• La machine infernale du capitalisme tardif selon Frédéric Jameson

    Par Danielle Bleitrach

    Piranèse: les prisons

    Bleitrach 75

    Si Lénine est toujours au purgatoire… Il y a incontestablement un retour à Marx.

     

    Evidemment Lénine a eu le mauvais goût de prendre le pouvoir.. En fait si l’on suit l’analyse de Jameson l’incapacité dans laquelle nous sommes de toute historicité et la barrière qui est mise à l’action rend Lénine hors de portée intellectuelle et de Marx nous ne conservons que l’analyse critique de ce qui est, le diagnostic… Ce n’est pas seulement parce que la classe dominante imposerait une telle limitation du marxisme mais parce que celle-ci reflète l’enfermement dans la machine infernale. Donc parler de l’apport de Frédéric Jameson comme bien des penseurs qui ont opéré un retour à Marx c’est à la fois se maintenir dans les limites du diagnostic et de la critique mais c’est aussi tenter de comprendre pourquoi nous sommes ainsi paralysés.

     

    Il me semble toujours à propos de Lénine et de sa mise au rebut que ce rejet reflète l’impossibilité d’envisager l’action politique qui est tout de même son principal apport. Il y a dans notre pensée une séparation entre le but final et le processus, le mouvement, tout devient « question d’actualité » sans rapport avec aucune évolution d’ensemble, sans lien avec la lutte des classes. Un exemple avec « les révolutions arabes », si elles ont réintroduit sur le devant de la scène  l’acteur historique, non seulement la représentation que nous en avons à gommé l’aspect lutte des prolétaires mais de ce fait nous demeurons incapables de penser qu’il y a là un processus mû par la luttes des classes qui rend tous les moments politiques transitoires, instables.

     

    J’y reviendrai mais un philosophe des Etats-Unis Frédéric Jameson – récemment traduit- parle d’une pathologie de l’histoire, c’est-à-dire la perte du sens du futur, une crise de l’imaginaire lui-même.

     

    Il y a bien sûr la crise à la fois économique et écologique qui bouche l’horizon mais aussi le fait que le capitalisme dont il dit qu’il est à son stade “tardif” apparaît de plus en plus comme une machine infernale dans lequel nous sommes enfermés, nous tous ensemble, 7 milliards d’individus.  C’est de l’ordre de la science-fiction telle qu’un romancier comme Philip K. Dick pouvait la penser dans les années soixante et soixante et dix.  Pour Frédéric Jameson en fait il s’agit de la question politique de l’utopie pour tenter de dépasser cette barrière derrière laquelle l’humanité est sidérée, ce que Marx définissait comme l’idéologie et qu’il appelle l’inconscient politique. S’il substitue ce concept à celui d’idéologie c’est pour dépasser l’idée d’une fausse conscience plus ou moins contenue dans le terme idéologie. Il conserve le lien marxiste entre l’infrastructure capitaliste, l’économie, le travail, les forces productives et la superstructure, la culture, les représentations, les médias, le droit, les arts, la représentation qu’une société donne d’elle-même. Il tente d’articuler cette superstructure avec l’apport de Freud dans la compréhension de la sphère idéelle et celui de Lévi-Strauss qui permet d’intégrer les phénomènes culturels dans des grands systèmes de pensée. Il est à la recherche par-là entre les subjectivités individuelles, les formes d’expérience de chacun avec le réel social et historique qui dans la culture fonctionnerait comme un langage, un inconscient structuré comme un langage.

     

    Un des problèmes de la machine infernale que serait le capitalisme à son stade tardif est que nous sommes incapables de nous représenter le monde dans lequel nous sommes, d’en établir la cartographie pour pouvoir agir individuellement et collectivement, nous n’appréhendons plus ni le passé, ni le présent, ni le futur. Notre historicité est endommagée gravement.

     

    « Nous ne voyons pas d’alternative. Cela nous conduit à un retour à Marx et à son analyse de cette immense machine totalisante qu’est le capital. Nous serions alors amenés à voir que l’effondrement du communisme en Europe de l’Est n’aurait été remplacé ni par un autre socialisme ni par le triomphe du libéralisme, mais au fond par un effondrement financier et écologique du capitalisme, incapable de construire notre avenir ». dit jameson.

     

    Il est clair que l’on a rarement vu un tel niveau de démission. Les espèces de réunions mondiales des puissants paraissent d’une telle vanité avec des politiques soumis à des espèces de pseudos lois de phénomènes incontrôlables autant sur le plan du climat que celui des marchés.

     

    On songe à ce texte de Lénine : « la catastrophe imminente et les moyens de la conjurer ». Ce qui a effectivement caractérisé Lénine c’est alors que plus personne ne savait comment gérer la tempête qu’avait déchaînée la première guerre mondiale, il dit « nous Bolcheviques nous acceptons de prendre le pouvoir » et il a chevauché la tempête sans nécessairement la maîtriser d’ailleurs. Un tel positionnement révolutionnaire aujourd’hui paraît de l’ordre de l’impossible, je ne sais pas s’il est impossible mais il paraît tel.

     

    Danielle Bleitrach

    http://histoireetsociete.wordpress.com/2011/12/18/la-machine-infernale-du-capitalisme-tardif-selon-frederic-jameson/


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