionner en Inde », et alors elle « franchisera la formule ».60 La ferme laitière Fonterra-Iffco sera la première de l'entreprise, mais deux autres seront bientôt mises en place.
    GDH a le soutien de la YES Bank, une banque agricole indienne créée par la Rabobank, et des entreprises et universités néerlandaises ont été associées à la conception et à la gestion des fermes. L'Université de Wageningen est impliquée, tout comme l’entrepreneur néerlandais Willy van Bakel, connu pour avoir géré un programme visant à amener des agriculteurs néerlandais à investir dans des grandes exploitations laitières aux États-Unis. L’affaire s'est terminée par un désastre financier pour de nombreux investisseurs et des catastrophes environnementales pour les communautés où les fermes ont été construites.61
    C'est cette combinaison de financements provenant d’élites étrangères et nationales qui amène la récente offensive en faveur de ces fermes-usines à faire peser un risque mortel sur le lait populaire (voir photo). GDH explique avec candeur que son but est de s’emparer des marchés des produits laitiers dans le Sud actuellement desservis par le « secteur non structuré ». Il en va de même pour Cargill, la plus grande entreprise mondiale dans l'alimentation et l'agroalimentaire qui, par le biais de son fonds spéculatif Black River Asset Management, a l'intention de mettre en place « des fermes laitières de style occidental » en Asie. Rich Gammill, le directeur général de Black River, affirme que les fermes coûteront environ 35 millions d’USD chacune et « fonctionneront avec 5 000 à 8 000 vaches dans des zones où la production laitière repose essentiellement sur des petits paysans. » « Nous sommes habitués à une production alimentaire efficace aux États-Unis », explique R. Gamill. « Mais en Chine et en Inde, une bonne partie de cette production repose sur de petits paysans. Il ne s'agit pas d'un système optimisé ou efficace et il ne peut offrir de solution durable pour satisfaire la demande. »62
     
    Encadré 7 : L'élevage laitier industriel se mondialise
    Au Vietnam, le marché des produits laitiers est en plein essor, mais les producteurs laitiers du pays, dont 90 % sont en contrat avec des transformateurs, ont récemment été obligés de réduire leurs troupeaux car les transformateurs les obligent à accepter des prix inférieurs à leurs coûts de production. Pour répondre à la croissance de la demande, les transformateurs importent du lait en poudre et investissent dans leurs propres fermes. TH Milk, une société récemment créée par la femme d’affaires vietnamienne Thai Huong, directrice de l'une des plus importantes banques privées du pays, est en train de construire la plus grande ferme laitière en Asie, dans le district de
    À l'intérieur de la ferme de TH Milk au Vietnam, Barak Wittert, le directeur de la ferme, donne ses instructions à un travailleur local. B. Wittert a travaillé avec la société israélienne Afimilk à la mise en place d'autres grandes fermes laitières en Afrique et au Moyen-Orient (Photo : Financial Times).
    À l'intérieur de la ferme de TH Milk au Vietnam, Barak Wittert, le directeur de la ferme, donne ses instructions à un travailleur local. B. Wittert a travaillé avec la société israélienne Afimilk à la mise en place d'autres grandes fermes laitières en Afrique et au Moyen-Orient (Photo : Financial Times).
    Nghia Dan, au Vietnam. Déjà 12 000 vaches ont été importées de la Nouvelle-Zélande, et tous les 50 jours, 1000 vaches supplémentaires arrivent. D’ici 2012, la société vise à avoir 45 000 vaches et une capacité de production de 500 millions de litres de lait par an. Son objectif pour 2017 est d'avoir 137 000 vaches dans sa ferme et d’assurer 30 % de la consommation nationale de lait. L’ensemble de l'opération est mise en œuvre et gérée par la société israélienne Afimilk.63
    Le principal concurrent de TH Milk dans le pays, Vinamilk, possède lui-même cinq grandes exploitations, avec un total de 6 000 vaches. Mais la société prévoit que la plus grande partie de son approvisionnement continuera de provenir de l'étranger. Pour cette raison, Vinamilk a commencé à investir dans des activités de transformation et de production à l’étranger et a acquis une participation de 19 % dans l'entreprise laitière Miraka à Taupo, dans le nord de la Nouvelle-Zélande. Vinamilk est coté à la bourse Hô Chi Minh et est contrôlée à 49 % par des investisseurs étrangers.
    Au Pakistan, beaucoup des familles les plus riches du pays se sont récemment lancées dans des grandes exploitations laitières, avec l'appui de divers programmes gouvernementaux d'agriculture industrielle et des principaux transformateurs laitiers, comme Nestlé, ainsi que des entreprises de conditionnement.64 Des investisseurs étrangers, particulièrement des pays du Golfe, ont également manifesté leur intérêt, comme l’Emirates Investment Group.65 Tout comme les transformateurs. Engro Foods, la société leader du lait conditionné au Pakistan, une filiale du géant pakistanais des engrais, Engro Corporation, a lancé sa propre ferme-usine de production laitière dans le district de Sukkur, en 2008. La ferme a commencé avec 2 200 vaches importées d'Australie, et l'entreprise prévoit de porter le troupeau « à 150 000 vaches dans les années qui viennent afin de pouvoir contrôler sa propre chaîne d'approvisionnement. »66 Engro, qui développe ses activités agroalimentaires à l'étranger, veut à terme exporter des produits laitiers à partir du Pakistan.67
    En Égypte, la plus grande ferme laitière du pays est la propriété de Dina Farms, une entreprise de produits laitiers créée par l'une des principales sociétés de capital-investissement de la région, Citadel Capital. L’install
    Dina Farms, Égypte (Photo : Ronald de Hommel).
    Dina Farms, Égypte (Photo : Ronald de Hommel).
    ation est située dans le désert, près de la route principale entre Le Caire et Alexandrie. Elle possède 7 000 vaches laitières, mais Citadelle veut en disposer de 12 000 en 2012. D'autres gros investisseurs du secteur laitier affluent aussi en ce moment vers le désert. Danone est en train d’y construire une méga-ferme, sa deuxième grande exploitation agricole, après la construction d'une autre dans le désert en Arabie saoudite. « Notre participation à l’organisation de grandes exploitations laitières représente une nouvelle orientation pour nous », explique le directeur de Danone, Jean-Christophe Laugée. C'est aussi nouveau pour PepsiCo, qui a engagé des initiatives importantes dans les produits laitiers ces dernières années. Une filiale de PepsiCo, International Dairy and Juice Ltd (IDJ), a acheté la société égyptienne Beyti en 2010, et pris ainsi le contrôle de sa grande exploitation de production laitière. PepsiCo détient conjointement IDJ avec le géant saoudien des produits laitiers, Almarai, qui gère six méga-fermes dans le désert saoudien. Ces dernières regroupent 100 000 vaches, soit les deux tiers du cheptel laitier du pays, ainsi qu’une ferme laitière en Jordanie qui fait maintenant partie d'IDJ.68
    Il semble complètement fou de construire au milieu du désert égyptien des fermes laitières très gourmandes en eau. D’autant plus quand les fermes prévoient de couvrir leurs futurs besoins en eau en puisant dans le Nil, qui est déjà une source de tensions entre les différents pays et communautés qui dépendent de lui pour leur production alimentaire. « Je ne suis pas préoccupé par un risque de pénurie d’eau du Nil », explique le Dr Mohamed Waeed, un dirigeant de Dina Farms. « Je sais que les Éthiopiens veulent utiliser plus d'eau du Nil. Mais ça ne marchera pas pour eux. J’ai été là-bas, c'est un pays montagneux, il n'y a pas suffisamment d'espace pour une agriculture extensive [...] Non, l'avenir de l'agriculture en Afrique du Nord est dans le désert égyptien. Qui sait, nous allons peut-être devenir de gros exportateurs de produits agricoles et laitiers dans la région. »69
    En Uruguay, les investissements étrangers dans la transformation laitière et les fermes laitières sont en plein boom. Parmi les principaux investisseurs figurent Bom Gosto du Brésil, le fournisseur mondial de chaînes de fast-food Schreiber Foods des États-Unis, Cresud de l'Argentine, Inlacsa du Mexique, et le Grupo Maldonado du Venezuela, qui est un partenaire de Fonterra et Nestlé. Bom Gosto et Schreiber gèrent maintenant à eux seuls un quart de la production de lait de l'Uruguay. La hausse des investissements étrangers a transformé l'Uruguay en un important centre pour les exportations de produits laitiers. Aujourd'hui, les deux tiers des produits laitiers uruguayens sont exportés, principalement au Brésil, au Venezuela et au Mexique. Mais si la production est en hausse, le nombre d'exploitations et la superficie consacrée à l'élevage laitier sont en déclin rapide, ce qui conduit à une plus grande concentration. Les exploitations de plus de 500 hectares représentent désormais 5 % du secteur laitier et 28 % de l'approvisionnement national en lait. Beaucoup de ces grandes exploitations sont entre les mains d'investisseurs étrangers, comme New Zealand Farming Systems Uruguay, qui a été monté par des investisseurs néo-zélandais jusqu'à une reprise par le groupe Olam de Singapour en 2011. Les 31 fermes laitières de l’entreprise produisent environ 70 millions de litres de lait par an, mais cette dernière envisage d'acquérir plus de fermes et de porter la production à 300 millions de litres dans les prochaines années, soit environ 20 % de la production totale de lait de l'Uruguay !70
    PARTIE 3 : EMPÊCHER LA MAINMISE DES GRANDES ENTREPRISES SUR LE LAIT
    Le lait populaire est un facteur de santé et de réduction de la pauvreté. Il fournit des moyens de subsistance et des aliments sains, abordables et nutritifs. Les revenus gagnés sont distribués équitablement et systématiquement dans l'ensemble du secteur. Tout le monde y gagne avec le lait populaire, sauf les grandes entreprises, et c'est pourquoi il y a une telle pression pour le détruire.
    Une femme vend un mélange de lait et de millet à Zinder, au Niger.
    Une femme vend un mélange de lait et de millet à Zinder, au Niger.
    Qu'est-ce que Géants laitiers ont à offrir ? Au lieu de lait frais, de haute qualité, produit et fourni de la manière la plus durable possible, on nous propose du lait en poudre transformé, produit dans des méga-fermes très polluantes et vendu dans toutes sortes d'emballages, au double du prix !
    Pourtant, chaque gouvernement semble s'acharner à suivre le modèle néo-zélandais et à rejoindre le club des exportateurs. Qu’y a-t-il de si formidable dans l’expérience néo-zélandaise ? L'essor continu de la production laitière est à l'origine de pollutions importantes des cours d'eau du pays. Du fait de la pression constante au développement des marchés d'exportation, d'autres secteurs de l'économie, sensibles à la libéralisation, ont été sacrifiés sur l’autel de la politique du commerce et des investissements. Et la majorité des bénéfices ont été captés par les quelque 11 000 propriétaires de fermes laitières qui contrôlent Fonterra. Près d'un tiers de ces « agriculteurs » sont des investisseurs absents, et un nombre croissant sont des sociétés, dont certaines sont étrangères.71 Face à la hausse des prix du lait chez eux, les Néo-Zélandais pourraient bien se demander s'il existe un autre modèle qui serait plus avantageux pour eux.
    La Nouvelle-Zélande est en fait tellement différente de tous les autres grands pays producteurs de produits laitiers qu'il est même stupide de faire des comparaisons. Dans d'autres pays, des millions
    Un jeune berger de la communauté de Borana s’occupe de jeunes chameaux tandis que leurs mères sont traites à l'aube, à Isiolo, à 300 km au nord de Nairobi, au Kenya. Le lait de chamelle est collecté quotidiennement dans la zone par des petits collecteurs et vendu par des vendeurs dans les rues de Nairobi. Les sécheresses à répétition de ces dernières années ont ravivé l'intérêt pour le chameau et sa résistance aux conditions climatiques extrêmes (Photo : France 24).
    Un jeune berger de la communauté de Borana s’occupe de jeunes chameaux tandis que leurs mères sont traites à l'aube, à Isiolo, à 300 km au nord de Nairobi, au Kenya. Le lait de chamelle est collecté quotidiennement dans la zone par des petits collecteurs et vendu par des vendeurs dans les rues de Nairobi. Les sécheresses à répétition de ces dernières années ont ravivé l'intérêt pour le chameau et sa résistance aux conditions climatiques extrêmes (Photo : France 24).
    – pas seulement des milliers – d’agriculteurs participent à la production laitière. Dans ces pays, le lait n'est pas une marchandise, mais une ressource alimentaire essentielle, qui peut faire la différence entre la misère et la dignité pour ceux qui participent à sa production et à sa distribution. Pour la plupart des pays, la chance à saisir n'est pas à chercher dans les exportations, mais dans l’ouverture des marchés locaux à la population locale, comme ils l'ont fait maintes et maintes fois partout où ces occasions se présentent.
    La voie à suivre exige donc de mettre un frein au dumping du lait en poudre et des produits laitiers importés bon marché. Des tarifs douaniers élevés et complets, du type de ceux qui sont déjà en place en Europe, sont une nécessité. Il n'y a aucune raison pour que ces tarifs conduisent à des prix plus élevés pour les consommateurs. Leur fonction est de protéger contre le dumping périodique et l’utilisation par les grands transformateurs de produits laitiers transformés bon marché, ou de matières grasses ne provenant pas du lait, à la place de vrai lait. Les grandes entreprises de transformation peuvent souffrir de telles mesures, mais ce ne sera pas le cas pour les consommateurs et les agriculteurs.
    Ces mesures commerciales, toutefois, ne suffisent pas. Le lait populaire est aussi sous la menace de normes de sécurité alimentaire et de réglementations conçues pour les transformateurs industriels. Un système de lait populaire a besoin d'un dispositif approprié de sécurité alimentaire, basé sur la confiance et les connaissances locales. Il existe beaucoup d'exemples de tels modèles de sécurité alimentaire dans le monde, chacun spécifique à sa culture locale. Les supermarchés, cependant, sont généralement peu disposés à s'adapter à ces cultures locales, et ils imposent leurs propres normes. Pour assurer la réussite du lait populaire, il est donc essentiel d’agir contre les supermarchés, que ce soit en faisant pression sur eux ou en soutenant les marchés locaux.
    Il en va de même de la question de l'investissement. Des financements provenant de sources multiples, à la fois locaux et étrangers, s’engouffrent actuellement dans la construction de méga-fermes. De l’argent arrive également de bailleurs de fonds et d’ONG dans le cadre de programmes visant à intégrer des petits agriculteurs dans les chaînes d'approvisionnement des grandes sociétés de transformation. Ces dollars, ces roupies et ces shillings sont un danger mortel. Il n'y a pas d'avenir pour les petits marchés agricoles locaux et durables dans ce scénario, comme d'innombrables exemples provenant du monde entier le démontrent. Ce système conduit à la concentration des exploitations laitières et des activités de transformation. L'agriculture industrielle génère maladie et pollution, et anéantit la biodiversité. Les races locales des bêtes laitières qui permettent l’approvisionnement du système de lait populaire, qu'il s'agisse de bovins, de caprins, de buffles ou de chamelles, ont la capacité de résilience et la faible consommation d'intrants dont les petits agriculteurs et les éleveurs nomades ont besoin pour résister aux conditions précaires créées par le changement climatique. Ce sont leurs systèmes d'élevage qui nécessitent un soutien, pas les « investisseurs », qui obtiennent toutes sortes de généreux allégements fiscaux, des fonds des donateurs et d'autres incitations des gouvernements.
    Les travailleurs de l'industrie laitière souffrent aussi des mêmes évolutions. Une plus grande concentration dans le secteur se traduit par une baisse du nombre d’emplois. Plus on produit de lait en poudre par des procédés mécanisés qui nécessitent peu de main-d’œuvre, moins il y a de travail avec du lait frais, qui exige beaucoup de main-d'œuvre. Et, comme on peut le voir dans les campagnes de l’Union internationale des travailleurs de l'alimentation (UITA) contre Nestlé, les entreprises laitières multinationales qui s’emploient actuellement à prendre le contrôle des industries laitières nationales dans le Sud, figurent parmi les pires contrevenants aux droits des travailleurs. L’UITA fait remarquer que, malgré tous les discours sur les bienfaits des investissements étrangers, des sociétés comme Nestlé mettent les profits qu'ils tirent de marchés des produits laitiers dans les poches de leurs actionnaires.
    Le syndicat des travailleurs de Nestlé en Indonésie (Panjang, qui est membre de l'UITA) a mené avec succès une campagne de deux ans pour le droit de négocier les salaires, en dépit d'intenses pressions de l’entreprise sur les membres du syndicat et leurs familles. L'UITA a fait campagne contre la politique de Nestlé visant à supprimer les emplois permanents et à les remplacer par un travail externalisé et de la sous-traitance, ainsi que contre son refus d'accepter l'UITA comme un interlocuteur valable représentant les travailleurs auprès de la société au niveau mondial. La branche locale de l'UITA en Nouvelle-Zélande, en revanche, a développé une relation de coopération avec Fonterra, formalisée dans un accord-cadre régissant les relations de travail dans l’entreprise. Cet accord a été signé en 2002 entre Fonterra, l'UITA et de le syndicat néo-zélandais des travailleurs du secteur laitier (NZDWU). Que se passe-t-il donc quand Fonterra et Nestlé se réunissent, comme ils l'ont fait en Amérique latine dans le cadre leur joint-venture Dairy Partners of America ? Selon le secrétaire général du NZDWU, Ritchie James, Fonterra agit comme n’importe quelle autre multinationale quand il s'agit de ses activités à l'étranger, et son syndicat a été incapable d'obtenir de la coopérative qu’elle s’engage dans l’application de son accord-cadre à l'étranger. Pour plus d'informations voir le site Web de l'UITA (www.iuf.org) ou le site Web qu'elle a créé, NestleWatch (www.iuf.org/cms/). (Photo : UITA)
    Le syndicat des travailleurs de Nestlé en Indonésie (Panjang, qui est membre de l'UITA) a mené avec succès une campagne de deux ans pour le droit de négocier les salaires, en dépit d'intenses pressions de l’entreprise sur les membres du syndicat et leurs familles. L'UITA a fait campagne contre la politique de Nestlé visant à supprimer les emplois permanents et à les remplacer par un travail externalisé et de la sous-traitance, ainsi que contre son refus d'accepter l'UITA comme un interlocuteur valable représentant les travailleurs auprès de la société au niveau mondial. La branche locale de l'UITA en Nouvelle-Zélande, en revanche, a développé une relation de coopération avec Fonterra, formalisée dans un accord-cadre régissant les relations de travail dans l’entreprise. Cet accord a été signé en 2002 entre Fonterra, l'UITA et de le syndicat néo-zélandais des travailleurs du secteur laitier (NZDWU). Que se passe-t-il donc quand Fonterra et Nestlé se réunissent, comme ils l'ont fait en Amérique latine dans le cadre leur joint-venture Dairy Partners of America ? Selon le secrétaire général du NZDWU, Ritchie James, Fonterra agit comme n’importe quelle autre multinationale quand il s'agit de ses activités à l'étranger, et son syndicat a été incapable d'obtenir de la coopérative qu’elle s’engage dans l’application de son accord-cadre à l'étranger. Pour plus d'informations voir le site Web de l'UITA (www.iuf.org) ou le site Web qu'elle a créé, NestleWatch (www.iuf.org/cms/). (Photo : UITA)
    « En 2008 Nestlé a dépensé 8,7 milliards de CHF [francs suisses] pour racheter ses propres actions sur le marché boursier afin de réduire le nombre d'actions en circulation et d’accroître le résultat net par action », dit l'UITA. « C'est plus de la moitié de ce que l'entreprise prétend avoir dépensé pour les salaires et traitements, et près du double des dépenses d’investissements pour l'année ! Avec l’énorme hausse des dividendes, c'est de l'argent qui n'a pas été investi dans la recherche, de nouvelles capacités, de la formation, de meilleurs salaires et retraites ou d’autres avantages pour ceux que Nestlé appelle « nos collaborateurs ». Ce qu’il représente en réalité, c’est le détournement de quantités de liquidités de plus en plus énormes au profit des actionnaires, dans un contexte de violations persistantes des droits syndicaux. »72
    Les méthodes visant à arrêter les multinationales laitières et de/à renforcer le lait populaire varie(nt) d'un pays à l'autre (voir l’Encadré 8 : Le secret de la réussite de la résistance aux Géants laitiers en Colombie). Dans des pays comme le Pakistan et l’Ouganda, les activités laitières sont presque entièrement entre les mains du secteur du lait populaire. Dans d'autres pays, comme l'Ukraine ou le Brésil, il y a un mélange des deux. Dans la plupart des pays du Nord, les produits laitiers sont presque tous gérés par les grands transformateurs industriels. Mais, même dans les pays où domine la production industrielle, il y a des moyens d’aller vers un système laitier plus équitable.
    Dans ces pays, des syndicats de travailleurs de l’industrie laitière luttent contre la concentration, des communautés rurales se battent contre la pollution des méga-fermes, des consommateurs demandent des aliments sains, nutritifs et à prix abordable et les agriculteurs veulent un prix juste pour ce qu’ils produisent. En Europe, la gestion de l'offre est proposée comme un moyen de répondre à ces problèmes. Ce serait un grand pas en avant, qui aiderait aussi les pays hors de l'UE en réduisant le dumping. Mais, comme le montre l'expérience canadienne, si le système de gestion de l'offre n'est pas articulé autour des besoins des petits agriculteurs et transformateurs et des marchés locaux, il ne servira pas à grand chose pour arrêter la concentration dans le secteur.
    Au-delà de ces efforts nationaux, il est nécessaire d’avoir une action mondiale concertée contre les multinationales laitières. Les tactiques détestables utilisées pour détruire le lait populaire frisent avec les pratiques criminelles. Il est temps que des campagnes s’engagent contre les pires délinquants, comme Nestlé, Danone et Tetra Pak. Ces campagnes peuvent s'appuyer sur certaines de celles qui sont déjà menées, comme celles qui ont porté sur le lait maternel ou les droits des travailleurs. Les ONG qui collaborent avec les multinationales laitières devraient être pointées du doigt pour qu’elles retirent leur soutien. Pour les gens qui habitent dans les pays d’origine de ces sociétés, il existe également de nombreuses possibilité de faire pression, en gardant à l'esprit que les pays d'origine ne sont plus nécessairement en Europe ou en Amérique du Nord, mais peuvent aussi être à Singapour ou au Brésil. La pression doit aussi s’appliquer aux grosses coopératives puisqu’elles en font autant que les grands transformateurs pour détruire le lait populaire. Comme certaines de ces coopératives sont toujours contrôlées en dernière instance par les agriculteurs, il peut y avoir une certaine marge de manœuvre pour influencer leurs plans de développement à l'étranger.73
    La production laitière est une pierre angulaire dans la construction de la souveraineté alimentaire. Elle concerne énormément de gens : on estime que près de 14 % de la population mondiale dépend directement de la production laitière pour sa subsistance.74 Et c'est là que réside la possibilité de résistance et de transformation. La solide alliance entre les fournisseurs, les consommateurs et les agriculteurs de Colombie montre la voie à suivre. Des alliances similaires doivent maintenant être constituées partout, et au-delà des frontières. Le lait doit rester entre les mains des populations.
    Encadré 8 : Le secret de la réussite de la résistance aux Géants laitiers en Colombie
    L’attaque frontale des Géants laitiers contre le lait populaire est toujours camouflée dans les discours positifs de ses promoteurs. Elle est généralement décrite comme une modernisation : une voie vers des exploitations plus productives et des produits laitiers plus sûrs. Les slogans sont répétés par des représentants du gouvernement et même adoptés par certaines ONG et bailleurs de fonds qui recherchent des opportunités de « réduction de la pauvreté » dans une mer de destruction des moyens de subsistance. La rhétorique peut créer la confusion et compliquer la résistance populaire si elle n'est pas soigneusement déconstruite. En Colombie, par exemple, la confrontation claire avec les mythes mis en avant par l'industrie a joué un rôle clé dans le succès du mouvement en faveur du lait populaire.
    Pour Aurelio Suárez Montoya, le directeur exécutif de l'Asociación Nacional por la Agropecuaria Salvación, la lutte en faveur du lait populaire en Colombie s’est concentrée sur trois arguments principaux pour affronter directement les allégations du gouvernement et des Géants laitiers sur le fait que le libre échange et le passage au « secteur formel » permettraient d'accroître la production laitière, de créer des emplois et de fournir du lait moins cher et plus sûr (d’un point de vue sanitaire) :
    1. Realismo. Le système du lait populaire fournit 83 % du lait dans le pays, ce qui fait que la Colombie est auto-suffisante en produits laitiers. Les grandes sociétés laitières n’ont pas la capacité de collecter et de transformer la majorité de cette production de lait, et vont donc recourir aux importations. Si le système du lait populaire est évincé, la production laitière nationale va diminuer et que pays ne sera plus auto-suffisant.
    2. Practica. Le système du lait populaire assure un moyen d’existence à des millions de Colombiens, qu’il s’agisse d’agriculteurs, de vendeurs ou de petites entreprises de transformation laitière. Ces moyens de subsistance ne peuvent pas être remplacés par les gros transformateurs. Le lait populaire fournit aussi du lait frais à un prix abordable à des millions de Colombiens pauvres qui n'achètent pas le lait plus cher traité par les grandes entreprises laitières. Le lait populaire est vendu 0,55 USD le litre ; le lait pasteurisé dans les supermarchés américains se vend 1,40 USD le litre.
    3. No mala. Le système du lait populaire fournit un lait nutritif, frais et sain. La confiance dans le système, et la pratique courante de le faire chauffer à forte température pendant environ 10 minutes avant la consommation, assurent sa sécurité sanitaire. Il n'existe aucune preuve que le système du lait populaire facilite les épidémies ou encourage la falsification du lait.
    Pour aller plus loin :
    Punjab Lok Sujag, The political economy of milk in Punjab : A people’s perspective, août 2003 : http://www.grain.org/e/4428

    --
    1 La situation en Colombie est largement documentée dans Aurelio Suárez Montoya, « Colombia, una pieza más en la conquista de un 'nuevo mundo' lácteo », novembre 2010 :http://www.recalca.org.co/Colombia-una-pieza-mas-en-la.html
    2 Movimiento Obrero Revolucionario Independiente y (MOIR), « Triunfo de la Cadena Láctea populaires y la seguridad Alimentaria », 7 juin 2011 :http://www.nasaacin.org/component/content/article/1-ultimas-noticias/2180-triunfo-de-la-cadena-lactea-popular-y-la-seguridad-alimentaria
    3 Animesh Banerjee, « Lessons Learned Studies : Inde », FAO : http://www.aphca.org/reference/dairy/dairy.html
    4 Communication personnelle avec Aurelio Suárez, 6 juillet 2011.
    5 Tanvir Ali, « A case study of milk production and marketing by small- and medium-scale contract farmers of Haleeb Foods Ltd, Pakistan » :http://www.regoverningmarkets.org/en/filemanager/active?fid=30
    6 Des vidéos produites par ActionAid Kenya sur les petits vendeurs de lait au Kenya peuvent être visionnées ici :
    7 ILRI, « Changes in Kenya’s dairy policy give wide-ranging benefits to milk industry players, new study shows », 5 octobre 2010 : http://www.ilri.org/ilrinews/index.php/archives/3318
    8 Andrew M. Karanja, « The dairy industry in Kenya : The post-liberalization agenda » :www.aec.msu.edu/fs2/kenya/o_papers/dairy_sector_color.pdf
    9 Les chiffres sont de Kevin Bellamy de Zenith International, cité dans Shaun Weston, « How global dairy markets are developing and competing », FoodBev.com, 23 août 2011.
    10 Nestlé a mis en place une « ferme de démonstration » avec 120 vaches au Pakistan en 2009.
    11 Les 5 coopératives sont FrieslandCampina, Fonterra, Arla, Dairy Farmers of America, et Land O'Lakes.
    12 Au-delà de ses 3 200 membres producteurs directs, Land O'Lakes est détenu par 1000 coopératives-membres qui représentent plus de 300 000 producteurs laitiers aux États-Unis.
    13 EHNE, « Sector vacuno de leche en Euskal Herria », 2011.
    14 Chris Mercer, « Top dairy firms guzzling EU subsidies », Dairy Reporter, 23 mai 2006.
    15 Coordination européenne Via Campesina, « La Réforme de la Politique Agricole Commune n’aura pas de Légitimité sans plafonnement des paiements directs ! », 21 mars 2011 ; ainsi que d'autres rapports sur les produits laitiers dans l'UE et la PAC produits par la Coordination européenne de Via Campesina : http://www.eurovia.org/
    16 Policy Coherence, « Exploring links between EU agricultural policy and world poverty », Trinity College, Dublin, 25 août 2010 : http://www.tcd.ie/iiis/policycoherence/eu-agricultural-policy-reform/dairy-case-study.php
    17 Michelle Russell, « Fonterra eyes European joint ventures », Just-Food, 21 juin 2011.
    18 Pour plus d'informations, consulter les sites de l'European Milk Board (http://www.europeanmilkboard.eu/), de la Confédération paysanne (http://www.confederationpaysanne.fr/), et de la Coordination Européenne de Via Campesina (http://www.eurovia.org/).
    19 Communication personnelle avec Max Thomet, directeur de CET-SUR, 20 juillet 2011.
    20 La campagne a été menée par le Kenya Dairy Board et la Kenyan Dairy Processor’s Association, qui est composée d’entreprises membres telles que Nestlé et Tetra Pak. La coopérative laitière américaine Land O’Lakes était également impliquée.
    21 Juma Kwayera, « Clean vs 'Dirty' Milk or Big Business vs Small Farmers », The East African, 22 décembre 2003.
    22 « Saudi Arabia finds traces of melamine in Nestlé milk powder », Zawya Dow Jones, 3 décembre 2008. http://www.marketwatch.com/story/saudi-arabia-finds-traces-of-melamine-in-nestle-milk-powder
    23 Jordan Lite, « Melamine traces found in samples of U.S. infant formula », Scientific American, 26 novembre 2008.
    24 Jenny Wiggins, « Nestlé in melamine dispute with Taiwan », Financial Times, 2 octobre 2008.
    25 Pour plus d'informations, voir les enquêtes de Luis Hernández Navarro publiées dans La Jornada : « La Laguna : la nueva guerra por el agua » (12 novembre 2004 : http://www.jornada.unam.mx/2004/11/12/048n1soc.php?origen=soc-jus.php&fly=1), et « El deterioro ecológico en La Laguna se acelerará al construir las presas » (11 novembre 2004 : http://www.jornada.unam.mx/2004/11/11/054n1soc.php?origen=index.html&fly=1).
    26 Manuel Poitras, « The concentration of capital and the introduction of biotechnology in La Laguna dairy farming », Sociedades Rurales, Produccion y Medio Ambiente, 1 (1), 2000.
    27 Alla Silivonchik, « Interview with Jean Christophe Laugée », Directeur Intégration et Développement durable, Fonds Danone pour l’écosystème, Business Magazine :http://danone.ua/en/press_center/view/press/view/8
    28 Pour donner un exemple du sérieux accordé par les multinationales laitières à leurs projets pilotes pour mettre en place l’approvisionnement laitier dans le Sud, voir l'étude de cas du projet d’agriculture contractuelle de Nestlé dans la province de Ha Tay, au Vietnam. Nguyen Anh Phong, « Viet Nam : The emergence of a rapidly growing industry », in Smallholder dairy development : Lessons learned in Asia, FAO, Bangkok, janvier 2009.
    29 Manuel Poitras, « The concentration of capital and the introduction of biotechnology in La Laguna dairy farming », Sociedades Rurales, Produccion y Medio Ambiente, 1 (1), 2000.
    30 Thomas Reardon et Julio A. Berdegué, « The Rapid Rise of Supermarkets in Latin America : Challenges and Opportunities for Development », Development Policy Review, 20 (4), 2002.
    31 « Nestlé to add factories in Africa, cut imports », Reuters, 15 avril 2011.
    33 B. Kris Schulthies et Robert B. Schwart, « The US-Mexico Free Trade Agreement : Issues and implications for the US and Texas dairy industry », TAMRC, août 1991.
    34 Pro-poor Livestock Policy Institute, « Developing Countries and the Global Dairy Sector, Part I : Global Overview », 2005.
    36 Nguyen Anh Phong, « Viet Nam : The emergence of a rapidly growing industry », dansSmallholder dairy development : Lessons learned in Asia, FAO, Bangkok, janvier 2009.
    37 « High dairy prices explained », LookAtVietnam, 19 octobre 2009.
    38 Des pourparlers sont actuellement en cours pour un accord visant à élargir l'accord commercial de Partenariat transpacifique entre la Nouvelle-Zélande, le Brunei, le Chili et Singapour pour y inclure les États-Unis, l'Australie, le Pérou et le Vietnam. L'industrie laitière américaine affirme que la Nouvelle-Zélande se livre à des pratiques anticoncurrentielles dans la production laitière, qui pourraient potentiellement coûter des milliards de dollars aux producteurs américains si les produits laitiers étaient inclus dans l’accord. Le gouvernement néo-zélandais et Fonterra nient en bloc les accusations. Mais, étant donné que l'industrie sucrière des États-Unis a réussi à garder le sucre en dehors de l'accord commercial avec l'Australie, il est fort possible que l'industrie laitière américaine parvienne à ses fins de la même manière. Pour plus d'informations, voir : Dustin Ensinger, « TPP Could Cost U.S. Dairy Farmers Billions », Economy in Crisis, 23 mars 2010 ; « NZ rejects US senators’ claims on dairy trade », Associated Press, 22 mars 2010 : http://www.bilaterals.org/spip.php?article17028
    39 Brett Borkan, « Dairy industry to protest Colombia–EU FTA signing », Colombia Reports, 18 mai 2010 : http://bilaterals.org/spip.php?article17393
    40 « Behind every FTA lie the TNCs : examples from Thailand », interview avec Witoon Lianchamroon de BIOTHAI, réalisée par Aziz Choudry de bilaterals.org, pour Fighting FTAs, novembre 2007.
    41 Elinor Chisholm, « Fonterra in Latin America : a Case Study of a New Zealand Company Abroad », Political Science 61 (19), 2009 :http://pnz.sagepub.com/cgi/content/abstract/61/1/19
    42 CORFO, « Oportunidades de Inversion en Sector Lácteo y Quesos en Chile – 2007 », 2007. En juillet 2010, les deux sociétés contrôlaient 48 % de l’approvisionnement national en lait (Fedeleche).
    43 Communication personnelle avec Max Thomet, directeur de CET–SUR, 20 juillet 2011.
    45 Centro de Educación y Tecnología para el Desarrollo del Sur.
    46 La production laitière nationale enregistrée par l'industrie en 2009 a été de 1772 millions de litres. Source : Ministère de l'Agriculture 2010.
    47 Fedeleche, Informa 4 (37), juillet 2010 : www.fedeleche.cl
    48 International Farm Comparison Network, Dairy Report, 2010.
    49 Voir l'exemple du Mexique dans Luis Hernández Navarro, « La Laguna : la nueva guerra por el agua », La Jornada, 12 novembre 2004 :http://www.jornada.unam.mx/2004/11/12/048n1soc.php?origen=soc-jus.php&fly=1.
    50 Des données sur l’utilisation des terres peuvent être trouvées dans Charles Benbrook et al., « A Dairy Farm’s Footprint : Evaluating the Impacts of Conventional and Organic Farming Systems », novembre 2010 : http://www.organic-center.org.
    51 See ibid.
    52 Tom Levitt, « Routine antibiotic use' linked to new MRSA strain found in UK dairy cows »,The Ecologist, 3 juin 2011. L’article met en avant une nouvelle étude dans la revue médicaleThe Lancet qui fournit la preuve de l’existence de SARM dans des exploitations laitières britanniques.
    53 Charles Benbrook et al., « A Dairy Farm’s Footprint : Evaluating the Impacts of Conventional and Organic Farming Systems », novembre 2010 : http://www.organic-center.org
    54 Les réglementations exigent généralement que les transformateurs de produits laitiers contrôlent la présence de niveaux élevés de certains antibiotiques et d'hormones dans le lait qu’ils utilisent. Ces réglementations, cependant, ne peuvent couvrir beaucoup d’antibiotiques, hormones ou autres médicaments qui sont couramment utilisés dans les fermes laitières industrielles et potentiellement dangereux pour la santé humaine. Des niveaux élevés de résidus de médicaments dans les vaches laitières au moment de l'abattage ont amené la Food and Drug Administration américaine à proposer des contrôles sur des vaches dans les fermes laitières portant sur environ deux douzaines d'antibiotiques, au-delà des six qui sont généralement exigés. Les analyses porteraient également sur un antalgique et anti-inflammatoire fréquent dans les fermes laitières, appelé flunixine, qui se manifeste souvent dans les contrôles à l’abattoir. Mais, du fait de la résistance acharnée de l'industrie laitière, ces mesures n'ont pas été appliquées. Voir William Neuman, « F.D.A and Dairy Industry Spar Over Testing of Milk », 25 janvier 2011 :
    55 Comité scientifique de l’UE des mesures vétérinaires en rapport avec la santé publique, « Report on Public Health Aspects of the Use of Bovine Somatotrophin », mars 1999 :http://ec.europa.eu/food/fs/sc/scv/out19_en.html
    56 « Due diligence urged over Fonterra's Chinese operations », Federated Farmers, 4 février 2010, http://www.fedfarm.org.nz/chineseoperations
    57 Les tentatives de Fonterra et Nestlé pour fusionner leurs activités au Chili ont jusqu'ici été contrariées par le Tribunal de la concurrence du pays.
    58 Federated Farmers, « Fonterra’s Brazilian opportunity », 12 mai 2011 :http://www.fedfarm.org.nz/brazilian
    59 « Fonterra looking to milk Brazilian dairy market »Just Food, 27 mai 2011 ; New Zealand Trade and Enterprise, « Dairy Market in Brazil », octobre 2010.
    60 GHD dit qu'il créera des fermes industrielles dans huit endroits identifiés à travers le pays. Chaque Ferme industrielle de GDH pourra accueillir jusqu'à 3 000 vaches. Les « Fermes industrielles GDH » seront ensuite liées à des « Fermes satellites GDH » qui auront une capacité de 1000 vaches ou plus. Chaque Ferme industrielle GDH sera liée à 2-3 Fermes satellites GDH. Les Fermes industrielles GDH prendront la forme de projets indépendants, soit comme des filiales à 100 % de GDH soit comme des joint-ventures avec des partenaires stratégiques identifiés, GDH détenant un capital minimum de 26 % dans la joint-venture. Les fermes satellites seront créées en partenariat avec des entrepreneurs locaux identifiés, avec GDH investissant jusqu'à 26 % dans le capital. Voir le diaporama GDH :http://dairytechindia.in/seminar/GDH_Vision_and_Business_Plan.ppt
    61 Certaines de ces fermes ont été rachetées par une filiale américaine de Rabobank dans des procédures de saisie. Voir Kari Lydersen, « Big Farms of Immigrants Recruited to Midwest Draw Opposition », Washington Post, 29 juillet 2007 ; Kristy Foster, « Rabo AgriFinance starts foreclosure on Vreba-Hoff Dairy », Farm and Dairy, 20 octobre 2010.
    62 « Cargill's Black River eyes food, land deals », Reuters, 10 mai 2010 :http://farmlandgrab.org/12941
    63 Ben Bland, « Milking it in Vietnam », Financial Times, 17 mars 2011 :
    64 Parmi les sociétés de holding familiales qui investissent dans les exploitations laitières figurent le Groupe Gulistan Groupe, le Groupe Monnoo, Sons MK, le Groupe Muneer Din, et le Groupe Sitara. L'un des partisans les plus actifs du développement de l'élevage laitier industriel au Pakistan est DeLaval, une filiale de la Société Tetra Pak. Nestlé a également soutenu activement le développement des grandes fermes laitières commerciales, en créant même sa propre ferme laitière de 120 vaches comme centre de formation. « Nous voyons arriver de plus en plus de fermes laitières de grande taille et les agriculteurs acquièrent de meilleures connaissances », explique Ian Donald, directeur général de Nestlé Pakistan. « Ceci commence lentement à combler les carences de l’offre » (Daily Times, 14 août 2011).
    65 Lesley Springall, « Dairy expertise exported in Middle East venture », Dominion Post, 28 janvier 2010 : http://farmlandgrab.org/post/view/10648
    66 « Agro-Industry in Pakistan finally taking off », Express Tribune, 17 mai 2010 :http://tribune.com.pk/story/13713/agro-industry-in-pakistan-finally-taking-off/
    68 Global Investment House, « Almarai Company », mars 2009 :http://www.gulfbase.com/site/interface/SpecialReport/Almarai%20March%202009.pdf
    69 Jeroen Kuiper, « Egypt's biggest dairy farm », Disputed Waters, 17 mars 2011 :http://www.disputedwaters.com/blog/17/03/2011/egypts-biggest-dairy-farm
    70 Pour une description détaillée de la mainmise étrangère sur le secteur laitier uruguayen, voir : « Agazzi : un mala leche », El Muerto Blog, 21 juin 2009 :http://elmuertoquehabla.blogspot.com/2009/06/agazzi-un-mala-leche.html
    71 Communication personnelle avec Bill Rosenberg, 16 août 2011, et James Ritchie, secrétaire du Syndicat des travailleurs néo-zélandais de l’industrie laitière, 6 septembre 2011; « Who owns farming in NZ ? », Greenpeace : http://www.greenpeace.org/new-zealand/en/campaigns/climate-change/smart-farming/agriculture-and-climate-change/nz-farming/
    72 Communiqué de presse de l’UITA, 10 Juin 2009.
    73 Malheureusement, la plupart des grandes coopératives qui opèrent au niveau international, comme Fonterra et Grupo Lala, sont de plus en plus souvent contrôlées par les grands propriétaires terriens et les exploitations agricoles industrielles.
    74 International Farm Comparison Network, Dairy Report, 2010.

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  • Les Amis de la Terre Europe ont publié le 19 janvier un rapport dans lequel ils démontrent que la spéculation sur les prix des matières premières et le financement d’acquisitions de foncier dans les pays pauvres accroissent la faim dans le monde et la pauvreté.

    Le rapport (« Récolter l’argent : comment les banques européennes et la finance privée profitent de la spéculation alimentaire et de l’accaparement des terres ») analyse les activités de 29 banques, compagnies d’assurance et fonds de pension européens, incluant les établissements français Crédit Agricole, BNP Paribas, AXA et Société Générale.

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    « En spéculant sur les prix alimentaires et avec les terres, ils jouent avec la vie des populations et en retirent d’énormes profits, dénonce Juliette Renaud, chargée de campagne sur la Responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre France. La spéculation alimentaire et le financement de l’accaparement des terres mènent tout droit à une instabilité catastrophique des prix des denrées alimentaires, plongeant des millions de personnes dans la pauvreté et la faim ».

    Le rapport recommande une série de mesures pour réguler les marchés financiers européens et resserrer les politiques concernant les services financiers et les investissements dans les produits dérivés de matières premières alimentaires et les transactions de terres agricoles.

    Pour Yann Louvel, référent de la campagne Responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre France, « Les politiques doivent intervenir et mettre fin à la spéculation excessive et nuisible ». L’association demande aussi aux institutions financières de se responsabiliser en recherchant, rendant public et réduisant leur implication.

    Télécharger le rapport (en anglais) "Récolter l’argent : comment les banques européennes et la finance privée profitent de la spéculation alimentaire et de l’accaparement des terres" publié par les Amis de la Terre Europe.

    Source :La France Agricole


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  •  le-semeur-au-soleil-couchant.jpg


         En 1888, Vincent Van Gogh peint "Le semeur au soleil couchant". Et combien de peintres, de poètes ont magnifié son geste auguste, un geste que l'on croyait immémorial.

         "Il marche dans la plaine immense,

          Va, vient, lance la graine au loin,

          Rouvre sa main, et recommence,

          Et je médite, obscur témoin"

         A chanté également Victor Hugo dans "Les chansons des rues et des bois". Oui, sur notre bonne terre de France, depuis le début de l'humanité, on jetait à pleines poignées "la moisson future aux sillons".

     

         Et bien, c'est terminé depuis le 29 novembre 2011. A l'Assemblée nationale, les députés de droite, avec le soutien de la FNSEA, viennent de détruire ce que l'homme faisait depuis des millénaires: semer.

         En effet, a été adoptée une nouvelle législation qui retire au paysan le droit de replanter ses propres semences. Pourtant, la simple logique de la nature permet à un végétal de transformer sa graine, que l'on pourra replanter pour produire l'année d'après. Oui, mais cela c'est fini, au nom de la concurrence libre et non faussée, à moins de payer une taxe aux semenciers industriels. Dès lors, Vilmorin, Desprez et pourquoi pas Monsanto vont prélever une dîme sur le labeur du paysan, comme avant l'abolition des privilèges en 1790.

         200 000 agriculteurs sont concernés. Dans le même temps, la dernière chaire universitaire sur l'étude des sols a purement et simplement disparu de la Sorbonne, au profit des laboratoires des lobbies agricoles.

     

         "O terre de détresse, où nous voudrions sans cesse, semer", tels sont quelques paroles du Chant des marais né dans un camp de concentration nazi.

         Aujourd'hui, le gouvernement des riches, en plein accord avec Bruxelles, livre les paysans français pieds et poings liés aux grands groupes capitalistes agricoles.

     

         Ils prennent notre vie, ils prennent notre terre, ils prennent nos semences: Il faut que cela cesse!

    http://le-blog-de-roger-colombier.over-blog.com/

     

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  •     On ne sait pas suffisamment que la France est le premier producteur agricole de l'Union européenne. Près de 800 000 exploitations salarient 1 800 000 personnes, dont 43% sont des travailleurs saisonniers ou occasionnels, selon le dernier recensement de 2010. Cette précarité dans le travail et la dispersion du salariat agricole en général rendent difficiles leur défense, surtout avec une FNSEA omnipotente dans les Chambres d'agriculture et majoritaire dans les organisations professionnelles. De ce fait, concernant la rémunération du salariat agricole, c'est peu dire qu'elle est à la traîne. Quant à la prise en compte des problèmes de santé, la situation est pire.

         Le syndicat patronal est plus connu pour sa défense acharnée du montant des subventions de Bruxelles que dans une critique des méfaits de l'agro-industrie. Elle est aussi plus coutumière à déverser des tonnes de fruits et légumes dans les rues, que de vendre à la population des produits à prix coûtants comme l'exerce le MODEF par exemple. En juin dernier, la FNSEA a voté contre un nouveau tableau des maladies professionnelles, lors de la Commission supérieure des maladies professionnelles en Agriculture.

         Et, comme il n'y a pas de hasard dans le monde capitaliste, l'Union des industries des produits phytosanitaires (utilisés dans le productivisme agricole cher à la FNSEA), finance les laboratoires de recherche décrétant ce qui est bon ou pas. Ainsi, la puissante multinationale Monsanto peut se vanter sur son site que, depuis 1990, elle travaille en collaboration avec les Chambres d'agriculture et la distribution agricole pour "la promotion des techniques de conservation des sols". Plus blanc que blanc, tu meurs, hélas sans jeu de mots.

     

         Dans ce contexte, la santé du salariat agricole et celle des petits exploitants est sous évaluée par rapport à la réalité. Ce décalage est hélas historique et les ministres de l'Agriculture (de droite), issus de la FNSEA ou du productivisme agricole, n'ont rien fait évoluer: le premier tableau des maladies professionnelles du régime général (affections dues au plomb et à ses composés) est acté par la loi du 25 octobre 1919; le premier tableau du régime agricole (le tétanos omniprésent dans la profession) provient d'un décret en juin 1955. Aujourd'hui, des cancers (du sang ou de la prostate en nombre plus important dans le monde agricole) sont reconnus en maladies professionnelles dans le régime général et pas dans l'agriculture.

         De son côté, la MSA (Mutualité sociale agricole équivalent à la Sécu) n'est pas plus active dans la défense de la santé de ses assurés. Ainsi, seulement 305 médecins du travail officient pour 1 800 000 salariés agricoles. En agriculture comme ailleurs, le pouvoir de l'argent, appuyé par les directives ultra-libérales de Bruxelles, n'est pas rien.

     

         Pour toutes ces raisons, le nouveau tableau des maladies professionnelles agricoles, adopté grâce au travail et aux actions menés par la Fédération nationale agroalimentaire et forestière CGT et son Institut de recherche et d'études des salariés agricoles (IRESA) va au-delà de la reconnaissance de la maladie de Parkinson dans les affections professionnelles. Elle ouvre la voie à un travail plus large sur les conséquences de l'usage des produits chimiques et cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques sur la santé du petit monde agricole. Avec son institut de recherche, la fédération CGT démontre son souci permanent dans la défense de la santé des travailleurs agricoles. Un fait, par cette victoire, qui n'a pas été à la Une des médias aux ordres, eux privilégiant les gros et la FNSEA contre la vie des damnés de la terre. Alors que le nouveau tableau des maladies professionnelles en Agriculture doit paraître en ce mois de décembre 2011

    http://le-blog-de-roger-colombier.over-blog.com/


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