Qu'importe la destination

Madame, Monsieur,

Vous vous définissez vous-même comme étant de sensibilité « libérale » sur le plan économique et c’est bien évidemment votre droit le plus strict. Vous ne verrez donc pas d’inconvénients à être sollicité afin de répondre à une simple question.

Nous, blogueurs et citoyens de sensibilité de gauche, sommes depuis une bonne trentaine d’années face à votre discours nous assurant que le libéralisme économique – ou néolibéralisme si vous préférez – va être rien moins qu’une promesse de bonheur et de liberté pour tout un chacun, humbles comme aisés, et qu’un passage, certes douloureux, mais que vous nous assurez « nécessaire », par une période de temps plus ou moins difficile où serait mise en place une sévère, mais juste « rigueur » économique, finira, à terme, par porter des fruits dont tout le monde sans exception profitera…
Disons le net : nous sommes sceptiques.
Non pas que nous mettions en doute votre bonne foi quant à ces affirmations : votre surprésence médiatique depuis tant d’années nous a convaincus de votre sincérité. Mais tout de même, tout le monde finit par se demander, à force :

Ce fameux « bonheur néolibéral » qu’on nous promet depuis 30 ans, ça vient quand ?

Parce que dans un pays comprenant 8 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté et des salariés pressurés comme des citrons en permanence, et où malheureusement il semble bien qu’une fraction fort malhonnête de personnes trouvent à s’enrichir en se contentant de siéger dans des conseils d’administration, il est quelque peu délicat de percevoir les bienfaits de ces fameux « marchés » que vous défendez pourtant mordicus en dépit du bon sens.
Comme toujours, vous répondrez à cela qu’il faut « poursuivre les réformes » parce qu’on a « pas assez libéralisé » ; mais soyons sérieux : il vous faut clairement admettre que vous vous êtes plantés. Qu’en 30 ans vous n’avez pas été foutus de faire quelque chose de bien ! Et que le néolibéralisme n’a conduit qu’une fraction infime de gens très riches à encore plus s’enrichir au détriment de tous les autres.

 

Notre question sera donc : pourquoi ne pas admettre que votre idéologie est nuisible pour la majorité, que vous vous êtes plantés, et que dans l’intérêt général vis-à-vis duquel vos idées sont objectivement nuisibles, il serait mieux que vous laissiez tomber et passiez à autre chose ?
Dans l’attente de votre réponse, veuillez Madame, Monsieur agréer l’expression de nos salutations distinguées. »

 

Cette humble bafouille a été adressée par mail à Jean Quatremer, Éric Le Boucher, Sophie de Menthon, Laurence Parisot, Jean-François Copé, Michel Godet, Agnès Verdier-Molinié, Alain Madelin, H16, Jean-Michel Aphatie, Hervé Novelli, Laurent Wauquiez, Hugues Serraf, Jacques Attali, Jean-Marc Sylvestre, Franz-Olivier Giesbert, Pascal Salin et Monique Canto-Sperber ; liste non close.
Nous attendons bien évidemment les réponses avec une certaine curiosité gourmande.

Merci à OcéaneMipmip, CSPSeeMeeSeb MussetMarcoDadavidovVogelsongIntox2007DedalusChristian ; si d'autres blogueurs-euses souhaitent en être, ils seront rajoutés au fur et à mesure.


P.-S. Nous comptons sur le lecteur pour faire tourner, avec nous, cette lettre et inonder avec les courriels et formulaires des émissions de télé et de radios toute la semaine. En vous remerciant.
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hashtag : #bonheur_neoliberal

Par Agnès Maillard