• Grève des mineurs britannique de 1984-1985

    miners 84Les acteurs de la grève des mineurs britannique de 1984-1985 racontent : « C'était une guerre de classe »

     

    Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Des funérailles publiques pour une icône des privatisations, un paradoxe presque risible s'il n'était pas tragique pour des millions de familles ouvrières britanniques touchées depuis trente ans par le chômage, la précarité et l'abandon des autorités publiques.

     

    La presse communiste britannique, le Morning star, a décidé de parler ceux qui furent les protagonistes de la grève des mineurs de 1984-1985, une guerre contre un « ennemi de classe » représenté par Thatcher. Une vision des événements de l'autre côté de la barrière de classe.

     

    Ken Radford, survivant de la bataille d'Orgreave : « c'était une guerre de classe »

     

    Pour les mineurs britanniques, la « bataille d'Orgreave », cet affrontement sous forme de bataille rangée entre la police et les mineurs en grève des hauts-fourneaux du Yorkshire, cristallise à la fois les sentiments de fierté, de rage et d'amertume.

     

    Ken Radford a participé à la « Bataille », il raconte au Morning Star le sens de la défaite des mineurs aujourd'hui.

     

    En 1984 Ken était un jeune homme qui voulait « un salaire décent, de quoi manger sur la table et de meilleures conditions de vie. Je ne parle pas seulement pour ma famille, mais pour toute la communauté. ».

     

    « Je dois être honnête avec vous – la grève des mineurs, ce fut les 12 meilleurs mois de ma vie ».

     

    Je suis surpris. Ken avait été arrêté trois fois pendant la grève. Il était plus pauvre qu'il ne l'avait jamais été.

     

    Mais il décrit un sens de la solidarité et de la communauté qui compensait tout le reste. « Cela reste un des meilleurs Noël que j'ai vécu », dit-il pour sa famille. Les mineurs ont reçu de l'aide aux origines les plus improbables.

     

    « Ma femme a récupéré un manteau de fourrure. Moi, j'ai eu une vraie paire de chaussures en cuir italiennes ! », rappelle-t-il.

     

    L'aide venait de partout, et plus d'une fois sur deux, les mineurs n'arrivaient pas à comprendre les descriptions de la nourriture envoyée dans les paquets, ou des jeux que des sympathisants avaient envoyé à leurs enfants.

     

    A l'époque, Ken sentait qu'il luttait aux côtés de milliers comme lui pour essayer de donner à sa famille et à sa communauté un avenir. Il baisse la tête lorsqu'il lance : « nous aurions gagné si les jaunes n'avaient pas tout cassé ». Il ne parle toujours pas aux jaunes qui vivent encore dans le coin.

     

    Il se rappelle de la date, le 4 janvier 1994, où il avait pu entendre dans un reportage sur la quatrième chaîne que si les mineurs avaient tenu six semaines de plus, ils auraient battu « cette femme ». Ses yeux comme les miens étaient emplis de larmes.

     

    Je ramène à Orgreave, un souvenir mitigé : « Je me suis fait des bons amis » dit-il. « De bons souvenirs, j'ai rencontré Arthur Scargill [NdT : le leader national du syndicat des mineurs en 1984], j'ai serré sa main ».

     

    « Mais ce que ces bâtards nous ont fait. C'est profondément ancré, très profondément ancré en nous ».

     

    Ce 18 juin 1984, tout a changé. La police a accompagné les mineurs vers Orgreave, le sourire aux lèvres.

     

    « Ce jour-ci à Orgreave, tout était prévu » raconte Ken. « Ils ont emmené les gars là-bas, en nous disant : 'allez-là bas les gars, mettez-vous dans le champ là-bas'. Nous n'avions pas compris à l'époque ce qui allait se passé mais on a vite réalisé ».

     

    « Ils ont nous ont dérouillé. Vous avez vu les images, les gars en T-shirts. C'était effrayant. »

     

    « Ils ont bouclé le champ, il y avait plus de policiers qu'en temps normal et ils allaient en ville. Ils ont bloqué les entrées et les sorties. Tout à coup, ils ont sorti leurs boucliers et on a compris ce qui allait se passer. Ils étaient comme des animaux. »

     

    « J'avais beaucoup de respect pour la police auparavant, mais ce jour-ci j'aurais pu les tuer. Ils nous ont tué ».

     

    Ken a transporté son beau-père hémophile à travers le champ pour empêcher une hémorragie fatale.

     

    « C'était une guerre sur le champ, les rangs se sont ouverts et ce fut au tour de la cavalerie. Ils ont chargé ».

     

    « Je ne sais pas combien furent blessés – il y avait beaucoup de camarades couverts de sang. Cela ressemblait à un champ de bataille ».

     

    « Je luttait pour mon boulot, et c'était devenu une guerre de classe ».

     

    « Orgeave était une bataille de masse. Tout était orchestré est planifié », rappelle-t-il, faisant référence à la façon dont les médias ont inversé la suite des événements, donnant l'impression que les mineurs avaient commencé par attaqué les forces de police.

     

    Les emplois sont partis, et l'industrie minière et sidérurgique ont été réduites à peau de chagrin, massacrées par Thatcher.

     

    « Cela me tue de voir tous ces gens autour de moi dire : notre gamin n'a pas de boulot. Je ne sais pas ce qu'il va devenir quand nous serons plus là. Je leur dis : Luttez ! ».

     

    « Pour Thatcher et les gens de son espèce, on est de la merde. Ils nous regardent avec mépris et ça fait mal. Nous sommes pareil sauf qu'ils ont l'argent et ils pensent qu'ils sont meilleurs que moi. C'est pas le cas. »

     

    « Ils nous parlent du comportement anti-social de nos jeunes », remarque-t-il. « C'est l'héritage de Thatcher – l’héritage qu'elle a laissé à des quartiers sans avenir, sans espoir ».

     

    Evoquant ces enfants, au chômage ou précaires, le sort de tant de jeunes britanniques, il enrage :

     

    « Comment ce putain de pays peut supporter cela ? », demande Ken. « Comment la classe ouvrière peut supporter cela ? Vous pensez que je m'en fous ? Je pourrais parler et parler encore tellement cela me frustre. »

     

    Je lui demandai combien de ces amis pensant la même chose : « Pas beaucoup. Je pense qu'ils se sont résignés que ce pays n'allait pas résister. Ca fait mal au cœur ».

     

    C'est aussi est l'héritage de Thatcher. Nos funérailles également.

     

    Davey Hopper, leader du syndicat des mineurs du Nord-est

     

    Davey Hopper est le secrétaire-général du Syndicat des mineurs (NUM) de la région nord-est de l'Angleterre et il est le président de l'Association des mineurs de Durham. Il a été impliqué dans la grève, assistant à une répression atteignant des niveaux sans précédent.

     

    La description que Thatcher faisait des mineurs, dont la seule récompense pour l'extraction du charbon était une paye modeste, une vie sous terre pleine de dangers, et souvent une mort prématurée, était celle d'un « ennemi de l'intérieur ».

     

    Hopper en garde toujours des « souvenirs très amers ». C'était « une grève honorable. Ce n'était pas une question de gain ou d'argent. C'était juste une histoire de travail et d'assurer un avenir à nos communautés et à nos enfants » rappelle-t-il.

     

    Mais le gouvernement a essayé d'écraser le syndicat des mineurs, souvent perçu comme l’avant-garde du mouvement ouvrier britannique.

     

    « Thatcher a formé des forces de police auxquelles elle a donné une totale liberté de manœuvre. Aucun policier pendant ces 12 mois n'a été poursuivi pour faits de violence alors qu'il existe des millions d'exemples de mal-traitements subis par les mineurs ».

     

    « Ils ont fabriqué des preuves à Orgreave pour tenter d'emprisonner les mineurs sous prétexte d'incitations à l'émeute. C'étaient les forces de police les plus corrompues qu'ait connu notre pays, et tout cela Thatcher l'a rendu possible ».

     

    Aujourd'hui, Durham, connu autrefois pour sa solidarité, son entraide, est dévasté par le chômage et le désespoir :

     

    « Elle a introduit des changements dramatiques dans la façon dont nos communautés vivent. Désormais, nous sommes gangrenés par les problèmes sociaux », déclare tristement Hopper.

     

    « Nos jeunes ont été abandonnés, avec tous les comportements anti-sociaux possibles, les drogues. Certains avaient acheté leurs maisons, mais ils n'ont pas tenu longtemps, ils ont été expulsés. La situation est vraiment dramatique, horrible. Ces communauté ont eu leur cœur arraché par cette femme sans cœur ».

     

    Alors quand il a eu la nouvelle de la mort de Thatcher, pour son 70 ème anniversaire, sa réponse est sans équivoque : « J'étais ravi », dit-il.

     

    « J'étais heureux de voir la disparition de cette femme en raison de tous les dégâts qu'elle a fait à notre industrie, à nos quartiers ».

     

    A ceux qui demandent le respect pour la défunte, Hopper s'insurge :

     

    « Montrer du respect ? Je pense que vous devriez sérieusement jeter un coup d’œil à ce que représente la famille Thatcher. »

     

    « Son fils a réalisé un trafic d'armes à hauteur de 18 millions de £ avec l'Afrique, semant le chaos sur des personnes innocentes, perpétuant la guerre civile. Sa fille surnommait les noirs de 'golliwog' [NdT : poupée noire de chiffon représentative de l'imaginaire colonial britannique vis-à-vis des populations africaines]. Ces gens ne méritent pas de respect pour la perte de leur mère, et on ne va certainement pas leur en donner », affirme-t-il.

     

    « On va boire un coup pour fêter cela. On va se faire une belle fête pour marquer le départ d'une femme qui a fait plus de mal aux communautés minières du Nord-est qu'Adolf Hitler ».


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