• L'Humanité spéciale retraites ce mardi

    l'Humanité de ce mardi 8 octobre 2013

    Social-Eco - le 7 Octobre 2013

    L'Humanité spéciale retraites ce mardi

    L'Humanité décrypte le projet de loi de "contre-réforme" des retraites en discussion à l'Assemblée nationale depuis ce lundi. Article par article, les injustices sont débusquées, les quelques points positifs soulignés et les conséquences du projet de loi démontrées:

    Années 1993-2013. Voilà vingt ans, depuis les décrets Balladur, que les réformes s’enchaînent, durcissant toujours plus les conditions d’accès à la retraite sans pour autant résoudre le déséquilibre financier du système. Vingt ans que notre système par répartition se fragilise, que le niveau d’inquiétude des salariés pour leur avenir de retraité s’élève. Vingt ans que la confiance des jeunes dans ce système, clé de voûte de l’édifice, s’érode, aiguisant les appétits des marchands d’illusions des fonds de pension.

     

     

    Devant un tel tableau, la raison aurait voulu, avant de faire rebelote, que l’on prenne le temps d’organiser un large débat citoyen pour dresser un bilan, d’ouvrir une vraie négociation, et pas seulement une concertation bâclée en quelques séances, suivie d’un débat parlementaire express. L’enjeu le valait bien : il s’agit tout de même de déterminer les conditions – seuil d’âge, niveau de revenu – dans lesquelles les Françaises et les Français vivent et vivront un temps de plus en plus long de leur existence, s’apparentant désormais à une « troisième vie ». Eh bien non, il y avait, nous dit-on, urgence. Urgence à… céder aux injonctions austéritaires de Bruxelles et du patronat pour, soi-disant, résorber les déficits.

    Loi d'airain

    Nous voilà donc devant un projet de loi qui ne déroge pas à la règle d’airain appliquée dans les précédentes réformes : combler les trous financiers creusés par la crise et le chômage en imposant de nouveaux sacrifices aux assurés, actifs et retraités, tout en épargnant les gros revenus tirés de la spéculation financière. Le gouvernement Ayrault tente, difficilement, de vendre son projet en assurant qu’il « garantit l’avenir et la justice du système de retraites », que les « efforts » financiers exigés sont « équilibrés ».

    À chacun d’en juger. Sur pièces. Durée de cotisation, financement, prise en compte de la pénibilité, rachat des années d’études… Fidèle à une tradition bien ancrée, l’Humanité propose ici un décryptage des principaux articles du texte de loi. Les dés ne sont pas joués. Les quelques concessions, limitées, déjà annoncées, comme la prise en compte des stages en entreprise, le montrent : la mobilisation sociale, jointe à celle des parlementaires qui ne se résignent pas à cette nouvelle contre-réforme, peut encore porter ses fruits.

    Retraites, le gouvernement se veut droit dans ses bottes

    MAX STAAT La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, a présenté, hier, à l’Assemblée nationale, le projet de réforme des retraites. Joël Saget/AFP

    La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, a convoqué Pierre Mauroy, le père de la retraite à 60 ans en 1981, pour justifier l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans. Une première sous un gouvernement de gauche.

    « Le projet de réforme des retraites, le Medef en a rêvé, le gouvernement socialiste l’a fait. » JACQUELINE FRAYSSE, DÉPUTÉE FRONT DE GAUCHE.

    La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, était droite dans ses bottes en présentant hier, à l’Assemblée nationale, le projet de réforme des retraites. Projet qui consacre, pour la première fois sous un gouvernement de gauche, un allongement de la durée de cotisation et, dans les faits, un recul de l’âge où tout un chacun pourra, dans des conditions financières décentes, prendre sa retraite.

    LES RETRAITÉS EUX-MÊMES MIS À CONTRIBUTION

    L’évocation par la ministre de Pierre Mauroy qui avait, lui, instauré en 1981 la retraite à 60 ans, ne peut effacer cette réalité : le projet du gouvernement non seulement ne remet pas en cause les aspects les plus régressifs de la réforme Sarkozy de 2010 (41,5 ans de cotisation et recul de l’âge légal du départ à la retraite à 62 ans) mais confirme que, dorénavant, il faudra cotiser 43 ans à l’horizon 2035 – ce qui touchera la génération née en 1973 et les suivantes – pour accéder à la retraite.

    Nous sommes loin d’un projet qui s’inscrit « dans le sillage des grandes conquêtes du passé » conduisant « au progrès social et à de nouveaux droits », comme le déclare pompeusement à la tribune de l’Assemblée Marisol Touraine. Elle poursuit : « Cette réforme n’obéit à aucune injonction extérieure. » Pour prévenir, peut-être, que la Commission européenne qui appelle pourtant à réduire la dépense publique n’y est pour rien. Qui peut la croire ? La ministre entend faire preuve de « lucidité » et dire la « vérité » pour « pérenniser notre système de retraite ». Face à « l’espérance de vie qui s’allonge » et au nombre de retraités qui « augmente » par rapport aux actifs, la ministre propose « de relever le défi financier » en augmentant les cotisations des salariés (0,15 % en 2014 jusqu’à 0,30 % en 2017) ainsi que celles des entreprises (qui devraient, selon l’engagement du gouvernement, être compensées).

    Les retraités eux-mêmes seront mis à contribution. Mais pas un mot, en revanche, sur d’autres sources de financement, que proposent d’ailleurs les parlementaires du Front de gauche, comme la taxation des revenus financiers ou le développement de l’emploi. Le président de la République s’est pourtant engagé à inverser, d’ici à fin 2013, la courbe du chômage.

    La ministre s’est ensuite longuement étendue sur plusieurs dispositifs concernant notamment la pénibilité et « ses dix critères pour gagner des points et quelques trimestres », ou encore les femmes et « l’intégration des congés de maternités », les jeunes et la possibilité, « si les députés font des propositions, d’intégrer les périodes de stage sans pour autant banaliser ceux-ci ». Cependant le gouvernement et le rapporteur PS, Michel Issindou, préviennent, les amendements ne seront acceptés qu’à la marge.

    C’est dire si le gouvernement, qui a opté pour la procédure accélérée au Parlement, entend non seulement aller vite mais imposer son texte malgré les oppositions à gauche. Celle du Front de gauche, mais aussi les dissonances qui existent parmi quelques élus socialistes et écologistes alors que la droite, elle, s’oppose au projet, pas mécontente cependant sur le fond que le gouvernement fasse le boulot.

    Le débat ne fait que commencer puisque, hier soir, les députés entamaient le débat des 34 articles et des près de 500 amendements qui ont été déposés avant un premier vote solennel mardi prochain à l’Assemblée nationale.

    LE FRONT DE GAUCHE MOBILISÉ

    La députée Front de gauche Jacqueline Fraysse, intervenant dès hier, a dénoncé le fait qu’il n’y ait pas « de changement de cap par rapport au gouvernement précédent » et que « tout le monde devra mettre la main à la poche sauf le patronat ». Et l’élue des Hauts-de-Seine de prévenir : « Nous ne cautionnerons pas ce recul social. » « Nous affirmons que les moyens existent dans notre pays pour financer une protection sociale et une retraite digne pour tous », a-t-elle poursuivi, évoquant une productivité et une richesse nationale qui « n’ont cessé de progresser au fil des années ».

    RETRAITES : UN PROJET DE LOI INJUSTE

    SPÉCIAL RETRAITES LE PROJET DE LOI DÉCRYPTÉ ARTICLE PAR ARTICLE

    YVES HOUSSON, AVEC MARIE-NOËLLE BERTRAND

    Années 1993-2013.

    Voilà vingt ans, depuis les décrets Balladur, que les réformes s’enchaînent, durcissant toujours plus les conditions d’accès à la retraite sans pour autant résoudre le déséquilibre financier du système. Vingt ans que notre système par répartition se fragilise, que le niveau d’inquiétude des salariés pour leur avenir de retraité s’élève. Vingt ans que la confiance des jeunes dans ce système, clé de voûte de l'édifice, s'érode, aiguisant les appétits des marchands d'illusions des fonds de pension.

    Devant un tel tableau, la raison aurait voulu, avant de faire rebelote, que l’on prenne le temps d’organiser un large débat citoyen pour dresser un bilan, d’ouvrir une vraie négociation, et pas seulement une concertation bâclée en quelques séances, suivie d’un débat parlementaire express. L’enjeu le valait bien : il s’agit tout de même de déterminer les conditions – seuil d’âge, niveau de revenu - dans lesquelles les Françaises et les Français vivent et vivront un temps de plus en plus long de leur existence, s'apparentant désormais à une « troisième vie ». Eh bien non, il y avait, nous dit-on, urgence. Urgence à... céder aux injonctions austéritaires de Bruxelles et du patronat pour, soi-disant, résorber les déficits. Nous voilà donc devant un projet de loi qui ne déroge pas à la règle d'airain appliquée dans les précédentes réformes : combler les trous financiers creusés par la crise et le chômage en imposant de nouveaux sacrifices aux assurés, actifs et retraités, tout en épargnant les gros revenus tirés de la spéculation financière. Le gouvernement Ayrault tente, difficilement, de vendre son projet en assurant qu'il « garantit l'avenir et la justice du système de retraites », que les « efforts » financiers exigés sont « équilibrés ». À chacun d'en juger. Sur pièces. Durée de cotisation, financement, prise en compte de la pénibilité, rachat des années d'études...

    Fidèle à une tradition bien ancrée, l’Humanité propose ici un décryptage des principaux articles du texte de loi. Les dés ne sont pas joués. Les quelques concessions, limitées, déjà annoncées, comme la prise en compte des stages en entreprise, le montrent : la mobilisation sociale, jointe à celle des parlementaires qui ne se résignent pas à cette nouvelle contreréforme, peut encore porter ses fruits.

    Y. H.

    DOCUMENT

    ARTICLE 1 : principes et objectifs de l’assurance retraite

    « La nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au coeur du pacte social qui unit les générations. La nation assigne au système de retraite par répartition les objectifs d’équité et de solidarité entre les générations et au sein des générations, de réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes, de maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, de pérennité financière et d’un niveau élevé d’emploi des salariés âgés. »

    NOTRE AVIS

    Les buts assignés sont largement contredits par les mesures d’économies prévues dans le projet, en particulier l’allongement de la durée de cotisation, disposition très inégalitaire, au détriment des jeunes et des femmes. D’autant que les quelques mesures dites de justice (comme la prise en compte de la pénibilité) ont une portée très limitée. L’objectif de « maintien d’un niveau de vie suffisant des retraités » n’engage à rien : il gagnerait en crédibilité si était précisé un taux de remplacement du salaire par la retraite à atteindre. Ce critère étant le plus déterminant pour garantir le niveau de vie. La CGT propose un taux de 75 %, qui limiterait le décrochage entre la période d’activité et la retraite.Quant au choix du système par répartition, bien qu’il soit formellement réaffirmé ici, il peut être mis en doute, au regard notamment du dispositif de pilotage qui est institué par la réforme (voir articles 3 et 27) et qui laisse craindre un glissement vers un système d’une autre nature.

    VERS LA RETRAITE À 67 ANS

    ARTICLE 2 : détermination de la durée d’assurance tous régimes

    Pour « répondre au défi » de l’allongement de l’espérance de vie, le gouvernement « propose une évolution mesurée et progressive de la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une retraite à taux plein », qui « concernera les générations partant en retraite à compter de 2020 ». Cette mesure « consiste à augmenter la durée de cotisation d'un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035 ». La durée d'assurance sera ainsi portée de 41,75 ans, pour la génération 1958, à 43 ans, pour la génération 1973. Elle s'applique au régime du privé comme à ceux des fonctionnaires, des ouvriers des établissements de l'État et des exploitants agricoles.

    NOTRE AVIS

    S’inscrivant dans la droite ligne des précédentes réformes de la droite, c’est la mesure la plus nocive, socialement, du projet. Sa justification est très contestable : l’espérance de vie s’allonge de façon très inégale selon les catégories socioprofessionnelles et l’espérance de vie en bonne santé stagne désormais, voire diminue. Avec 43 ans de cotisation requis (172 trimestres), il sera impossible au plus grand nombre de partir à l’âge légal d’ouverture du droit qui reste fixé à 62 ans. À moins d’accepter une pension diminuée par la décote, qui s’applique lorsque des trimestres de cotisation manquent (une baisse du taux de la pension de 5 % par année manquante). À l’heure actuelle, en moyenne, une carrière dure 35 ans (source Eurostat). En 2012, les salariés qui ont liquidé leur retraite l’ont fait avec 151 trimestres seulement au compteur. Pour les jeunes générations, qui n’ont, en moyenne, pas plus de trente trimestres cotisés à l’âge de 30 ans, le départ sera difficilement envisageable avant 66 ans. Beaucoup devront attendre 67 ans (âge de la garantie du taux plein, quelle que soit la durée de cotisation) pour pouvoir partir avec une pension complète. Les déclarations répétées du gouvernement valorisant son refus de reculer l’âge légal, à la différence de Sarkozy en 2010, sont donc de pure forme.

    CAP SUR UNE RÉFORME SYSTÉMIQUE ?

    ARTICLE 3 : règles et dispositif de pilotage

    Il est instauré « un mécanisme de pilotage » du système de retraite, chargé à la fois du rôle de « surveillance financière,d'observatoire des inégalités générées par le système de retraite et de suivi des dispositifs mis en place pour les corriger ». À cet effet est créé un « comité de surveillance » composé de quatre personnalités et d'un président nommé en Conseil des ministres. Cette instance rendra un rapport annuel sur l'évolution des écarts de situation hommes-femmes et sur le respect des objectifs du système, et il adressera des recommandations au gouvernement. Celles-ci pourront porter sur un allongement de la durée de cotisation ainsi que sur le taux de cotisation, étant toutefois précisé que ce taux ne pourra dépasser un plafond, et sur le taux de remplacement qui, lui, ne pourra descendre au-dessous d'un plancher.

    NOTRE AVIS

    Ce pilotage par des experts marginalise un peu plus les représentants des assurés sociaux dans les caisses de retraite et diminue de fait le rôle du Parlement. Il s’exercerait sur tous les régimes, y inclus les complémentaires dont la gestion relève pourtant jusqu’alors des seuls syndicats et patronat. Avec cet outil, le gouvernement entend contraindre le système de retraite à respecter, à tout prix, une trajectoire financière prétendument vertueuse, autrement dit, à entrer dans des normes dogmatiques d’équilibre financier. Au nom de quoi les experts pourront recommander d’allonger encore la durée de cotisation, sans limitation expressément mentionnée... Ils pourront aussi « proposer » d’utiliser le taux de remplacement comme une variable d’ajustement, sous la seule réserve de ne pas descendre au-dessous d’un plancher « fixé par décret », ce qui ouvre la voie à des baisses du niveau des pensions.

    Ils pourront également inciter à élever le taux de cotisation pour apporter des ressources en sus aux régimes, mais sans pouvoir dépasser un plafond, aussi fixé par décret. Cette dernière disposition porte la marque du lobbying patronal sur le « coût du travail ». Elle fait glisser subrepticement notre système dans la logique des systèmes dits à « cotisations définies », à l’image des fonds de pension anglo-saxons. Une logique dangereuse où, en substance, les recettes sont fixes, tandis que les dépenses, donc les droits, doivent s’ajuster.

    ENTREPRISES, SALARIÉS, RETRAITÉS : CHERCHEZ L’ÉQUITÉ...

    ARTICLE 4 : report au 1er octobre de la revalorisation des pensions, sauf pour l’Aspa

    – Au titre de « mesures immédiates de redressement afin de résorber les déficits », le gouvernement propose des mesures qui « reposent sur un effort justement réparti entre tous : entreprises, salariés et retraités ». En premier lieu, les cotisations des actifs et des entreprises aux différents régimes de base « seront augmentées dans la même proportion », de façon « progressive sur quatre ans : 0,15 point pour les actifs et les employeurs en 2014, puis 0,05 pour les trois années suivantes ».

    NOTRE AVIS

    Premier constat : cette hausse de cotisation déroge à la règle actuelle de partage de l’effort, les employeurs versent aujourd’hui 60 % des cotisations vieillesse, les salariés 40 %. Second : il n’y a pas d’équité dans l’effort. Invoquant son refus d’augmenter le « coût du travail », le gouvernement a annoncé une compensation pour les seules entreprises qui verront leurs cotisations famille diminuer. Aucune contrepartie en vue pour les salariés ni pour les retraités.

    – « La contribution des retraités reposera sur deux mesures : l’inclusion des majorations de pensions des retraités ayant élevé trois enfants ou plus dans l’assiette de l’impôt sur le revenu (...) ; le décalage de six mois de la revalorisation des pensions », au 1er octobre au lieu du 1er avril. Ce report ne s’applique pas au minimum vieillesse (allocation de solidarité aux personnes âgées, Aspa) ni aux pensions d’invalidité.

    NOTRE AVIS

    Le gouvernement peut répéter qu’il a n’a pas voulu toucher aux pensions en les désindexant des prix :le décalage de la revalorisation revient bel et bien à une désindexation déguisée. Il en coûtera une perte de pouvoir d’achat pour les 15 millions de retraités. La mesure représente une ponction globale dans leur portefeuille de 600 millions d’euros en 2014, qui montera à 1,4 milliard en 2020. Si elle ne touche pas le minimum vieillesse (minimum social versé aux personnes n’ayant pas, ou très peu, travaillé, d’un montant de 787,26 euros par mois), elle n’épargne pas de très nombreuses petites pensions. À l’heure actuelle, 40 % des retraites liquidées au régime général le sont au minimum contributif (soit 628,99 euros par mois).

    PRISE EN COMPTE DE LA PÉNIBILITÉ : ATTENTION À LA DÉSILLUSION

    ARTICLE 5 : la fiche de prévention des expositions

    Modifiant le point du Code du travail relatif à la fiche de prévention des expositions aux différentes formes de pénibilité, cet article prévoit la définition par décret des seuils d’exposition aux facteurs de risque.

    NOTRE AVIS

    Ce décret s’annonce crucial : il déterminera en bonne partie la portée réelle des nouvelles modalités de prise en compte de la pénibilité (voir article 6). Il s’agira par exemple de savoir à partir de combien de nuits travaillées dans l’année un travailleur pourra être considéré comme victime de cette forme de pénibilité. La méthode du décret laisse craindre une grande désillusion quant à l’ampleur des droits accordés (voir article 6).

    ARTICLE 6 : le compte personnel de prévention de la pénibilité

    Est institué, à compter du 1er janvier 2015, « un compte personnel de prévention de la pénibilité dont l’objet est de comptabiliser les périodes d’exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité et les droits acquis à ce titre. Les périodes d’exposition conduisent à l’accumulation de points sur le compte, le cas échéant majorés en cas d’exposition multiple.

    (...) Une partie de ce total de points ne pourra être mobilisée que pour certaines des utilisations possibles, en particulier la formation professionnelle afin de favoriser une reconversion professionnelle permettant la sortie de la pénibilité ». Les points ouvrent droit, soit « au financement d’une action de formation professionnelle permettant une reconversion », soit à « un complément de rémunération lors d’un passage à temps partiel en fin de carrière », soit à « l’acquisition de trimestres supplémentaires majorant la durée d’assurance vieillesse » et permettant donc un départ anticipé. « Le barème de transformation des points en droits ouverts sera fixé par décret et pourra être bonifié pour les assurés proches de l’âge de la retraite ». Il reviendra à la Caisse nationale d’assurance vieillesse d’enregistrer au fur et à mesure les points du salarié sur la base des informations communiquées par l’employeur. Les expositions des salariés pourront être contrôlées par les caisses régionales d’assurance vieillesse et de la santé au travail (Carsat). En cas de désaccord du salarié sur le recensement de ses expositions à la pénibilité, les Carsat saisissent une commission ad hoc pour avis et rendent leur décision.

    NOTRE AVIS

    Pour la première fois, une loi a pour objectif de prendre en compte les conséquences de la pénibilité sur la retraite en termes d’espérance de vie et, davantage encore, d’espérance de vie en bonne santé. Rien à voir donc, dans le principe, avec la loi hyperrestrictive de 2010 qui ne prenait en compte que l’incapacité constatée sur le salarié avant la retraite pour lui permettre un départ anticipé, ignorant les effets à long terme de la pénibilité. Mais le système arrêté, très complexe, laisse craindre beaucoup de déboires. Cela tient en particulier au fait qu’au lieu d’aller droit au but, en donnant simplement un droit au départ anticipé, le gouvernement a mis en place trois types de réponses à la pénibilité. Une partie des points accumulés devra même obligatoirement être utilisée pour une formation visant à sortir de la pénibilité. Pourtant, la formation des salariés fait déjà partie des obligations permanentes de l’employeur. Celui-ci risque ainsi d’être déresponsabilisé en la matière. De surcroît, cette disposition n’incitera pas à prévenir la pénibilité : il suffira de remplacer le salarié quittant un poste pénible pour une formation par un autre salarié. Deuxième réponse prévue : le passage à temps partiel, rémunéré à temps complet, pour finir sa carrière. Cette possibilité est rendue aléatoire du fait que l’employeur, selon le projet de loi, pourra la refuser « en cas d’impossibilité due à l’activité économique de l’entreprise ». Autant dire que ce sera selon son bon vouloir. Quant à l’anticipation du départ en retraite, il faut attendre le décret qui fixera le barème de transformation des points en trimestres de bonification, mais le gouvernement envisage d’ores et déjà un droit très restrictif : deux ans maximum d’anticipation pour 25 ans d’exposition ! Soit, au mieux, un départ à... 60 ans. Alors que la différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre s’élève à 7 ans. La CGT propose, elle, un système accordant un trimestre d’anticipation pour un an d’exposition à des travaux pénibles.Quid des salariés arrivant en fin de carrière et n’ayant donc pas pu bénéficier auparavant du compte personnel ? Le gouvernement prévoit seulement d’accorder aux assurés âgés de plus de 59 ans et 6 mois des bonifications qui leur donneraient, au mieux, un à deux trimestres d’anticipation, eussent-ils subi la pénibilité durant toute leur vie active... Autre point d’inquiétude : les modalités du contrôle de la réalité des expositions, qui pourra être confié par la Sécu à des « organismes compétents » extérieurs « définis par décret ». Les syndicats et les institutions représentatives du personnel sont tenus à l’écart. De même, en cas de désaccord du salarié sur ses périodes d’exposition recensées, le projet prévoit que des « commissions ad hoc », sans plus de précision, traitent les contentieux.

    Or, ceux-ci, vue la complexité du système, risquent d’être nombreux. Le phénomène récurrent de la sousdéclaration, par les entreprises, des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui leur permet de se décharger du coût, reporté sur l’assurance maladie, invite à la vigilance.Au final, ce dispositif risque de décevoir doublement : peu de salariés victimes de la pénibilité bénéficieraient d’une réelle compensation en termes de retraite anticipée, tandis que les employeurs seraient peu incités à réduire cette pénibilité.

    ARTICLE 7 : financement du compte personnel de prévention de la pénibilité

    Et institué un fonds en charge du financement des droits liés au compte. « La première source de financement est une cotisation générale des employeurs. La deuxième est une cotisation additionnelle appliquée uniquement aux employeurs exposant au moins un de leurs salariés à la pénibilité. » Elle est égale à un pourcentage des salaires des travailleurs exposés.

    NOTRE AVIS

    Ce schéma de financement en deux étages principalement, l’un mettant toutes les entreprises à contribution, créant donc une mutualisation, l’autre demandant davantage à celles qui imposent plus de pénibilité à leurs propres salariés, paraît appréciable. Mais cette cotisation additionnelle souligne l’importance de la question du contrôle des expositions, des droits et des garanties à apporter aux salariés pour obtenir la reconnaissance de ces périodes, et donc la juste contribution de l’employeur.

    ARTICLE 11 : extension de la retraite progressive

    Cet article réforme le dispositif existant de retraite progressive : « pour en étendre le champ, il abaisse la condition d’âge à partir duquel les assurés pourront entrer en retraite progressive. Actuellement fixée à l’âge légal (62 ans en 2017, pour la génération née en 1955), la condition d’âge est abaissée de deux ans, afin de favoriser l’accès au dispositif des salariés ayant commencé à travailler tôt ».

    NOTRE AVIS

    La retraite progressive a été conçue pour inciter à prolonger l’activité en permettant de cumuler une part de revenu d’activité et une fraction de la pension. Elle est très peu utilisée : 2 409 bénéficiaires en 2012 au régime général. Intéressant sur le papier (il évite la coupure brutale entre travail et retraite), ce dispositif se heurte d’abord à la politique des entreprises d’éviction précoce des seniors. En outre, le passage à temps partiel est parfois synonyme de marginalisation du salarié par rapport au temps plein. Enfin, devant les réalités du travail aujourd’hui et l’enchaînement des réformes de la retraite qui durcissent chaque fois plus l’accès aux droits, l’aspiration première des salariés est de partir « dès que possible », selon les enquêtes d’opinion. L’abaissement à 60 ans de la condition d’âge pour entrer en retraite progressive est l’un des (très légers) adoucissants, prévus par ce projet de loi, au report de l’âge légal à 62 ans décidé en 2010 et que le gouvernement Ayrault refuse de remettre en question.

    SI L’ÉGALITÉ SALARIALE HOMMES-FEMMES ÉTAIT FAITE

    En matière de retraite, la femme ne vaut guère plus de la moitié de l’homme. La pension moyenne des retraitées s’élève à 930 euros, contre 1 600 euros pour les hommes. Rançon, pour une part, de carrières encore plus courtes, mais aussi et surtout de salaires plus bas (moins 27 %). Ces inégalités qui se perpétuent jusque dans la retraite sont aggravées par les réformes qui durcissent l’accès à la retraite. Allonger la durée de cotisation obligatoire revient automatiquement à sanctionner plus durement une majorité de femmes aux carrières déjà incomplètes. C’est encore le cas avec la réforme Ayrault, le mini-correctif prévu avec la meilleure prise en compte des temps très partiels ne changeant pas fondamentalement la donne. En vérité, établir l’égalité devant la retraite passe d’abord par le combat pour l’égalité professionnelle. C’est dire tout l’intérêt de l’étude réalisée, à la demande de la CGT, par la Caisse nationale d’assurance vieillesse qui a simulé « l’impact d’une convergence des salaires des femmes sur ceux des hommes ». Résultat : l’égalité salariale, qui serait mise en oeuvre progressivement, générerait, à l’horizon 2050, 18,5 milliards d’euros de cotisations supplémentaires pour le régime général. Simultanément, elle entraînerait une hausse moyenne de 20 % des pensions féminines. Pour les caisses de retraite, cela représenterait un surcroît de dépenses de 13 milliards. Au final, l’égalité améliorerait donc le financement du système de 5 milliards net.

    DROITS FAMILIAUX : UNE PERSPECTIVE INQUIÉTANTE

    ARTICLE 13 : préparer une refonte des majorations de pension pour enfants

    « Dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport formulant des propositions pour la refonte des majorations de pension pour enfants, afin qu’elles bénéficient davantage aux femmes qu’actuellement et qu’elles puissent être attribuées, de manière forfaitaire, à compter du premier enfant. » Ce rapport présentera aussi « des orientations pour l’évolution des droits familiaux en matière de durée d’assurance, dans l’objectif de mieux compenser les interruptions de carrière directement liées aux jeunes enfants et l’effet sur les pensions qui en découle ».

    NOTRE AVIS

    Le gouvernement part du constat que la majoration (10 %) pour trois enfants, parce qu’elle est proportionnelle à la pension (donc plus importante pour les pensions élevées) et non assujettie à l’impôt, bénéficie à 70 % aux hommes, et contribue ainsi à accroître les écarts de pension hommes-femmes. Or, comme l’a montré le Conseil d’orientation des retraites, les droits familiaux n’ont pas été conçus pour compenser les inégalités de rémunération hommesfemmes mais les inégalités entre les capacités d‘épargne des familles nombreuses et des familles de petite taille.Outre son attribution dès le premier enfant, évidemment positive, la réforme envisagée consisterait à réserver cette majoration aux seules femmes, tout en la forfaitisant. Cela reviendrait à prendre sur les pensions des hommes sans garantir pour autant une véritable amélioration de celles des femmes. D’autant que le montant du forfait évoqué est faible. Devant l’ampleur des protestations, le gouvernement a choisi de différer à 2020 cette réforme, sans y renoncer toutefois.Quant à une éventuelle modification de la majoration de durée d’assurance (MDA) au titre des avantages familiaux, elle inquiète beaucoup aussi. La MDA joue toujours un rôle essentiel pour compenser les différences de carrière hommes-femmes. Rappelons que, si le taux d’activité des femmes augmente, cellesci cotisent encore en moyenne onze trimestres de moins que les hommes (chiffres de la Cnav en 2012). Réduire le nombre de trimestres validés au titre de la maternité pénaliserait nombre de femmes.

    ARTICLE 14 : faciliter l’acquisition de trimestres pour les assurés à faible rémunération

    « Afin de mieux prendre en compte les carrières à temps très partiel ou à faible rémunération, le présent article permet de modifier les modalités de validation d’un trimestre :

    – il sera possible d’acquérir un trimestre avec 150 heures rémunérées au Smic de cotisations au lieu de 200 (...) ;

    – un plafond spécifique sera instauré afin de limiter les effets d‘aubaine : ne seront prises en compte pour le calcul de la durée d’assurance que les cotisations portant sur un revenu mensuel inférieur à 1,5 Smic ;

    – enfin, lorsqu’une année compte au moins quatre trimestres validés, les cotisations non utilisées pour la validation d’un trimestre pourront être reportées sur l’année suivante ou sur la précédente si ces années comptent moins de quatre trimestres validés. »

    NOTRE AVIS

    L’objectif poursuivi est de mieux pendre en compte dans le droit à retraite la précarisation croissante du salariat. En effet, les contrats très courts se multiplient. L’amélioration prévue (un trimestre d’assurance acquis pour 150 heures au Smic) n’est pas négligeable. Mais la question se pose : est-ce le rôle du système de retraite de compenser tous les dégâts de la politique d’emploi des entreprises ? Ne faut-il pas d’abord combattre vigoureusement la pratique des contrats courts et des faibles salaires ?

    ARTICLE 15 : élargissement de la retraite anticipée pour carrières longues

    En 2012, le gouvernement a pris des dispositions permettant le départ à 60 ans des assurés qui, ayant cotisé la durée requise, ont commencé à travailler jeunes. Les périodes prises en compte ont été élargies à une partie des trimestres validés au titre du chômage ou de la maternité, à raison de deux trimestres dans chaque cas. Cet article y ajoute deux trimestres supplémentaires de chômage et d’invalidité, ainsi que la prise en compte de l’ensemble des trimestres de maternité.

    NOTRE AVIS

    Cette mesure représente une petite avancée. Elle n’efface cependant pas la régression que constitue pour le plus grand nombre la suppression du droit au départ pour tous à 60 ans, signée Sarkozy, combattue par toute la gauche en 2010, mais avalisée en 2012 par Hollande. La prise en compte de trimestres en sus au titre de la maternité concernera sans doute peu de femmes, beaucoup ayant déjà validé quatre trimestres par leur salaire.

    RACHAT DES ANNÉES D’ÉTUDES : UN ESPOIR DÉÇU

    ARTICLE 16 : aider les assurés à racheter leurs années d’études

    La loi permet actuellement de racheter jusqu’à 12 trimestres d’assurance au titre des études supérieures. Mais peu d’assurés en font usage, le tarif étant très élevé, en particulier pour les jeunes (1 % seulement des personnes demandant le rachat ont moins de 40 ans, soit 25 par an). « Cet article instaure donc un tarif préférentiel de rachat de trimestres d’études pour les jeunes entrant dans la vie active, dans les conditions suivantes : – le rachat doit être effectué dans un délai de cinq ou dix ans suivant la fin des études ;

    – quatre trimestres au maximum (parmi les douze prévus) seront rachetables à ce tarif ; – le tarif préférentiel correspondra à un montant d’aide forfaitaire par trimestre au régime général, afin d’avantager relativement les assurés les plus jeunes et aux revenus les plus faibles lors du rachat (...). »

    NOTRE AVIS

    Comme celle de la pénibilité, la prise en compte des années d’études était très attendue dans le monde syndical et parmi les organisations de jeunesse. L’élévation du niveau d’études, de qualification est un investissement collectif répondant aux exigences des entreprises. Elle doit être reconnue et ne pas pénaliser les jeunes dans leur droit à la retraite. Hélas !, la déception est là aussi au rendez-vous. Le gouvernement reconnaît certes la réalité du problème en instaurant une aide forfaitaire pour racheter les années d’études. Mais même avec cette aide (1 000 euros par trimestre), il faudrait débourser 3 200 euros pour racheter une année de cotisation, a calculé l’Unef. Un tarif prohibitif au regard du niveau d’épargne très faible des jeunes, et compte tenu aussi du fait qu’ils ont, en début de carrière, d’autres priorités (rembourser les prêts étudiants, acquérir un logement, etc.).

    PRISE EN COMPTE DE L’APPRENTISSAGE : UN VRAI PROGRÈS

    Article 17 : mieux prendre en compte les périodes d’apprentissage au titre de l’assurance retraite

    « Les apprentis, actuellement au nombre de 370 000, cotisent sur une assiette forfaitaire trop faible pour leur permettre de valider une durée d’assurance vieillesse égale à celle de leur contrat. » Cet article vise à leur garantir « la validation de tous leurs trimestres d’apprentissage », grâce à un mécanisme en deux temps : d’une part, passer à une assiette réelle pour les cotisations finançant le risque vieillesse, d’autre part, introduire un système de validation complémentaire de droits à retraite pour les apprentis qui ne valideraient toujours pas autant de trimestres de retraite que de trimestres d’apprentissage sur une année civile. Le financement de cette mesure est assuré par la Sécurité sociale.

    NOTRE AVIS

    Revendiqué par les syndicats de longue date, c’est là sans aucun doute le progrès social le plus net à mettre à l’actif de ce projet de loi.

    Article 18 : améliorer la prise en compte des périodes de formation des chômeurs

    « Les stagiaires de la formation professionnelle, lorsqu’ils sont rémunérés par l’État ou par la région pendant la durée de leur stage ou lorsqu’ils ne bénéficient d’aucune rémunération valident au mieux un trimestre de retraite dans l’année au titre de ces périodes, alors qu’une période de chômage peut donner lieu à validation de quatre trimestres. » Cet article permet « que soient considérées comme des périodes assimilées d’assurance vieillesse toutes les périodes de sages de formation professionnelle continue donnant lieu à cotisation, qu’elles soient rémunérées par l’État, la région ou non rémunérées mais faisant l’objet d’une prise en charge de cotisations par l’État ». Chaque totalisation de 50 jours de stage dans l’année civile donnera droit à un trimestre d’assurance vieillesse.

    NOTRE AVIS

    Un progrès là aussi, mais limité aux seules formations effectuées par les chômeurs, excluant donc les périodes de formation continue des salariés. Excluant aussi les jeunes stagiaires en entreprise (1,5 million) qui bénéficient certes désormais d’une gratification, mais celle-ci étant exonérée de cotisations n’ouvre aucun droit à retraite.

    Article 21 : mesures relatives au régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles

    « Le présent article permet d’attribuer (aux) conjoints collaborateurs et aides familiaux des points gratuits au titre des années antérieures à leur affiliation, y compris pour les retraités actuels. Il s'agit d'un engagement pris par le président lors de sa campagne. »

    NOTRE AVIS

    Longtemps, les conjoints d’exploitants – autant dire les femmes – ou leurs enfants travaillant dans les fermes n’ont pas bénéficié de statut, et aucun droit ne leur était accordé au titre de nombreuses années (voire de décennies) d’exercice. Les choses se sont progressivement transformées à compter de 2002, et deux statuts distincts ont été créés : ceux de conjoints collaborateurs et d’aides familiaux. Depuis 2011, tous sont affiliés au régime complémentaire obligatoire (RCO). Un progrès, qui ne s’était toutefois accompagné d’aucune attribution de points gratuits ou de possibilité de rachat des points antérieurs. L’article 21 prévoit donc de leur attribuer 66 points gratuits au titre des années antérieures, dans une limite de 17 années et à condition qu’ils justifient de 32,5 années dans le régime non agricole. Au final, 550 000 retraités agricoles, dont 410 000 femmes, devraient toucher 30 euros de plus par mois en moyenne.

    AGRICULTEURS : UN LÉGER COUP DE POUCE

    Article 22 : exploitants agricoles, mise en oeuvre de la garantie « 75 % du Smic »

    « Le présent article prévoit la création d’un complément différentiel de retraite complémentaire qui permettra de porter le montant des retraites des chefs d’exploitation ayant effectué une carrière complète au niveau de 75 % du Smic. Cet objectif sera atteint progressivement : 73 % en 2015, 74 % en 2016, 75 % en 2017. »

    NOTRE AVIS

    La mesure vise à faire appliquer ce qui aurait dû l’être depuis 2003 : votée en 2002, la loi Fillon prévoyait déjà que les pensions atteignent 75 % du Smic. En raison du décrochage entre le coût de la vie – sur lequel sont indexées les pensions – et le Smic, dont la revalorisation est supérieure aux prix, l’objectif n’a jamais été tenu, et un chef d’exploitation en retraite touche aujourd’hui 70,8 % du Smic. L’article 22 prévoit donc de rattraper le coup. Encore faut-il souligner que cela ne concerne que les retraités ayant effectué une carrière complète en tant que chef d’exploitation : la mesure exclut tous ceux qui ont effectué une partie de leur carrière sans être déclaré, par exemple en travaillant dans la ferme de leurs parents... ou de leur mari. Au final, la mesure ne bénéficiera qu’à 238 000 personnes, sur le 1,5 million d’agriculteurs aujourd’hui en retraite, souligne la Confédération paysanne. L’Association nationale des retraités agricoles de France (Anraf) demande quant à elle de porter le niveau minimum des pensions à 85 % du Smic. Au total, la loi apporte un léger coup de pouce aux retraites agricoles. Il faut dire que la marge de progression était grande : s’élevant en moyenne à 752 euros pour les hommes et ne dépassant 547 euros en moyenne pour les femmes, les pensions agricoles comptent parmi les plus basses.

    HANDICAPÉS : UNE RETRAITE ANTICIPÉE TOUJOURS DIFFICILE D’ACCÈS

    Article 23 : élargir l’accès à la retraite pour les travailleurs handicapés

    « Les travailleurs handicapés peuvent liquider leur pension à taux plein dès 55 ans s’ils respectent trois conditions cumulatives : justifier d’une durée d’assurance minimale ; justifier d’une durée d’assurance minimale cotisée ; justifier d’un taux d’incapacité permanente de 80 % pendant ces périodes, ou avoir obtenu, pendant ces mêmes périodes, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). (...) Le présent article propose de remplacer pour le bénéfice de la retraite anticipée des travailleurs handicapés le critère peu opérant de la RQTH par le taux d’incapacité permanente (IP) de 60 %, afin de prendre en compte l’ensemble des périodes pendant lesquelles l’assuré justifie d’un handicap lourd (50 %) et au titre desquelles celui-ci ne peut jusqu’ici pas ouvrir droit à la retraite anticipée. »

    NOTRE AVIS

    Les conditions d’accès à la retraite anticipée au titre du handicap sont très sélectives : 30 ans de durée d'assurance, dont 25 ans de cotisations effectives, avec un taux d'incapacité de 80 %. Résultat : pas plus de 1 000 personnes en ont bénéficié en 2011. L'abaissement du taux d'incapacité de 80 à 50 % constitue une amélioration, mais le maintien des autres conditions écarte encore de nombreux handicapés du bénéfice de la mesure. D'autant que la suppression du critère de la RQTH, introduit en 2010, risque d'exclure des personnes qui auraient pu entrer dans le dispositif. D'autre part, rien n'est prévu pour les personnes dont le handicap est survenu au cours de la carrière et qui ne remplissent pas les conditions cumulatives ; pour eux, la règle pourrait pourtant être assouplie en prenant en compte les trimestres avant la survenue du handicap et ceux cotisés après, avec des bonifications. Rien non plus pour empêcher que la substitution de la pension de vieillesse à la pension d'invalidité ne se solde par une chute des revenus, comme cela arrive dans la majorité des cas. D'après le Conseil d'orientation des retraites, les hommes inaptes percevaient en 2009 une pension moyenne de 424 euros au régime général, soit moitié moins que le seuil de pauvreté...

    DES ÉCONOMIES SUR LES CAISSES DE RETRAITE : À QUEL PRIX ?

    Article 26 : droit à l’information

    « Chaque Français aura, avant 2017, un compte individuel de retraite, qui lui permettra de connaître les droits qu’il a acquis et de faire des simulations sur ses pensions. Au moment de liquider sa retraite, il n’aura plus qu’une seule demande à faire, avec une déclaration en ligne préremplie. (...) Cette simplification permettra de dégager des économies, estimées à 200 millions d’euros à l’horizon 2020. »

    NOTRE AVIS

    Louable intention que celle de renforcer le droit à l’information des assurés et de simplifier les modalités lors de la liquidation. Mais on peut s’interroger sur les 200 millions d’économies annoncés sur les frais de gestion, alors que les agents des caisses font état d’une intensification du travail et qu’un nouveau dispositif comme le compte personnel pénibilité devrait appeler du personnel supplémentaire.

    PILOTAGE STRATÉGIQUE : GARE AU LOUP

    Article 27 : pilotage de la simplification et des projets interrégimes

    Devant la complexité du système, le projet de loi engage une « démarche de simplification ». Celle-ci « présuppose une coordination des régimes de base et des régimes complémentaires ». « Le présent article propose donc de créer une structure de pilotage interrégime » qui « inclura l’ensemble des régimes pour produire les outils de simplification nécessaires à la bonne relation de l’usager avec le système de retraite ». Est ainsi instituée une « union des institutions et services de retraite », sous forme d’un groupement d’intérêt public. Cette union « assure le pilotage stratégique de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation dans lesquels plusieurs de ses membres sont engagés et veille à leur mise en oeuvre ». Elle passe avec l’État un contrat « qui détermine les objectifs pluriannuels de simplification et de mutualisation de l’assurance vieillesse », associé à un « schéma stratégique des systèmes d’information ».

    NOTRE AVIS

    Reliées au « mécanisme de pilotage » institué à l’article 3, ces dispositions renforcent les interrogations sur les visées gouvernementales. Une telle « union » chargée de « piloter » tous les régimes pourrait préparer la réforme systémique réclamée notamment par le Medef (système par points, ou comptes notionnels, comme en Suède). Elle pourrait aussi ouvrir la voie à la fusion des régimes, réclamée par certains, au détriment de toute une série d’acquis sociaux spécifiques. Rien à voir donc avec l’objectif d’une harmonisation par le haut, avec un socle commun de droits, que vise par exemple la CGT en préconisant une « maison commune » des régimes.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :