• Grèves dans les grandes surfaces et les fast-food aux USA

    Grèves dans les grandes surfaces et les fast-food aux USA

    Pour un salaire minimum digne de ce nom

    De petits groupes de travail-leurs·euses combatifs se sont mis en mouvement dans diverses entreprises non-conventionnées : des grandes surfaces et des fast-food. Ils·Elles sont en grève pour des hausses de salaires, un salaire digne de ce nom et le droit de s’organiser. La dignité sur le lieu de travail et le respect dans la société sont des revendications implicites.

    Anciennement considérés comme des jobs pour ado­les­cent·e·s en mal d’argent de poche ou pour femmes au foyer travaillant à temps partiel pour gagner un petit supplément par rapport au nécessaire, les emplois dans les fast-food sont aujourd’hui la principale source de revenu pour des personnes qui doivent subvenir à leur besoin et à ceux de leur famille – tâche impossible vu que les salaires y sont inférieurs au minimum vital. Tous les sa­la­rié·e·s, quels que soient leur âge, leur sexe et leur situation sociale, très variables dans ce secteur, sont conscients de la nécessité d’obtenir d’un salaire plus élevé et, pour la majorité d’entre elles·eux, une couverture d’assurance-maladie qui leur fait défaut.

    Ce mouvement issu d’une minorité militante a une portée nationale et vise des objectifs à la fois économiques et politiques, tentant de forcer les employeurs à augmenter les salaires tout en mettant la pression sur le Congrès pour l’augmentation du salaire minimum au niveau national. De grands syndicats aux ressources économiques et organisationnelles significatives, tels que le syndicat des travailleurs de l’alimentation et du commerce (United Food and Commercial Workers Union – UFCW) à Walmart et l’Union internationale des employés des services (Service Employees International Union – SEIU) l’appuient, dans l’espoir que l’organisation de ces travailleurs.euses à faible revenu, souvent jeunes et de couleur, aide à reconstruire et à revitaliser les syndicats étatsuniens.

     

    Des grèves pour les salaires

    Le 5 septembre dernier, dans 15 villes des Etats-Unis, des tra­vail­leurs·euses de Walmart se sont mis en grève, organisant des piquets et occupant, dans certains cas, les lieux de travail?; au même moment des em­ployé·e·s tentant de remettre une pétition  au siège de Walmart ont été arrêtés. 

    Les salaires sont au cœur des revendications, et pour cause. A Walmart, troisième entreprise du monde, l’« associé » moyen (c’est ainsi que Walmart appelle ces employé·e·s) gagne seulement 8.81 $ de l’heure soit 15 576 $ par an. Au cours de l’année fisacle 2013, les profits de Walmart se sont élevé à 17 milliards de dollars et ses PDG ont reçu 18,7 millions. Les travailleurs.euses de Walmart demandent un salaire de 15 $ de l’heure soit 25 000 $ par an. Ils·elles gagnent 32 % de moins que les tra­vail­leurs·euses syndiqués du commerce de détail. 

    De même, les salarié·e·s de McDonald’s touchent l’équivalent du salaire minimum aux Etats-Unis, soit 7,25 $ de l’heure, sans congé maladie et sans couverture médicale, bien que McDonald’s a gagné 5,46 milliards de dollars en 2013 et que les PDG de la compagnie empochent aujourd’hui 13,8 million par an.

     

    Un mouvement en pleine expansion

    Au cours de la dernière année, le mouvement a pris une ampleur significative. En novembre 2012, 200 travailleurs.euses de divers fast food (Burger King, Kentucky Fried Chicken) ont déclaré une grève d’un jour. Cette année, des mi­li­tant·e·s de Fast Food Forward (l’un des groupes organisés autour de ce mouvement) ont annoncé sur leur site Facebook que des centaines de tra­vail­leurs·euses de Kentucky Fried Chicken, Wendy’s, Burger King et, entre autres, McDonald’s se sont mis en grève pour un jour. Les employé·e·s du commerce de détail de Macy’s Inc, Sears Holdings Corp et Dollar Tree Inc. ont soutenu leur revendication. Partout, les tra­vail­leurs·euses demandent 15 $ de l’heure et le droit de se syndiquer.

     

    Qu’est-ce que cela signifie pour le mouvement des salarié·e·s?

    Le mouvement ouvrier étatsunien est en mauvaise posture. Aujourd’hui, seuls 11,3 % de tous les tra­vail­leurs·euses sont syndiqués, soit 14,4 millions de personnes. Dans le secteur privé, seulement 6,6 %, soit 7 millions de personnes sont membres d’un syndicat. L’organisation des sa­la­rié·e·s à faible revenu dans les grandes surfaces, les fast food et les entreprises de gestion et de transport des stocks pourrait avoir de nombreux impacts positifs. 

    Tout d’abord, cela augmenterait évidemment, de manière significative, le nombre et la proportion de tra­vail­leurs·euses syndiqués au sein de la main d’œuvre. On compte 4 millions de tra­vail­leurs·euse dans les fast food dont virtuellement aucun n’est syndiqué. Un plus grand nombre de tra­vail­leurs·euses organisés donnerait aux syndicats un plus grand pouvoir.

    En second lieu, une syndicalisation réussie dans ces secteurs pourrait encourager les tra­vail­leurs·euses d’autres secteurs non-syndiqués (em­ployé·e·s de banques, de la haute technologie ou de l’agriculture) à s’organiser aussi. 

    En troisième lieu, la moitié de tous les tra­vail­leurs·euses syndiqués se trouvent aujourd’hui dans 7 Etats (Californie : 2,5 millions ; New York : 1,8 millions?; Illinois : 0,8 million?; Pennsylvania : 0,7 million?; Michigan, New Jersey, et Ohio : 0,6 million). Des campagnes couronnées de succès pour la syndicalisation dans les grandes surface pourraient permettre d’étendre les syndicats aux Etats du Sud, dont la plupart n’ont jamais été organisés. 

    En quatrième lieu, cette campagne pourrait modifier la nature du mouvement syndical en amenant plus de jeunes, de femmes et de tra­vail­leurs·euses blancs (en proportion les travailleurs.euses de couleur ont un taux de syndicalisation plus élevé).

    Dans tous les cas, le mouvement est en train de mettre la pression sur les employeurs pour qu’ils reconnaissent les syndicats et sur les Etats et le gouvernement fédéral pour l’augmentation du salaire minimum. Actuellement, certains Etats du Sud n’ont aucun salaire minimum.

     

    Engagement profond et doutes sérieux

    De jeunes militant·e·s, certains d’entre eux partisans du socialisme, se sont impliqués dans l’or­ga­nisation de ces campagnes de syndicalisation parfois en tant qu’employé.e et parfois comme « volontaires » occupant des emplois pour organiser les tra­vail­leurs·euses de l’intérieur des entreprises.

    Ceux·celles à gauche avec lesquels j’ai discuté ont quelques réserves sur le fait que les syndicats dirigent ces campagnes (SEIU, UFCW et IBT (Fraternité internationale des conducteurs?; syndicat des conducteurs routiers étatsuniens). Ils font valoir que ces syndicats sont de grosses machines avec des fonctionnaires grassement payés et généralement anti-démocratiques dans leur fonctionnement interne. Les jeunes militant·e·s craignent que les syndicats ne lâchent les campagnes d’organisation dans ces secteurs, en particulier s’ils obtiennent une augmentation du salaire minimum au niveau national. Ils s’inquiètent que les syndicats recrutent des tra­vail­leurs·euses et perçoivent leur cotisation sans, par ailleurs, satisfaire leur revendication de salaires décents et de dignité sur le lieu de travail. Quelles que soient leur doute, les mi­li­tant·e·s de gauche dans ce nouveau mouvement de travailleurs.euses se sont profondément engagés à organiser les sa­la­rié·e·s afin qu’ils·elles aient une voix et un vote au sein d’un mouvement syndical démocratique.

     

    Dan La Botz

    Enseignant, écrivain et militant, membre de Solidarity (solidarity-us.org)?; éditeur de « Mexican Labor News » (ueinternational.org/MLNA), ainsi que co-éditeur de « New Politics » (http://newpol.org).

     

    Article écrit pour « solidaritéS » et traduit par notre rédaction

    http://www.solidarites.ch/journal/d/article/6068


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