• Le bois en tant qu’énergie renouvelable suscite les convoitises. Des projets de scieries géantes et d’usines de cogénération sortent des cartons. Et menacent l’équilibre d’une filière déjà fragilisée par les délocalisations et la spéculation. Face à l’exploitation intensive de la forêt qui se dessine, des artisans et des PME prônent la mutualisation et les filières courtes.

    C’est un gigantesque complexe industriel de sciage et de production d’énergie renouvelable au cœur du Morvan. Le petit village de Sardy-lès-Epiry (Nièvre) a été choisi par l’entreprise Erscia – Energies renouvelables et sciages de France – pour accueillir son futur pôle industriel. La création de 120 emplois directs est annoncée. Les ateliers débiteront près d’un million de m3 de bois par an tout en produisant de l’électricité par cogénération. Bref, création d’emplois se conjuguerait avec transition écologique et réindustrialisation. De quoi se réjouir ? Pas si sûr.

    Approuvé par la quasi-totalité des élus locaux, le projet Erscia est vivement critiqué par une partie de la population. Ses détracteurs mettent en avant les risques de déforestation, de pollutions atmosphériques liées à la cogénération, la destruction des industries locales déjà installées, le trafic de camions, et la perte de ressources touristiques, importantes dans le Morvan (voir notamment leur site). Et les 250 000 tonnes de granulés de bois produits alimenteront une usine d’électricité d’Electrabel en... Belgique [1]. Le projet dessine aussi une nouvelle manière d’exploiter les forêts, qui pourrait bien se révéler davantage destructrice d’emplois et de ressources.

    Vers une Wood Valley française ?

    Son promoteur Pascal Jacob, considère le Morvan comme la future « Wood Valley » française. L’enjeu : la production massive de bois énergie pour alimenter, entre autres, les chauffages au bois, dont la vente ne cesse de progresser. Car la biomasse est à la mode. C’est l’une des principales énergies renouvelables aux côtés de l’hydraulique, de l’éolien et du solaire. « La France accuse un tel retard dans les secteurs éolien et photovoltaïque que pour honorer ses engagements européens de 20% d’énergies renouvelables d’ici 2020, elle mise quasiment tout sur la biomasse, en particulier le bois », prévient René Montagnon, membre de la commission Forêt d’Europe écologie Les Verts. La ministre de l’Écologie Delphine Batho considère d’ailleurs la biomasse comme « une énergie majeure du mix énergétique français » [2] !

    Vendues comme des projets industriels « verts », ces scieries géantes misent sur le bois énergie, dont la valeur s’envole, menaçant l’équilibre de toute la filière. Le créneau est tellement prometteur que la scierie Moulinvest, cinquième de France, est entrée en bourse en avril dernier. Mais cette mode, si elle n’est pas encadrée, pourrait produire des dégâts irréparables.

    La 3ème forêt d’Europe

    La France dispose de la 3ème forêt d’Europe, derrière la Suède et la Finlande : 16 millions d’hectares boisés, soit environ 28% du territoire métropolitain. Les forêts françaises et sa filière bois font vivre 400 000 personnes : de la gestion des forêts à la fabrication de meubles et parquets, en passant par le sciage, la confection de papier, la construction de charpente ou de granulés pour le chauffage, le secteur abrite une grande diversité de métiers. Un chiffre d’affaires de 60 milliards [3], généré par quelques 100 000 entreprises qui maillent étroitement le territoire français, souvent dans un milieu rural frappé de plein fouet par la crise.

    Malgré ce potentiel, la filière bois affiche une balance commerciale déficitaire de 6 milliards d’euros. Juste derrière le secteur de l’énergie, plombé par les importations d’hydrocarbures. Pourtant, le bois français s’exporte, d’abord vers la Belgique : « Mais derrière cette destination européenne, se cachent les traders belges et allemands sur ce marché. Le port d’Anvers est l’une des principales voies de sortie pour les bois européens », déplore Laurent Denormandie, président de la Fédération nationale du bois (FNB). « Ils se servent d’autant plus volontiers chez nous que les taxes à l’export y sont... nulles ! »

    Du bois exporté... vers la Chine

    Chênes et hêtres s’exportent aussi massivement vers la Chine, très gourmande en bois. Les ventes à destination de Pékin ont doublé en 2011. Problème : la matière première s’en va par conteneurs entiers, et revient sous forme de produits manufacturés, bien plus chers. Là encore, la FNB dénonce l’absence de taxe européenne à l’importation. « Sciages, parquets et meuble nous reviennent d’Asie à des prix défiant toute concurrence ! Alors même que la Chine taxe chez elle les parquets importés à hauteur de 20% et les meubles à hauteur de 100% ! »

    Pour les entreprises du secteur, c’est un peu la « double-peine » : à l’augmentation du prix de la matière première due à la forte demande mondiale, s’ajoute la concurrence avec des produits qui reviennent bien moins chers d’Asie. « La filière doit donc se protéger, via des quotas à l’export par exemple, et s’organiser différemment », propose Laurent Denormandie. Une porte par laquelle les partisans d’une industrialisation à outrance cherchent à s’engouffrer. Ils se mettent même à rêver d’une « diagonale des scieries », qui traverserait la France des Vosges aux Landes, avec quatre ou cinq énormes unités, comme Erscia.

    La forêt française sous-exploitée ?

    Leur principal argument : la forêt française serait sous-exploitée. Mais les chiffres sont controversés. En 2010, l’inventaire forestier national (IFN) a admis que son modèle de calcul était défectueux. Le rapport commandé à l’époque par Nicolas Sarkozy à l’ancien ministre de l’Agriculture Jean Puech (UMP) annonçait une production annuelle de 103 millions de m3 de bois. Après révision des chiffres, celle-ci est redescendue à 83 millions de m3.

    Selon les estimations, le taux de prélèvement de bois sur la forêt reste pour l’instant très raisonnable : entre 50% et 60% de l’accroissement naturel de la forêt. Quand 100 nouveaux arbres arrivent à maturité, on en prélève entre 50 et 60. Cela signifie que la forêt continue de s’accroître. Sans menacer son renouvellement, certains estiment, comme l’association NégaWatt, que ce taux de prélèvement pourrait monter jusqu’à 75% afin de répondre à la demande de bois-énergie. Mais si les projets de scieries géantes se multiplient, le bois risque de manquer, et de créer une concurrence interne à la filière entre production de biomasse, fabrication de papier et entreprises d’ameublement, deux secteurs déjà très fragilisés.

    Chênes nulle part, sapins partout

    « Ce n’est pas forcément un scandale de ne pas exploiter la totalité de la ressource », rétorque un membre de l’Office national des forêts (ONF). « Les forêts de montagne ne sont pas exploitées du tout parce que cela coûterait trop cher. La forêt doit être gérée sur le très long terme. Il ne s’agit pas de tout prélever d’un coup. » Biodiversité, stockage de C02, gestion écologique de la ressource en eau, attrait touristique, refuge sans pesticides pour diverses espèces, compléments de revenus (chasse, champignons, cueillette) : « La forêt n’est pas qu’un tas de bois », rappelle-t-il. La multiplicité des propriétaires forestiers – plus de 3,5 millions – rend également difficile une exploitation plus rationnelle. Certains ne possèdent parfois qu’un hectare. « Il n’est pas avantageux, pour eux, de faire venir une abatteuse. Résultat : leurs forêts ne sont pas entretenues et le bois est perdu, détaille Marc Pascualini, forestier et délégué régional du Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel (Snupffen).

    Exploiter davantage signifie planter davantage. Mais quels arbres ? La forêt française est composée quasiment aux deux tiers de feuillus (chênes, hêtres, bouleaux...). Leurs « concurrents », les résineux (sapins, mélèzes...), rencontrent cependant un succès fou. De pousse plus rapide, plus simple à travailler, moins cher, faisant appel à des techniques de sciage standardisées, ils sont prisés par le BTP, l’industrie de l’ameublement et… les producteurs de bois énergie. La scierie géante de Sardy-lès-Epiry sera exclusivement alimentée en résineux (épicéa, pin, sapin et douglas). Pour les pouvoirs publics et une partie des professionnels, il faut adapter la forêt française et accélérer l’enrésinement du pays.

    La forêt doit-elle s’adapter à l’industrie ?

    D’autant que le rythme des plantations s’est sérieusement ralenti en France ces dix dernières années. 28 millions de jeunes arbres ont été plantés en 2010, contre 300 millions en Allemagne et en Suède, ou un milliard en Pologne. Mais le tout résineux ne fait pas l’unanimité. « Il est dommage que la filière bois subisse les marchés et dédaigne la ressource feuillue disponible en abondance. C’est à l’industrie de s’adapter à la forêt et non l’inverse », réagit France Nature Environnement (FNE), qui fédère plus de 3000 associations écologistes.

    De nombreux forestiers partagent ce point de vue. « La monoculture de résineux, c’est notre drame, témoigne l’un d’eux. Cela correspond à une gestion productiviste de la forêt. On est sur un système proche de l’agriculture intensive. C’est le modèle landais. On plante en ligne. On coupe à blanc au bout de 40 ans. On récolte. On replante. C’est une vision à très court terme. » Une sylviculture plus extensive, et surtout plus variée, permet de limiter les risques financiers à long terme. Elle rend aussi la forêt plus robuste face aux ravageurs et aux risques climatiques.

    Les projets de scieries géantes profitent également des déboires du secteur. « On perd une scierie tous les trois jours en France depuis 30 ans, ce qui ne semble émouvoir personne », avance Maurice Chalayer, animateur de l’Observatoire des métiers de la scierie [4]. 15 000 emplois perdus depuis 1980. En 2010, 10 000 personnes travaillent dans 1 700 scieries, dont une majorité de petits établissements artisanaux [5]. « C’est d’autant plus dommage que la plupart du temps, les scieries ferment faute de repreneur, privant à chaque fois un territoire rural d’une activité économique qui pourrait être pérenne. », déplore Maurice Chalayer.

    Résultat : les scieries françaises produisent aujourd’hui autant de bois qu’en... 1973, à la veille du pic pétrolier (soit 10 millions de m3 de bois). Faut-il pour autant copier le modèle allemand, qui a doublé sa production en 10 ans grâce à de nouvelles scieries industrielles et peut aujourd’hui en fournir le double ? Pas sûr. Depuis la crise de 2009, pour survivre, plusieurs grosses scieries allemandes ont été largement soutenues par les banques et les aides publiques, observe Maurice Chalayer.

    Industries contre artisans

    Car la production de bois énergie est loin d’être la plus rentable.« Question valeur ajoutée, le meilleur usage du bois, c’est le bois d’œuvre », insiste René Montagnon. Il est composé de grumes destinées aux usages « nobles » de la ressource : menuiserie, charpente, caisserie, ameublement. « Il faut 2 000 m3 de bois énergie pour créer un emploi, contre 300 m3 en bois d’œuvre ! » Mais les artisans souffrent. « Les normes en matière de résistance mécanique ont été faites pour protéger les scieries industrielles qui ne font que du résineux », dénoncent des charpentiers habitués à travailler avec des feuillus. Si le bois est local et non traité, il n’est plus assuré par la garantie décennale, qui permet à un particulier de se retourner contre l’entreprise qui aura édifié sa maison si un défaut est constaté. Résultat : le bois industriel est favorisé au détriment des artisans et des circuits courts.

    Autre question, celle de la formation. En France, les savoir-faire disparaissent. « Sur les chantiers, les manœuvres non qualifiés et sous payés sont légion. Les risques de défauts de construction sont importants. Il faudrait revoir les systèmes de formation, et notamment le CAP de charpentier, en l’orientant vers le travail du bois plus que vers la mise en œuvre de systèmes industriels », témoigne un charpentier, qui croule sous les commandes.

    Vers un bois AOC ?

    Pour favoriser les filières courtes, qui assurent une gestion plus raisonnable de la forêt et favorisent la création d’emplois bien rémunérés, certains professionnels s’organisent collectivement. En Chartreuse, dans les Alpes, le premier bois AOC de France devrait bientôt voir le jour. Le principe est le suivant : constituer un stock collectif de bois local pour la construction de charpentes et de maisons à ossatures en bois. Grâce à des sections standardisées, le bois stocké répond aussi bien aux besoins des charpentiers, des constructeurs et des architectes. Pour l’acheteur, la démarche est simple : un numéro de téléphone unique pour les commandes, une disponibilité du bois sous 72 heures. Initié par le Comité interprofessionnel du bois de Chartreuse (CIBC), ce dispositif géré par les professionnels du massif permet de préserver la filière bois et de participer à l’économie locale.

    Dans le grand Ouest, Yannick Robert, technicien forestier a mis en place voici 7 ans, une filière bois locale, qui permet de mettre en relation directe des petits propriétaires et des utilisateurs locaux. « Les gens viennent me voir en me demandant quel produit industriel ils peuvent utiliser pour leur terrasse ou leur bardage. Je leur réponds qu’il suffit de mettre le bon bois local au bon endroit. En plus c’est souvent moins cher ! Sur les circuits de résineux, nous sommes entre 15 et 35% moins cher que le marché. Et presque moitié moins pour le feuillu ! »

    Mutualisation et relocalisation

    Yannick Robert, et les bûcherons, scieurs ou transporteurs avec qui ils travaillent, y trouvent leur compte et du sens. « Nous sommes autonomes, nous gagnons notre vie, et proposons aux clients des bois de qualité. Nous restons malheureusement un marché de niche. Pour que cela se développe, il faudrait des réseaux inter-régionaux. Et que les élus s’engagent davantage. », explique-t-il. En restreignant, par exemple, les commandes publiques en bois exotiques.

    Avec le départ de Nicolas Sarkozy, soupçonné de vouloir brader l’ONF au privé, voir de céder une partie de la forêt publique, les acteurs ont l’impression d’avoir échappé au pire. Mais alors que se profilent aussi le grand chantier de la rénovation thermique, et le regain d’intérêt pour le bois comme matériau de construction plus écolo, se pose l’épineuse question du modèle de production. « Lors de la conférence environnementale, ni le président de la République François Hollande, ni le Premier ministre Jean-Marc Ayrault n’ont évoqué la nécessité d’un plan d’urgence en faveur de la filière Forêt-Bois pour assurer la transition énergétique de la France », regrettent les professionnels du secteur. Le gouvernement favorisera-t-il les scieries géantes, type Erscia, ou le développement de PME et de filières courtes ?

    Nolwenn Weiler

    Notes

    [1] Voir le site du projet Erscia.

    [2] Colloque national sur la biomasse, 3 juillet 2012.

    [3] Selon la Fédération nationale du bois (FNB)

    [4] Voir leur site.

    [5] 182 unités industrielles produisent 6 millions de m3, 800 unités semi-industrielles pour 3 millions de m3 et 880 unités artisanales pour 400 000 m3.


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  • La contre-attaque de Monsanto à l’étude sur les OGM de Gilles-Eric Séralini et du Criigen ne s’est pas faite attendre. C’est un courriel envoyé par un dirigeant de Monsanto, Jaime Costa, ingénieur agronome et directeur technique de Monsanto en Espagne. Il conseille à ses interlocuteurs d’aller consulter plusieurs réactions de scientifiques critiquant l’étude. Des scientifiques loin d’être indépendants...

    Traduction de l’espagnol : « Objet : Au sujet des recherches indépendantes sur les OGM.

    Sur cette page (lien), vous pouvez lire l’opinion de quelques scientifiques indépendants sur cette nouvelle publication qui n’a pas été revue par l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) » [1].

    Le courriel a été révélé par l’Observatoire européen des entreprises (CEO). Le lien préconisé par le cadre de Monsanto renvoie vers le site du Science Media Centre, basé à Londres et présenté comme une source d’informations indépendante. Le centre publie huit réactions de scientifiques. Tous rejettent l’étude du Criigen.

    Se présentant comme une entreprise indépendante « qui travaille à promouvoir les opinions de la communauté scientifique au Royaume-Uni pour les médias », le Science Media Center est en réalité financé à 70 % par les grands noms de l’industrie de la biotechnologie. BASF, Bayer, Novartis, CropLife International sont autant de bailleurs de fonds de cette entreprise.

    Malgré le conflit d’intérêt évident, l’opération semble bien fonctionner. Trois des huit experts mentionnés sur le Science Media Center ont été repris par l’agence de presse Reuters. C’est le cas de Tom Sanders, directeur du département des sciences nutritionnelles au King’s College de Londres, qui note que « cette race de rat est particulièrement sujette aux tumeurs mammaires lorsque les ingestions de nourriture ne sont pas contrôlées ».

    Mais aussi de Mark Tester, professeur à l’université d’Adelaïde en Australie qui s’est étonné que les précédentes études n’aient pas soulevé les mêmes inquiétudes. « Si les effets sont aussi importants que rapporté et que l’étude est vraiment pertinente concernant l’homme, pourquoi les Nord-Américains ne tombent-ils pas comme des mouches ? » interroge t-il. « Les OGM font partie de la chaîne alimentaire depuis une décennie là-bas et la longévité continue de s’accroître inexorablement ».

    Le groupe de lobby des biotechnologies Europabio a également publié un communiqué de presse citant ces mêmes experts et énumérant un ensemble d’arguments pour tenter de discréditer la recherche. Pour le CEO, ce n’est « probablement que le début des tentatives de l’industrie des biotechnologies pour miner la crédibilité de cette nouvelle étude ». L’équipe du Criigen répond à ces critiques sur le site du Nouvel Observateur.

    Notes

    [1] Le CEO précise avoir changé des éléments pour protéger la source.

    http://www.bastamag.net/article2651.html

    Séralini répond aux critiques de son étude sur les OGM

    Louis-Gilles Francoeur (Le Devoir) - 21 septembre 2012

     L’étude de Gilles-Eric Séralini et de ses collègues venait à peine d’être publiée dans la revue Food and Chemical Toxicology que plusieurs chercheurs, britanniques et australiens, la bombardaient de critiques méthodologiques. Pas un seul n’en a salué l’intérêt. Ils mettaient plutôt de l’avant des failles alléguées à propos des méthodes d’échantillonnage retenues, de l’analyse statistique, voire à propos de la revue scientifique choisie, même s’il s’agit de celle où Monsanto publie ses propres résultats.

    L’équipe Séralini a répondu à neuf de ces critiques jeudi 20 septembre.

    À ceux qui lui reprochent d’avoir retenu un " faible " échantillon de 200 rats, les auteurs répliquent que des lots de 20 rats sont exactement ceux qu’utilise Monsanto, mais dans des études de 90 jours plutôt que de 730 jours. Ils ajoutent que le budget de 3,2 millions d’euros, glanés difficilement, ne permettait pas davantage à une équipe indépendante.

    À ceux qui contestent l’utilisation de rats Spraque-Dawley, qui développent facilement des tumeurs, le Dr Joël Spiroux, coauteur de l’étude, répond que c’est précisément la lignée qu’utilisent les producteurs d’OGM, y compris Monsanto. " Et, ajoute le chercheur, les faits sont là : ceux qui ont été nourris au maïs OGM, avec ou sans Roundup, développent plus de pathologies et beaucoup plus vite. "

    Dans les trois groupes de rats traités, les tumeurs et affections des reins et du foie interviennent dès le 4e mois, dit-il, et ils explosent au 11e et 12e mois, ce qui correspond à l’âge d’un humain de 35 à 40ans. Dans le groupe témoin, les tumeurs surviennent vers le 23e et le 24e mois. Chercheur biaisé ?

    D’autres chercheurs ont critiqué la diète à base de croquettes, mais, réplique l’équipe française, ce sont les mêmes qu’utilisent les producteurs d’OGM.

    Quant à l’idée que les rats de cette expérience auraient absorbé plus de maïs OGM que des humains en proportion, les chercheurs français répliquent que la dose correspond à ce que mangent les Nord-Américains à leur insu.

    À ceux qui reprochent à Séralini d’être un " anti-OGM ", le chercheur répond : " faux ". Séralini se dit favorable à plusieurs techniques transgéniques, dont la fabrication de médicaments. Mais " en revanche, ajoute le Dr Spiroux, Gilles-Éric Séralini et nous sommes contre les OGM agricoles, mal étiquetés et dont la toxicité au long cours est mal étudiée ", notamment avec des protocoles scientifiques qui ont été élaborés sous la dictée de politiciens et de représentants de l’industrie, comme l’a démontré Marie-Monique Robin dans son livre percutant, Le monde selon Monsanto.

    Source : Le Devoir

    http://reporterre.net/spip.php?article3228


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  • Auteur d'une étude sur la toxicité des OGM sur les rats, Gilles-Eric Séralini accuse les industriels d'avoir toujours refusé ce type d'enquête. Un "grand scandale", selon lui.

    Gilles-Éric Séralini (au centre), auteur du livre "Tous Cobayes !". (DR)

    Gilles-Éric Séralini (au centre), auteur du livre "Tous Cobayes !". (DR)
     

    Professeur de biologie moléculaire et chercheur à l'Institut de Biologie fondamentale et appliquée de l'université de Caen, Gilles-Eric Séralini publie le 26 septembre "Tous cobayes!" (Flammarion), le résultat d'une étude menée dans le plus grand secret pendant deux ans sur deux cents rats nourris au maïs transgénique. Conclusion ? Un effet toxique de l'OGM avéré sur l'animal. Et des inquiétudes pour l'homme… Interview.

     

     

    Il y avait une méfiance diffuse de l’opinion sur l’impact des OGM pour la santé humaine. Avec votre étude, c’est une suspicion grave qui se confirme ?


    - Oui, nous venons de réaliser l'étude la plus longue et la plus détaillée au monde sur la toxicité d'un maïs transgénique et sur celle du Roundup, l’herbicide le plus utilisé qui soit. Notre étude conclut à un effet toxique sur l’animal et nous donne à penser qu’il peut y en avoir un sur l’homme. En outre, plusieurs autres tests que nous avions effectués sur des cellules humaines vont dans le même sens. Notre étude, menée durant deux ans sur des rats, établit que, même à très faible dose, l’absorption à long terme de ce maïs agit comme un poison puissant et bien souvent mortel, tout comme celle du Roundup. Et ces effets touchent prioritairement les reins, le foie et les glandes mammaires. Lorsqu’il s’agit de produits chimiques, de pesticides ou de médicaments, les tests sur petits mammifères sont courants au niveau réglementaire. Sauf que les OGM échappent à cette épreuve !

    Le grand scandale, celui dont je ne me remets pas, c’est que les agences sanitaires n’ont jamais exigé des industriels une étude de toxicité de longue durée. Pourtant, lorsque 450 millions d’Européens consomment des produits alimentaires à base d’OGM (et sans toujours le savoir), ils le font tout au long de leur vie. Pis : beaucoup de ces experts ont, malgré nos mises en demeure, multiplié les arguties pour s’y opposer coûte que coûte. De quoi s’agit-il : inconscience ? négligence ? lâcheté ? collusion criminelle avec le monde industriel ? ou de tout ça à la fois ?

    > A lire : l'intégralité de l'interview de Gilles-Eric Séralini et du dossier "Oui, les OGM sont des poisons !" dans "Le nouvel Observateur" du 20 septembre.


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  • Insécurité alimentaire

    Quand les agrocarburants privent de céréales 127 millions de personnes

    Par Sophie Chapelle (18 septembre 2012)

    Nourrir les êtres humains ou faire rouler les voitures ? Selon un rapport de l’organisation Oxfam, les agrocarburants utilisés dans les voitures européennes auraient pu servir à fournir du blé, du maïs ou du soja à 127 millions de personnes pendant un an. Le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll vient de décréter une « pause » dans la politique de soutien à la filière agro-industrielle.

    Les cours du blé, du maïs et du soja ont atteint des niveaux record cet été. Entre mi-juin 2012 et fin juillet, le prix du blé a bondi de 50 %, celui du maïs de 45 %. Quant au Soja, il a grimpé de 30%. La sécheresse n’est pas seule en cause. « Les politiques européennes de soutien aux agrocarburants jouent un rôle central dans la hausse des prix alimentaires », assure Oxfam. L’ONG révèle dans un nouveau rapport [1] que la surface agricole nécessaire pour alimenter les voitures européennes en agrocarburants en 2008 aurait pu permettre de produire assez de blé et de maïs pour nourrir... 127 millions de personnes pendant un an ! « C’est simple : si les gouvernements européens ne renoncent pas à leurs politiques de soutien aux agrocarburants, ils mettent en péril le droit à l’alimentation de millions de personnes », poursuit Oxfam.

    Au niveau européen, la Directive énergies renouvelables impose que 10 % de l’énergie utilisée dans les transports soit produite à partir de sources renouvelables d’ici à 2020. Ces énergies renouvelables sont quasi-exclusivement (à 90%) des agrocarburants de première génération, c’est-à-dire produits à partir de matières premières agricoles (soja, colza, tournesol, huile de palme, maïs, blé...), ajoutés aux carburants traditionnels.

    L’appétit croissant de l’Europe pour les agrocarburants pourrait continuer de faire grimper les prix de certaines denrées alimentaires de 36 % supplémentaires d’ici à 2020, souligne Oxfam. Une inquiétude que partage plusieurs agences des Nations Unies [2], qui ont lancé le 4 septembre un appel conjoint intitulé : « Affronter les causes profondes de la hausse des prix alimentaires et de la faim dans le monde ».

    Vers la fin des agrocarburants ?

    Face à ces dramatiques effets pervers, la Commission européenne envisagerait de réviser ses objectifs d’incorporation d’agrocarburants à la baisse, en baissant le seuil de 10 à 5 % d’ici 2020. Le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a également déclaré vouloir marquer une pause dans le développement des agrocarburants entrant en concurrence avec les cultures à vocation alimentaire. Selon le plan d’action pour l’agriculture présenté le 12 septembre, le taux d’incorporation d’agrocarburants serait limité à 7 %. Rappelons qu’en France, les subventions aux agrocarburants, via des incitations fiscales, se sont élevés, entre 2005 et 2010, à 3 milliards d’euros.

    Cette pause dans le soutien aux agrocarburants est une bonne nouvelle a priori. Sauf que dans le cas de la France comme de l’Union européenne, ces limitations ne concernent que les agrocarburants de première génération. L’un comme l’autre désirent encourager les agrocarburants de deuxième génération. Ceux-ci proviennent de matière organique n’entrant pas en apparence en conflit avec l’alimentation : l’éthanol est par exemple produit à partir de lignine et de cellulose, et l’agrodiesel à partir d’algues. Mais le risque demeure d’une concurrence avec la production vivrière pour l’accès aux terres ou à l’eau, déplorent plusieurs organisations environnementales.

    Notes

    [1] Télécharger le rapport « Les semences de la faim »

    [2] L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international pour le développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM)

    http://www.bastamag.net/article2632.html


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  • Par Sophie Chapelle (4 septembre 2012)

    Rien ne va plus pour les agriculteurs, les jardiniers et les artisans semenciers. Vendre ou échanger des semences de variétés anciennes, libres de droit de propriété et reproductibles est devenu quasi mission impossible. L’association Kokopelli en fait aujourd’hui les frais. Un récent arrêt de la Cour de justice européenne consacre le monopole de l’industrie semencière sur les plantes. La réforme en cours de la réglementation des semences n’augure rien de bon pour l’autonomie des paysans et la liberté de planter.

    Elle a commis plus de 3 400 infractions. Et a été condamnée à payer une amende de 17 130 euros. Le nom de cette dangereuse contrevenante ? Kokopelli. Une association, dont le siège est à Alès (Gard), qui commercialise 1 700 variétés de plantes potagères, céréalières, médicinales, condimentaires et ornementales. Toutes les semences de Kokopelli sont libres de droit de propriété et reproductibles. Ce qui donne la possibilité de conserver une partie des semences de sa récolte pour les ressemer l’année suivante. L’association contribue à faire vivre la biodiversité agricole. Elle est pourtant considérée aujourd’hui comme hors-la-loi par les juridictions française et européenne. Son délit ? Vendre des semences de variétés non inscrites au catalogue officiel. Et ne pas avoir indiqué clairement leur destination exclusivement non commerciale (usage amateur, conservation ou recherche).

    Depuis 1949, pour pouvoir être commercialisées, toutes les espèces ou variétés végétales doivent obligatoirement être inscrites au « catalogue officiel des espèces ou variétés ». Pour y figurer, elles doivent remplir plusieurs critères, évalués par un comité composé de représentants du ministère de l’Agriculture, de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) et de représentants des semenciers. Pour les espèces potagères, les conditions d’inscription sont au nombre de trois : la « distinction », l’« homogénéité », et la « stabilité ». La variété proposée au catalogue doit être distincte des variétés existantes, donc nouvelle. Elle doit être « homogène », c’est-à-dire que les plantes d’une même variété doivent toutes être identiques. Enfin, la variété doit être stable génétiquement, ne pas évoluer au gré de ses reproductions ou multiplications.

    Des semences standardisées pour l’industrie

    Pourquoi les variétés commercialisées par Kokopelli ne sont-elles pas inscrites au catalogue officiel ? Selon l’avocate de l’association Blanche Magarinos-Rey, « ce catalogue pose des conditions incompatibles avec les caractéristiques mêmes des variétés vendues par l’association ». C’est l’homogénéité qui pose le plus de problèmes à l’association. « La base génétique de ces variétés est très large, car elles sont le fruit de nombreux croisements entre individus, explique-t-elle. Cela leur confère une capacité d’adaptation et d’évolution au fil du temps et selon les terroirs. Cela signifie également que ces variétés ne sont pas définitivement "fixées". » Leur stabilité, au sens de la réglementation, n’est donc pas assurée. Les plants et les fruits issus des reproductions et multiplications ne sont pas tous exactement les mêmes. Les tarifs d’inscription au catalogue sont également prohibitifs. « 500 euros en moyenne pour chaque variété, précise l’avocate de Kokopelli, sans compter les droits annuels à payer pour les différents types d’examens obligatoires. »

    Alors que la diversité biologique est fondamentale pour affronter la crise alimentaire, le catalogue officiel se révèle être un facteur de réduction de la biodiversité. Entre 1954 et 2002, 80 % des variétés potagères auraient été radiées du catalogue selon le Réseau semences paysannes. Des 876 variétés inscrites en 1954, il n’en restait plus que 182 au catalogue officiel français en 2002. La raison de ces radiations ? Le poids de l’industrie semencière, qui, depuis cinquante ans, cherche « à standardiser les semences pour les adapter partout aux mêmes engrais et pesticides chimiques, estime le Réseau semences paysannes. « Il n’y a que dans les lois dictées par les lobbies industriels qu’on peut prétendre les rendre homogènes et stables ; dans la vraie vie, cela revient à les interdire. »

    Rude bataille judiciaire

    En 2005, Kokopelli est assignée devant les tribunaux par la société Graines Baumaux, près de Nancy, pour « concurrence déloyale ». L’entreprise prétend que l’activité de Kokopelli, dont les semences ne sont pas inscrites au catalogue officiel à la différence des siennes, lui causerait un préjudice. Le procès, favorable en première instance à Baumaux (janvier 2008), est actuellement en appel au tribunal de Nancy. En février 2011, Kokopelli obtient de la cour d’appel une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

    La Cour de justice européenne doit répondre à une question : les directives européennes sur le commerce des semences potagères sont-elles bien compatibles avec les principes fondamentaux qui régissent le droit européen comme la préservation de la biodiversité, le libre-échange ou la liberté d’entreprise ? Le 19 janvier dernier, l’avocate générale, Juliane Kokott, rend publiques ses conclusions. Elle donne raison à Kokopelli (lire notre article). La disposition qui interdit de commercialiser des semences d’une variété dont il n’est pas établi qu’elle est distincte, stable et suffisamment homogène, est jugée invalide. « Pour bon nombre de "variétés anciennes", ces preuves ne peuvent pas être apportées », constate l’avocate générale. Elle demande donc aux juges européens de se positionner pour déterminer si cette restriction aux échanges de semences sont vraiment justifiés.

    La biodiversité sacrifiée sur l’autel de la productivité

    Malheureusement pour Kokopelli, le 12 juillet 2012, les juges européens décident de ne pas suivre les conclusions de l’avocate générale. Pour la Cour de justice, l’établissement de règles unifiées est la garantie « d’assurer une productivité accrue (…) conformément aux objectifs de la politique agricole commune ». [1]

    Extrait de l’arrêt page 14

    Par cet arrêt, la cour consacre « le paradigme productiviste », dénonce Kokopelli, au détriment de la commercialisation des semences de variétés anciennes. « Ces semences [standardisées] sont incapables de s’adapter à l’amplification des changements climatiques, pointe le Réseau semences paysannes dans un communiqué. Elles imposent toujours plus d’engrais et de pesticides chimiques qui nous empoisonnent, détruisent l’environnement et la biodiversité sauvage et font apparaître des pathogènes toujours plus virulents. »

    Une cour de justice sous influence des lobbies semenciers ?

    Dans les 20 pages de son arrêt, la cour qualifie à deux reprises les semences anciennes de « potentiellement nuisibles ». Rien n’est dit en revanche sur les semences enrobées de pesticides Cruiser ou Gaucho, inscrites au catalogue. Faut-il y voir le résultat des pressions de certains lobbies semenciers ? Ceux-ci ont pris soin, durant la procédure, de faire connaître à la cour leur désaccord avec l’avis de l’avocate générale.

    C’est le cas notamment d’European Seed Association (ESA), très active dans les couloirs de Bruxelles pour affaiblir la directive européenne sur l’étiquetage des semences OGM. Elle a fait parvenir un courrier aux juges en février 2012 pour exprimer « ses préoccupations socio-économiques » [2]. L’ESA s’est également empressée de publier un communiqué suite à l’arrêt pour marquer sa totale convergence de vues avec la Cour européenne de justice…

    Un autre catalogue pour les variétés anciennes ?

    Autre possibilité, expliquent les juges européens dans l’arrêt : Kokopelli pourrait inscrire ses semences anciennes dans un catalogue annexe, pour les variétés dites « de conservation ». Une proposition qui n’est pas jugée satisfaisante : ce registre reste limité aux variétés anciennes produites à de très faibles volumes et obéissant là encore aux critères d’homogénéité et de stabilité. « Il faut également faire la démonstration que la variété est menacée d’érosion génétique, ce qui n’est pas une mince affaire », ajoute l’avocate de Kokopelli. « En deux ans et demi d’existence de ce nouveau catalogue, moins de dix variétés françaises y ont été enregistrées : n’est-ce pas la preuve de son échec ? », interroge le Réseau semences paysannes.

    Le dossier revient maintenant devant la cour d’appel de Nancy. L’appréciation des juges européens n’augure rien de bon pour Kokopelli. La société Graines Baumaux demande à ce que l’association soit condamnée à lui payer 100 000 euros de dommages-intérêts, ainsi que la cessation de toutes ses activités. « L’étau se resserre, s’inquiète l’avocate de Kokopelli. Cette jurisprudence européenne qui vous dit que l’objectif d’une productivité accrue justifie tout y compris la dégradation de la biodiversité, est un mauvais signe pour les développements futurs de la législation. »

    « Celui qui détient les graines contrôle les peuples »

    Bruxelles travaille actuellement sur une réforme générale de la législation sur le commerce des semences. Un cycle de consultation des opérateurs concernés est ouvert, mais les associations de sauvegarde de la biodiversité n’ont pas été invitées à la table des négociations. « Dans la nouvelle proposition de la Commission, c’est l’Office européen des brevets qui sera chargé d’inscrire les variétés. Avant, cela relevait des organismes nationaux rattachés au ministère de l’Agriculture, pointe l’avocate de Kokopelli. En clair, la législation organise le monopole des variétés protégées par des droits de propriété. » La concentration des pouvoirs entre les mains de la commission européenne et de l’Office européen des brevets confirme la perte de compétence des États et la disparition de toute gestion locale des semences au profit des détenteurs de titres de propriété industrielle. « Celui qui détient les graines contrôle les peuples », dénonce Dominique Guillet, président de Kokopelli.

    Aujourd’hui, dix firmes contrôlent les deux tiers du marché mondial de la semence [3]. Face à une industrie semencière toute-puissante, la résistance s’organise aux côtés de Kokopelli. Des associations comme les Croqueurs de carottes promettent de continuer de vendre des semences de variétés traditionnelles refusées ou non inscrites au catalogue. « D’abord parce qu’elles donnent entière satisfaction aux jardiniers, aux maraîchers et à leurs clients, précisent les Croqueurs. En outre, parce que les directives européennes autorisent encore cette commercialisation tant qu’elle ne vise "qu’une exploitation non commerciale" comme le jardinage pour l’autoconsommation. » Mais les projets de réforme en cours menacent de supprimer ce dernier espace de liberté. Au sein du collectif Semons la biodiversité, plusieurs associations mènent campagne pour une loi de reconnaissance des droits des paysans, des jardiniers et des artisans semenciers à utiliser, échanger, vendre et protéger leurs semences. L’autonomie des paysans et le maintien de la biodiversité sont en jeu.

    Sophie Chapelle

    Photo : GNU Free Documentation License

    Notes

    [1] Télécharger l’arrêt de la Cour européenne de justice.

    [2] Télécharger le courrier de l’ESA (en anglais)

    [3] Selon le rapport 2008 de l’ONG ETC Group.


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  • Alimentation : Les Bourses préparent de nouvelles émeutes de la faim

    Depuis mai, le prix 
du blé a augmenté 
de près de 40 %, 
celui du maïs de plus de 60 %. Le soja suit la tendance. Ces hausses spéculatives se traduiront par une flambée des prix alimentaires. Les paysans français, acheteurs de céréales pour leur bétail, sont les premiers à payer 
la facture.

    Une spéculation durable est engagée sur le blé, le maïs et le soja depuis plusieurs semaines. Par effet de contagion, la hausse des prix touche aussi les céréales secondaires, comme l’orge et les oléagineux, et les plus cultivés en Europe : le colza et le tournesol. Depuis juin, le prix du blé a augmenté de près de 40 % et celui du maïs de plus de 60 % à la Bourse de Chicago. La tendance est la même sur les autres places financières où s’échangent chaque jour des milliers de tonnes de grains sans bouger de leurs silos. Plus sidérant encore, les récoltes de 2013, 2014 et même 2015 peuvent être partiellement prévendues sur le marché à terme très au-dessus de 200 euros la tonne car une sécheresse sévère sévissant au États-Unis, en Russie, en Ukraine et au Kazakhstan pousse les spéculateurs à considérer que les prix resteront élevés plus longtemps que lors de la crise de 2007-2008, qui déboucha sur des émeutes de la faim dans près de 40 pays.

    Pour le blé, la production mondiale pourrait être cette année de 662 millions de tonnes, auxquels s’ajoute un stock de report de fin de campagne de 177 millions de tonnes. Il n’y a donc pas de risque de pénurie. Mais les stocks sont inégalement répartis. Les pays structurellement déficitaires n’étaient guère enclins aux achats, ces dernières semaines, car ils voulaient connaître la qualité des blés récoltés avant de s’engager. Dans le même temps, les trois gros pays exportateurs que sont la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan ont une récolte en baisse de 34 % par rapport à 2011. Dès lors, leurs capacités d’exportation seront moindres. La Russie a déjà beaucoup exporté cet été et le souci de stabiliser les prix des denrées alimentaires sur leur marché intérieur peut inciter ces trois pays à relever leurs stocks de sécurité. Il n’en faut pas plus pour qu’on anticipe d’énormes profits en spéculant sur les céréales dans les salles de marché.

    S’agissant du maïs, les États-Unis tablent désormais sur une récolte de 273 millions de tonnes, au lieu des 375 millions de tonnes envisagés au mois de mai dernier. Comme ce pays utilise 40 % de son maïs pour produire de l’éthanol destiné aux véhicules, la part des réservoirs entre en concurrence avec celles de la consommation humaine et animale. Du coup, les spéculateurs tablent aussi sur une pénurie de maïs et sur des prix en forte hausse.

    Selon les dernières prévisions de FranceAgrimer, rendues publiques le 10 août dernier, la production française de blé tendre sera de 36,5 millions de tonnes en 2012, contre 34 millions en 2011. Le rendement moyen sera de 75 quintaux à l’hectare, soit quatre de plus que la moyenne des cinq dernières années. La qualité des blés panifiables est tout à fait correcte en dépit de quelques aléas climatiques. Il en va de même pour le blé dur, destiné à la production de pâtes, ainsi que pour les orges, dont la production est en hausse de 30 % par rapport à 2011.

    Beaucoup des ces céréales ont été vendues depuis plusieurs mois sur les marchés à terme par des agriculteurs ou par l’intermédiaire de leurs coopératives. Le prix effectif a souvent été de 170 à 180 euros la tonne, tandis que celui du blé rendu à Rouen s’affiche aujourd’hui à plus de 260 euros. Nul doute que la différence aura été empochée par les spéculateurs et autres réassureurs qui ne produisent aucune richesse mais font payer leurs interventions parasitaires au consommateur final.

    En France toujours, les professionnels les plus malmenés par cette politique spéculative sont les éleveurs de volailles, de porcs, les producteurs de lait de vache, de chèvre ou de brebis et, dans une moindre mesure, les engraisseurs de bovins et d’agneaux. Les fabricants d’aliments pour le bétail répercutent l’augmentation du prix des céréales et des tourteaux de soja dans celui des aliments composés qu’ils livrent aux éleveurs. Mais ces derniers ne fixent pas librement le prix des animaux de boucherie ou du lait. Ces prix fluctuent selon la loi de l’offre et de la demande dans un bras de fer permanent qui oppose les distributeurs aux transformateurs, lesquels reportent leurs propres difficultés sur les éleveurs.

    Aux dernières nouvelles, les États-Unis, la France et le Mexique envisageraient de réunir prochainement le Forum de réaction rapide, mis en place lors du G20 agricole de juin 2011 à Paris, afin de voir s’il est possible de freiner la spéculation sur les denrées alimentaires. Ce G20 parisien entendait « améliorer la transparence sur les marchés agricoles » et « coordonner les dispositifs d’observation satellitaires de la planète » en vue de « réduire les effets de la volatilité des prix pour les pays les plus vulnérables ». Il préconisait enfin de « favoriser l’accès à des outils de gestion du risque pour les gouvernements et les entreprises des pays en développement ».

    À aucun moment il n’a été question de constituer des stocks publics céréaliers de sécurité lors de cette réunion du G20, alors qu’il s’agirait du seul dispositif susceptible de casser la spéculation. Il est vrai que les pays exportateurs net de céréales et de soja n’en voulaient pas, à commencer par les États-Unis et le Brésil. Dès lors, une prochaine réunion de ce « machin » se limitera à regarder les spéculateurs spéculer alors que, de l’aveu même du commissaire européen Michel Barnier (1), les échanges de « dérivés agricoles » sur les marchés boursiers ont été multipliés par quatorze entre 2002 et 2008, sans compter l’accélération des quatre années qui ont suivi.

    Tout démontre désormais que le pilotage de la production agricole à partir d’un marché mondialisé perverti par la finance crée une situation ingérable économiquement, explosive socialement et dévastatrice pour les nécessaires équilibres écologiques. Nous sommes désormais sur une planète en phase accélérée de réchauffement qui doit impérativement réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le moment de la « planification écologique » est arrivé, avec, pour reprendre une autre expression lancée par Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne de l’élection présidentielle, la « règle verte » comme boussole.

    Si on veut nourrir le monde au XXIe siècle, il faut pratiquer une agriculture « écologiquement intensive », que l’on peut caractériser par des associations de plantes dont certaines utilisent l’azote de l’air comme engrais, tandis que d’autres permettent de réduire les herbicides, les fongicides et les labours. Il faut recréer des ceintures vertes autour de nos grandes villes afin de limiter les transports de denrées périssables comme les fruits et les légumes frais en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Il faut privilégier l’herbe dans la nourriture des ruminants alors que l’association du maïs ensilé et du soja importé fragilise les vaches, pollue les sols et conduit notre pays à dépenser de précieuse devises pour importer du soja.

    Il faut aussi réhabiliter l’arbre nourricier (2), adapter à grande échelle et aux conditions de notre époque une forme moderne d’agriculture médiévale que de nouveaux pionniers ont commencé à mettre en route avec une variété déjà remarquable de produits de qualité. C’est le cas avec un arbre comme le châtaignier qui pousse sur les terres pauvres, acides, pentues et inculte, produisant des tonnes de nourriture à l’hectare pour les humains, les porcins et les petits ruminants que sont les brebis et les chèvres. Mais c’est aussi le cas de l’olivier, du noyer, du noisetier, de l’amandier, du figuier, des fruits dont la production est déficitaire en France alors que les terres susceptibles de les produire sont souvent en friche.

    Le XXIe siècle sera aussi celui de la mise en place de l’agroforesterie, qui associe la production de bois d’œuvre aux cultures annuelles, céréalières et autres. Des essais de rangées d’arbres en plaine céréalière menés en France depuis une quarantaine d’années ont fait la démonstration de la pertinence de cette forme d’agroforesterie pour augmenter le rendement global des parcelles et améliorer la qualité des sols, tout en protégeant les cultures annuelles des dégâts spécifiques aux périodes caniculaires.

    Nous ne sommes que dans la seconde décennie d’un siècle qui va se caractériser par la cherté des énergies fossiles, des engrais, par une plus grande rareté de l’eau. Il va falloir réapprendre à jardiner la planète, plutôt que de persévérer dans la fumeuse théorie des avantages comparatifs, théorisée voilà deux siècles par le spéculateur David Ricardo, quand la planète ne comptait encore qu’un milliard d’habitants.

    Le soja sera de plus en plus cher : L’Union européenne (UE) importe chaque année 34 millions de tonnes de soja pour nourrir ses animaux d’élevage. Il entre dans la composition des aliments des volailles, porcins et bovins essentiellement. Le taux de couverture de l’UE en protéines végétales pour animaux d’élevage n’est que de 44 %, celui de la France de 65 %. Environ 30 % du soja exporté d’Amérique du Nord et du Sud part en Chine et 28 % en Europe. Les chiffres étaient de 38 % pour l’Europe et 18 % pour la Chine en 2004-2005. Avec 212 millions de tonnes produites en 2008-2009, la production mondiale de soja a été multipliée par 8 en cinquante ans avec une déforestation accélérée aux conséquences écologiques et climatiques préoccupantes. Il est à plus de 500 euros la tonne et sera de plus en plus cher.

    (1) Le Monde du 11 août 2012.

    (2) Ces rappels renvoient au dernier livre 
de Gérard Le Puill, Bientôt nous aurons faim, avril 2011, Pascal Galodé Éditeurs.


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  • (Crédit photo : Olivier Tétard/Flickr))
     
    De nombreuses entreprises se font du blé quand les prix alimentaires grimpent. Au risque d'ôter le pain de la bouche aux plus démunis ?
     

    La crise alimentaire menace-t-elle à nouveau la planète ? Les prix des principales matières premières agricoles ont augmenté de 6% sur le seul mois de juillet, s’alarme la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). Le cours du blé a grimpé de 35% sur la période, celui du blé de 23%. De quoi craindre une nouvelle flambée des prix et une pénurie dans les pays les plus pauvres. Déjà, dans ces régions, des éleveurs pourraient bientôt être contraints d’abattre une partie de leurs troupeaux, faute de pouvoir les nourrir.

    Mais ce scénario n’effraie pas tout le monde. Chris Mahoney, directeur des produits agricoles de Glencore, le premier négociant mondial de matières premières, s’est même réjoui ce mardi d’observer « l’une des trois ou quatre pires années du siècle (pour les récoltes, ndlr) aux Etats-Unis » : « Les perspectives économiques sont bonnes jusqu’à la fin de l’année. Les prix sont élevés, la volatilité est forte, on peut attendre beaucoup de bouleversements, de tensions et de possibilités d’arbitrage (l’achat ou la vente de produits financiers pour profiter de différences de prix entre différents marchés). »

    Cynisme ou bonne foi, à vous de juger. Toujours est-il que la déclaration de Chris Mahoney met en lumière une réalité : les gros bonnets se font du blé quand les prix flambent. Comment spécule-t-on sur ces produits ? Qui s’enrichit ? Avec quelles conséquences ? Terra eco fait le point.

    - Comment ça marche ?

    La spéculation est possible grâce à des contrats appelés « contrats à terme », qui ont été inventés pour... protéger de la spéculation et de la volatilité ! Explication. Ces contrats permettent à un acheteur et à un vendeur de s’entendre à l’avance sur les modalités d’une livraison qui n’aura lieu que plusieurs jours ou semaines plus tard. Les deux acteurs s’entendent sur un volume, une date et un prix longtemps à l’avance, ce qui permet de se prémunir contre les variations de prix à court terme, notamment au moment des récoltes. Ce système s’est ensuite institutionnalisé, et ce sont désormais des intermédiaires qui passent les ordres pour chaque partie. [1]

    Peu à peu, ce système s’est ouvert à de nombreux acteurs financiers, qui peuvent désormais signer ces contrats sans jamais voir un épi de blé. Dans les années 2000, 80% des intervenants sur ces marchés étaient soit des producteurs, soit des consommateurs. Aujourd’hui, on estime que 80% de ces intervenants sont des spéculateurs. Ces spéculateurs souscrivent aujourd’hui de très nombreux contrats à terme et les revendent quelques jours voire quelques heures plus tard, avant l’échéance, en espérant faire du profit. Tant et si bien que la valeur des actifs investis sur les marchés des matières premières est passée de 10 milliards de dollars à 450 milliards sur la même période, et qu’aujourd’hui seuls 2 contrats sur 100 signés aboutissent réellement à un échange physique de blé

    - Qui se remplit les poches ?

    Il y a d’abord les nombreux acteurs financiers qui misent sur ces contrats. Parmi eux, principalement des banques. On compte notamment la britannique Barclays, épinglée dans la liste des entreprises les plus irresponsables de l’année 2011 par l’ONG « Déclaration de Berne », qui a dégagé 405 millions d’euros l’an dernier en spéculant sur le marché des matières premières agricoles. La française BNP Paribas annonçait elle récemment vouloir « doubler d’ici trois ans les revenus dégagés de sa présence sur les marchés des matières premières ». En Allemagne, le sujet a ébranlé l’opinion ces dernières semaines, si bien que plusieurs banques ont décidé de mettre fin à leurs activités dans le secteur.

    Mais la palme de l’entreprise qui se fait le plus de blé dans le secteur revient à Glencore. Cette multinationale méconnue a à la fois investi dans l’extraction et la production de matières premières mais est aussi le premier négociant mondial du secteur. Avec cette double casquette, elle contrôle 60% du zinc mondial, 50% du cuivre, 30% de l’aluminium, 25% du charbon, 10% du grain et 3% du pétrole mondial, calculait le journal Le Monde en mai dernier. Cette entreprise est l’une de celles qui profitent le plus des flambées de prix, et n’a cessé de s’agrandir au fil des crises alimentaires depuis 2007. On comprend mieux les déclarations réjouies de son dirigeant.

    - La spéculation est-elle à l’origine des crises ?

    Pour beaucoup, ces bénéfices sont choquants. Surtout, de plus en plus d’acteurs estiment que cette spéculation perturbe les marchés et accroît la volatilité des prix. Ainsi, Jose Graziano da Silva, le directeur général de la FAO dénonçait récemment « les excès de la spéculation sur les marchés dérivés qui peut accroître la fluctuation des prix ».

    Pour tenter de mesurer l’impact exact de la spéculation, David Bicchetti et Nicolas Maystre, deux chercheurs de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), ont mené en 2011 une étude sur «  la formation des prix sur les marchés financiers des matières premières  ». Ils ont constaté que les cours des matières premières sont de plus en plus déconnectés de l’offre et de la demande et de l’économie réelle. Ils suivent désormais .. le reste des mouvements boursiers.

    « Les cours des matières premières fluctuent aujourd’hui en suivant presque symétriquement et parfois même à quelques secondes près ceux du principal indice boursier américain. C’est tout à fait étrange, puisque les prix des matières premières devraient dépendre normalement de situations saisonnière et géographique qui leur sont propres. C’est très dangereux car l’on s’expose à des corrections brutales. Ainsi, un certain nombre d’études confirment que les mouvements violents que l’on a pu voir en 2008 ou en 2010 étaient liés à la financiarisation des marchés des matières premières », note Nicolas Maystre, l’un des deux co-auteurs de l’étude. « Bien sûr, la financiarisation du marché des matières premières n’est pas l’unique cause de volatilité. Mais on constate que les cours de certaines matières premières varient parfois très brusquement à la suite d’annonces financières sans rapport avec le secteur. La présence d’acteurs financiers accentue donc la volatilité », poursuit David Bicchetti, qui préconise de limiter l’accès des spéculateurs aux marchés des matières premières.

    Une conclusion rejetée par Philippe Chalmin, spécialiste des matières premières et coordinateur du rapport de référence Cyclope. « Si les spéculateurs sont si présents, c’est parce que le marché est instable. Le vrai problème est donc l’instabilité du marché, qui est due à une demande croissante, tirée par les agrocarburants, et à une offre insuffisante. » L’analyste rappelle qu’interdire aux spéculateurs de jouer sur le marché pourrait faire plus de mal que de bien et recommande plutôt d’investir massivement dans la production de matières premières, notamment dans les zones qui sont trop dépendantes des importations.

    Faut-il s’attaquer à la spéculation ou repenser la production de matières premières, aujourd’hui très déséquilibrée (voir le très instructif graphique de The economist par ici) ? La question se pose à chaque crise alimentaire, c’est-à-dire un été sur deux depuis 2007. Le G20, qui avait pourtant fait de la lutte contre la volatilité des prix une priorité, n’a pour l’instant opté pour aucune de ces solutions. Il s’est contenté de mettre en place des instances d’information et de concertation. Espérons que la crise nouvelle lui donne du grain à moudre.

    [1] L’intermédiaire signe un contrat à terme avec le producteur, et lui assure de compenser ses pertes si le prix du blé est plus bas que prévu, mais il encaissera le bénéfice si le prix est plus haut que prévu. Et vice-versa pour les acheteurs de matières premières.

    http://www.terraeco.net


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  • nwaz_01_img0092.jpg Au cœur de la crise globale se profile le lourd risque d’une autre crise : celle de l’insécurité alimentaire et de la faim. Dans de multiples zones déjà, de la corne de l’Afrique au Sahel, du Niger au Burkina Faso, de Gambie au Mali et au Tchad des millions de personnes sont dépourvues de nourriture et d’eau potable. Ceci risque d’aller en s’amplifiant avec la hausse brutale des prix des matières premières agricoles.

    En Europe et aux États-Unis, l’austérité qui déjà, sème difficultés et douleurs parmi les familles populaires, sera encore aggravée par l’augmentation de l’alimentation. Le pain comme la viande dépendent des prix des céréales et de l’augmentation de l’énergie qui flambent si rien n’est fait pour les contrecarrer. Les causes de cette augmentation sont connues. Il y a la vague de sécheresse qui touche le sud de l’Europe et surtout les États-Unis ; l’imbécile et criminelle production de biocarburants alors qu’il faudrait réserver toutes les productions agricoles à l’alimentation et enfin une augmentation de la demande alimentaire mondiale. Celle-ci augmentera de 70% d’ici l’année 2050, selon l’Organisation des Nations-Unies pour l’agriculture et l’alimentation. A cela s’ajoutent les modifications climatiques, l’accaparement des terres par des pays et des multinationales, mais aussi les destructions de terres par l’urbanisation et la dégradation climatique ou par l’érosion des sols. Ces causes et ces prévisions sont connues de tous.

    Pourtant, aucune structure gouvernementale n’intervient. Aucun plan prévisionnel mondial n’est mis en débat. La réforme de la politique agricole commune en cours de discussion ne prend nullement en compte ces données fondamentales. Au contraire, elle laisse totalement ouverte les portes de la dérégulation, de la déréglementation et de la spéculation sur les matières premières agricoles. L’une des causes grandissantes de la volatilité des prix est le développement d’une spéculation effrénée sur les matières premières agricoles qui servent de valeur refuge aux « fonds financiers » qui en tirent encore plus de profits que des actions en bourse ou des obligations d’état.

    Ce que l’on appelle « les actifs agricoles » ne dépassaient pas dix milliards en 1990. Ces produits financiers, indexés sur l’agriculture, vont dépasser les 200 milliards cette année. Ces produits financiers, indexés sur les indices des matières premières agricoles s’achètent et se vendent à la BNP Paribas, au Crédit agricole ou chez Barclays, l’avaleur du groupe Doux, et font du blé, du maïs, du soja, du café, un placement financier comme l’or. Leurs pratiques sont aussi curieuses que scandaleuses. Ces gens achètent et revendent des produits agricoles sans jamais les voir. Ils achètent même des récoltes qui ne sont pas encore semées. C’est ce qu’on appelle des contrats à terme. Ces mécanismes qui représentaient à peu près 770 milliards de dollars l’année 2003, atteignent aujourd’hui plus de 7500 milliards de dollars. Autrement dit, cette minorité de spéculateurs et de rapaces fait du fric avec votre blé. Et vous payez plus cher votre pain et votre viande, jusqu’à s’en priver dans certaines familles populaires, tandis qu’un milliard d’individus meurent de faim et souffrent de malnutrition.

    Ces mécanismes inhérents au système capitaliste financier et mondialisé sont abjects. Il faut en finir avec eux. Dans l’immédiat, le gouvernement devrait demander avec la FAO, en alliance avec des pays du Sud, le lancement d’une conférence mondiale pour des prix stabilisés des matières premières agricoles et le démantèlement de tout système de spéculation sur l’alimentation. Cela implique une réflexion sur une nouvelle révolution verte et écologique pour nourrir la planète.

    Dans le cadre du débat sur la politique agricole commune à venir, l’enjeu de la fixation de prix de base pour une quantité donnée de production moyenne dans chaque pays européenne, doit être remis avec plus de force sur le tapis. L’agriculture et l’alimentation ne peuvent être laissées dans la grosse mâchoire des rapaces de la finance.


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  • Sur l'affaire des poulets "Doux" :

    "Ne laissons pas Barclays plumer nos volailles"

    Passerons-nous du « poulet Doux » au « poulet Barclays » ? Barclays est le nom de cette banque britannique qui s’est subitement associée à M. Doux, à qui le tribunal de commerce de Quimper a donné sa confiance le 1er août pour un plan de « continuation » du groupe Doux.

    La période d’observation, après le redressement judiciaire va se poursuivre jusqu’au 30 novembre, avec une audience intermédiaire le 9 octobre pour évaluer la situation. Ce plan se fait à grand fracas de casse sociale puisque le pôle frais et produits élaborés, c’est-à-dire les usines où s’élaborent le plus de valeur ajoutée, est séparé du groupe car jugé moins rentable. Ainsi, 1570 salariés, notamment à Pleucadeuc et Sérent dans le Morbihan, Graincourt dans le Pas-de-Calais risquent de se retrouver sans travail si d’ici quelques jours ils ne sont pas repris par d’autres groupes.

    Ainsi, « Doux-Barclays », choisit la voie du démantèlement du groupe en écrémant les secteurs jugés financièrement les plus rentables, notamment l’exportation. Celle qui bénéficie de fonds publics européens sans contrôle. Ceci se fera contre la filière avicole française, qui, pourtant pourrait encore se développer en poulets de qualité et en produits élaborés.

    http://patricklehyaric.files.wordpress.com/2012/08/doux.jpg

     Les importations de volailles représentent en effet, déjà 40% de notre consommation provenant pour l’essentiel du Brésil, là où Doux s’était implanté et « embourbé » depuis 1998 en rachetant l’entreprise Frangosul. Il ne faudrait pas croire que nous sommes au bout de l’affaire !

    On aurait grand tort de se satisfaire de ce montage et de considérer que le groupe Doux est sauvé et qu’il faudrait désormais regarder ailleurs. Il est de la responsabilité du gouvernement d’intervenir plus radicalement. On ne peut laisser 1500 salariés glisser dans les affres du chômage. Il y a aussi le sort de près d’un millier d’éleveurs à qui Doux reste à devoir entre 60 000 et 120 000 euros par élevage.

    Mais allons plus loin ! Le montage financier est totalement baroque. Voilà M. Charles Doux acceptant ce qu’il refusait hier, c’est-à-dire la cession de 80% de son entreprise à la banque Barclays qui, par ce biais ne cherche qu’une chose : récupérer sa créance de 140 millions d’euros. Barclays ne s’intéresse pas aux poulets mais à son argent.

    Au nom de cela, la Banque qui fait partie du Gotha mondial du système bancaire détiendra demain 80% du capital, et BNP Paribas 6%. Dans ces conditions, M. Doux descendra à 14%, encore qu’on ne connaisse pas le véritable statut d’un client saoudien du groupe Doux qui apporte 12 millions d’euros, ni de celui de la société d’affacturage Factor pour 3 millions d’euros.

    Autant parler clair ! Le monde financier international prend le contrôle de la majeure partie de la filière avicole. Ceci peut avoir de redoutables conséquences d’ici quelques mois quand on connaît le taux de profit que recherchent les banques en ce moment.

    Car, il nous faut aller encore plus loin, notamment sur les agissements de Barclays. Voici une banque internationale qui, d’un côté investit dans le poulet et qui de l’autre cherche à revendre d’ici fin septembre ses activités en France dont sa banque de détail, d’assurance et de crédit-bail. Cette même banque Barclays qui se retrouve au cœur du scandale financier actuel, le Libror (London Inter Bank Offered Rate). Il s’agit en résumé d’un accord entre plusieurs banques mondiales pour fixer les taux d’intérêt du loyer de l’argent. Barclays a été reconnu coupable ces derniers jours de manipulation du Libror en soumettant des taux plus élevés. Elle vient d’être sanctionnée d’une amende de 450 millions de dollars pour cela. Mais l’affaire est loin d’être terminée.

    Et il faudrait laisser la filière avicole entre de telles mains ? Devant de tels risques, il n’est pas encore trop tard pour le gouvernement d’agir. Il doit créer les conditions pour que tous les éléments de cette affaire soient mis sur la table. Puis, il doit prendre toutes les dispositions pour réunir une conférence inter-régionale sur l’emploi et la filière avicole, avec le groupe Doux, les éleveurs, les syndicats de salariés, les banques, les transporteurs, les élus régionaux de Bretagne, Pays de Loire, du centre et du Pas-de-Calais, les maires, pour décider d’un plan solide de développement et de la valorisation de la filière avicole française.

    Dans un premier temps, le fonds stratégique et des moyens du grand emprunt doivent être utilisés pour prendre les relais financier nécessaires afin de rembourser les éleveurs et les transporteurs. L’Etat doit agir maintenant. Et ne pas laisser plumer la filière avicole par les rapaces du monde de la finance.

     

    par Patrick le Hyaric



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  • Pas de pitié pour les pauvres ! La spéculation reprend sur les cours des céréales

    Comme en 2006, les céréales font l'objet de spéculations financières, en dehors de toute réalité, de toute morale et de toute sécurité alimentaire pour les peuples.

    Avec le capitalisme, tout devient sujet à spéculation. Personne n'est ainsi choqué par la spéculation sur la main d'œuvre que représentent les délocalisations ou l'exploitation des travailleurs clandestins.

    Alors pourquoi s'étonner de voir des spéculateurs jouer à la loterie avec les réserves alimentaires mondiales ?

    Malgré la crise du capitalisme et l'effondrement du marché spéculatif des subprimes, qui a jeté à la rue des centaines de milliers de citoyens pauvres des Etats-Unis et lancé cette infernale crise du capitalisme, les petites mains du capitalisme continuent de jouer au Monopoly avec les produits alimentaires de base.

    Début 2008, rappelez-vous, la spéculation avait déjà fait des ravagees dans le Monde, avec une flambée des prix du blé, du riz et des autres céréales. Des émeutes de la faim avaient ainsi frappées de nombreux pays, comme l'Egypte ou le Mexique.

    En France, c'était le fameux prix de la baguette qui était passé à la moulinette sans que ne soit vraiment dénoncé le fait que la matière première du pain, le blé, ne rentre que pour 5 % dans le prix final de la baguette.

    Cette année encore, le cours des céréales flambe et avec lui, le cours du pain, mais aussi les coûts de production des éleveurs bovins, ovins, porcins et des éleveurs laitiers. En bout de chaîne, ce sont à nouveau les consommateurs qui paieront l'addition. En clair, les travailleurs.

    Mais, ces hausses sont elles justifiées ?

    La raison que l'on nous donne, c'est la sécheresse qui sévit en Russie et aux Etats-Unis, gros pays producteurs et exportateurs de céréales.  Des récoltes moins abondantes justifieraient l'envolée des cours mondiaux.

    Encore une fois, la mondialisation sert de paravent à la spéculation !

    C'est qu'en France, la production de blé est estimée en hausse de 8 % par rapport à 2011, avec 36,6 millions de tonnes et cela malgré une baisse des surfaces en blé de 100 000 hectares. Le constat est le même pour les autres céréales comme l'orge ou le triticale.

    Au passage, le débat sur la décroissance et la nécessité de supprimer les exportations céréalières françaises en prend un coup : pour des pays qui ne peuvent produire suffisament pour des raisons climatiques ou agronomiques (Egypte, Chine), cette position fréquente chez les Verts et certains altermondialistes montre tout son potentiel criminel.

    A l'heure actuelle, les cours des céréales ont déjà pris 50 % en quelques semaines, beaucoup plus sur un an. Pourtant, la moisson n'est pas finie, en France comme ailleurs dans le monde.

    C'est que les spéculateurs, à Paris comme à Chicago, ne voient jamais les produits qu'ils échangent. et ces échanges sont purement virtuels car les stocks vendus et revendus ne bougent pas des silos portuaires pendant des mois !

    Un stock de 20 000 tonnes de blé peut changer trente ou quarante fois de propriétaire avant de quitter le port de Rouen.

    La réalité, ce n'est pas la pénurie de matières premières, agricoles en l'occurence, mais les gains mirobolants que font des traders, pour le compte de fonds de placements et de banques spéculatives, en jouant la hausse sur des produits indispensables à l'humanité.

    L'Europe, dans tout son dogmatisme libéral, s'est évertuée à liquider les outils de régulation des marchés qui existaient dans les années 80, comme les stocks européens. Rappelez-vous des images fortes de stocks de beurre que nous montraient les médias dans les années 84 - 85 pour justifier l'abandon des stocks européens !

    Avec un blé à 262 euros la tonne, contre 120 à 140 euros l'an passé, ce sont les consommateurs qui subiront les répercussions d'une nouvelle hausse des produits alimentaires à la rentrée, pains, pâtes, plats préparés et viandes notamment. En France notamment, malgré l'absurdité de la situation puisque la production française de céréales est, elle, en hausse forte !

    Après les subprimes et les dettes publiques, les vautours de la finance démontrent leur absence complète de morale et leur cupidité, quitte à mettre en danger la sécurité alimentaire des plus pauvres de la planète.

    La démagogique moralisation du capitalisme est enterrée de longue date. Il serait temps que le capitalisme suive !

    En attendant, ce gouvernement qui se dit de gauche devrait exiger la remise en place d'outils de régulation européens pour les produits agricoles, histoire d'assurer des stocks de sécurité alimentaire et de calmer les appétits des spéculateurs. La révision actuelle de la Politique Agricole Commune serait une occasion rêvée.

    On jugera sur acte.

    Pour le reste, comme pour le pouvoir d'achat, ce sont aux travailleurs de se mobiliser quand il sera temps. Les communistes y contribueront.

    http://andree-oger-pour-deputee.over-blog.com


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