• Grèce : "on se chauffe au bois, les conventions collectives ont été abolies"

    Grèce : "on se chauffe au bois, les conventions collectives ont été abolies"

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    François Hollande se déplace mardi en Grèce, dans un pays ravagé par l'austérité : coupes claires dans les salaires, souvent divisés par deux dans le privé, chômage qui touche officiellement 27% de la population, chute du PIB de 6% sur un an.

     

    Sur la vie quotidienne en Grèce, nous avons interviewé Panagiotis Grigoriou, 46 ans, anthropologue et historien au chômage, qui tient un blog sur la crise grecque. Cet Athénien qui connaît bien la France, publie cette année Le cheval des troïkans chez Fayard.

     

    Qu'est-ce qui s'est dégradé le plus, dans la vie quotidienne en Grèce ?

     

    Ce qui s'est dégradé le plus, c'est la vie économique, l'existence réelle de ceux qui travaillent, salariés comme entrepreneurs. C'est visible à l'oeil nu à Athènes, un tiers des boutiques a fermé. Il n'y a pas un seul foyer sans chômeurs. Pour ceux qui restent actifs, il y a une baisse des revenus entre 30 et 50%. On a aujourd'hui près de 30% de chômage officiel et, ce qui fait le plus mal, quasiment 60% pour les jeunes.

     

    L'ensemble des conventions collectives a été aboli. J'ai un ami journaliste qui travaillait dans un quotidien pour 1900 euros par mois. Il a été licencié, a retrouvé un travail identique pour 1000 euros net. Les salaires dans le privé ont souvent été divisés par deux, en revanche tout a augmenté : les taxis, les cafés, l'imposition, qui a doublé ou triplé.

     

    Qu'est-ce qui change concrètement, dans la vie grecque ?

     

    C'est un changement de civilisation, c'est comme une entrée en guerre. Nous n'avons plus la maîtrise du temps. La plupart des gens, par exemple, ne programment plus de voyage, ne font plus de projet, On est dans la survie. La deuxième chose, c'est le changement de modèle, un régime d'austérité sans précédent pour la majorité d'entre nous.

     

    Changement, par exemple, de mode de chauffage : beaucoup de Grecs se chauffent désormais au bois, qu'ils se procurent de toutes les façons. Ils vont dans la forêt couper du bois de manière sauvage. Parfois ils brûlent tout et n'importe quoi. Du coup, il y a à Athènes une sorte de smog londonien, surtout le soir quand il n'y a pas de vent.

     

    Autre signe visible : la disparition des embouteillages, avec la disparition d'un demi-million de véhicules en trois ans, dont les propriétaires ont déposé les plaques à la préfecture, parce qu'ils ne pouvaient plus faire face au prix des vignettes et à celui de l'essence, qui a quasi-doublé en trois ans. Le prix du fuel domestique, lui, a triplé. On voit enfin des gens qui fouillent dans les poubelles, y compris dans les beaux quartiers.

     

    Et la santé ?

     

    Le système de santé est en train de s'effondrer. Un tiers des Grecs qui travaillent n'ont pas de couverture sociale. Je n'ai pas de couverture sociale. Du coup, on essaie de faire plus attention. Il y a de plus en plus de dispensaires gratuits, sous l'égide des municipalités, pour soigner les gens.

     

    En outre, il y a des milliers de médecins grecs qui quittent le pays, parce qu'ils gagnent moins de 1500 euros par mois, et qu'ils sont trop imposés. Il est donc de plus en plus difficile de se faire soigner. De manière générale, les gens les plus qualifiés partent, vers l'Allemagne, vers les pays d'Union européenne qui se portent bien, ou ailleurs. Jusqu'en Chine pour fonder des start-up.

     

    Il vous reste le soleil et la mer ?

     

    Même ça c'est cher. Prendre le ferry pour aller sur une île à deux personnes avec un véhicule, ça coûte dans les 400 euros. Ceux qui se sont acheté des résidences secondaires n'ont pas toujours les moyens d'y aller. Les gens s'enferment chez eux, les liens sociaux ne sont plus les mêmes.

     

    Quelque chose de positif à sauver quand même ?

     

     

    Ce qui est positif, c'est que ça révèle une solidarité. Pas seulement la solidarité organique, familiale des pays du sud, mais des solidarités actives au sein de l'entreprise ou de l'immeuble, avec un message politique. La défiance atteint 87% vis-à-vis de la classe politique, selon un sondage que j'ai lu hier, et elle est d'autant plus vive que la Grèce n'est plus un pays, mais un territoire géré par l'Union européenne. Mais les gens commencent à imaginer autre chose.

     

    -> Panagiotis Grigoriou publiera en 2013  Le cheval des troïkans (Fayard). En attendant, il fait le récit de la vie quotidienne en Grèce sur son blog Greek crisis.

     

    Par Anne Brigaudeau, journaliste à France tv info 

    http://comite-pour-une-nouvelle-resistance.over-blog.com/


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