• "La Lettre volée"

    "La Lettre volée"Qu’attendre d’une politique de gauche, si ce n’est qu’elle remette le monde sur ses pieds ?

    L’entretien que nous a accordé Joseph Stiglitz est assez exceptionnel, et nous sommes fiers de le publier. Revenant en lien avec l’actualité sur l’affaire Bernard Arnault, il rappelle ceci, qui paraît de bon sens mais qui n’est pas partagé par tous, dont le Medef, que, lorsqu’un grand patron gagne beaucoup d’argent, il le doit d’abord à un pays, un État, une communauté nationale. Eh bien, oui, pour que des entreprises tournent, il faut des routes, des trains, des salariés formés par l’école et l’université, un système de santé… Les dogmes des baisses de charges et du coût du travail aboutiraient, s’ils ne trouvaient devant eux aucune résistance, rien de ce qui s’appelle au fond et, de fait, objectivement, la lutte des classes, à ce que des entreprises tentent de produire dans le désert des Tartares.

    Mais il y a encore, dans cette histoire Bernard Arnault, quelque chose qui tient de la Lettre volée, la célèbre nouvelle d’Edgar Poe. Tout le monde cherche la lettre, que l’on croit cachée, mais elle est là, précisément, en évidence. Or, il y a aujourd’hui, au centre de nos sociétés, posée là, devant nous, une évidence obscène mais que nous ne voyons pas comme peut-être nous le devrions : comment peut-on être riche de 32 milliards d’euros et qu’est-ce que cela veut dire, si ce n’est que l’on a exploité le travail d’autrui, que l’on a spolié autrui et la société dans laquelle on vit ? « L’un des sujets de mon livre, déclare Joseph Stiglitz, c’est que la plus grande richesse des riches ne vient pas de leur contribution à la société. Ils n’ont pas inventé le transistor ou le laser, ils ont pris l’avantage sur d’autres. » De ce point de vue, les arguments de la droite pour dénoncer la taxation à 75 % des revenus au-dessus d’un million d’euros sont à la fois d’un cynisme misérable et intellectuellement pitoyables. Il s’agit d’un million d’euros, 80 000 euros par mois. On vit avec ça, non ? Il est heureux, de ce point de vue, que François Hollande ait confirmé son engagement quand ça chipotait et spéculait tant, les jours précédents.

    Mais ce n’est malheureusement que l’écume de la grande vague ultralibérale qui a déferlé sur nos sociétés et aboutit à la crise que nous connaissons. « Les banques, dit encore Joseph Stiglitz, ont affaibli l’économie en prenant l’argent en bas de l’échelle sociale pour le mettre en haut. » Qu’attendre d’une politique de gauche, si ce n’est qu’elle remette le monde sur ses pieds ? On pressait de toutes parts, la semaine passée, le président de la République d’aller plus vite. Mais pour aller où ? Pour le Medef et la droite, c’est clair. Aller plus vite, c’est venir sur leur terrain de régression sociale. À gauche, pour tous les électeurs qui ont fait le changement, qui ont élu le président de la République, c’est aller vers plus de justice sociale, plus de sécurité dans la société, certes, mais plus encore sans doute dans l’emploi.

    Il faut bien le dire, c’est cela qui manquait, dimanche soir, sur TF1. François Hollande a confirmé, sans même évoquer le traité européen tel qu’il va nous contraindre et peser, comme un talon de fer, le choix 
de l’austérité. Mais, là aussi, les analyses du PCF, du Front de gauche, de centaines d’économistes que nous relayons ici même rejoignent celles du prix Nobel d’économie aujourd’hui dans nos colonnes. « On a expérimenté de telles politiques d’austérité des dizaines 
de fois et, quasiment chaque fois, cela a été un échec. » Il faut en finir avec la spirale dette, austérité, perte de croissance, et donc augmentation de la dette… Et puisque nous sommes à quelques poignées d’heures, désormais, de la Fête de l’Humanité, on ne doute pas que cette exigence sera son cœur.

    Maurice Ulrich


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