Vers l'automneParce que, déjà, dans un premier temps, et comme je l'ai élégamment répondu à l'ami qui me sollicitait de cette bien étrange manière (oui, ce n'est pas comme s'il ne m'avait jamais vue en train de cracher et de feuler, les griffes fermement plantées dans le plafond à la seule évocation du signe PS), le PS, je m'en bats allègrement les steaks, ainsi que de ce qu'ils peuvent bien raconter dans cette officine de baltringues et de faux jetons. Je pense même que chaque minute de ma vie dépensée à écouter, parler, commenter ou interagir de quelque manière que ce soit avec un discours du PS est une minute définitivement gâchée pour rien. Parce que je ne me paie pas de discours, parce que depuis 1983, le PS parle par ses actes et c'est d'une manière sans appel : ils sont aussi soumis à la dictature des marchés que les autres en face. Sauf, qu'eux, ils font semblant du contraire et nous promettent le grand soir libérateur par les urnes avant de nous servir des petits matins gueule de bois où la real politik nous tient tous avidement par les burnes.

Quelque part, les mecs du PS, je les déteste encore plus que ceux de l'UMP.

Parce que l'UMP, au moins, il annonce assez clairement la couleur : bling-bling et gang bang chez les fortunés de ce monde, tapis rouge pour le MEDEF, application point par point du programme de la BCE, de l'OCDE, de la BM ou du FMI, tout est limpide comme une bonne grosse giclée de champagne dans une coupette en cristal de Baccarat. C'est comme quand tu tombes sur une bonne grosse diatribe réactionnaire : tu préfères la lire sur le Figaro que chez Libé. Pure question d’honnêteté intellectuelle ! Pour moi, les PS sont tricards depuis bien longtemps, mais mon divorce démocratique date assez largement de la campagne ignoble pour le TCE et rien ni personne n'a pu faire remonter un tant soit peu ce ramassis de jean-foutre dans mon estime personnelle. Surtout pas leur dernière traîtrise démocratique et intellectuelle.

Par contre, au-delà de l'appareil moisi, tout entier dévoué aux intérêts très particuliers de la poignée de ceux qui vendraient père et mère pour un maroquin, voire un strapontin quelque peu rémunérateur dans l'antichambre du pouvoir, il existe des gens de conviction qui se laissent encore et toujours fourvoyer par l'apparence trompeuse des discours vides qui ne sont rien d'autre que du racolage actif d'électeurs de bas étage.

Gauche de terrain, gauche de combat


Ceux qui me lisent depuis des temps immémoriaux se souviennent probablement du magnifique costard que j'avais taillé à un aspirant élu de mon microbled un soir de campagne électorale. Heureusement pour la suite de l'histoire, mon ire quelque peu épidermique n'avait influé en rien sur le cours des choses et cette équipe municipale avait été élue haut la main, pour le meilleur comme pour le pire.
Le pire arriva assez rapidement et dans un autre billet j'avais dû me fendre d'un embryon de mea culpa pour avoir méjugé de quelqu'un probablement plus à l'aise dans l'action que dans le discours.

Ce qu'il y a de bien dans la démocratie locale des microbleds, c'est qu'elle est directe et active. Et que l'on côtoie nos élus avec une belle régularité, pratiquement au quotidien. Parce que nous vivons au même endroit. Certes. Mais aussi parce que nous avons plus ou moins les mêmes existences. Les mêmes trajets du matin avec des horaires qui se chevauchent pour aller au boulot ou chercher les gosses. Des fréquentations en commun. Des intérêts communs. Et probablement, des convictions communes.


C'est comme cela que j'ai vu vivre mon élu de terrain.


Quelqu'un au service de la collectivité. Le gars qui vient après son boulot pour soutenir la manif des parents d'élèves contre la fermeture du moultième poste en grande ruralité, mais qui se tape aussi les réunions standards de l'école du village d'à côté, non pas parce que ses mômes y sont, mais plutôt parce que la mienne (entre autres) y est. Alors que je m'exonère le plus souvent de ce genre de corvée. Le gars qui prend ses RTT de sorte qu'elles coïncident avec les permanences de la mairie (à moins que ce ne soit l'inverse). Celles de toutes les semaines. En plus des réunions du conseil. Celles pour expédier les affaires courantes. Les histoires à la con de chiens qui aboient, de trous dans les routes, de concession au cimetière du coin. Le gars qui assiste à pratiquement tous les enterrements de ses concitoyens. Avec notre pyramide des âges, forcément, c'est plus souvent que les fêtes de baptême. Le gars qui bosse le dimanche pour retaper l'appartement communal, loué à bon prix pour les locataires désargentés. Je le sais, c'est à l'heure où je fais ma balade à vélo. Le gars que j'ai croisé à toutes les manifs au bled en chef. Et même à celles où je ne suis pas allée. Celui qui monte les installations pour la fête du village, qui passe ces mêmes fêtes à tenir la boutique et le même aussi et surtout, qui nettoie le bordel et range les poubelles, le dimanche soir, quand tout le monde est parti.

Le pire, c'est que je n'ai pas l'impression qu'il se force. Ou qu'il attend quoi que ce soit en retour. Ou qu'il fasse tout cela pour son ego ou même pour un peu de reconnaissance. Et vu la taille du microbled, ce n’est sûrement pas pour l'argent (247 € en sa qualité d'adjoint : vu le temps passé, ça ne rembourse même pas l'essence). À côté de ce gars-là, je me fais l'impression d'être une grosse bourgeoise égoïste, pompeuse et autosatisfaite, planquée derrière son clavier à filer des leçons à tout le monde.
Il ne se paie pas de mots, de grandes envolées lyriques, de grands soirs ou de toutes ces conneries : il fait son putain de boulot d'élu d'un microbled. Et en échange, il lui arrive qu'une vieille lui offre le café et une crêpe.

Je sais qu'il est allé consciencieusement voter aux primaires au bled et ça, ça me fait divinement chier. Parce que le PS est le pire ennemi de la gauche, de la vraie gôche, comme on dit entre nous, c'est à dire de cette force politique incroyable qui n'a pas spécialement pignon sur rue et qui ne tient pas le crachoir médiatique à longueur de temps, mais qui occupe le terrain, partout, chaque jour, comme une petite fourmi patiente et laborieuse et qui crée, concrètement, le monde meilleur auquel nous aspirons tous, un monde solidaire et désintéressé. Parce que le PS, comme appareil politique d'alternance, a complètement renié tous ces fondamentaux-là pour seulement se soumettre à la loi du marché. Tout en faisant semblant d'être de notre côté, juste parce qu'ils ont besoin de nos votes pour accéder au pouvoir, une fois de temps en temps.

Voilà ce que j'en pense de vos putains de primaires : une vaste diversion, un simulacre de démocratie pour mieux siphonner l'énergie et les talents de ceux qui font la vraie gôche avec leur conviction, leur temps, leur énergie.
Je ne suis peut-être qu'une gauchiste de clavier, mais je sais ce qu'il me reste à faire : convaincre, un par un, s'il le faut, tous les élus de terrain que le vrai combat est à eux et que tant qu'à se rallier à un étendard, autant en choisir un qui croit vraiment à la même chose que nous tous.



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Agnès Maillard