• La vérité finit toujours par frayer son chemin

     
    La vérité finit toujours par frayer son chemin
    Entretien avec Aminata Diouf
    mercredi, 20 février 2013 / Rouge Midi

    Aminata Diouf, ancienne dirigeante du comité sans papiers des Bouches du Rhône, dirigeante départementale de la CGT 13 et membre du conseil national du PCF, avait été accusée en septembre 2006 de détournements de fonds et d’escroquerie par 11 sans-papiers. Mise en examen, elle avait dû laisser tous ses mandats et responsabilités. Au bout de 7 longues années, le tribunal vient enfin de la relaxer de façon définitive puisqu’aucun de ses accusateurs n’a fait appel. Retour avec la principale intéressée sur une affaire pas banale.

    Aminata que s’est-il passé exactement, de quoi et par qui as-tu été accusée ?

    J’étais accusée d’obliger les sans-papiers à se syndiquer. Je les aurais obligés à participer aux réunions du PCF, je leur aurais demandé de l’argent pour envoyer des courriers à la préfecture, courriers que je n’envoyais pas et je mettais l’argent dans ma poche. Je leur aurais demandé des cadeaux, tout cela sous promesse de régularisation.

    Qui t’accusait ?

    En fait il y a eu un complot entre 11 sans-papiers soutenus par la sous-préfète de l’époque et malheureusement aussi avec le soutien de quelques associations locales.

    Mais pourquoi selon toi ?

    Ce complot a été ourdi pour casser le comité sans papiers de Marseille qui était très bien structuré. A Marseille le comité sans-papiers était partie intégrante du comité chômeurs CGT et c’est comme cela que je me suis retrouvée élue à la direction de l’UD CGT. A la même époque il y a eu des attaques identiques à Paris (contre Romain Binazon et Aminata Diane) et à Lille (contre Roland Diagne), sauf que là-bas les organisations ont fait bloc et ont refusé de croire les ragots. Du coup les affaires ne sont pas allées plus loin que la garde à vue.

    Ça n’a pas été le cas à Marseille ?

    Non des associations locales qui sans doute en voulaient à la CGT d’être en tête du combat des sans-papiers, m’ont enfoncée et du coup les organisations auxquelles j’appartenais ont été troublées. La presse, bien renseignée, par « une source proche de l’enquête » [1] a publié à plusieurs reprises des mensonges diffamatoires à mon égard, en me traitant comme une coupable avant même mon procès. Malheureusement la CGT n’a jamais fait de démenti. Pourtant il suffisait de connaître le contexte de stress extrême et de précarité des sans-papiers et de savoir de quoi j’étais accusée exactement pour avoir de sérieux doutes sur la véracité des accusations.

    Quelles ont été les conséquences ?

    Je me suis levée de toutes mes responsabilités militantes, j’étais écartée du mouvement social. La lutte des sans-papiers a été cassée, alors qu’elle avait commencé ici à Marseille dès 1993. Je me suis sentie seule. J’ai vu des actions se faire sans moi, je me sentais soupçonnée après tout ce que j’avais fait pour la lutte. Ça a même bloqué mon dossier de naturalisation et celui de ma fille. Le ministère m’a écrit qu’étant donné la procédure pour escroquerie je devais attendre l’issue du procès. Il est à noter que dans la même période tous ceux qui m’accusaient ont été régularisés dans les semaines qui ont suivi le dépôt de leur plainte. D’ailleurs dans le dossier à charge il y avait le témoignage de la sous-préfète de l’époque qui a tellement voulu en faire qu’elle s’est retrouvée prise en flagrant délit de mensonge !

    Et comment s’est passé l’audience ?

    Sur les 11, seulement 4 sont venus, ils ne se souvenaient plus exactement de leurs accusations, ils étaient pitoyables. Un demandait le paiement d’une banderole qu’il disait avoir confectionnée pour la CGT, un autre demandait un mois de salaire pour avoir repeint le local des sans-papiers (local situé dans la bourse du travail), une autre demandait deux ans de salaire pour avoir assuré le secrétariat du collectif « 60h par semaine » (sic !), un autre demandait le paiement de 3000 ( !) courses de taxi clandestin qu’il aurait effectuées comme chauffeur pour mon compte…etc.
    Ils ont même été aussi plusieurs à demander le paiement des gâteaux que l’on faisait lors des rassemblements de luttes et qui servaient à financer le collectif !!

    Ils avaient aussi lancé des accusations contre le Secours Populaire et Solidarité Afrique, associations avec qui on travaillait…

    De mon côté il y avait les auditions du dirigeant du comité chômeurs de l’époque [2], celle du trésorier du comité sans papiers, le témoignage d’un dirigeant de la CGT 13 et il y a eu aussi le témoignage très fort et très émouvant d’un avocat membre du SAF et pleinement engagé dans la lutte pour la régularisation.
    Il y a eu un moment important à l’audience, c’est quand mon avocat a demandé à l’un de ceux qui m’accusaient qui était le plus important pour sa régularisation, moi ou le préfet et il a répondu moi…

    Evidemment à l’audience nous avons pu prouver que les dossiers avaient tous été envoyés en recommandé à la préfecture (je n’avais donc pas gardé l’argent des timbres dans ma poche !!) et que s’il y avait eu du bénévolat il avait profité au collectif sans-papiers et à la CGT…et non à moi.

    Le procureur lui-même a demandé la relaxe et Philippe Vouland mon avocat a tenu, bien que cela semblait gagné d’avance, à plaider et à répondre point par point aux accusations y compris celles qui n’avaient pas été retenues (mais qui avaient été diffusées dans la presse), ceci afin de laver mon honneur.

    Quand le juge m’a donné la parole à la fin j’ai dit que tant mieux qu’ils soient régularisés car j’étais pour la régularisation des sans-papiers, mais pas comme ça, pas en me salissant sous des fausses accusations.

    Tu as donc été relaxée et maintenant ?

    Quand je pense à tout ça je me dis heureusement qu’il y a des gens qui m’ont soutenue et qui m’ont fait confiance, même s’ils n’étaient pas nombreux. Ça m’a permis de surmonter cette épreuve qui était très lourde et qui me pesait. Il y a des moments où je m’enfermais, je ne voulais voir personne. Il y a aussi des associations qui m’ont fait confiance comme « Solidarité Afrique » ou « Femmes international, murs brisés » qui m’a confiée une mission au Mali.

    Je ne sais pas si je pourrai reprendre la vie militante. Il y a des projets humanitaires pour le Sénégal pour lesquels on m’a contactée. Je n’ai pas baissé les bras mais à reprendre une activité, je ferai attention avec qui je serai.

    En tous cas tu as toujours été et tu seras toujours la bienvenue à Rouge Midi.

    Ça je le sais !

    [1] en fait des policiers en charge de l’enquête NDR

    [2] Charles Hoareau NDR

     

    http://www.rougemidi.fr/spip.php?article7607


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