• Europe: les 27 installent les mécanismes de l’austérité

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    Bruxelles, envoyé spécial. Le Conseil européen a adopté le Pacte pour l’euro, ainsi que le mécanisme européen de stabilité, non sans difficulté. Les dirigeants européens tentent de contourner le refus des peuples de payer pour une crise qu’ils n’ont pas causée.

    Les chefs d’États et de gouvernement ont atteint leur objectif hier à Bruxelles : trouver le moyen d’imposer l’austérité. Pour ce, l’Union européenne (UE) va donc mettre en place un Mécanisme européen de stabilité (MES), censé sauver la zone euro. Ce Mécanisme sera accompagné d’un Pacte pour l’euro, chargé de faire appliquer l’austérité salariale et budgétaire.

    Le MES doit rendre pérenne le Fonds européen de stabilité financière (FESF), instauré l’an dernier pour venir en aide aux pays surendettés. Par exemple, l’Irlande y a déjà eu recours. Le Mécanisme prêtera à un taux réduit (entre 4 et 6%) aux États en difficulté. 620 milliards d’euros seront levés sur les marchés financiers. Mais pour ce, les autres pays doivent avancer une partie du capital : 80 autres milliards. En arrivant au sommet, les Vingt-Sept ignoraient si un accord pourrait être trouvé, certains pays trouvant l’addition trop salée.

    • Les 27 rechignent à remettre au pot

    La Finlande rechignait à mettre la main au pot. Ce pays mène depuis les années 1990 une politique budgétaire restrictive, et l’extrême-droite menace de devancer le parti de droite au pouvoir lors des élections législatives du 17 avril. Quant à l’Allemagne, qui devrait verser 22 milliards d’euros, elle souhaitait étaler les paiements en cinq tranches au lieu des trois convenues par les ministres des Finances en début de semaine. La chancelière allemande Angela Merkel doit affronter des élections dimanche dans le plus gros Land, le Bade-Wurtemberg. Elle est donc obtenir du Conseil un allègement de la note du contribuable allemand. Et verser les deux dernières tranches après les élections parlementaires de 2013, où le gouvernement de droite pourrait être mis en difficulté.

    Car c’est bien là que cela bloquait, jeudi et vendredi à Bruxelles : comment faire accepter aux peuples que c’est à eux de payer la note d’une crise dont ils ne sont pas responsables. Dans les pays dégageant des excédents commerciaux, une droite démagogique flatte la « bonne gestion » de leur nation comparée à celle des « Piigs » (« cochon » en anglais, pour Portugal, Italie, Irlande, Grèce, Espagne), trop dépensiers, et dit que ce n’est pas à eux de payer. On observe ce phénomène en Slovaquie, en Allemagne.

    • Contestations populaires face à la casse sociale

    Dans les autres pays, dont la dette explose sous la pression conjuguée de la crise et des marchés financiers qui font augmenter les taux d’intérêts, les gouvernements peinent à faire accepter à leur population les « sacrifices » censés assainir les dépenses publiques. Le sommet s’est ouvert jeudi avec la démission, la veille, du premier ministre socialiste portugais, José Socrates. Ce dernier a échoué à obtenir les voix de la droite pour faire adopter son quatrième plan d’austérité en un an. Les taux d’intérêts de la dette portugaise ont été au plus haut cette semaine, tutoyant presque les 7,8%. Dans ce pays, la politique de casse sociale a rencontré une vive contestation populaire. Des dizaines de milliers de jeunes ont protesté contre la précarité, spontanément à l’appel d’internautes le 12 mars. Le 19 mars, c’est la Confédération générale des travailleurs portugais qui organisait une grève générale très suivie. Par ailleurs, fin février, le gouvernement irlandais de Brian Cowen, qui avait donné des garanties à Bruxelles d’une politique d’austérité budgétaire pour accéder aux subsides du Fonds européen de stabilisation financière, a été balayé par les urnes. Le nouveau gouvernement de centre-gauche, mené par Enda Kenny, réclame une renégociation des termes du contrat.

    Lors du début de la crise, en 2008, les États-membres ont déversé des milliards d’euros pour relancer la croissance et assurer le fonctionnement d’un système bancaire perclus de dette. Depuis lors, ils n’ont de cesse d’examiner les moyens d’imposer aux peuples une politique qui respecte l’avidité des marchés financiers. Le Conseil européen de cette semaine en est, en quelque sorte, l’aboutissement, en créant deux nouvelles choses, le Mécanisme européen de stabilité (MES) et le « Pacte pour l’euro ».

    Le Mécanisme est à destination des pays endettés. Il consiste à prêter à ces Etats à des taux entre 4 et 6%, soit moins que le rendement exigé par les marchés. Cela ne veut pas dire que les demandes des marchés ne soient pas respectées. Au contraire. En échange, les gouvernements s’engagent à réduire leur dépense publique et à hausser les recettes notamment par une augmentation de la fiscalité sur la consommation qui touche les plus démunis. Ainsi, lors du Conseil européen du 11 mars, pour obtenir une baisse des taux d’intérêts auxquels le FESF prête à la Grèce, George Papandreou, premier ministre grec a dû annoncer la privatisation (pudiquement appelée « dénationalisation ») de 50 milliards d’euros d’actifs de l’Etat grec. La vente des bijoux de famille.

    • Empêcher les peuples de se déterminer

    Le Pacte pour l’euro concerne, lui, tous les pays adhérant à la monnaie unique. Il a la même finalité : empêcher que les parlements nationaux et les peuples soient consultés sur la nature des politiques à mener. « Je suis heureux aujourd’hui que six collègues de pays non membres de la zone euro ont annoncé qu’ils rejoignent le Pacte pour l’euro », a annoncé Herman Van Rompuy. Le Danemark, la Lituanie, la Lettonie, la Roumanie, la Pologne et la Bulgarie pensent que leur adhésion à ce programme va « rassurer les marchés », qu’ils vont pouvoir continuer à financer leur dette publique à taux bas. Que prévoit ce pacte ? La stricte application de la limitation des déficits publics. Cela passe par deux moyens : une amende quand les pays dépassent les seuils de 3% du PIB de déficit public et de 60% du PIB de dette publique ; l’inscription dans les législations nationales de cette limitation. En France cela se traduit par la proposition gouvernementale d’une loi cadre d’au moins trois ans. Les budgets votés chaque année devront les respecter, faute de quoi, ils seront censurés par le Conseil constitutionnel. La droite espère ainsi voter une loi cadre avant son départ en 2012, pour empêcher la gauche d’avoir les mains libres en cas de retour au pouvoir.

    Le pacte ne se limite pas à la diminution des déficits. Il impose également l’austérité salariale. Et là, ce sont les recettes qui ont échoué qui sont appliquées. Les salaires ne pourront augmenter plus vite que la productivité ; et le marché du travail sera plus flexible. La modération salariale a été appliquée en Allemagne depuis dix ans, entraînant une baisse de la demande intérieure qui a freiné la croissance non seulement outre-Rhin, mais dans l’Europe entière. Quant à la précarité du travail, elle a été la norme en Europe du Sud et c’est maintenant ces pays qui rencontrent les plus graves problèmes pour financer leur dette publique.

    • Les syndicats se mobilisent

    Pour autant, la messe n’est pas dite. Dans toute l’Europe, les syndicats, qui ont rassemblé 30.000 personnes dans deux manifestations jeudi à Bruxelles, sont défavorables au « pacte pour l’euro ». Une partie des socialistes européens également, ce qui n’était pas le cas en 2005, lors de la campagne pour le non au Traité constitutionnel européen. Le 9 avril, la Confédération européenne des syndicats (CES) organise d’ores et déjà une euromanifestation en Hongrie, à Budapest contre l’austérité. Et pour créer le Mécanisme européen de stabilité, il faut en passer par un nouveau traité. Lors d’une conférence de presse du Parti de la gauche européenne (PGE), le grec Aleksis Tsipras réclamait que tous les peuples européens soient consultés, par référendum, sur les mesures qui leurs sont imposées. En France, c’est au Parlement de se prononcer, l’occasion de mettre la pression sur la représentation nationale.

    A lire: Pacte pour l'Euro: des syndicats outrés

    A lire: Le pacte pour l'Euro, une reconstruction européenne?

    Gaël de Santis


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