• Hortefeux et Copé attendus par Sarkozy au Cap Nègre pour préparer la campagne de 2012

    IL y a le festival in, et le festival off. Pendant que Nicolas Sarkozy affiche son retour à Paris pour gérer la crise, il prépare discrètement sa campagne présidentielle. L’ancien ministre de l’intérieur Brice Hortefeux et le secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé doivent se rendre au Cap Nègre ces jours-ci pour organiser la rentrée et les élections de 2012.

    M.Sarkozy a étudié de près la campagne de François Mitterrand réélu haut la main en 1988. Le candidat du changement de 1981 s’était mué en président dela Franceunie et ne s’était déclaré que le 22mars 1988. Soucieux de rester dans l’action jusqu’au bout, M.Sarkozy était resté au ministère de l’intérieur jusqu’au 26mars 2007. Le président espère conjurer le sort qui conduit les sortants à être sortis par les électeurs, en gouvernant jusqu’au bout.

    Cet été, les équipes de Bercy et du Quai d’Orsay s’affairent, actualité oblige. Les autres s’ennuient un peu. Préposée aux tracas de l’été, la ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet a interdit, mardi 9août, l’accès aux plages bretonnes couvertes d’algues Vertes. Le ministre de l’éducation Luc Châtel s’est déplacé avec elle dans une colonie de vacances du Calvados, celui de l’enseignement supérieur Laurent Wauquiez a visité des chambres d’étudiant à Lille. Enfin, Xavier Bertrand, qui déplore que Jean-François Copé ait supprimé la caravane UMP de l’été, fait la tournée des popotes. Bref, chacun cherche à montrer qu’il est bon élève, mais les choses sérieuses ne reprendront qu’à la rentrée.

    L’heure n’est plus à la contestation du président par les troupes UMP, comme à l’été 2010, mais la tectonique des plaques est compliquée. Il faut éviter une guerre de succession prématurée entre M.Copé et M.Fillon, qui briguent le leadership à droite en 2012. Le premier a été accusé au début de l’été de promouvoir son club Génération France en envoyant des invitations portant aussi l’en-tête de l’UMP. Pour l’après2012, M.Copé doit se préparer une base de repli s’il ne peut conserver le parti jusqu’en 2017. Celui-ci est brigué par François Fillon, qui pourrait avoir la préférence des militants. Ses partisans l’encouragent à prendre le parti. «Fillon sans l’UMP, cela devient Raffarin», résume un ministre. Les universités d’été de Marseille de l’UMP, qui se tiendront du 2 au 4septembre, s’achèveront le dimanche par un discours des deux hommes. Il faut éviter que l’affaire ne tourne à l’affrontement comme l’an dernier. M.Hortefeux met en garde: «Le ciment commun, c’est le président de la République. Ceuxqui prendraient le risque de briser, d’ébrécher l’unité en seront comptables.»

    La veille, le 3 septembre, le ministre de l’agriculture Bruno Le Maire doit présenter le projet de l’UMP, dont il a transmis un premier jet au président. Le projet n’est pas connu, mais on lui reproche déjà d’être trop «techno». C’est la sempiternelle accusation contre M.Le Maire, qui fut vexé de se voir proposer le secrétariat général de l’Elysée il y a un an. Le président ne veut pas se sentir lié par les propositions et M.Hortefeux le fait savoir. Il existe par ailleurs toute une série de groupes de réflexion et d’action: l’ancien patron de Rhône-Poulenc Jean-René Fourtou gamberge et organise des rencontres pour le président. L’ancien maire de Grenoble Alain Carignon lui concocte des déjeuners avec le tout-Paris (l’écrivain Yann Moix, l’acteur Fabrice Luchini, la journaliste Elisabeth Levy, le politologue Guillaume Peltier,etc.) et le fait savoir.

    Bref, chacun est persuadé d’avoir l’oreille du président, qui entretient à dessein le flou. «Nicolas Sarkozy devient de plus en plus solitaire», constate un poids lourd du gouvernement. «Une campagne de réélection, c’est quelques meetings et trois ou quatre grands thèmes», insiste un autre: une politique économique européenne calquée sur le modèle allemand, une grande fermeté sur les domaines régaliens, un débat sur le financement de la protection sociale et le défi de l’éducation dans un monde mondialisé.

     Réticent à l’idée d’avoir des porte-parole pour sa campagne, M.Sarkozy observe la loyauté de ses troupes. Volontairement ou non, il a divisé le camp de mousquetaires chiraquiens en nommant François Baroin aux finances plutôt que M. Le Maire. Début juillet, un dîner à six au ministère de l’agriculture (Jean-François Copé, Valérie Pécresse, Luc Chatel, Christian Jacob) a permis de déguster un bourgogne blanc Clos-Vougeot, mais pas d’aborder les sujets qui fâchent. Désormais, M.Baroin conteste le leadership qui semblait naturel de M.Copé et s’est rapproché de M.Fillon, ce qui fait l’affaire du président.

    Diviser pour mieux régner, l’ancien chef de bande se mitterrandise. Brice Hortefeux a à l’œil tous ceux qui pourraient avoir intérêt à une défaite – les quadras qui visent 2017 – tandis que les trentenaires – Laurent Wauquiez et Mme Kosciusko-Morizet – et les sexagénaires (MM. Juppé, Longuet et Guéant) ont intérêt à rester au pouvoir avec le président. Déjà s’engage la course pour Matignon. Pour refroidir les ardeurs des plus jeunes, le nom d’Alain Juppé est sorti.

    Arnaud Leparmentier

    Le groupe secret de Fourtou, Carreyrou, Mougeotte et Carignon pour aider Sarkozy

    Tout commence à l’automne 2010. Jean-René Fourtou, président de Vivendi, se prend une avoinée de Nicolas Sarkozy. Comme d’habitude, le président critique son interlocuteur, proteste du traitement que lui réserve Canal Plus, filiale de Vivendi. A la fin, M. Fourtou, 72 ans, prend la parole, et dit ses vérités à Sarkozy, sur son comportement. Il ferait mieux d’utiliser son énergie pour moderniser le pays, et ne pas gâcher son bilan, alors qu’il a fait, selon M. Fourtou, sortir le pays de l’immobilisme. M. Fourtou l’a constaté à l’université de Bordeaux, qu’il préside. A sa surprise, Sarkozy lui répond : « Tu as raison ».

    Et voilà que M. Fourtou, lequel connaît Sarkozy depuis qu’il a conquis la mairie de Neuilly en 1983 – sa femme était alors conseillère municipale – se met à faire par écrit le bilan du quinquennat.  « J’ai été stupéfait de voir ce qui avait été enclenché », raconte M. Fourtou, qui narre son aventure à une amie. Cette dernière lui fait rencontrer le journaliste Gérard Carreyrou, 69 ans. Le déjeuner a lieu au restaurant Tong Yen, au rond-point des Champs-Elysées.

    Les deux hommes se sont croisés du temps de Pierre Bérégovoy, que tous les deux admiraient – Fourtou modernisait alors Rhône-Poulenc, Carreyrou était son ami et s’éloignera de la gauche après le suicide de "Béré". Les deux sont devenus Sarkozystes, et se trouvent bien seuls en cette période d’antisarkozysme. Ils décident d’élargir leur cercle. Gérard Carreyrou, qui revendique d’écrire dans France Soir « 80 % d’éditoriaux favorables à Sarkozy » fait rencontrer à Fourtou son vieux complice d’Europe 1 et de TF1, le directeur des rédactions du Figaro, Etienne Mougeotte, 71 ans, lors d’un petit-déjeuner au Royal Monceau. « Mougeotte est au Figaro, à droite-toute. Avoir son opinion, c’était utile. Comme c’était un copain de Carreyrou… », raconte M. Fourtou.
    De fil en aiguille, l’équipe se constitue. « La seule exigence était d’avoir des gens qui pensaient souhaitable pour la France que Sarkozy soit réélu », raconte Gérard Carreyrou.

    En réalité, on va aussi faire une bande de vieux copains. Ils vont chercher Charles Villeneuve, 70 ans, ancien d’Europe 1 et de TF1, tandis que Fourtou fait venir Michel Pébereau, patron de BNP-Paribas. L’équipe est un peu déséquilibrée. « Il n’est pas possible que nous restions sans une seule femme, ni des trentenaires. Nous ne sommes plus des perdreaux de l’année », confesse M. Carreyrou.

    Nicolas Sarkozy, qui est en opération de présidentialisation, flaire l’intérêt de l’affaire. Jean-René Fourtou fait passer ses propositions au président, et une mise en ordre politique s’organise. Le président charge sa nouvelle plume, Camille Pascal, d’organiser le lien entre lui et ce qui va s’appeler le « groupe Fourtou ».
    Un autre regard politique s’est invité dans l’équipe, celui d’Alain Carignon. L’ancien maire de Grenoble et ministre de la communication d’Edouard Balladur, qui passe désormais plusieurs mois par an à Marrakech, connaît M. Fourtou, très actif dans les relations économiques franco-marocaines.

    Cela tombe bien. M. Carignon  a l’oreille du président et lui sert depuis des mois de rabatteur pour rencontrer le tout-Paris. Nicolas Sarkozy ne le laissa jamais tomber, même lorsqu’il fut emprisonné lors de ses démêlés avec la justice dans les années 90. Lorsque Brice Hortefeux était ministre de l’intérieur, M. Carignon avait un bureau place Beauvau. Pour achever la politisation de l’équipe, le conseiller politique de M. Hortefeux, Geoffroy Didier, est adjoint à l’équipe.

    Lundi 6 juin, Nicolas Sarkozy cherche à remercier ses soutiens et les reçoit tous à sa table. Côté Elysée, outre M. Pascal, le secrétaire général Xavier Musca et le conseiller presse Franck Louvrier sont présents. Sylvain Fort, universitaire proche de la fondation Montaigne est convié. M. Hortefeux en est aussi. On est entre amis. Michel Pébereau, 69 ans, explique combien le rôle du président a été utile lors de la faillite de Lehman Brothers en 2008. M. Carreyrou est tout content : il défend le président sans l’avoir rencontré depuis dix ans.

    Depuis des mois, le petit groupe se réunit très régulièrement, le plus souvent chez Jean-René Fourtou, à Neuilly, « où il est facile de se garer », selon Carreyrou, parfois chez Carignon.  Il s’est quitté fin juillet, se retrouvera fin août. « L’idée est de mobiliser des experts et ceux qui sont sarkozystes, parfois sans le savoir ou se trouvent un peu seuls », raconte un participant. Il y a aussi des propositions. « Nous avons essayé de dégager les points forts du quinquennat qui méritaient d’être approfondis », assure M. Carreyrou.
    L’existence du groupe devait rester discrète. Mais l’agenda politique a ses raisons. Les proches du président ont voulu montrer que Nicolas Sarkozy n’était pas prisonnier d’un seul camp, ni du programme que prépare le ministre de l’agriculture Bruno Le Maire ni de l’UMP. Et ils ont glissé le nom de M. Fourtou.

    Arnaud Leparmentier



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