• Grèce : où en sont les cobayes de l'austérité germano-bruxelloise

    Grèce : où en sont les cobayes de l'austérité germano-bruxelloise

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    Depuis près de 3 ans le suspens grec se poursuit, faillite ou pas, banqueroute ou pas ? Pour les Grecs c'est un thriller à rebondissements, bien voter ou sortir de l'Euro et perdre sa retraite, ses écoles, ses hôpitaux, accepter l'austérité ou se voir rejeter... chaque mesure, avant d'être adoptée ou non, est discutée pendant des semaines et, chaque jour, on se demande en ouvrant le journal, de combien diminuera sa retraite ou son salaire, augmentera son ticket de tram, son électricité, ses impôts... annonces, contrordres, bruits qui courent, de quoi entretenir l'angoisse permanente. 


    Déficit public élevé, dette abyssale, réformes indispensables, tel était le diagnostic, appliqué/conseillé par la suite à l'Irlande, au Portugal, à l'Italie, à l'Espagne et ... à la France. Les Grecs ont vécu les premiers l'austérité germano-bruxelloise. Que sont devenus ces cobayes ? il serait temps peut-être de le savoir. Baisse du niveau de vie, multiplication des soupes populaires, recours à Médecins du Monde, augmentation des suicides, chômage à près de 25%, émigration, ces effets ont déjà été commentés. Et le reste ?


    La dette publique grecque, évaluée à 113 % du PIB à la fin de 2009, 145 % en mars 2011, 158 % du PIB fin 2011, atteint plus de 170 % en 2012 malgré l'abandon d'une partie des créances privées (107 milliards d?euros sur un total de 350). Les Grecs n'ont-ils rien fait ? Au contraire ! Le déficit " primaire " de l'État avant paiement des intérêts de la dette s'élevait en 2009 à 18,547 milliards d'euros, en 2010 à 8,234 mds €, en 2011, à 5,378 mds €. Une baisse considérable, mais la dette exprimée en % d'un PIB qui ne cesse de diminuer (20% en 4 ans) résiste ! 


    Ce qui risque de ne pas résister, c'est la population et la démocratie grecques ! La réduction des déficits s'est faite par la réduction violente des dépenses, car les recettes stagnent avec la récession malgré les hausses des impôts. Diminution des salaires et des retraites (entre 20 et 25% officiellement), multiplication des contrats personnels passés entre l'employeur et l'employé à des conditions bien en retrait sur les précédentes, droit du patron à renégocier un CDI en CDD, licenciements, diminution des droits acquis, tout cela a provoqué une restriction de la consommation, touchant tous les secteurs. Baisse des loyers, fermeture des commerces, effondrement des secteurs du bâtiment et du commerce automobile, dettes impossibles à payer, départ de certaines entreprises étrangères, tout concourt à accentuer la récession, dans une Europe elle-même en récession. Le risque d'une sortie de l'Euro et l'incertitude fiscale effrayent même ceux que la baisse des salaires pourrait attirer. 


    Ces mêmes mesures ont contribué à affaiblir un État que l'UE voulait plus efficace. Les gouvernements ont perdu le peu de crédibilité qui leur restait, puisque chacun sait qu'ils ne font qu'appliquer des directives extérieures et qu'ils ne savent pas lutter contre la fraude fiscale des plus riches ; les économies cassent l'école, le système de santé et bien des services publics, contribuant à détacher la population de son État. La Grèce avance vers un état " d'anomie " : violences dans les manifestations, mouvement " Je ne paye pas ", agressions d'hommes politiques dans la rue, troubles de la commémoration de la fête nationale, augmentation du nombre des salariés non déclarés ou mis en " faux chômage " par leur entreprise, contrôles fiscaux qui montrent l'étendue des fraudes dans toutes les élites libérales et les montants investis par des Grecs dans l'immobilier londonien, manifestations quotidiennes dans les rues d'Athènes, agitation permanente des universités, tabassage d'immigrés par les milices d'extrême-droite, illégalités multiples des Forces de Sécurité... Tout le monde s'habitue ou se résigne. 


    Les progrès de l'Aube Dorée sont l'un des signes inquiétants de cette crise profonde. Le parti, encouragé par ses succès électoraux, fait désormais étalage de son admiration pour le nazisme, la supériorité de la race blanche, le rejet des étrangers et du parlementarisme... Il ne se contente plus d'aides sociales (distributions alimentaires dans les quartiers pauvres " grecs "), il organise des fêtes, des cours d'histoire revue à sa façon, il crée sa police, ses pompiers... Aux agressions contre les étrangers, afghans et pakistanais en priorité ( moins de 11 millions d'habitants dont un million d'étrangers " légaux " et environ un autre million d'illégaux, des groupes entiers d'étrangers couchés dans les rues du centre d'Athènes ou au port de Patras cherchant à rejoindre l'ouest de l'UE), contre leurs commerces, illégaux ou non, ses milices ajoutent des actions contre des Grecs, députés de gauche, militants d'associations diverses...

     

    Ses députés n'hésitent pas à participer, menacer, défiler, faire le coup de poing... plus de 500 cas d'agressions racistes dans les 6 premiers mois de 2012 à Athènes. La police brille par ses arrivées tardives et une inefficacité exceptionnelle : malgré les plaintes, pas d'arrestation ! Des enquêtes sur les résultats électoraux du centre d'Athènes ont permis d'estimer à la moitié des policiers le vote Aube Dorée (25 % dans le pays). Un député a même pu profiter des troubles en cours pour ouvrir la porte du fourgon de police aux personnes arrêtées ! Les autres politiques ne protestent guère quand le parti demande l'expulsion des enfants étrangers des écoles primaires (le ministère de l'Éducation demande même des statistiques sur le sujet) et ils laissent injurier impunément un collègue, héros de la Résistance. 


    La crise politique renvoie à une crise socio-culturelle profonde. Montée des inégalités et aggravation de la pauvreté, mise en doute des repères identitaires... L'avenir du pays et de sa culture semble en danger : 55 % de jeunes, de jeunes diplômés, au chômage poussés à l'émigration, alors même que depuis de nombreuses années la mortalité est supérieure à la natalité, que la population de la Grèce a diminué entre 2001 et 2011 malgré une forte immigration. Qui " sauvera " la culture grecque si la génération future est décimée tandis que l'école voit crédits et personnel se réduire, si les musées, faute de personnel, ferment des salles, si chantiers archéologiques et musées (aussi célèbres que celui d'Olympie ou la Pinacothèque d'Athènes) sont pillés faute de gardiens ? Pour un État qui a trouvé dans son histoire la reconnaissance internationale, quelle image que celle d'un groupe de paresseux corrompus, réduit à vendre ses îles ? Désertes, oui, mais en accorder la propriété à des étrangers, même pour un temps limité, est une pratique humiliante insupportable. 


    Violence contre soi (suicide) ou contre " le système " ? Une partie de l'opinion se replie sur le souvenir d'un passé enjolivé, un monde rural solidaire, grec orthodoxe, où la Grèce, même pauvre, était respectée pour ses valeurs antiques. La presse chaque jour résonne de provocations qui peuvent mettre le feu aux poudres : pour économiser les fonds publics, il vaudrait mieux vider de leurs habitants les îles de moins de 150 résidents (un choc moral inimaginable !), le gel des ventes aux enchères des logements pour dettes pourrait être levé à la fin 2012, ce qui signifierait la vente de leur habitation pour 132 000 propriétaires ! L'explosion menace. 


    Voilà ce que disent les cobayes ! L'économie oublie l'homme.

     

    L'Express

    http://www.mleray.info/article-grece-ou-en-sont-les-cobayes-de-l-austerite-germano-bruxelloise-112386220.html 


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