• L’Empire contre-attaque

    L’Empire contre-attaque

    JEUDI 04 JUILLET 2013

    Vienne, mai 2006. Le président bolivien Evo Morales fait ses grands débuts diplomatiques lors du sommet Amérique latine-Union européenne. Le jeune chef d’Etat amérindien est accueilli avec une certaine curiosité pour ses origines comme pour ses habits chamarrés mais aussi avec des regards sévères pour sa toute récente réforme pétrolière. Sept ans plus tard, on ne sourit plus ni ne fronce les sourcils. L’impudent bolivien est ravalé au rang qu’il n’aurait jamais dû quitter: celui de migrant suspect, de trafiquant en puissance.


    Rarement un incident diplomatique n’aura aussi bien illustré l’asymétrie des rapports internationaux. L’atterrissage forcé mardi soir à Vienne du président de la République de Bolivie, au mépris de tous les usages et règles diplomatiques, a de détestables relents coloniaux. Il souligne l’hypocrisie du discours légaliste, égalitaire des pays occidentaux. Français, Portugais, Espagnols et Italiens, qui ont fermé leur ciel à M. Morales, auraient-ils osé ce même affront sans précédent à un dignitaire chinois, canadien ou saoudien?
    Dans ce monde stratifié, où la coalition occidentale fait bloc pour préserver son hégémonie, on se moque bien du droit. On ne l’invoque qu’à bien plaire, pour inspirer quelques relais médiatiques chargés d’enrober de sirop bien-pensant les intérêts de quelques-uns. Mais lorsque l’empereur tape sur la table, seul demeure le rapport de force.


    La leçon n’est pas inutile à retenir, alors qu’il est tentant de faire la morale à certains pays non alignés (Iran, Venezuela, Bolivie, Cuba, Algérie, Equateur, Belarus, Nicaragua) qui s’unissent par-delà des divergences profondes. La recherche d’un monde multipolaire – seul capable de fonder un ordre international fait de réciprocité – peut exiger quelques entorses à l’idéologie.


    On souhaiterait que l’incident de Vienne contribue à souder le bloc latino-américain. Au-delà des paroles, une mesure de défiance commune, par exemple de la part de l’UNASUR à l’égard de l’UE, s’impose. Laisser une telle humiliation sans conséquences porterait un coup très dur à la crédibilité de la construction latino-américaine. Le long silence, hier, de la diplomatie brésilienne est à ce titre assez inquiétant.


    Manifestement, Barack Obama a mis tout son poids dans la résolution du cas Snowden. Si le suivisme des Européens – malgré leur pseudo-indignation après les révélations sur l’espionnage US – ne faisait aucun doute, les soudaines hésitations de Moscou et de Quito à l’heure d’accueillir le donneur d’alerte laissent à penser que les menaces étasuniennes sont massives.


    Mais après l’acte de piraterie aérienne de mardi soir, on se prend à rêver d’une réplique à la hauteur: la concession d’un asile politique commun de l’UNASUR à Edward Snowden. Le pied de nez serait magistral!

    http://www.lecourrier.ch/111263/l_empire_contre_attaque


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