• L’aveu d’impuissance de Nicolas Sarkozy

    Image«Ne t’attarde pas trop à l’ornière des résultats », pourrait-on lancer à Nicolas Sarkozy, en citant le poète René Char. En effet, quel bilan accablant pourrait-on dresser à l’issue d’une des rares conférences de presse présidentielles du quinquennat ! La Tunisie ? Paris n’a pas pris « la juste mesure » de la situation. La révolution de jasmin ? « La puissance coloniale (...) est toujours illégitime à prononcer un jugement sur les affaires intérieures d’une ancienne colonie », mais pas pour proposer son arsenal répressif pour écraser la révolte. La mort des otages enlevés au Niger ? « Ce ne sont pas les Français qui ont tiré les premiers. » Le G8-G20 ? Le chef de l’État, qui en assume désormais la présidence, a promis « des résultats les plus importants possible » mais, en en rabattant sur ses rodomontades de 2008, il a avoué qu’il était « impossible aujourd’hui de dire ce qu’il en sera », et notamment de la taxation des transactions financières qu’il a une nouvelle fois évoquée. Qui peut croire une seconde à la « mise en place d’un socle de protection sociale universelle » quand toutes les entreprises du gouvernement Fillon tendent à amoindrir les garanties des salariés et à réjouir le Medef et les actionnaires ?

    À vouloir préserver les marchés financiers, à s’acharner à satisfaire les agences de notation, le président de la République se condamne à l’impuissance. Il en a fait hier l’aveu. Rien de ce qui pourrait conférer à la France un rayonnement et une utilité aux peuples de la planète n’était au rendez-vous. L’alignement de la politique française sur celle des États-Unis et de l’Otan l’atrophie ou la déconsidère. Sa diplomatie devient incapable de faire libérer des otages et son armée est embourbée en Afghanistan. Elle a perdu son rayonnement sur les pays arabes par son mutisme devant les crimes du gouvernement israélien, au point que sa ministre des Affaires étrangères a été huée, il y a quelques jours, par la rue palestinienne qui jusqu’alors était reconnaissante à Paris pour son courage. Il y a quelque chose de pourri désormais dans notre politique étrangère. Non que cette dernière soit sortie immaculée du XXe siècle. Mais l’influence conjuguée du gaullisme sourcilleux sur l’indépendance et du communisme français solidaire des peuples du monde avait conféré à l’Hexagone une voix forte qui résonnait bien au-delà des zones d’influence traditionnelles. Qu’en reste-t-il quand Nicolas Sarkozy, à peine élu, passe ses vacances en hôte déférent de George W. Bush et insulte l’homme africain ?

    Dix jours après la révolution tunisienne, Nicolas Sarkozy a confirmé qu’il avait des années de retard sur l’état du monde. Le temps n’est plus où Reagan et Thatcher triomphaient. La guerre des civilisations que les néoconservateurs avaient exaltée pour conjurer le péril de révolutions sociales se noie dans les ruisseaux de sang qu’elle a déclenchés. Sous des formes diverses, de l’Amérique latine à l’Europe en passant par l’Afrique, des peuples se dressent contre le talon de fer des marchés financiers. L’Élysée ne sera pas à l’unisson, préférant ergoter sur le caractère d’une dictature ou s’employer à faire avaler la ciguë de l’austérité.

    Patrick Apel-Muller


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