• Guerre en Libye : un « non » à 51 %

    Guerre en Libye : un  « non » à 51 % 

     Exclusif. Pour la première fois, une majorité de Français désapprouve l’intervention militaire de la coalition de l’Otan, selon notre étude d’opinion réalisée par l’Ifop.

    La propagande médiatique a ses limites. Le sondage que nous publions montre que, malgré le soutien sans faille apporté par l’ensemble des médias – à l’exception notable de l’Humanité – à l’intervention de l’Otan en Libye, une majorité de Français s’y dit maintenant défavorable.

    Plus que le pourcentage en lui-même (51 %), c’est bien le renversement de tendance qui est à considérer. De nombreux facteurs expliquent sans doute cette attitude des Français. Mais il y en a un en particulier qui ne fait aucun doute : les semaines passent et l’opinion publique sent de plus en plus qu’elle a été grugée par le gouvernement français, particulièrement en pointe dans son discours guerrier. Il s’agissait, nous disait-on alors, d’empêcher une catastrophe humanitaire, un génocide que seraient en train de perpétrer les forces loyales au colonel Kadhafi. Un responsable libyen des droits de l’homme, qui avait rallié la rébellion, faisait même état, depuis Paris, de 2 000 morts dans la seule ville de Benghazi et évoquait quelque 6 000 cadavres dans l’ensemble du pays, quelques jours seulement après les manifestations du 17 février. Beaucoup s’y sont laissés prendre ou ont craint de se trouver en porte-à-faux avec la majorité du pays, d’apparaître comme soutenant Kadhafi et ont approuvé l’intervention. Comme si l’Otan avait jamais largué une seule bombe pour le bien d’un peuple ! Comme si Nicolas Sarkozy était tout d’un coup devenu le garant des révolutions et de l’avenir radieux des peuples ! Non, comme nous l’écrivions dans l’Humanité depuis Benghazi, les responsables hospitaliers de cette ville ont comptabilisé 250 morts, tout au plus. « Le nombre de morts a été grandement exagéré », affirme Donatella Rovera, spécialiste des situations de crise d’Amnesty International, dans un récent rapport livré après trois mois passés en Libye. De même, le 5 mars, sur son site, le Journal du dimanche (JDD) écrit : « Les forces fidèles à Muammar Kadhafi ont bombardé vendredi un dépôt d’armes situé dans la banlieue de Benghazi, grande ville de l’est de la Libye qui s’est soulevée contre le régime, a déclaré à Reuters Moustafa Gheriani, porte-parole des insurgés. » La preuve que Kadhafi ne respecte rien, s’attaque à Benghazi et veut tuer la population. Pourtant, au milieu d’un communiqué de Human Rights Watch (voir « Libya : Abandoned Weapons, Landmines Endanger Civilians Civilians and Aid Workers Need Protection »), un mois plus tard, le 5 avril, on peut lire : « un dépôt d’armes a explosé accidentellement près de Benghazi le 4 mars alors que des gens non entraînés étaient en train de manipuler des munitions, tuant au moins 27 personnes » !

    Développer l’argument  humanitaire

    Les gouvernements savent bien que le meilleur moyen de gagner une opinion publique à une intervention armée (le mot guerre est en général proscrit, sauf contre le « terrorisme ») est de développer l’argument humanitaire. Soit la menace est réelle comme au Darfour ou en Somalie, soit on la grossit comme au Kosovo ou en Libye, soit on utilise le registre émotif (comme en Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001). C’est bien sur cette base que le Conseil de sécurité de l’ONU a voté la résolution 1973 : la défense des civils. Ce qui a l’avantage d’éviter un véritable débat politique. Et il faut un certain courage, politique justement, pour aller à contre-courant d’une opinion acquise à la défense humanitaire.

    Le rapport d’Amnesty International est particulièrement intéressant. Il dénonce l’attitude des forces kadhafistes mais, contrairement aux grands médias, est sans complaisance pour la rébellion libyenne. « Il y a eu beaucoup d’informations qui ont circulé mais dont on n’a aucune preuve aujourd’hui. On a parlé par exemple de viols systématiques par les loyalistes, mais on n’a jamais rencontré un seul témoignage direct, ni nous, ni d’autres organisations. Et bien sûr il y a l’histoire des mercenaires », explique Donatella Rovera.

    Si l’argument humanitaire a été exagéré, c’est qu’il fallait masquer la véritable raison qui anime Sarkozy, Cameron et Obama : évincer le maître de Tripoli, jugé trop peu sûr, pour pouvoir piller le pétrole libyen et contrôler efficacement les migrants venus de l’Afrique subsaharienne. Si la situation s’enlise, une partition du pays n’est pas à exclure. Les Français réalisent qu’on les a grugés. Il n’y a pas de guerre humanitaire. Il n’y a que des guerres d’intérêts. Et elles sont inhumaines.

     

    • Sur la Lybie :

    La guerre ne fait pas l’unanimité

    Kadhafi visé pour crime contre l’humanité

    Les leçons antiracistes des révoltes citoyennes dans les pays arabes

    Pierre Barbancey

     

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