• Expulsée cinq jours avant la trêve hivernale

    A partir de ce soir 21 heures, et jusqu’au 15 mars 2012, il est interdit d’expulser un locataire de son logement en France. Cette date fatidique du 31 octobre, Chantal Fauvette la connaissait. Peu s’en fallut pour qu’elle passe l’hiver chez elle avec sa fille cadette de 19 ans : cinq jours. Cela s'est déroulé mercredi dernier, au 223 de la rue de Stalingrad, à Saint-Pierre-des-Corps : un huissier, accompagné d’un policier en civil, d’un serrurier et d’une équipe de déménageurs, est venu frapper à sa porte du 3e étage. L’opération a duré environ trois heures. La présence sur place d’élus locaux et de militants associatifs opposés à ce type de procédure n’y a rien changé. Chantal Fauvette devait 2933,41 euros au bailleur social ICF Atlantique, soit l’équivalent de treize mois de loyers impayés. "J’ai mes torts, je le reconnais, dit-elle, mais ce n’est pas une raison d’être traités comme des chiens. Nous virer comme ça, à quelques jours de la trêve hivernale, c’est la honte. Ils se sont empressés de nous mettre dehors. Je n’ai été informée de leur venue que quelques jours avant. On n’a pas eu le temps de se retourner. " Et encore moins de prendre conscience de ce qui allait se passer : "On n’y a pas cru, c’est vrai", ajoute-t-elle.

    Chantal Fauvette, dans le hall de son ancien immeuble.© Antonin Sabot / LeMonde.fr

    Le drame de Chantal Fauvette, 46 ans, se lit dans les replis d’une existence dont le tournant est un divorce en 1996. Son mari la quitte cette année-là en lui laissant ses trois enfants et l'appartement familial du boulevard Thiers, dans le centre-ville de Tours. Elle exerce alors "tous les métiers du monde" pour joindre les deux bouts (gardienne d’immeuble, femme de ménage…), connaît des problèmes de santé, doit s’arrêter de travailler, puis déménage en 2003 à Saint-Pierre-des-Corps dans un type-5 appartenant au même bailleur mais au loyer moins cher. Celui-ci s’élevait ces derniers temps à 211 euros par mois, une fois retirée l’Aide personnalisée au logement (APL) qu’elle reçoit de la CAF. Bénéficiaire du RSA et d’une pension mensuelle de 80 euros de la part de son ancien mari, Chantal Fauvette a commencé à ne plus payer son loyer en 2009 : "J’ai préféré donner à manger à mes enfants", explique-t-elle.

    Débute alors la spirale des lettres recommandées, des plans de redressement personnel, des demandes d’effacement de dettes et des convocations au tribunal. En juillet, alors que le tribunal d’instance de Tours ordonne provisoirement la suspension de la mesure d’expulsion qui pèse sur elle, une lecture erronée d'un document lui fait croire qu'elle a un répit "d'un an". La réalité l’a finalement rattrapée mercredi dernier à 14 h 30 quand le camion d’une entreprise de déménagement est apparu au coin de la rue.

    L'immeuble dans lequel résidaient Chantal Fauvette et sa fille. © Antonin Sabot / LeMonde.fr

    Dans son malheur, Chantal Fauvette a de la chance. Alors que ses effets auraient dû rejoindre un garde-meuble dont le coût aurait été à sa charge (115 euros par trimestre), l’huissier lui "a fait une fleur" en les laissant dans l’appartement vide pendant un mois et demi. C’est le temps qu’il lui reste pour retrouver un toit. En attendant, elle est hébergée par sa fille aînée et son mari à dix kilomètres de là. "Je me sens coupable envers eux, confie-t-elle. J’ai l’impression d’être un boulet et je vois bien que j’embête tout le monde." Ses démarches auprès de l’Opac ou de l’Entraide ouvrière sont trop récentes pour avoir donné quelque chose. "Il nous faut un domicile. On ne peut pas vivre comme ça", appuie-t-elle. Sa fille cadette a, elle, trouvé refuge chez les parents de son petit ami, lesquels ont également récupéré les six chats de la maisonnée.

    Quand elle repense à cette funeste après-midi du 26 octobre, Chantal Fauvette revoit "un film" et un cauchemar dont "on ne se réveille pas". Consciente de sa responsabilité – elle aurait dû emménager dans un appartement plus petit il y a déjà longtemps - elle se souvient surtout du moment où elle a été raccompagnée au bas de son immeuble avec ses sacs de supermarché bourrés de vêtements. "Ils m’ont foutue dehors de chez moi et moi… je leur ai dit merci."

    -Pourquoi ?, lui demande-t-on.

    -Pour être correct. Ces gens-là, ils sont plus hauts que moi."

    http://saintpierredescorps.blog.lemonde.fr


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :