• La France bientôt à l'heure biométrique

    Les Français vont-ils se laisser « piéger » par la « carte d'identité biométrique » ? 

    La France bientôt à l'heure biométrique 

    L'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, la création d'une carte d'identité biométrique et d'un fichier regroupant des données personnelles sur les porteurs. A terme, une très large partie de la population devrait figurer dans ce fichier. Une menace pour les libertés publiques?

     

     

    LIRE, APRES L'INFORMATION,

    LE COMMENTAIRE

    DE « canempechepasnicolas »

     

     

     

    Par DOMINIQUE ALBERTINI, VALENTINE PASQUESOONE

     

     Moyen Orient

     

     

    Vérification d'empreintes digitales lors d'un contrôle dans un aéroport américain en 2008.

     

     

    (© AFP Paul J. Richards)

     

     

     

    Ils étaient onze députés, jeudi soir dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, pour voter en première lecture la création du plus grand fichier de données personnelles de France. Un «fichier des gens honnêtes», pour reprendre l'expression du rapporteur de la proposition de loi, le sénateur UMP François Pillet.

     

    Objectif affiché: lutter contre l'usurpation d'identité, qui concernerait 14000 personnes chaque année selon l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale.

     

     

    Pour cela, la carte d'identité deviendra, comme le passeport avant elle, « biométrique ».

     

     

    Délivrée au moment du renouvellement, cette carte comprendra deux puces électroniques. La première, dite «régalienne» portera l'état civil de son propriétaire, sa taille, la couleur de ses yeux, ses empreintes digitales et sa photographie.

     

     

    A terme, la reconnaissance faciale pourrait également être activée. La deuxième puce, optionnelle, sera dédiée aux actes commerciaux et aux démarches administratives en ligne, faisant office de signature électronique.

     

     

    « C'est la première fois que l'on introduit une dimension commerciale sur un titre d'Etat », dénonce Delphine Batho, députée PS à l'origine d'un rapport sur les fichiers de police en 2009.

     

     

    Corollaire de cette évolution, la création d'un fichier centralisant les mêmes informations pour les 45 millions de porteurs de cartes d'identité.

     

     

    Selon le ministre de l'Intérieur Claude Guéant, ce fichier représentera « une garantie contre les falsifications de titres, puisqu'il sera possible de vérifier la concordance des données inscrites sur le titre avec celles enregistrées sur la base, contre la délivrance de plusieurs cartes différentes à une même personne et contre l'usurpation d'identité, puisque les vérifications opérées rendront impossible l'enregistrement de la demande du fraudeur ».

     

    « La traçabilité sera totale »

     

    Louables intentions. Mais l'idée d'un fichier de tous les Français ne va pas sans susciter quelques visions orwelliennes de contrôle permanent et de recul des libertés publiques.

     

     

    « Nous sommes tout à fait opposés à ce projet, déclare Jean-Claude Vitran, responsable du groupe de travail Libertés et technologie de l'information à la Ligue des Droits de l'Homme. D'abord parce qu'une carte d'identité n'a pas à mélanger finalités régaliennes et économiques. Ensuite, à cause de la création de ce très grand fichier qui regroupera toute la population. Enfin, parce que la technologie RFID de ces puces n'est pas sécurisée: il suffit de chercher sur Internet pour trouver comme les pirater à distance! Nous irons jusqu'à la justice européenne pour lutter contre ce projet! »

     

     

    Du côté des promoteurs du projet, on énumère les garde-fous visant à garantir les libertés des citoyens fichés:

     

     

    « L'accès au fichier sera très limité, promet le député UMP Philippe Goujon, l'un des rapporteurs du projet. Les policiers et gendarmes ne pourront pas y accéder pour un contrôle d'identité; seuls les agents de l'Agence nationale des titres de sécurité pourront y accéder à partir d'une carte d'accès spécifique et sécurisée. La traçabilité sera totale, avec la possibilité de connaître le nom de l'agent et le motif de la consultation ».

     

     

    « Les deux puces, la régalienne et la commerciale, seront complètement indépendantes l'une de l'autre, assure de son côté le député UMP Sébastien Huygues. La première fonctionnera sans contact, alors que la seconde pourra être insérée dans le lecteur de notre ordinateur personnel. Aucune donnée ne passera de l'une à l'autre

     

     

    Ce député membre de la CNIL assure par ailleurs que la commission sera « très vigilante. Il y aura des relations régulières entre l'administration et la CNIL sur le contrôle de ce fichier. Tout est verrouillé pour faire en sorte qu'il ne soit pas détourné de son but ».

     

    Un cadenas de sécurité en moins

     

     

    Mais en fait de verrouillage, un cadenas de sécurité a bel et bien sauté entre le travail en commission et le vote de l'Assemblée. Au départ, le système retenu était dit de «lien faible»: avec lui, il n'est pas possible d'associer directement une empreinte digitale à une identité, mais seulement de s'assurer de sa présence dans un «tiroir» regroupant un grand nombre d'empreintes. Un choix technique irréversible, qui empêche l'utilisation du fichier à des fins de recherches individuelles.

     

    A la différence du système de  «lien fort», qui, lui, associe directement une empreinte à une identité.

     

     

    Or, c'est bien ce dernier qu'a choisi l'Assemblée en première lecture.

     

     

    Si les choses restaient en l'état, il ne tiendrait qu'à une prochaine majorité, plus soucieuse de sécurité que des libertés publiques, d'attribuer par la loi d'autres finalités à ce fichier. «Cela veut dire que sur le curseur sécurité-liberté, l'Assemblée va plus près de la sécurité, explique le sénateur UMP Jean-René Lecerf, l'un des auteurs du texte. Potentiellement, elle permet pour ce fichier d'autres usages que la lutte contre l'usurpation d'identité. C'est vrai que c'est un pari sur la démocratie. Mais honnêtement, je ne pense pas que les Allemands soient de nouveau à nos portes, ni que Marine Le Pen sera présidente demain

     

    Le temps des fichiers

     

    Spécialiste des questions de sécurité et de libertés publiques, le journaliste Jean-Marc Manach n'est pas de cet avis:

     

     

    « 45 millions de personnes, c'est du jamais vu, il s'agit d'une véritable atteinte à la présomption d'innocence. Ce n'est qu'une question d'année avant que la France ne soit condamnée par la Cour européenne des Droits de l'Homme ».

     

     

    Selon les chiffres du journaliste, basés sur les publications au Journal Officiel, on dénombre aujourd'hui pas moins de 70 fichiers policiers en France.

     

    Dont 44 sont nés depuis que Nicolas Sarkozy a pris la tête de la Place Beauveau, puis de l'Elysée.

     

     

    En moins de dix ans, le nombre de fichiers de police aurait ainsi augmenté de près de 170% du nombre de fichiers. En 2008, le plus connu d'entre eux, le STIC (Système de Traitement des Infractions Constatées) – qui concerne plus de la moitié des Français – comptait 83% d'erreurs, selon la Commission Nationale Informatiques et Libertés (Cnil).

     

     

    Un an plus tard, un quart des 58 fichiers policiers existants n'avait aucune base légale, affirme Jean-Marc Manach: ils étaient en expérimentation, ou non déclarés à la Cnil.

     

     

    De plus, depuis la révision de la loi informatique et libertés en 2004, le gouvernement n'a plus à tenir compte de l'avis de la Cnil pour créer un nouveau fichier, même si l'Etat doit toujours la saisir.

     

     

    Soutenir l'industrie française

     

    Redouté par certains, le projet de carte biométrique pourrait représente rune belle opportunité pour d'autres. Comme les entreprises susceptibles de les produire, alléchées par l'énorme marché des ces millions de cartes électroniques à fabriquer. « Il y a sur ce secteur une bataille industrielle, confirme Philippe Goujon. Si ce ne sont pas les Français qui l'emportent, ce seront les Allemands, très en pointe mais plus contraignants pour les libertés, ou les Américains, encore plus intrusifs. Dans cette bataille de normes, il vaut mieux avoir le système français ».

     

     

    Certaines entreprises ont d'ailleurs été auditionnées par la commission en charge de la proposition de loi, comme le Français Morpho, « numéro un mondial des documents d'identité biométriques ».

     

     

    Occasion de faire un peu de lobbying en coulisses?

     

     

    «Des industriels m'ont proposé des rendez-vous privés que j'ai refusés», lâche sans plus de détail Philippe Goujon. Pour Jean-Marc Manach, «ministres et sénateurs écrivent noir sur blanc qu'il faut soutenir ces industries françaises, et que leur développement dans notre pays permettra d'améliorer leur visibilité internationale».

     

     

    Quitte à augmenter la visibilité des Français sur les fichiers de l'Etat.

     


     

     

    COMMENTAIRE DE « canempechepasnicolas » :

     

     

    Imaginons, un instant, que ce fichier biométrique ait existé durant l'Occupation allemande !

     

    Combien de résistants seraient tombés dans cette toile, combien en seraient morts !

     

     

    Mais, à cette époque, les papiers d'identité n'étaient qu'un petit carton toilé, sur lequel étaient inscrits les nom, prénom, adresse et le lieu de naissance du porteur.

     

     

    Et le tout, inscrit à l'encre, et seulement tamponné par la Mairie de délivrance !

     

     

    Ce qui permis de s'emparer, dans de nombreuses mairies, les fameux cartons vierges, assortis du cachet municipal, pour en faire de faux papiers qui sauvèrent des milliers et des milliers de résistants de la police "française" et de la Gestapo.

     

     

    Aucun fichier central n'existait, sauf celui concernant la population d'origine juive, fichier constitué en octobre 1940 par le gouvernement de l'Etat français de Philippe Pétain.

     

     

    Convoqués au commissariat de quartier, les « intéressés » se voyaient mettre le cchet « JUIF » sur leur carte d'identité. Ainsi désignés et répertoriés, les JUIFS devinrent une proie facile à identifier à chaque rafle.

     

     

    C'est ainsi que s'emplirent les camps de Beaume-la Rolande, de Drancy et, ultérieurement, des camps de la mort.

     

     

    Et qu'ont bien en tête Sarkozy et le pouvoir UMP, en voulant instituer un fichier central des citoyens français, à partir de papiers d'identité BIOMETRIQUES, contrôlable sur le champ par informatique par toute autorité, sans possibilité d'y couper  ?

     

     

    Poser la question, c'est y répondre : le pouvoir veut mettre en place un système ultra perfectionné de détection des « mauvais esprits », pour se protéger d'une éventuelle résistance et réduire les moyens et la capacité de celle-ci à agir matériellement.

     

     

    C'est dire ce qu'il faut faire aujourd'hui pour réduire à néant ces sinistres projets.

     

     

    Jean LEVY

     

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