• La dérive national-capitaliste en Europe

    arton14308-79018.jpg Les partis d’extrême droite gagnent, avec la complicité des partis traditionnels, en respectabilité. Sous couvert de populisme, un processus de normalisation de l’extrême droite est engagé. Y a-t-il une différence de nature ou une simple différence d’ordre tactique entre les partis d’extrême droite et les partis populistes ?

    Le terme de populisme qui s’est imposé dans le discours politique contemporain se caractérise par son approximation sémantique. Il est employé dans des circonstances complètement opposées.

    Il faut bien faire le départ. D’une part, cette qualification peut être utilisée par l’establishment pour manifester son mépris envers les classes défavorisées qui menacent l’équilibre politique usuel et discréditer leurs dirigeants. Hugo Chavez est qualifié très souvent de leader populiste. L’assise du mouvement bolivarien est de fait populaire : Chavez représente l’intérêt des masses populaires au préjudice des élites oligarchiques qui œuvrent contre les intérêts nationaux.

    D’autre part, on utilise le terme de populisme pour désigner les mouvements d’extrême droite qui essaiment un peu partout en Europe (UDC en Suisse, FN et UMP à travers la structure de la Droite populaire en France, N-VA en Flandre, DF au Danemark, SD en Suède, Ligue du Nord en Italie, PVV au Pays-Bas,… ) sans revendiquer un lien explicite avec le nazisme ou le fascisme. Le populisme en ce sens se réfère à la culture démagogique de ces partis qui capitalisent sur le désarroi de la petite et moyenne bourgeoisie ainsi que du prolétariat face à la dégradation de leur condition de vie. Cette qualification lénifiante joue un rôle de légitimation démocratique. L’identité d’un mouvement politique s’apprécie à la lecture de ses objectifs réels et non de ses intentions affichées. Le changement d’appellation ou le grimage rhétorique de l’extrême droite ne change rien à son essence profonde. Le réajustement tactique du FN sous la présidence de Marine Le Pen ne le rend que plus redoutable.

    Là où les partis d’extrême droite classique étaient tenus à distance, les partis dits populistes accèdent aux médias et aux instances gouvernementales. Leurs idéologues -éditorialistes, chroniqueurs, « experts »- se déchaînent à l’envi dans la presse et la télévision pour fustiger les chômeurs, les jeunes, les grévistes, les Noirs, les Arabes si ce n’est pour magnifier les guerres impérialistes.

    Malgré leurs diatribes contre le système, ces partis en sont les chiens de garde. Ces mouvements présentent tous, sans nier leurs spécificités (régionaliste, intégriste religieux, islamophobe,…), un programme idéologiquement réactionnaire et socio-économiquement ultralibéral fondé sur l’autorité et l’identité. Ils sont devenus le fer de lance de la politique néolibérale en matière de prestations sociales et de dépenses publiques. Ils préconisent une dérégulation intégrale du marché accompagnée de mesures coercitives vis-à-vis du prolétariat et plus particulièrement des populations immigrées.

    Ce type de populisme est un avatar du fascisme au sens générique du terme. Cela ne signifie pas que point par point les caractéristiques du national-capitalisme contemporain coïncident avec le fascisme historique mais ils prospèrent, dans des contextes de crise économique, sociale et politique, en impulsant des instincts primaires sur base de craintes et de ressentiments diffus : repli identitaire, sentiment d’insécurité, explication schématique de la situation socio-économique, exaltation de la volonté,… Ironie de l’histoire, Israël représente une source d’inspiration pour l’extrême droite européenne en tant que bastion contre la déferlante islamiste et idéal d’homogénéité ethnico-religieux.

    La société est segmentée de la sorte entre un groupe qui représente le bien et un autre (une région, un groupe social, une minorité, des immigrés) qui personnifie le mal. Principalement, l’ Autre est l’immigré extra-européen mais cela peut être aussi le Wallon ou le ressortissant du Mezzogiorno. En période de crise a fortiori, les maux de la société sont imputés aux immigrés en tant que facteur de désordre, accapareur d’emplois, charge pour la collectivité,… Ce procédé a l’insigne avantage de substituer la conscience nationale à la conscience de classe, de créer des dissensions interclasses ou régionales, de stimuler des oppositions apparentes en lieu et place des oppositions fondamentales.

    La percée de l’extrême droite se manifeste, outre leurs succès électoraux, par la droitisation des partis libéraux et conservateurs qui s’enlisent dans la gangue raciste et démagogique. En imposant ses propres thèmes, l’extrême droite a déjà fait main basse sur le débat public. Même si les partis traditionnels paraissent parfois offusqués par les outrances discursives de l’extrême droite, ils ne manquent pas de mettre à profit les circonstances pour radicaliser leur ligne politique et mener une offensive rétrograde et antisociale.

    On ne lutte pas contre les idées de l’extrême droite en véhiculant leurs revendications mais en dévoilant leur duplicité et en démontrant le simplisme et la fausseté de leurs thèses.

    Emrah Kaynak

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