• J’ai fait les poubelles des salariés

     

    J’ai fait les poubelles des salariés”

     

    Pierre *, 50 ans, a travaillé au service de sécurité de Renault, rattaché au Technocentre de Guyancourt. Entendu par la police après le dépôt de plainte d’un délégué syndical, il a reconnu avoir espionné en 2002 la vie privée de celui-ci. En exclusivité pour France-Soir, il détaille les exactions dont il s’est rendu coupable, en compagnie d’hommes toujours en poste aujourd’hui.

    Santé
    Le service de sécurité de Renault se rendrait coupable d'actes illégaux pour obtenir des informations DR

    France-Soir Comment vous êtes-vous retrouvé à la sécurité de Renault ?

    Pierre J’avais débuté chez Renault comme mécanicien. En 2002, on m’a proposé de rejoindre le service Sécurité. C’était très alléchant. Je passais cadre et bénéficiais d’avantages comme la voiture de fonction, le carburant illimité, le téléphone portable. Et puis, on m’annonçait que j’allais avoir des contacts avec la police, la gendarmerie, les RG, la Banque de France, les opérateurs de téléphonie. Ça promettait d’être passionnant. Au bout de deux mois, j’ai compris qu’il s’agissait de faire les poubelles…

    F.-S. Qu’avez-vous fait exactement ?

    P. Mon chef de service m’a demandé d’enquêter sur la vie privée d’un délégué syndical. Il fallait savoir s’il était homosexuel, d’où venait sa Mercedes, ce qu’il faisait en voyage aux Etats-Unis et de manière générale « éplucher » son train de vie. En pleine nuit, nous avons récupéré les données du disque dur de son ordinateur. A la fin, nous savions tout sur lui. Nous nous étions même procuré les relevés de son téléphone personnel.

    F.-S. Pourquoi s’en prendre à ce syndicaliste ?

    P. Parce qu’il dérangeait, il avait le verbe haut.

    F.-S. Avez-vous espionné d’autres personnes ?

    P. Oui. On nous a fait fouiller le bureau du médecin du travail pour étudier les dossiers médicaux des employés. Autre exemple : des gars étaient chargés de fouiller le coffre du gestionnaire des ressources humaines. C’était complètement illégal. Mais comme on avait tous les passes, on ne se privait pas… Je travaillais plus souvent la nuit que le jour.

    F.-S. Et les simples salariés étaient aussi espionnés ?

    P. Oui. Nous avions installé des mini-caméras dans les cafétérias. A une époque, on a enquêté sur la vie privée de la secrétaire d’un directeur. C’était une initiative de mon chef qui considérait que le directeur en question pouvait nous être utile. Aussi nous lui apportions des informations sur son assistante, cela nous permettait d’être bien vus de lui. Moi, j’étais chargé de surfer sur le site de rencontres qu’elle fréquentait. Je créais des alias pour discuter avec elle. Je devais connaître ses mœurs, mais aussi les horaires auxquels elle se connectait sur Internet.

    F.-S. Comment cela s’est-il terminé ?

    P. J’ai été licencié pour faute. Ils ne m’ont pas raté. Mes anciens collègues ont fait mon bureau de long en large. J’avais consigné dans un cahier les preuves de mes activités illégales, il a disparu. Ça chauffait pour moi parce que j’avais raconté au délégué syndical ce qu’on lui avait fait.

    F.-S. Qui travaille au service Sécurité de Renault ?

    P. Des anciens gendarmes, des policiers, des militaires, des officiers de renseignement. C’est l’omerta totale, tout le monde couvre tout le monde.

    F.-S. Et que devenez-vous aujourd’hui ?

    P. Je suis devenu concessionnaire Renault.

    F.-S. Vous travaillez sous licence Renault ?

    P. J’ai presque un losange à la place du cœur. Je suis fier d’être Renault. Simplement, il ne faut pas confondre la marque et son service de sécurité qui, parfois, dérape et va au-delà de ce qu’on lui demande.

    * Le prénom a été modifié.

    « Maintenant les ordinateurs sont fouillés à distance »

    Serge Nebbak est le délégué syndical qui avait été espionné en 2002. Désormais, simple salarié, il confirme les propos de Pierre. « Sur mon lieu de travail, le ménage a été fait, la sécurité se contente de faire son job en toute légalité. Ailleurs, ce n’est pas forcément le cas. Je sais, par exemple, que certains fouillent les ordinateurs des salariés à distance, depuis le siège du service. Et puis lors de la vague de suicides au Technocentre, les boîtes e-mail des malheureux étaient instantanément vidées… »

    http://www.francesoir.fr/

    http://www.francesoir.fr/actualite/economie/espionnage-chez-renault-65483.html 


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