• Hollande et les ides de juin

    Les signes ont leur importance. Que l'avion de François Hollande ait été frappé par la foudre peu après son décollage n'est certainement qu'une coïncidence. Mais l'être irrationnel qui reste enterré dans notre subconscient ne peut que se demander si les dieux, en haut de leur Olympe, n'ont pas voulu adresser un message au nouveau président. Comme l'avion transportait le président pour une rencontre avec Angela Merkel, on peut en déduire que les dieux sont plutôt anti-euro, ce qui pourrait nous consoler de bien de choses en ce moment.

    Mais les signes ont encore plus d'importance lorsqu'ils sont volontaires et surtout attendus. Hollande a, sur beaucoup de points, évité de donner des indications précises sur ce que serait le fonctionnement de son gouvernement. Avec la publication de la composition du premier gouvernement Ayrault, nous avons une première idée. Et pas de quoi sauter de joie.

    Premier signe: un gouvernement pléthorique. Oubliées les promesses de gouvernement "resserré autour de 15 pôles ministériels". Le gouvernement annoncé hier compte 34 ministres dont 18 ministres "pleins". A titre de comparaison, le gouvernement le plus nombreux de l'histoire (1) de la cinquième République comptait 33 ministres dont 21 ministres pleins. Une fois nommés les secrétaires d'Etat, on risque de battre le record. Et ce n'est pas un hasard. En 1988, le gouvernement Rocard était pléthorique parce qu'il fallait faire plaisir à tout le monde: aux factions du Parti Socialiste, qui s'étaient entre-déchirées pendant deux ans, d'abord. Mais aussi aux ministres "d'ouverture au centre" et à la société civile. Hollande, lui aussi, doit faire plaisir à beaucoup de monde. D'abord aux factions socialistes: c'est le prix de leur ralliement à sa candidature, ralliement qui lui a permis d'aller à la bataille avec l'ensemble du Parti derrière lui et de ne pas tomber dans le trou qui avait été fatal à Ségolène Royal. Mais Hollande doit aussi acheter les alliés écologistes, avec qui il espère toujours pouvoir constituer une majorité "au centre" qui le rende moins dépendant de la "gauche radicale". C'est pourquoi la lecture de la liste des membres du gouvernement s'apparente à une liste des ténors des différents "courants" du PS. Il y a là un savant saupoudrage de "fabiusiens", "ségolénistes", "aubrystes" et bien entendu "hollandistes" (de fraîche date ou pas). Le choix des ministres ne nous dit rien sur les arbitrages que le Président ou le Premier ministre ont pu faire entre telle ou telle orientation politique. Les ministres choisis l'ont finalement été moins à cause de leur engagement idéologique qu'en fonction de leurs liens avec tel ou tel "parrain", telle ou telle "famille".

     Deuxième signe, encore plus inquiétant: la disparition complète de l'industrie. Pour la première fois depuis très longtemps (depuis 1945, au moins...), l'industrie ne figure dans l'intitulé d'aucun des ministères. On a effacé le terme dans le "ministère de l'économie, des finances et de l'industrie" devenu "ministère de l'économie, des finances et du commerce extérieur". On a supprimé le ministère de l'industrie lui même. On donne à Montebourg un ministère pompeusement intitulé "du redressement productif" qui évite soigneusement de prononcer le terme "industrie". Faut-il voir un signe ?

     Il est vrai que l'industrie, c'est pas important. En tout cas, moins que "l'égalité des territoires", "l'économie sociale et solidaire" ou la "vie associative", qui chacune aura un ministre pour la prendre en charge. On assiste en effet à une floraison de formules qui sentent bon le postmodernisme "sociétal", quelquefois jusqu'au comique. Les gouvernements Mauroy et Rocard avaient ses ministres "du temps libre" ou "des handicapés de la vie". Le gouvernement Ayrault aura son "ministre délégué à la réussite éducative". Il faut croire qu'on ne peut pas faire confiance au ministre de l'éducation nationale pour s'occuper tout seul de la réussite des élèves.

    Ce gouvernement confirme mes pires craintes. La gauche, qu'elle soit "sociale-libérale" ou "radicale", a définitivement abandonné les couches populaires à l'abstention et au Front National. Qui peut penser que les intitulés des ministères tels qu'ils ont été choisis pourraient encourager l'électorat populaire à penser que ses préoccupations seront entendues ? Où sont les priorités données à la production, à  l'industrie, à la sécurité lorsqu'on constate que ces mots   ont disparu des intitulés, qui dégoulinent au contraire de bienpensance vide ? Pourquoi considère-t-on comme une évidence l'existence d'un "ministère des droits de la femme" et d'un "ministère en charge des personnes handicapées", mais on ne voit nulle part apparaître un "ministère des droits des travailleurs", "des droits des chômeurs" ou des "droits des retraités modestes" ?

     

    Descartes

    (1) il s'agit du gouvernement Rocard II. Il comptait 49 membre entre ministres et secrétaires d'Etat. Ce qui avait inspiré à Michel Charasse un beau mot qui mérite d'être rappelé: "un ministre de plus, et nous avions un comité d'entreprise".


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