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    Mario Draghi, ancien Président de Goldman Sachs Europe, prend aujourd'hui la présidence de la Banque centrale européenne. Il présidait la banque d'affaires américaine au moment où celle-ci, dans les années 2000, aidait la Grèce à maquiller ses comptes publics. Son rôle va être de préserver les intérêts des banques dans l'actuelle crise européenne.
     
    On pouvait jusqu'ici s'interroger sur les raisons qui poussaient la BCE et Jean-Claude Trichet à s'opposer de façon virulente – y compris face à la chancelière allemande – à toute idée d'une quelconque restructuration de la dette grecque.
    Cette attitude semblait incompréhensible puisque tous les analystes, y compris les économistes des banques, s'accordent à considérer que la Grèce ne pourra pas assurer le service de sa dette dans les actuelles conditions contractuelles. Un rééchelonnement, voire une annulation partielle semblent de l'avis général inévitable. Vouloir retarder l'échéance ne fait qu'aggraver les dégâts économiques et sociaux provoqués par les plans d'austérité brutaux et impopulaires imposés aux Grecs.
     
    Le nomination de M. Draghi clarifie donc les choses. La BCE défend non pas l'intérêt des citoyens et contribuables européens, mais l'intérêt des banques. Une étude britannique citée hier par Les Echos a le mérite de quantifier clairement le processus en cours. Cette étude indique que grâce aux « plans de sauvetage » de la Grèce et au « mécanisme européen de stabilité » mis en place par la BCE, le FMI et l'Union, « la part de dette hellénique aux mains des contribuables étrangers passera de 26 % à 64 % en 2014. Cela veut dire que l'exposition de chaque foyer de la zone euro va passer de 535 euros aujourd'hui à 1.450 euros ».
     
    Le « sauvetage » de la Grèce est donc en fait une gigantesque opération de socialisation des pertes du système bancaire. Il s'agit de transférer l'essentiel de la dette grecque – mais aussi espagnole et irlandaise – des mains des banquiers vers celles des contribuables. Il sera ensuite possible de faire assumer les frais de l'inévitable restructuration de ces dettes par les budgets publics européens.
    Comme le disent les Indignés espagnols, « ce n'est pas une crise, c'est une escroquerie ! ». Le Parlement européen a voté hier le « paquet gouvernance » qui réforme le pacte de stabilité en renforçant les contraintes sur les budgets nationaux et les sanctions contre les pays en infraction. Le Conseil européen réuni aujourd'hui et demain va parachever le travail. Et ce n'est pas la prochaine nomination de Christine Lagarde à la tête du FMI qui réduira l'emprise des banques sur les institutions financières internationales, bien au contraire.
     
    Heureusement les résistances sociales et citoyennes vont croissant dans toute l'Europe. Gouverner pour les peuples ou pour la finance ? La réponse est aujourd'hui claire: il va falloir que les peuples européens reprennent la main, pour construire ensemble une autre Europe.
     

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  • Parti Communiste Français

    Mario Braghi (à gauche) prendra la place de Jean-Claude Trichet. (Reuters)   

    Les dirigeants de l'Union européenne (UE) ont nommé l'Italien Mario Draghi au poste de président de la Banque centrale européenne (BCE), a annoncé vendredi à la mi-journée le président de l'UE, Herman Van Rompuy. L'actuel gouverneur de la Banque d'Italie prendra le fauteuil du Français Jean-Claude Trichet au 1er novembre 2011.

    Les derniers obstacles à la nomination de l'Italien Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne (BCE) ont été levés. Le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, a confirmé, via son Twitter, qu'un accord avait été trouvé entre les dirigeants des Vingt-sept sur la candidature de l'actuel gouverneur de la Banque d'Italie, déjà adoubé par les ministres des Finances de la zone euro. Agé de 63 ans, il succèdera à partir du 1er novembre au Français Jean-Claude Trichet, qui a passé huit ans à la tête de l'institution européenne. Son mandat prendra fin le 31 octobre 2019.

    Initialement programmée jeudi, lors de l'ouverture du Conseil européen, sa nomination avait été reportée en raison d'un dernier obstacle. La France contestait en effet la présence de deux Italiens au sein de l'institution monétaire, en s'appuyant sur la règle non écrite selon laquelle le directoire de la BCE est composé d'un représentant de chacun des quatre grands pays de la zone euro.

    Deux Italiens, un de trop?

    Or, avec la nomination de Mario Draghi à la place de Jean-Claude Trichet et la présence d'un autre Italien, Lorenzo Bini Smaghi, au sein du directoire de la BCE, la France n'a plus de siège au sein de la Banque européenne. Selon un accord tacite passé en avril dernier entre Paris et Rome, l'Italie devait demander à Lorenzo Bini Smaghi de démissionner, pour laisser sa place à un Français.

    Mais le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, avait formulé cet engagement sans avertir le principal intéressé, dont le mandat de huit ans court jusqu'en 2013. Dans un discours prononcé la semaine dernière, Lorenzo Bini Smaghi avait vivement critiqué les tentatives d'ingérence politique dans le fonctionnement de la BCE, insistant sur l'indépendance de ses membres. Mais selon plusieurs sources diplomatiques citées vendredi par l'agence de presse Reuters, il s'est engagé à quitter ses fonctions d'ici au 1er novembre, après avoir discuté au téléphone avec Herman Van Rompuy. La chancelière allemande, Angela Merkel, l'a confirmé. Le poste devrait donc revenir à un Français. Lorenzo Bini Smaghi, lui, pourrait récupérer le fauteuil de gouverneur de la Banque centrale d'Italie.


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  • Lundi matin, le patron du FMI, John Lipsky, a pris son stylo, et il a corrigé la déclaration finale de l’Eurogroupe ! 

    Parti Communiste Français

    Qui commande en Europe ?

    Réponse : ce ne sont pas les Européens qui commandent en Europe.

    C’est John Lipsky !

    Lundi 20 juin, au petit matin, le patron du FMI, John Lipsky, s’empare du stylo et corrige la déclaration finale de l’Eurogroupe !

    Lisez cet article :

    Washington est de plus en plus inquiet de la situation à Athènes et des divisions européennes. Les Américains s’appuient sur le FMI pour durcir les conditions d’aide aux pays exsangues financièrement.

    Dans la tempête grecque, la galère de l’euro embarque un 18ème passager. Il n’a rien d’un clandestin, il lui arrive même de vouloir prendre les commandes. Les États-Unis sont aussi inquiets d’un naufrage de la Grèce que le Vieux Continent. Ils n’ont cessé d’imprimer leur tempo ces derniers jours pour forcer l’équipage européen à se ressaisir.

    À Luxembourg, lieu depuis dimanche d’un énième ballet ministériel d’urgence, l’effort américain s’est trouvé une figure de proue : John Lipsky, patron par intérim du FMI depuis la démission de Dominique Strauss-Kahn. Lundi, au petit matin, on l’a même vu s’emparer du stylo et aider à corriger de ce qui allait devenir la déclaration finale de l’Eurogroupe, d’après plusieurs témoins.

     La suite sur http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/06/20/04016-20110620ARTFIG00785-grece-les-etats-unis-pressent-l-europe-d-agir.php

     

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article118360

     


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    L’ISF très allégé, c’est adopté 

    C’est voté, avec une petite centaine de voix d’avance à l’Assemblée, le projet d’allègement de l’ISF est passé. Dans un même mouvement, le bouclier fiscal est abrogé, voté par la gauche comme la droite, à l’unanimité.

    Le texte voté est quasi identique au projet précédemment décrit. Il allège donc clairement l’ISF. Il prévoit que l'impôt ne s'applique désormais qu’aux patrimoines supérieurs ou égaux à 1,3 million d'euros, contre 800.000 euros jusqu'à présent. 300 000 contribuables ne le paieront donc plus. Au-dessus du nouveau seuil, il fixe un taux d'imposition de 0,25% pour les patrimoines compris entre 1,3 million et trois millions d'euros et de 0,5% au-delà. Allègement qui représente un manque à gagner pour l’Etat de 1,6 milliards d’euros.

    Petite nouveauté du texte adopté, et comme la vie est dure pour les familles riches, mais nombreuses, une nouvelle disposition prévoie que les assujettis à l'ISF pourront déduire 300 euros par personnes.

    L’abrogation du bouclier fiscal n’a pas fait débat et a été voté par tous, mais fonctionnera encore en 2012 et 2013. Le tout devrait passer au Sénat le 21 juin prochain.

    Pour mieux se rendre compte des effets de la réforme de l’ISF, voici les « économies » que vont réaliser Liliane Bettancourt et François Pinault. La réforme en détail : Bonne fortune pour les gros contribuables de l’ISF L’explication de comment l’impôt sur le revenu est devenu dénaturé par les réformes

     

     

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  • Tandis que les dirigeants US se demandent avec quelle lenteur ils vont retirer leurs troupes d’Afghanistan – et débattent pour décider s’il faut ou non se retirer de l’Irak d’ici la fin de l’année – une nouvelle alliance de pays asiatiques est en train de remplir le vide laissé par l’Empire US en déclin. D’ici mi-juin, l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) pourrait représenter plus de la moitié de la population mondiale.

    Le 15 mai, le ministre russe des affaires étrangères Sergei Lavrov a annoncé qu’un élargissement important de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) serait au programme du prochain sommet à Astana au Kazakhstan, le 15 juin.

    Si l’élargissement est approuvé, l’Inde et le Pakistan rejoindront la Chine, la Russie et les républiques d’Asie centrale comme membres à part entière de l’OSC, et l’Afghanistan rejoindra l’Iran et la Mongolie en tant que nouveaux membres « observateurs ». L’information semble avoir échappé aux médias US (et français, remarque perfide du traducteur) mais les historiens du futur la désigneront probablement comme un point tournant de l’histoire de l’Afghanistan, des Etats-Unis et du monde.

    Les cinq membres fondateurs de l’OCS (Chine, Russie, Kazakhstan, Tadjikistan et Kirghizstan), qui avaient signé en 1996 un « Traité sur le Renforcement de la Confiance dans les Régions Frontalières », ont formé en 2001 l’OCS avec l’Ouzbékistan et se sont engagés à renforcer la coopération militaire et économique.

    En 2005, le président Nazarbayev du Kazakhstan a salué le caractère historique du sommet qui, cette année-là, a été rejoint par l’Inde, le Pakistan et l’Iran. Il a souligné que désormais la moitié de la population mondiale était représentée à la table des négociations de l’OCS.

    L’OCS combine certains aspects militaires d’une alliance comme l’OTAN avec les avantages économiques d’une communauté comme l’Union Européenne ou l’UNASUR en Amérique du sud.

    L’émergence et la croissance de l’OCS, qui est à la fois une alliance militaire défensive et une communauté économique, ont été motivées par l’intérêt partagé par ces pays de contrer l’agression US et son expansion militaire et aussi par la croissance économique de la région. Les Etats-Unis ont demandé un poste d’observateur à l’OCS en 2005, mais la candidature fut rejetée.

    Les Afghans ont décidé de rejoindre l’OCS malgré l’opposition de Washington. Le ministre des affaires étrangères afghan Rassoul avait passé quatre jours en réunion avec des officiels chinois à Beijing avant l’annonce faite le 15 mai par Lavrov.

    Il y a un changement significatif dans le « grand jeu » en Asie centrale, et des indications sur le devenir de l’Afghanistan lorsque l’occupation de l’OTAN prendra fin, ce qui arrivera un jour ou l’autre.

    Le diplomate indien à la retraite, M. K. Bhadrakumar a souligné dans Asia Times que, avec cette manœuvre, la Chine et la Russie ont réussi à faire en sorte que la politique US en Asie Centrale marche sur la tête.

    Les politiciens US espéraient faire de l’Afghanistan une « base centrale » d’où les Etats-Unis pourraient dominer l’espace et les routes stratégiques entre la Russie, la Chine, l’Iran, l’Inde et le Pakistan. A la place, les Russes et les Chinois sont en train de positionner l’Afghanistan comme la base centrale future d’un réseau terrestre de commerce et de transport qui court-circuitera les routes maritimes de commerce sous contrôle de l’US Navy et permettra à tous les pays de la région de développer les relations entre eux sans une interférence des Etats-Unis.

    Ceci annonce une nouvelle étape dans la concurrence historique entre les empires terrestres de l’Europe et de l’Asie et les empires maritimes européens et américains. Les routes terrestres et les alliances continentales ont toujours été indispensables à la Russie, la Chine, l’Allemagne, l’Autriche, la Turquie et la Perse, tandis que l’Espagne, le Portugal, la Hollande, la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis ont toujours compté sur leur puissance navale et le contrôle de colonies ou néo-colonies lointaines pour imposer leur domination.

    La faiblesse stratégique qui caractérise la montée de la Chine est due à sa dépendance aux importations et exportations massives par voie maritime. Tout est conçu pour éviter le moindre incident naval avec les Etats-Unis et constitue sa principale vulnérabilité.

    La Chine a travaillé dur pour développer des alternatives au commerce maritime. Elle a construit des oléoducs et des gazoducs depuis la Russie et le Kazakhstan et amélioré ses relations avec l’Inde et ses autres voisins asiatiques – tout en assurant l’expansion de sa marine pour protéger ses routes de commerce et en construisant de nouvelles installations portuaires tout autour de l’Océan Indien – et pas moins que le plus grand port de la région, à Hambantuta, au sud du Sri Lanka.

    L’ancien diplomate indien, Bhadrakumar, voit dans l’expansion de l’OCS une manœuvre de la Chine et la Russie pour construire « un concurrent à l’OTAN et un garant de la sécurité des états d’Asie centrale » et il cite une agence de presse russe qui décrit une « coopération étroite » entre la Russie et la Chine qui s’étend jusqu’au Moyen orient et à l’Afrique du nord.

    En 2009, la plupart des pays dans le monde étaient disposés à accorder un an ou deux à l’administration Obama pour connaître ses intentions. Le verdict est désormais tombé, et la dernière campagne de bombardement de l’OTAN contre la Libye en est la confirmation, que le « changement » susurré par Obama n’était qu’une tactique et une opération de relations publiques et très loin d’un engagement américain pour la paix ou le respect du droit international.

    L’expansion par Obama des opérations de « forces spéciales » vers au moins 75 pays et le rôle plus actif de l’OTAN dans les guerres à travers le monde n’ont fait qu’augmenter les enjeux dans le monde entier.

    Tous les membres actuels et futurs de l’OCS voient leur salut dans l’unité et un soutien mutuel tandis qu’ils sont confrontés à une puissance militaire blessée et dangereuse qui ne montre aucun signe de réduction de sa présence militaire ou de son agressivité, ni de sa doctrine illégale de recours à la force militaire.

    Mais l’échec des Etats-Unis et de l’OTAN dans leur occupation de l’Afghanistan représente à la fois une opportunité et un problème pour les pays voisins. En Irak, depuis que les Etats-Unis ont baissé le niveau de violence de leur occupation, ce sont les pays voisins qui vendent aux gouvernement, propriétaires et entreprises les biens dont ils ont besoin pour reconstruire leur pays et leurs existences.

    L’occupation aura été l’occasion d’une énorme mais éphémère ruée vers l’or pour les sous-traitants de l’armée américaine, mais le résultat final est que personne en Irak ne veut traiter avec une entreprise américaine ou acheter des produits américains. La grande masse des importations irakiennes en 2009 sont venues de la Turquie, de l’Iran, de la Syrie, de la Chine et de l’Union Européenne.

    Une situation similaire est prévisible en Afghanistan. La Chine y exploite déjà de grandes mines et transporte le fer et le cuivre en toute sécurité par camion sur les mêmes routes de montagne où les convois de ravitaillement de l’OTAN sont régulièrement attaqués et incendiés.

    Mais la plus grande valeur économique et stratégique de l’Afghanistan pour ses voisins ne sont pas ses ressources, ou son économie locale, mais sa position géographique, au carrefour de leurs échanges par voie terrestre, particulièrement pour le pétrole Iranien vers la Chine et le pétrole et gaz russes vers le Pakistan.

    Comme dans le passé, différents groupes ethniques en Afghanistan feront du commerce avec leurs alliés naturels des pays voisins, les Pashtuns avec le Pakistan, les autres avec l’Iran et ainsi de suite.

    Un gouvernement central pas trop autoritaire pourrait arbitrer les intérêts des différentes parties avec sagesse et gagner un respect qui serait le garant d’une stabilité. C’est ainsi que l’Afghanistan a connu la paix dans le passé et ce sera probablement ainsi qu’il le connaitra dans l’avenir.

    La candidature de l’Inde à l’OCS peut surprendre les Américains, encore plus que la candidature de l’Afghanistan à un poste d’observateur. Vu de l’Inde, les bénéfices d’une relation étroite avec les Etats-Unis en déclin diminuent et les avantages d’une amitié avec la Chine augmentent.

    En regardant vers l’avenir, l’Inde a toutes les raisons de se rallier à l’OCS. Les Etats-Unis ont fait de gros efforts pour courtiser l’Inde et en faire un allié, en exploitant les vieilles tensions entre la Chine et le Pakistan, mais lorsque l’OTAN finira par plier bagages et quitter l’Afghanistan, l’Inde ne peut pas se permettre de se retrouver exclue du nouvel ordre régional.

    Alors l’adhésion de l’Inde à l’OCS est cruciale, malgré le soutien des Etats-Unis à son programme nucléaire et les récentes négociations sur les armes.

    Les officiels US pensaient pouvoir remporter un contrat pour Boeing et Lockheed Martin dans la vente de 125 avions de combat pour un montant de 11 milliards de dollars, mais l’Inde a finalement décidé d’acheter les avions à l’Europe.

    Alors que les Etats-Unis ont perdu leur avance technologique dans d’autres domaines, celui des armes a constitué une exception dans une industrie américaine généralement morose et un composant essentiel de la politique étrangère du pays.

    Au lendemain de la première guerre du Golf en 1991, la supériorité des armes américaines a été promue par le Pentagone et ses relais dans les médias occidentaux afin de provoquer une ruée vers l’achat d’armes Made in USA. Les pilotes américains ont reçu les instructions de faire voler leurs avions directement du Koweit au Salon de l’Aéronautique à Paris sans même les nettoyer, pour les exposer dans toute leur gloire et leur crasse à des clients potentiels.

    La période qui a suivi la guerre froide a été une période de records de ventes pour les marchands d’armes américains. En 2008, les ventes d’armes des Etats-Unis représentaient 68 pour cent de l’ensemble des ventes d’armes dans le monde, ce qui a fait dire à l’éminent analyste Frida Berrigan que le « marché global de l’armement » était en réalité un terme erroné pour désigner ce qui était devenu un monopole américain dans le commerce de la mort et de la destruction.

    Peu avant sa mort en 2010 , Chalmers Johnson a expliqué dans son livre « Dismantling the Empire » que le complexe militaro-industriel corrompu des Etats-Unis a lapidé son avance technologique en matière d’armement qu’il avait héritée de la Guerre Froide. L’inflation, la bureaucratie, l’arrogance, la corruption et le favoritisme produisent désormais des armes à des prix absurdes et mal adaptés aux guerres réelles.

    Le F-22 peut voler plus haut et plus vite que le F-16 (lancé en 1976) ou que le A-10 (8 millions de dollars pièce, contre 350 millions pour le F-22), mais il a été construit pour des combats aériens en altitude contre des avions de combats imaginaires que les Russes ont eu la sagesse de ne jamais fabriquer, et pas pour un soutien au sol comme dans une vraie guerre.

    L’avion est « trop rapide pour qu’un pilote puisse détecter des cibles tactiques » et « trop fragile et inflammable pour supporter des tirs sol-air ». Le F-35, encore plus récent et dont le programme de recherches et développement a été lancé en 1994, fut construit pour contrer un avion Russe dont le programme était déjà abandonné depuis... 1991.

    La véritable « prochaine génération » d’avions de combat sont les Typhons Européens et les Rafales que l’Inde a choisis. Ils se sont révélés plus performants que les F-16 et les F-18 lors des tests menés par les Indiens et leurs experts ont déclaré à Al Jazeera que la technologie des avions US avait un « retard de 10 ans sur celle des Européens ». Malgré des dépenses militaires équivalents à l’ensemble du reste du monde, les Etats-Unis ne fabriquent rien de comparable.

    Dans son appel passionné en faveur d’un démantèlement du complexe militaro-industriel US, Johnson a conclu, « notre destin est de nous ruiner au nom de la défense nationale ». L’ironie suprême dans toute cette histoire est que notre argent est dépensé dans des armes qui ne sont même pas efficaces.

    Et pour cette raison, comme l’a clairement démontré Chalmers Johnson, nous payons le prix des « occasions ratées » - la plupart d’entre nous en tous cas. Nous vivons dans le seul pays industrialisé qui ne fournit aucune couverture médicale à des millions de ses citoyens et le seul pays qui contrôle une minorité défavorisée en emprisonnant des millions de jeunes mâles et en employant des millions issus des populations rurales, sans autres ressources, pour les garder en prison.

    Lorsque nous pensons à l’Allemagne nazie ou à l’Union Soviétique, nous ne les jugeons pas sur le niveau de vie qu’ils fournissaient à leur classe moyenne privilégiée mais sur la manière qu’ils traitaient leurs ennemis et leurs minorités. Si nous devions appliquer avec objectivité à notre propre société les mêmes critères que nous appliquons aux autres, nous découvririons que nous sommes bien plus proches du « totalitarisme inversé » de Sheldon Wolin que des euphémismes à usage interne si chers à nos politiciens et nos appareils de propagande.

    La décision du Pakistan de s’allier avec la Russie et la Chine est moins surprenante que celle de l’Inde. Le rôle du Pakistan dans la soi-disant « guerre contre le terrorisme » des Etats-Unis lui a permis de toucher des fonds pour construire de nouvelles armes nucléaires et remplir les poches de hauts fonctionnaires tels que « M. Dix Pour Cent », le Président Zardari.

    Mais l’expansion de la guerre US en Afghanistan vers le Pakistan a sérieusement déstabilisé le pays et est en train de retourner le pays contre tout partenariat présent ou futur avec les Etats-Unis.

    Récemment, Imran Khan, le très respecté ancien capitaine de l’ équipe de cricket du Pakistan, a dirigé une occupation pacifique par des dizaines de milliers de gens d’une autoroute près de Peshawar, pour bloquer les convois de l’OTAN en route vers l’Afghanistan, en signe de protestation des frappes par drones effectuées par les Etats-Unis. Khan et son parti Tehreek-e-Insaf (Mouvement pour la Justice) est probablement le meilleur espoir pour le Pakistan, mais il ne sera ni une marionnette ni un allié des Etats-Unis.

    Au 20ème siècle, les Etats-Unis ont adroitement ramassé les morceaux de l’empire britannique mourant pour fabriquer discrètement le leur. Partout dans le monde, les habitants des ports ont pris l’habitude de voir des drapeaux et des uniformes américains, tout comme leur grand-parents avaient pris l’habitude de voir des drapeaux et des uniformes britanniques.

    La question sans réponse du moment est de savoir quels seront les drapeaux et les uniformes que nos petits-enfants verront. Espérons que l’OCS jouera un rôle constructif dans une transition pacifique vers un monde où les gens ne verront que les drapeaux et des uniformes locaux – ou pas de drapeaux ni d’uniformes du tout...

    Pendant que le ministre des affaires étrangères afghan, Rassouf, rentrait de Beijing pour rencontrer à Kaboul le Premier Ministre indien, Manmohan Singh, le président Zardari du Pakistan s’envolait vers Moscou pour rencontrer des officiels russes.

    Une chose est sûre, c’est qu’ils veulent tous voir les Etats-Unis quitter l’Afghanistan, et le problème des Etats-Unis est que l’OCS et ses membres seront prêts pour ramasser les morceaux, que ce soit cette année, l’année prochaine ou dans dix ans.

    Nicolas J S Davies

    lu sur le Grand Soir


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    FMI : Appel aux ministères lancé par Attac 

    Dernier jour pour que les gouverneurs du fonds monétaire internationale (FMI) fassent connaitre leurs candidats à la succession de Dominique Strauss-Kahn. L’association altermondialiste Attac, qui a proposé une alternative à la candidature de Christine Lagarde, à travers sa co-présidente Aurélie Trouvé, a convié toute personne souhaitant exprimer leur soutien à appeler les ministères de l’Economie, du Budget ce vendredi.

    Arguant d’avoir reçu le soutien de dizaines de milliers de personnes et d’organisations en à peine 48 heures, l’association a fait parvenir une lettre ouverte à Christine Lagarde, gouverneur du FMI, lui demandant de « présenter la (ma) candidature d’Aurélie Trouvé, sans nécessairement la soutenir, au conseil d’administration du FMI ». En effet, tout candidat à la direction générale doit être présenté par au moins un gouverneur du Fonds.

    Aux standards des ministères de l’Economie et du Budget, contactés par l’Humanité, ils déclarent avoir « reçu énormément d’appels cette après-midi pour soutenir Aurélie Trouvé ». Ils ont pour consignes de comptabiliser ces appels puis de faire remonter les chiffres à Matignon.

    Une déclaration de Matignon devrait intervenir en fin d’après-midi, d’après une de nos correspondantes. Matignon n’as pas souhaité en dire plus.

    • A lire :

    --> Le G8, le G20, le FMI, l’OMC mettent le monde à terre, un point de vue d'Aurélie Trouvé

    --> Entretien avec la coprésidente d'ATTAC

    --> G8 à Deauville : silence, on tourne ! (Attac)

    Ronan Kerneur

     

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  • Parti Communiste Français

    Attac France a rendu publique hier la candidature de sa coprésidente Aurélie Trouvé à la direction du FMI (voir ci-dessous le communiqué de presse). Pour que celle-ci soit prise en compte, il faut qu’elle soit soutenue par un gouverneur du FMI d’ici vendredi 10 juin, date limite de dépôt des candidatures.

    Un comité de soutien à cette candidature est nécessaire pour appuyer cette demande auprès des gouverneurs. Pour en faire partie, merci de transmettre vos coordonnées (nom, prénom, qualité) à l’adresse fmi@attac.org, ou en renseignant directement celles-ci sur le site d’Attac France → http://www.france.attac.org/soutenez-la-premiere-candidature-altermondialiste-la-tete-fmi


    "Le FMI joue un rôle décisif dans la régulation – ou plutôt l’absence de régulation – de la finance internationale. C’est pourquoi l’association Attac a décidé de proposer une candidature pour succéder à Dominique Strauss-Kahn.

    Aurélie Trouvé, 31 ans, est maître de conférences en sciences économiques et coprésidente d’Attac depuis quatre ans. Elle est spécialiste des marchés agricoles, actuellement l’un des domaines de prédilection de la spéculation financière internationale. Elle bénéficie du soutien technique et politique du Conseil scientifique d’Attac, qui comporte de nombreux économistes spécialistes des questions financières. Si elle ne bénéficie pas encore du soutien officiel d’États, sa candidature suscitera l’intérêt de tous ceux, gouvernants ou citoyens, qui désirent remettre l’industrie financière à sa place, celle de soutien aux initiatives de l’économie réelle.

    Depuis l’éclatement de la crise financière en 2008, ni le G20, ni le FMI, pas plus que le comité de Bâle ou les autorités nationales de régulation financière, n’ont pris de mesures pour réduire significativement l’instabilité des marchés financiers internationaux. La spéculation fait aujourd’hui rage sur les matières premières et les titres des dettes publiques.

    Avec Dominique Strauss-Kahn, la politique du FMI a consisté, comme par le passé, à défendre inconditionnellement les intérêts des créanciers des États endettés, en imposant à ces derniers des plans d’austérité brutaux : Hongrie, Ukraine et Lettonie en 2008, Islande en 2009, Grèce, Espagne, Portugal, Irlande en 2010… Les banques et les fonds d’investissement sont les principaux bénéficiaires de politiques qui détruisent les solidarités sociales et mènent l’Union européenne au bord du gouffre.

    Tout indique que Christine Lagarde fera encore pire que Dominique Strauss-Kahn. Christine Lagarde a été à la tête d’une technostructure du Ministère de l’Economie (Direction Générale du Trésor et Direction du Budget), composée de fonctionnaires ultralibéraux acquis aux intérêts financiers. C’est ainsi que la France a refusé en 2010 de soutenir l’Allemagne sur la question de l’interdiction de la spéculation sur les CDS (vente à nu à découvert). Les représentants de la France à Bruxelles ont toujours freiné les maigres initiatives de la Commission sur la régulation financière. Sur la question de la taxation des transactions financières, malgré le discours apparemment offensif de Nicolas Sarkozy, le ministère de Christine Lagarde s’est toujours refusé à produire des notes et études préparant une décision, et la France ne s’est jamais engagée réellement auprès de ses partenaires de l’Union européenne ou de l’Eurogroupe.

    Aurélie Trouvé propose une réorientation fondamentale du FMI, partant du principe que la stabilité financière mondiale est un bien public qui doit être démocratiquement géré par la communauté internationale dans son ensemble. Son programme pour le FMI comporte donc : l’arrêt des plans d’austérité, et la mise en place d’une taxe sur les transactions financières et d’une stricte régulation des transactions sur les produits dérivés la coordination des politiques économiques au plan international, amenant les pays présentant des déséquilibres excessifs (Chine, Allemagne, Japon du côté des pays excédentaires, États-Unis du côté des pays déficitaires) à se rééquilibrer de façon coordonnée par des ajustements des taux de change ainsi que des politiques budgétaires et salariales actives ; le développement d’une monnaie internationale basée sur un panier des principales devises, comme alternative au dollar ; l’émission de Droits de tirage spéciaux pour aider les pays en difficulté durant la période de réduction des déséquilibres internationaux ou face à des chocs conjoncturels imprévus ; la démocratisation du FMI, par l’élargissement de son Conseil d’administration à tous les pays de la planète et l’intégration du FMI dans le système onusien, avec une voix pour chacun des 187 pays membres du Fonds : il s’agit d’en finir avec le pouvoir exclusif des grandes puissances.

    C’est sur cette base qu’Attac a envoyé hier 1er juin 2011 au FMI la candidature officielle de Aurélie Trouvé, 31 ans, économiste. Toute candidature doit être présentée par un des gouverneurs et administrateurs du FMI. L’association Attac compte sur le fair play de Christine Lagarde, actuel gouverneur du FMI pour la France.

    Attac France, Paris, le 6 juin 2011"


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  • La financiarisation de l’accumulation, par John Bellamy Foster

     

    Publié 6 juin 2011

    Parti Communiste Français

    John Bellamy Foster est professeur de sociologie à l’Université de l’Oregon.

    La suite de l'article...


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  • La financiarisation de l’accumulation, par John Bellamy Foster

      

    Publié 6 juin 2011

    Parti Communiste Français

     John Bellamy Foster est professeur de sociologie à l’Université de l’Oregon.

    Source : Monthly Review

    Traduit de l’anglais par Marc Harpon pour Changement de Société.

    John Bellamy Foster est professeur de sociologie à l’Université de l’Oregon. Il fait partie des éditeurs de la Monthly Review. Cet article est une version remaniée d’une conférence faite par l’auteur à la Quinzième Conférence Nationale sur l’Economie, organisée par la Société d’Economie Politique Brésilienne à l’Université de Maranhão, à São Luis le 3 Juin 2010. Initialement publiée en plusieurs fois, cette traduction, enfin complète, est donnée dans son intégralité ci-dessous. (Note de Marc Harpon)

     


      

    En 1997, dans son dernier article publié, Paul Sweezy faisait référence à « la financiarisation du processus d’accumulation du capital » qu’il présentait comme l’une des trois principales tendances économiques au tournant du siècle (les autres étant la croissance du pouvoir des monopoles et la stagnation). (2). Les lecteurs familiers de la théorie économique comprendront que la formule était conçue pour être paradoxale. Toutes les traditions de la théorie économique, à des degrés divers, ont cherché à séparer analytiquement le rôle de la finance de celui de « l’économie réelle ». L’accumulation est conçue comme une formation authentique de capital, qui augmente la production totale de marchandises, au contraire de la valorisation des titres financiers, qui augmente la richesse nominale mais pas la production. En mettant en lumière la financiarisation de l’accumulation, Sweezy signalait donc ce qu’on peut regarder comme « l’énigme du capital » de notre époque. (3)

    En effet, la finance a toujours joué un rôle central, même indispensable, dans l’accumulation du capital. Jospeh Schumpeter a décrit la création ad hoc de crédit comme une des traits définissant le capitalisme. « Le marché de l’argent », ajoutait-il, « est toujours […] le quartier général du système capitaliste. » (4). Pourtant quelque chose a changé dans la nature du capitalisme durant les dernières décennies du vingtième siècle. L’accumulation- la formation réelle de capital dans le domaine des biens et des services- a été de plus en plus subordonnée à la finance.

     La peur bien connue de Keynes que la finance en vienne à dominer la production s’est finalement concrétisée.

    Quand Sweezy a fait cette observation concernant la financiarisation de l’accumulation du capital, il y a plus de dix ans, il n’a attiré que peu d’attention. Mais aujourd’hui, après la plus grande crise économique et financière depuis la Grande Dépression, nous ne pouvons plus ignorer les questions qu’il soulève. Plus que jamais, comme l’a dit Marx, « une accumulation de dettes » apparaît comme « une accumulation de capital », la première effaçant peu à peu la seconde.

    Comme le montre le graphique 1, l’endettement net des ménages a dépassé de loin le total de l’investissement net en capital fixe durant le dernier tiers de siècle- dans un processus culminant en 2007-2009 avec l’éclatement de l’énorme bulle immobilière-financière et l’effondrement et du crédit et de l’investissement.(5)

     Parti Communiste Français

    En effet, depuis les années 1970 nous avons assisté à ce que Kari Polanyi-Lewitt a nommé très justement « La Grande Financiarisation » (6). La financiarisation peut se définir comme le passage structurel du centre de gravité de l’économie capitaliste de la production à la finance.

    Ce changement s’est manifesté dans tous les aspects de l’économie, y compris :

    1) l’augmentation de la part des profits financiers dans les profits totaux ;

    2) la hausse de la dette dans le PIB ;

    3) la croissance de la part du FIRE (finance, assurance et immobilier [en anglais : Finance, Insurance, Real Estate, ndt]) dans le revenu national ;

    4) la prolifération d’instruments financiers opaques et exotiques ; et

    5) l’expansion du rôle des bulles financières. (7) En 1957 l’industrie représentait 27% du PIB étasunien, tandis que le FIRE représentait seulement 12%. En 2008 la relation s’est inversée, avec une part de l’industrie tombée à 12% et une hausse du FIRE à 20%. (8) Même avec le recul lié à la Grande Crise Financière, tout porte à croire que cette tendance générale à la financiarisation de l’économie se poursuit, avec des politique économiques néolibérales qui aident et encouragent cette évolution.

    La question devient dès lors : Comment une telle inversion des rôles de la production et de la finance peut-elle s’expliquer ?

    Keynes et Marx

     

    Dans une tentative de répondre au rôle de la finance dans l’économie moderne, le travail de John Maynard Keynes est indispensable. Cela est tout particulièrement vrai de ce qu’il a fait au début des années 1930 quand il travaillait à La Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie (1936). C’est à ce moment là, en fait, que Marx figure au centre de l’analyse de Keynes.

    En 1933, Keynes a publié un court texte intitulé « Une Théorie Monétaire de la Production », titre qui était aussi celui de ses conférences de l’époque. Il a insisté sur le fait que la théorie orthodoxe de l’échange était modelée sur la notion d’une économie de troc. Bien qu’on comprenne que la monnaie était employée dans toutes les transactions marchandes sous le capitalisme, la monnaie était néanmoins « traitée » dans la théorie orthodoxe ou néoclassique comme « étant neutre en un certain sens ». On ne supposait pas qu’elle affectât « la nature essentielle de la transaction » comme « transaction entre des choses réelles ». S’opposant frontalement à cette position, Keynes a proposé une théorie monétaire de la production dans laquelle la monnaie était un des aspects effectifs de l’économie.

    L’avantage principal d’une telle approche était qu’elle établissait comment les crises économiques étaient possibles. En cela, Keynes lançait une attaque directe contre la notion économique orthodoxe de la Loi de Say, d’après laquelle l’offre créait sa propre demande- c’est-à-dire sur l’idée que la crise économique était, en principe, impossible. Mettant cela en question, il écrivait, « les booms et les dépressions sont des phénomènes propres à une économie dans laquelle…la monnaie n’est pas neutre. » (9).

    Dans le but de développer cette intuition cruciale, Keynes a fait la distinction entre ce qu’il appelait une « économie coopérative » (en substance un système de troc) et une « économie d’entrepreneurs », où les transactions monétaires entraient dans la détermination des relations « d’échange réel ». Cette distinction, Keynes l’a expliquée dans ses cours, «  n’est pas sans rapport avec une observation féconde de Karl Marx […]. Il a signalé que la nature de la production dans le monde actuel n’est pas, comme les économistes semblent souvent le supposer, un exemple de M-A-M’, c’est-à-dire d’échange de biens (ou d’effort) contre de l’argent dans le but d’obtenir un autre bien (ou effort). C’est peut-être le point de vue du consommateur privé. Mais ce n’est pas l’attitude des affaires, qui sont un exemple de A-M-A’, c’est-à-dire du fait d’échanger son argent contre un bien (ou un effort) pour obtenir plus d’argent » (10)

    « Un entrepreneur », insistait Keynes, dans la lignée de Marx, « s’intéresse non pas à la quantité de produit, mais à la quantité d’argent qui lui tombera dans la poche. Il augmentera sa production s’il peut ainsi espérer augmenter son profit monétaire. » Inversement, l’entrepreneur (ou le capitaliste) diminuera le niveau de production si ses anticipations sont que le profit monétaire n’augmentera pas. L’aspect monétaire de l’échange, décrit par Marx comme A-M-A’, suggérait ainsi que, non seulement le gain monétaire était le seul but de la production capitaliste, mais qu’il était aussi possible que des crises économiques éclatent du fait d’interruptions de ce processus. Après sa discussion du A-M-A’ de Marx, Keynes poursuivait en déclarant dans des termes similaires à ceux de Marx : « La firme pense en termes de sommes d’argent. Elle n’a d’autre objectif au monde que de s’en tirer avec plus d’argent qu’elle n’en avait en commençant. C’est la caractéristique essentielle de l’économie d’entrepreneur » (11)

    Keynes, c’est bien connu, n’était pas un universitaire marxiste. (12) L’inspiration immédiate de ses références à Marx dans ses cours était l’œuvre de l’économiste américain Harlan McCraken, qui avait envoyé à Keynes son livre, Value Theory and Business Cycles, à sa publication en 1933. L’analyse de McCracken se concentrait sur le problème de la demande effective et le rôle de la monnaie dans la tradition de Malthus. Mais il traitait de façon vraiment large de l’histoire de la pensée économique. Dans son chapitre sur Marx, que Keynes citait dans ses notes de cours, et qui vaut bien d’être cité longuement dans ce contexte, McCracken écrivait :

    « En traitant de l’échange et de la métamorphose des marchandises, il [Marx] commençait par parler de M-A-M (Marchandise pour Argent pour Marchandise). Il ne considérait pas un tel échange comme différent en principe du troc puisque l’objet de l’échange était de transférer une marchandise inutile ou presque inutile à son possesseur en échange d’une marchandise de grande utilité, et la monnaie intervenait comme un moyen commode d’effectuer la transaction. La double transaction n’indiquait aucune exploitation, car il supposait que dans chaque transaction il y avait échange de valeurs, ou quantités de travail cristallisé, équivalentes, de sorte que la marchandise finale n’avait ni plus ni moins de valeur que la marchandise originale, mais elle avait une plus grande utilité pour l’acquéreur. Ainsi la métamorphose M-A-M représentait un échange de valeurs équivalentes sans aucune exploitation…

    Mais la métamorphose A-M-A’ était fondamentalement différente. Et c’est en expliquant cette formule que Marx traita minutieusement de la nature et la source de la plus-value. Dans ce cas, l’individu commence avec de l’argent et finit avec de l’argent. Le seul motif possible, alors, pour accomplir les deux échanges était de s’en tirer avec plus d’argent qu’au début. Et la mesure dans laquelle le second A ou A’ excède le premier mesure la plus-value. Toutefois, la plus-value n’a pas été créée dans la circulation des marchandises mais dans la production (13). »

    Dans une lettre à McCracken, datée du 31 août 1933, Keynes l’a remercié pour son livre, ajoutant :

    « Parce que je l’ai trouvé d’un grand intérêt, en particulier peut-être les passages concernant Karl Marx, dont je n’ai jamais été aussi familier que j’aurais dû » (14)

    Se basant sur la présentation de Marx par McCracken, Keynes a entrepris d’expliquer qu’une crise pouvait intervenir si A excédait A’, c’est-à-dire si les capitalistes n’étaient pas capables, dans le langage de Marx, de « réaliser le profit potentiel généré dans la production, et finissaient par perdre de l’argent ». « Marx, expliqua Keynes, frôlait une vérité approximative quand il affirmait que la supériorité continuelle de A’ serait interrompue par une série de crises, d’intensité croissante, ou de faillites d’entreprises et de sous-emploi, durant lesquelles, supposait-il, A [par opposition à A'] devait être trop élevé. Ma propre thèse, si on l’accepte, devrait au moins servir à une réconciliation entre les disciples de Marx et ceux du Major Douglas [un des chefs de file britanniques des théoriciens des crises de sous-consommation], épargnant les économistes classiques dans leur croyance que A et A’ sont toujours égaux ! »

    La formule générale du capital, ou A-M-A’, suggère Keynes, rend non seulement crédible les vues du Major Douglas, mais aussi les perspectives sur la sous-consommation qui furent celles des « [John] Hobson, ou [William T.] Foster et [Waddill] Catchings […] qui croient en la thèse de la tendance à la déflation et au sous-emploi inhérente au capitalisme. » (15) Peu après avoir lu Value Theory and Business de McCracken et rencontré sa présentation de la formule A-M-A’ de Marx, Keynes a fait explicitement référence dans ses cours au « problème de la réalisation de Marx » comme étant lié au problème de la demande effective. (16)

    Sans une grande connaissance directe de l’analyse de Marx, Keynes a ainsi saisi les implications de la formule générale du capital de Marx, son rapport à la critique de la Loi de Say, et la nécessité d’intégrer en un seul système l’économie monétaire et l’économie réelle, la production et la finance, qu’elle indiquait. Tout cela convergeait avec les tentatives faites par Keynes de construire une théorie monétaire de la production (c’est-à-dire une Théorie générale). Comme devait l’observer Sweezy plus d’un demi-siècle après quand les conférences de Keynes sur la théorie monétaire de la production ont commencé à attitrer l’attention, ces remarques sur la formule générale du capital de Marx indiquaient que :

    1) Keynes « était sur des problèmes importants plus proche de la façon de penser de Marx sur la monnaie et l’accumulation du capital qu’il ne l’était de l’orthodoxie néoclassique dominante » et

    2) « il avait mieux compris ce qui est important chez Marx que n’importe qu’elle autre économiste bourgeois » (17)

    En effet, il est remarquable, en y repensant, de constater combien la pensée de Keynes rejoint ici celle de Marx. Dans les Théories de la plus-value, Marx a signalé ce qu’il a appelé « la possibilité abstraite de la crise » reposant sur A-M-A’. « Si la crise apparaît […] parce que l’achat et la vente s’écartent l’un de l’autre, elle devient une crise monétaire », associée à l’argent comme « moyen de paiement. […] Dans la mesure où le développement de la monnaie comme moyen de paiement est lié au développement du crédit et du crédit excessif, les causes de ce dernier doivent aussi être examinées. »

     

    Pour Marx, donc, une crise de réalisation, ou crise de la demande effective, était toujours liée au caractère monétaire du système, et s’étendait nécessairement non seulement au phénomène du crédit mais aussi au crédit excessif. Cela signale ainsi des crises potentielles de surendettement. (18)

    Cachée dans la formule générale du capital, A-M-A’, avancée par Marx, il y avait une tendance du capital à se transformer en une pure économie monétaire (ou spéculative), c’est-à-dire dans laquelle l’argent engendrait l’argent sans lien avec la production de marchandises. Dans A-A’, a-t-il écrit, « la relation du capital atteint sa forme la plus superficielle et la plus fétichisée ». (19) Si A-A’ renvoyait à l’origine au seul capital prêté à intérêts, cette formule s’est métamorphosée au cours du développement capitaliste en une demande spéculative d’argent en général. « Le crédit », expliquait Marx, « détrône l’argent et usurpe sa place ». Le capital a pris de plus en plus la forme « redoublée » :

    1) du « capital réel » c’est-à-dire des stocks de l’usine, de l’équipement et des marchandises générées dans la production, et

    2) du « capital fictif », c’est-à-dire la structure des prétentions au capital réel liées aux titres en papier. A partir du moment où l’activité économique était orientée vers la valorisation du « capital fictif » dans le domaine de la finance plutôt que sur l’accumulation du capital réel dans la production, avançait Marx, le capital était changé en une forme spéculative. (20)

    La production et la finance

    Marx et Keynes rejetaient tous les deux, comme nous l’avons vu, la séparation rigide entre l’économie réelle et l’économie monétaire qui caractérisait la théorie économique orthodoxe.

    Cette théorie monétaire de la production avancée de façons quelque peu différentes par Marx et Keynes conduisait naturellement à une théorisation de la finance comme domaine non séparé du fonctionnement de l’économie, mais pleinement intégré à celle-ci- donc une théorie de la crise financière. Dans cette perspective (développée en particulier par Keynes), décider du moment (et du lieu) où investir dépendait autant des profits escomptés de ces nouveaux investissements et de la demande spéculative pour la monnaie et la quasi-monnaie (le crédit) en relation au taux d’intérêt.

    La centralité croissante de la finance a été un produit du développement historique du système. Durant la phase classique de l’économie politique, dans la jeunesse du capitalisme, il était naturel que la théorie économique en reste à la simple conception d’une économie de troc modifié dans laquelle l’argent était un simple moyen d‘échange mais n’avait pas d’autre effet matériel sur les relations économiques. A la fin du dix-neuvième siècle, toutefois, il y avait déjà des signes que ce que Marx appelait « la concentration et la centralisation de la production », associée à l’émergence de compagnies géantes, donnait naissance à un système de crédit moderne, basé sur le marché des garanties financières.

    L’avènement du système de crédit moderne a largement changé la nature de l’accumulation capitaliste, tandis que la propriété des titres sur le capital réel devenait secondaire face à la propriété d’actions de papier et d’actifs- gonflés encore plus par l’endettement. « La spéculation sur la valeur des actifs », écrivait Minsky dans son livre sur Keynes, « est une caractéristique de l’économie capitaliste. Le paradigme pertinent pour l’analyse d’une économie capitaliste [développée] n’est pas une économie de troc », mais « un système avec une City [c'est-à-dire le centre financier de Londres] ou un Wall Street où la détention de titres de même que les transactions sont financées par la dette » (21)

    Rationnellement, la séparation rigide -encore effectuée- entre l’économie réelle et l’économie financière dans la science économique orthodoxe n’a pas de base solide. Bien qu’il soit certainement légitime de distinguer « l’économie réelle » (et le « capital réel ») du domaine de la finance (et de ce que Marx appelait « capital fictif »), cette distinction ne devrait évidemment pas être interprétée comme impliquant que les faits monétaires et financiers ne sont pas eux-mêmes « réels » au sens normal de ce terme. « Il y n’y a, en fait, aucune séparation » observaient Harry Magdoff et Sweezy, « entre l’économie réelle et la finance : dans une économie capitaliste développée quasiment toutes les transactions s’expriment en termes monétaires et exigent la médiation de sommes monétaires réelles (liquide ou crédit) ». En fait, « la séparation analytique appropriée passe entre la base productive servant de support à l’économie et la superstructure financière ». (22)

    Nous pouvons nous représenter la dialectique de la production et de la finance, d’après Hyman Minsky, en termes d’existence de deux structures de prix dans l’économie moderne :

    1) le prix de la production réelle courante et

    2) le prix des titres financiers (et immobiliers). De plus en plus, la structure de variolisation spéculative des titres, liée à l’inflation (ou à la déflation) des titres de papiers donnant accès à la richesse, en est venue à dominer la structure de prix « réels » associée à la production (PIB). (23) Dès lors, le capital-argent qui pourrait être utilisé pour l’accumulation (étant supposée l’existence de biens dans lesquels investir avec profit) dans la base économique est régulièrement changée en A-A’, c’est-à-dire en spéculation sur le prix des titres. (24). Dès lors que cela a pris la forme d’une tendance lourde, le résultat a été un changement structurel majeur dans l’économie capitaliste.

     

    Considérées de ce point de vue général, les bulles financières peuvent être définies comme de courtes périodes d’inflation exceptionnellement rapide des prix des titres à l’intérieur de la superstructure financière de l’économie- dépassant la croissance dans la base productive sous-jacente. En contraste, la financiarisation représente une tendance beaucoup plus lourde, s’étalant sur des décennies, à l’expansion de la taille et de l’importance de la superstructure financière par rapport à la base économique. Les dernières décennies du vingtième siècle, a observé Jan Toporowski (professeur d’économie à l’Université de Londres) dans The End Of Finance, ont vu l’émergence d’une ère de finance qui est la plus importante depuis les années 1890 et 1900 et en termes de valeurs sur le marché du crédit, la plus grande dans l’histoire de la finance. Par « ère de la finance » on entend une période de l’histoire où la finance […] prend la place de l’entrepreneur industriel dans la direction du développement capitaliste. (25)

    Une telle ère de la finance fait naître le spectre, mis en lumière par Keynes, d’une économie purement spéculative : « Les spéculateurs peuvent ne faire aucun mal en créant des bulles devant une masse solide d’entreprises. Mais la situation est grave quand l’entreprise devient elle même une bulle à la surface d’une mare de spéculation » (26) Dans les années 1990, observait Sweezy, « les membres des conseils d’administration » étaient « dans une plus large mesure contraints et contrôlés par le capital financier tel qu’il opère à travers le réseau global des marché financiers. » Dès lors, le « pouvoir réel » devait être trouvé « moins dans les conseils d’administration que sur les marchés financiers ». Cette « relation inversée entre la finance et l’économie réelle », avançait-il, était « la clé de la compréhension des nouvelles tendances dans le monde » de l’économie. (27)

    Crises financières et financiarisation

    Dans leur tentative de nier la signification historique réelle de la Grande Crise Financière, la plupart des économistes du courant dominant et des analystes financiers ont naturellement minimisé ce caractère systémique, la présentant comme un phénomène de type « cygne noir », c’est-à-dire comme un événement massif mais complètement imprévisible et susceptible d’apparaître, comme sorti de nulle part, une fois tous les cent ans ou à peu près. (Le terme « cygne snoir » vient du titre du livre de Nassim Nicholas Taleb publié à la veille de la Grande Crise Financière, et dans lequel un « événement de type cygne noir » est défini comme un moment de changement des règles du jeu à la fois extrêmement rare et impossible à prévoir.(28)

    Toutefois, certains des économistes les plus critiques, même au sein de l’establishment, comme Nourriel Roubini et Stephen Mihm dans leur Crisis Economics, ont rejeté cette théorie du « cygne noir », caractérisant plutôt la Grande Crise Financière comme un phénomène de type « cygne blanc », c’est-à-dire comme le produit d’un processus parfaitement prévisible, récurrent et ordinaire, sujet à une analyse systématique. (29) La plus impressionnante tentative de fournir une approche des crises financières fondée sur des faits historiques, soulignant la régularité de tels troubles du crédit, se trouve dans This Times Is Different : Eight Centuries of Financial Folly de Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff (30) (Le titre de leur livre a pour but de renvoyer à la phase euphorique de toute bulle financière, où apparaît l’idée que le cycle des affaires et de la finance a été transcendé et que l’expansion spéculative peut se poursuivre indéfiniment).

    Le plus grand théoricien du cygne blanc, bien sûr, Minsky, qui nous a donné l’hypothèse de l’instabilité financière, construisant sur la base de l‘intuition fondamentale de Keynes concernant « la fragilité introduite dans le processus d’accumulation capitaliste par certaines propriétés inévitables des structures financières capitalistes. » (31)

    Néanmoins, ce que des penseurs comme Minsky, Roubini et Mihm, et Reinhart et Rogoff semblent oublier, dans leur intérêt excessif pour le cycle financier, c’est les changements structurels de long terme dans le processus du système capitaliste.

    Minsky est allé jusqu’à corriger Keynes lui-même pour avoir laissé « des idées de stagnation et de raréfaction des opportunités d’investissement prendre le pas sur une perspective cyclique ». Ainsi, Minsky a cherché explicitement à corriger la théorie de Keynes, en particulier son analyse de l’instabilité financière, en la plaçant entièrement dans le cadre de cycles d’activités de court-terme, ignorant les tendances de long terme dans lesquelles Keynes a largement enraciné son analyse des crises financières. (12).

    L’argument de Keynes était donc très différent de la théorie à laquelle nous nous sommes habitués par l’intermédiaire de Minsky. Il a souligné que la tendance à la stagnation- ou le déclin dans les profits attendus sur des investissements nouveaux dans une économie riche en capital- servaient à diminuer le pouvoir de la monnaie et de la finance. Ainsi, pour Keynes, notait Minsky, « L’argent fait la loi dans le poulailler quand la quantité attendue de titres réels fait défaut » (33). Comme le dit Keynes : « Parce qu’elle doit son accumulation à un capital ayant déjà pris de l’importance », une économie mûre, riche en capital est ainsi faite que « les opportunités d’investissements supplémentaires sont moins attractives à moins que le taux d’intérêt ne chute d’une de façon suffisamment rapide ».

    L’incertitude associée à la tendance à diminuer du profit escompté de nouveaux investissements a donné une énorme impulsion à la « préférence pour les liquidités » (ou, comme Keynes l’appelait aussi, « la propension à amasser » de l’argent) et à la spéculation financière comme une alternative à la formation du capital, aggravant les difficultés de l’économie.

    Au fondement de tout cela : une tendance de l’économie à sombrer dans un état de faible croissance et de sous-emploi : « C’est une étonnante caractéristique du système économique dans lequel nous vivons ». Keynes écrivait « qu’il semble capable de rester dans un état chronique de sous-activité pour une période considérable sans aucune tendance du marché, ni à la reprise, ni à l’effondrement complet. De plus, les preuves indiquent que le plein-emploi, ou même le quasi plein-emploi, est rare et de courte durée ». Ces maux ont conduit Keynes à ses propositions de long terme pour « l’euthanasie des rentiers » et une « quelconque socialisation complète des investissements » (34)

    Keynes n’a pas développé sa théorie de long terme de la stagnation et de la spéculation financière. Néanmoins les élaborations postérieures de la théorie de la stagnation construites sur ses intuitions devaient naître dans les travaux des principaux de ses premiers disciples, Alvin Hansen, et dans la tradition néo-marxienne associée à Michal Kalecki, Josef Steindl, Paul Baran et Paul Sweezy. Il y a eu essentiellement deux tendances dans la théorie de la stagnation qui s’est développée sur la base de Keynes (et de Marx).

    La première, fermement défendue par Hansen, et par le Sweezy de la fin- mais caractérisant tous ces penseurs d’une façon ou d’une autre- examinait la question de la maturation du capitalisme, c’est-à-dire des économies riches en capital avec une capacité productive massive inexploitée qui pourrait être accrue rapidement. (35) Ce potentiel énorme à construire une capacité productive s’est dressé contre la réalité de débouchés de plus en plus rares pour l’investissement, puisque les investissements actuels étaient freinés (dans des conditions de maturité industrielle) par les investissements d’hier. « La tragédie de l’investissement, remarquait Kalecki, est qu’il cause des crises parce qu’il est utile ». (36)

    La seconde tendance, de laquelle Monopoly Capital de Baran et Sweezy est indubitablement l’exemple le plus connu, se concentrait sur la monopolisation croissante dans l’économie moderne, monopolisation qui équivaut à « la tendance des surplus à augmenter » dans une économie dominée par les firmes géantes, et les effets négatifs que cela a sur l’accumulation.

    Dans les deux tendances, les économies et surplus potentiels générés normalement par l’économie dépassent les opportunités d’investissements profitables de ce surplus, conduisant à une tendance à la stagnation (croissance ralentie et augmentation du chômage et du sous-emploi). « L’état normal de l’économie capitaliste monopoliste, écrivaient Baran et Sweezy, est la staganation » (37). La croissance rapide ne pourrait donc pas être assurée, comme le pense la science économique dominante, comme un développement naturel du système au stade de la maturité/des monopoles, mais est désormais dépendante, comme l’a affirmé Kalecki, de « facteurs de « développement » spécifique » pour dynamiser la production.

    Par exemple, les dépenses militaires, le marketing, l’expansion des services financiers, des innovations changeant les modes de vies comme l’automobile ont tous servi comme des étais pour soutenir l’économie, à l’extérieur de la logique interne de l’accumulation. (38)

    Aucun de ces penseurs, il faut le souligner, ne s’est concentré au départ sur la relation macro-économique entre la production et la finance, ou sur la finance comme [outlet] du surplus. (39) Bien que Monopoly Capital avançait que le secteur FIRE pouvait aider à absorber le surplus économique, cette remarque était reléguée à la dernière partie du chapitre sur l’effort de vente, et n’a pas fait l’objet d’une insistance particulière. (40) Toutefois, les années 1970 et 1980 ont vu un ralentissement du taux de croissance de l’économie capitaliste au centre du système, comme résultat d’un gonflement extrême de la finance, agissant comme un facteur de compensation.

     

    N’ayant pas de débouché dans la production, le capital a trouvé refuge dans la spéculation, dans la sphère de la finance appuyée sur la dette (un territoire de possibles, de futurs, de produits dérivés, de permutations, etc.).

     

    Dans les années 1970, l’incroyable dette totale des Etats-Unis avoisinait une fois et demie la taille du PIB. En 2005, c’était presque trois fois et demie le PIB et pas loin des 44 billions [trillions, ndt] du PIB mondial. (40)

     

    La finance spéculative a progressivement acquis une vie propre. Bien que dans l’histoire antérieure du système des bulles financières soient venues à la fin d’un boom cyclique, et aient été des événements de court-terme, la financiarisation semblait maintenant, paradoxalement, se nourrir non de la prospérité mais de la stagnation, et être de longue durée. (42) Les banques centrales des principaux Etats capitalistes, qui reçurent le rôle de  « prêteurs de dernier recours », avec pour tâche de soutenir et en dernier recours de tirer d’affaire les institutions financières majeures à chaque fois que c’était nécessaire (sur la base du principe qu’elles sont « trop grosses pour disparaître »)

    Une contradiction clé résidait dans le fait que l’explosion financière, tout en encourageant la croissance à court terme de l’économie, provoquait une plus grande instabilité et une plus grande incertitude sur le long terme. Ainsi, Magdoff et Sweezy, qui se sont engagés dans un commentaire permanent de ces développements des années 1970 aux années 1990, ont avancé que tôt ou tard- étant donné la globalisation de la finance et l’impossibilité de la contrôler à ce niveau- le gonflement extrême de la superstructure financière par-dessus une base productive stagnante était susceptible de conduire à un crash majeur du niveau de celui des années 1930. Mais la question de savoir si un effondrement aussi massif, s’il devait avoir lieu, conduirait la financiarisation à s’arrêter, demeurait, selon eux, une question ouverte. (43)

    « In an era of finance, » Toporowski writes, « finance mostly finances finance. » 44 Hence, production in recent decades has become increasingly « incidental to the much more lucrative business of balance-sheet restructuring. » With the big motor of capital accumulation within production no longer firing on all cylinders, the emergency backup engine of financial expansion took over. Growing employment and profit in the FIRE sector helped stimulate the economy, while the speculative growth of financial assets led to a « wealth effect » by means of which a certain portion of the capital gains from asset appreciation accruing to the well-to-do were funneled into increased luxury consumption, thereby stimulating investment. Even for the broad middle strata (professionals, civil servants, lower management, skilled workers), rapid asset price inflation enabled a large portion of employed homeowners to consume through new debt the apparent « capital gains » on their homes.45 In this manner, the expansion of debt raised asset prices, which in turn led to a further expansion of debt that raised asset prices, and so on: a bubble.

    « Dans une ère de finance, écrivait Toporowski, la finance finance essentiellement la finance ». (44) Dès lors, ces dernières décennies, la production est devenue progressivement « [incidental] face aux affaires beaucoup plus lucratives de [balance-sheet restructuring] ». Avec l’enrayement des cylindres du gros moteur de l’accumulation du capital par la production, le moteur de secours de l’expansion financière a pris le relais. La croissance de l’emploi et du profit dans le secteur FIRE a aidé à stimuler l’économie, tandis que la croissance spéculative des titres financiers conduisait à un « effet de richesse » au moyen duquel une certaine proportion des gains de capital issus de l’appréciation des titres [accruing the well-to-do] était acheminée [funnelled] vers une consommation en hausse de biens de luxe, et stimulait ainsi l’investissement. Même pour les larges strates de la classe moyenne (indépendants, fonctionnaires, [lower] management, ouvriers qualifiés), l’inflation rapide de la valeur du patrimoine a permis à une large proportion de salariés propriétaires de logements de dissoudre dans de nouvelles dettes les « gains de capital » apparents faits sur leurs maisons. (45) De cette manière, l’expansion de la dette a augmenté le prix des titres, qui à son tour, a conduit à une plus grande extension de la dette qui augmentait le prix des titres et ainsi de suite : une bulle.

    La dette peut être vue comme un médicament qui sert, dans des conditions de stagnation économique, à relever l’économie. Cependant son utilisation à des échelles toujours plus larges, dont un tel processus a besoin, ne fait rien pour vaincre la maladie sous-jacente, et sert à générer ses propres effets secondaires désastreux à long terme.

    Le résultat est le piège de la stagnation-financiarisation. La gravité de ce risque saute aux yeux aujourd’hui que le capital et son Etat n’ont pas d’autre réponse à l’actuelle Grande Crise Financière/Grande Récession que de tirer d’affaire les institutions financières et les investisseurs (aussi bien les entreprises que les particuliers) à hauteur de billions de dollars avec pour effet de redresser entièrement le système pour la n-ième fois. Cette dynamique de financiarisation liée à une économie sous-jacente stagnante est l’énigme du capital monopoliste-financier.

    Comme l’a observé Toporwski, « le paradoxe apparent du capitalisme » au début du vingt-et-unième siècle est que « l’innovation financière et la croissance » sont associées à « l’expansion industrielle spéculative », tout en approfondissant « systématiquement la stagnation économique et le déclin ». (46)

    Dès lors, la financiarisation, tout en dynamisant l’accumulation du capital par un processus d’expansion spéculative, contribue au final à miner l’ensemble de l’ordre économique et social, accélérant son déclin. 

    Ce à quoi nous assistons aujourd’hui dans l’ensemble de la société est ce que l’on pourrait appeler la « financiarisation des classes ». « Le système du crédit, observe David Harvey, est maintenant devenu […] le levier moderne majeur par lequel le capital financier extrait la richesse du reste la population » (47)

    Ces dernières années, les salaires des travailleurs ont stagné avec l’emploi, tandis que les inégalités de revenu et de patrimoine ont fortement augmenté.

    En 1976 le pour-cent des ménages les plus riches aux Etats-Unis percevait 9% du revenu généré par le pays ; en 2007 cette part était montée à 24%.

    D’après Raghuram Rajan (ancien chef économiste du FMI), pour « chaque dollar de croissance du revenu réel généré [aux Etats-Unis] entre 1976 et 2007, 58 cents sont allés aux ménages du pour-cent supérieur ». En 2007 un seul gestionnaire de hedge fund, John Paulson, a « gagné » 3,7 milliards, environ 74 000 fois le revenu du ménage médian dans le pays.

    Entre 1989 et 2007, la part de la richesse totale détenue par les cinq pour-cent les plus dotés en patrimoine aux États-Unis est montée de 59 à 62%, dépassant de loin le poids de la richesse des 95 % du bas.

    Les propriétaires de la classe moyenne ont bénéficié un temps du boom immobilier, mais perdent maintenant du terrain avec l’éclatement de la bulle immobilière. L’inégalité croissante de la distribution du revenu et de la richesse à une époque de financiarisation a pris la forme d’un accroissement de l’écart entre le « bilan » pour les riches et le « bilan » pour les pauvres.

    C’est l’épargne renforcée de ces derniers qui ont aidé à augmenter les gains exorbitants des premiers. [48]

    L’augmentation rapide de la polarisation du revenu et du patrimoine durant les dernières décennies se reflète dans la concentration et la centralisation croissante du capital. En 2000, au sommet de la frénésie de fusions-acquisitions associée à la bulle de la Nouvelle Économie, la valeur des fusions et acquisitions mondiales est montée à 3,4 billions- déclinant nettement après l’éclatement de la bulle de la Nouvelle Économie. Ce record n’a été dépassé (en termes réels) qu’en 2007, durant le pic de la bulle immobilière, quand la valeur des fusions et acquisitions est montée jusqu’à 4 billions et s’est effondrée quand la bulle immobilière a éclaté.

     

    Le résultat de toute cette activité de fusion a été un déclin du nombre de firmes contrôlant les industries majeures. Cette monopolisation croissante (ou oligopolisation) a été particulièrement évidente ces dernières années avec la finance elle-même. Ainsi, la part des titres de l’industrie financière étasunienne détenue par les 10 premiers conglomérats financiers a été multipliée par six entre 1990 et 2000, passant de 10% à 60%. (49)

     

    Cette analyse de la façon dont la financiarisation de l’économie a accentué les disparités de revenu, de richesse et de pouvoir nous aide à mettre en perspective l’opinion, maintenant répandue à gauche, que le néolibéralisme, ou l’apparition d’un extrémisme idéologique du libre-marché, serait la principale cause des problèmes économiques d’aujourd’hui.

     

    Au contraire, on comprend mieux le néolibéralisme quand on le voit comme l’expression politique ou la réponse du capital au piège de la stagnation-financiarisation. L’orientation dominante néolibérale ou pro-marché du capital financier monopoliste est devenue si radicale que, même dans le contexte de la plus grosse crise économique depuis les années 1930, l’État est incapable de réagir efficacement.

     

    Ainsi, la stimulation aux dépenses fédérales étasunienne a été nulle, avec la compensation des maigres incitations fédérales faites sous Obama par les coupes profondes dans les dépenses des États et des collectivités locales. (50) L’Etat semble être arrêté à tous les niveaux par l’idéologie du marché, attaque les déficits publics et craint l’inflation de façon irrationnelle. Rien de cela n’est pertinent dans le contexte de « ce qui, pour citer Paul Krugman, ressemble à un État permanent de stagnation et de fort chômage. » (51). Le même problème fondamental saute aux yeux dans d’autres pays capitalistes avancés.

     

    Au niveau mondial, ce que l’on peut appeler « une nouvelle phase d’impérialisme financier », dans un contexte de croissance léthargique au cœur du système, constitue la réalité principale de la mondialisation d’aujourd’hui.

     

    Des taux d’exploitation extrêmement élevés, enracinés dans des bas salaires dans les périphéries vouées à l’exportation, y compris les « économies émergentes », ont donné naissance à des surplus mondiaux qui ne peuvent être absorbés utilement nulle part dans la production. Les exportations de ces économies sont dépendantes de la consommation de riches économies, en particulier des États-Unis, avec leur déficit massif actuel.

     

    En même temps, les gros surplus générés par les exportations de ces économies « émergentes » sont attirés par les marchés hautement avantagés du Nord, où de tels surplus servent à renforcer la financiarisation du processus d’accumulation localisé dans les économies riches. Ainsi, « la croissance par les bulles », associée à la financiarisation, comme Prabhat Patnaik l’a avancé dans « La crise structurelle du capitalisme », « camoufle » le problème fondamental de l’accumulation au niveau mondial : « une hausse des inégalités de revenus sur le globe » et une tendance à la hausse des surplus » à l’échelle du monde (52).

     

    En dépit des notions de « monde horizontal » diffusée par des figures de l’establishment comme Thomas Friedman, les divisions de l’impérialisme deviennent, à plus d’un titre, plus sévères, exacerbant les inégalités à l’intérieur des pays, tout en accentuant les contradictions entre les pays/régions riches et pauvres. Si, à « l’âge d’or » du capitalisme monopoliste qui va de 1950 à 1973, l’inégalité de PIB par tête entre les régions les plus riches et les plus pauvres du monde a diminué, passant de 15/1 à 13/1, à l’ère du capital financier monopoliste, cette tendance s’est renversée, avec une augmentation de l’écart jusqu’à 19/1 à la fin du siècle. (53)

     

    De plus en plus, la financiarisation de l’accumulation, au centre du système, appuyée par les politiques néolibérales, a généré un régime mondial de « thérapie du choc ». Plutôt que « l’euthanasie du rentier » de Keynes, nous faisons face à la menace d’une euthanasie de presque tout le reste de la société et de la nature.

     

    Les conséquences de cela, comme l’a suggéré Naomi klein dans son livre, La Stratégie du choc, vont beaucoup plus loin que l’accumulation financiarisée sous-jacente associée à l’ère néolibérale et ont des effets beaucoup plus divers, qu’on peut décrire comme un « capitalisme du désastre »- rendu manifeste par les inégalités économiques et sociales croissantes, l’instabilité permanente, le militarisme radicalisé et la guerre et une destruction environnementale planétaire apparemment inéluctable. (54)

     

     

    Jamais le conflit entre l’appropriation privée et les besoins sociaux (y compris la survie) de l’humanité n’avait été si âpre.

     

    Par conséquent, le besoin de révolution n’a jamais été si grand. Au lieu d’un système mondial voué entièrement au gain monétaire, nous avons besoin de créer une nouvelle société visant à l’égalité substantielle et au développement humain : un socialisme du vingtième siècle.

     

    1) Karl Marx, Le Capital

    2) Paul M. Sweezy, Paul M. Sweezy, “More (or Less) on Globalization,” Monthly Review 49, no. 4 (September 1997): 3. La mondialisation était, dans la pensée de Sweezy, un phénomène plus long et de plus grande ampleur, caractéristique de tous les stades du développement historique du capitalisme, et donc pas un effet de changement des modes d’accumulation.

    3) Le terme « l’énigme du capital » est emprunté à David Harvey The Enigma of Capital (London: Profile Books, 2010) Bien qu’Harvey n’utilise pas le terme précisément en ce sens, l’approche ici soulignée est généralement en accord avec les conceptions de son dernier livre.

    4) Joseph A. Schumpeter, The Theory of Economic Development (New York: Oxford University Press, 1961), 107, 126, and Essays (Cambridge, Mass.: Addison-Wesley, 1951), 170.

    The drop in investment in the crisis is reflected in the fact that in 2009 the total capital stock of business equipment in the United States dropped by 0.9 percent from 2008, its first decline since the 1940s; meaning that firms did not even spend enough on new equipment to offset the wear and tear on their existing equipment. “Firms Spend More—Carefully,” Wall Street Journal, August 11, 2010.

    5) Une chute de l’investissement dans la crise est reflétée par le fait qu’en 2009 le stock total d’équipement industriel aux Etats-Unis a chuté à 0,9% par rapport à 2008, son premier déclin depuis les années 1940, ce qui signifie que les firmes n’ont même pas dépensé assez sur de nouveaux équipements pour alléger le poids qui pèse sur les équipements existants. “Firms Spend More—Carefully,” Wall Street Journal, August 11, 2010.

    6) Kari Polanyi Levitt, “The Great Financialization,” John Kenneth Galbraith Prize Lecture, June 8, 2008, http://karipolanyilevitt.com/documents/The-Great-Financialization.pdf 

    7) Pour des preuves de cette tendance, voir John Bellamy Foster et Fred Magdoff, LA Grande Crise Financière (New York, Montly Review Press, 2009). On remarquera que cet usage du terme de « financiarisation », en relation avec une tendance séculaire dans l’économie d’aujourd’hui, est vraiment différent de son usage dans le travail des théoriciens du système-monde tels que Giovanni Arrighi et Beverly Silver, qui la pensent simplement comme une phase des cycles hégémoniques du système-monde capitaliste. Voir Giovanni Arrighi and Beverly J. Silver, Chaos and Governance in the Modern World System (Minneapolis: University of Minnesota Press, 1999), 213.

    8)Robert E. Yuskavage et Mahnaz Fahim-Nader, “Gross Domestic Product by Industry for 1947-86,” Bureau of Economic Analysis, Survey of Current Business, December 2005, 71; U.S. Census Bureau, The 2010 Statistical Abstract, Table 656, “Gross Domestic Product by Industry and State: 2008”; Kevin Phillips, Bad Money (New York: Viking, 2008), 31.

    9) John Maynard Keynes, “A Monetary Theory of Production,” dans Keynes,Collected Writings, vol. 13 (London: Macmillan, 1973), 408-11. Comme le dit Kenneth Arrow : “The view that only real magnitudes matter can be defended only if it is assumed that the labor market (and all other markets) always clear, that is, that all unemployment is essentially voluntarily.” Kenneth, J. Arrow, “Real and Nominal Magnitudes in Economics,” Journal of Financial and Quantitative Analysis 15, no. 4 (November 1980): 773-74.

    10) John Maynard Keynes, Collected Writings, vol. 29 (London: Macmillan, 1979), 81-82. Voir Dudley Dillard, “Keynes and Marx: A Centennial Appraisal,”Journal of Post Keynesian Economics 6, no. 3 (Spring 1984), 421-24.

    11) Keynes, Collected Writings, vol. 13, 89

    12) Quand Sweezy a écrit à la jeune collègue de Keynes Joan Robinson en 1982 à propos de la publication des notes de lecture des années 1930 de Keynes dans lesquelles il discute de Marx, pour lui demander si elle avait la moindre information supplémentaire à ce propos, elle a répondu : « J’ai été aussi surprise au sujet du rapport de Keynes à Marx. Keynes m’a dit qu’il avait l’habitude de faire Sraffa lui expliquer le sens de la valeur travail, etc., et lui recommander des passages à lire, mais qu’il n’arrivait jamais à saisir ». Cité par Paul Sweezy, The Regime of Capital,” Monthly Review 37, no. 8 (January 1986): 2.

    13) Harlan Linneus McCracken, Value Theory and Business Cycles (Binghampton, New York: Falcon Press, 1933), 46-47.

    14) Keynes to McCracken, August 31, 1933, in Steven Kates, “A Letter from Keynes to Harlan McCracken dated 31st August 1933: Why the Standard Story on the Origins of the General Theory Needs to Be Rewritten,” October 25, 2007, Social Science Research Network, Working Paper Series, http://ssrn.com/abstract=1024388 .

    15) Keynes, Collected Writings, vol. 29, 81-82. Certains reconnaîtront ici le fondement de l’allusion ultérieure faite par Keynes dans La Théorie générale, au « monde souterrain de l’économie » dans lequel « le grand puzzle de la demande effective » a son existence « furtive »- et où il fait mmention de Marx, d’Hobson et de Douglas. Sur ce point, voir Keynes, The General Theory of Employment, Interest and Money in Keynes, Collected Writings, vol. 7 (London: Macmillan, 1973), 32, 355, 364-71. En renvoyant favorablement dans ses conférences aux partisans américains de la théorie de la sous-consommation que sont WilliamT.Foster et Waddil Catchings, Keynes était clairemnt influencé par le chapitre de McCracken sur ces penseurs. Voir McCracken, Value Theory and Business Cycles, 157-68.

    16) Keynes, Collected Writings, vol. 13, 420. Voir aussi Donald Moggridge, “From the Treatise to the General Theory: An Exercise in Chronology,” History of Political Economy 5, no. 1 (Spring 1973), 82.

    17) Sweezy, “The Regime of Capital,” 2.

    18) Karl Marx, Theories of Surplus Value, Part 2 (Moscow: Progress Publishers, 1968), 509-15. Pour une bonne interprétation des convergences de l’analyse de Marx et de Keynes dans ce domaine, voir Peter Kenway, “Marx, Keynes, and the Possibility of Crisis,” Cambridge Journal of Economics 4 (1980): 23-36.

    19) Marx, Capital, vol. 3, 515

    20) . Marx, Capital, vol. 3, 607-610, 707; Karl Marx and Frederick Engels,Selected Correspondence (Moscow: Progress Publishers), 396-402; Jan Toporowski, Theories of Financial Disturbance (Northampton, Mass.: Edward Elgar, 2005), 54. Pour une description détaillée de la théorie de Marx du « capital fictif » voir Michael Perelman, Marx’s Crises Theory (New York: Praeger, 1987), 170-217.

    (23) Hyman P. Minsky, “Hyman P. Minsky” (autobiographical entry), in Philip Arestis and Malcolm Sawyer, A Biographical Dictionary of Dissenting Economists(Northampton, Mass.: Edward Elgar, 2000), 414-15; Minsky, “Money and Crisis in Schumpeter and Keynes,” 115. Compare Marx, Capital, vol. 3, 608-09.

    (24) See Magdoff and Sweezy, Stagnation and the Financial Explosion, 93-94.

    (25) Jan Toporowski, The End of Finance (London: Routledge, 2000), 1.

    (26) Keynes, The General Theory, 159.

    (27) Paul M. Sweezy, “The Triumph of Financial Capital,” Monthly Review 46, no. 2 (June 1994): 8-10. Pour une discussion du rôle politico-économique de la finance dans la société étasunienne, voir , John Bellamy Foster and Hannah Holleman, “The Financial Power Elite,” Monthly Review 62, no. 1 (May 2010): 1-19.

    28)Nassim Nicholas Taleb, The Black Swan: The Impact of the Highly Improbable (New York: Random House, 2007).

    29)Nouriel Roubini and Stephen Mihm, Crisis Economics: A Crash Course in the Future of Finance(New York: Penguin, 2010), 13-37.

    30) Carmen M. Reinhart and Kenneth S. Rogoff, This Time is Different: Eight Centuries of Financial Folly (Princeton: Princeton University Press, 2009).

    31) Minsky, « Money and Crisis in Schumpeter and Keynes, » 121; also see Minsky, John Maynard Keynes.

    32) Minsky, John Maynard Keynes, 79-80.

    33) Minsky, John Maynard Keynes, 78.

    34) Keynes, The General Theory, 31, 228, 242, 249-50, 376-78; John Maynard Keynes, « The General Theory of Employment, » Quarterly Journal of Economics 51 (February 1937): 216; Dudley Dillard,The Economics of John Maynard Keynes (New York: Prentice-Hall, 1948), 146-54.

    35) L’argument de la maturité saute aux yeux chez Sweezy dès les années 1940 dans la Theory of Capitalist Development (New York: Monthly Review Press, 1972), 220-21. But it took on far greater prominence in his later work beginning in the early 1980s. Mais il prend une importance beaucoup plus grande dans ses travaux tardifs commençant au début des années 1980. Voir Four Lectures on Marxism(New York: Monthly Review Press, 1981), 26-45.

    36) Michal Kalecki, Essays in the Theory of Economic Fluctuations (New York: Russell and Russell, 1939), 149; Alvin H. Hansen, Full Recovery or Stagnation? (New York: W.W. Norton, 1938).

    37) Paul A. Baran and Paul M. Sweezy, Monopoly Capital (New York: Monthly Review Press, 1966), 108.

    38) Michal Kalecki, Theory of Economic Dynamics (New York: Augustus M. Kelley, 1969), 161. See also Josef Steindl, Maturity and Stagnation in American Capitalism (New York: Monthly Review Press, 1976), 130-37.

    39) Toporowski argues that Kalecki and Steindl, beginning with Kalecki’s 1937 article on « The Principle of Increasing Risk, » dealt extensively with the contradictions at the level of the firm of reliance on external financing and rentier savings (as opposed to the internal funds of corporations) in funding investment. This was never developed, however, into a theory of « credit inflation » or integrated with a notion of finance as a means of boosting aggregate demand. Toporowski avance que Kalecki et Steindl, à partir de l’article de 1937 de Kalecki sur « The Principle of Increasing Risk », traitaient largement des contradictions au niveau des firmes qui dépendents de financements externes et de l’épargne de rentiers (par opposition aux fonds propres des compagnies) pour financer leur investissement. Cela n’a jamais été développé, toutefois, sous la forme d’une « théorie de l’inflation du crédit » ni intégré à la notion de la finance comme moyen de booster la demande globale. Voir Toporowski, Theories of Financial Disturbance, 109-30; Michal Kalecki, « The Principle of Increasing Risk, » Economica 4, no. 16 (1937): 440-46.

    40) Baran and Sweezy, Monopoly Capital, 139-41.

    41) Total outstanding debt here includes household, business, and government (national, state, and local)La dette totale inclut ici les ménages, les entreprises, l’Etat (Etat fédéral, Etat, et collectivités locales).; Réserve Fédérale, Flow of Funds Accounts of the United States, Tableaux L.1 and L.2;Economic Report of the President, 2006, Table B-78; voir aussi Foster et Magdoff, The Great Financial Crisis, 45-46.

    42) Sweezy, « The Triumph of Financial Capital, » 8.

    43) Harry Magdoff and Paul M. Sweezy, « Financial Instability: Where Will It All End? » Monthly Review 34, no. 6 (November 1982): 18-23, et Stagnation and the Financial Explosion, 103-05.

    44) Jan Toporowski, « The Wisdom of Property and the Politics of the Middle Classes, » Monthly Review 62, no. 4 (September 2010): 12.

    45) Toporowski, « The Wisdom of Property, » 11. Keynes lui-même a sinalé une richesse négative qui fait que les tendances à la stagnation (le déclin de l’efficiacité marginale du capital) affectaient ainsi négativement les participations au capital, avec pour conséquence la diminutiond ela consommation des rentiers, qui ensuite renforçait la stagnation. Voir Keynes, Théorie générale, 319 (Edition en langue anglaise). L’inflation du prix des titres, avec l’effondrement de l’ère de la financiarisation qu’elle implique, a accru aussi bien « l’effet de richesse » que « l’effet de richesse négative » au-delà des quelques rentiers, jusqu’à toucher la large strate intermédiaire (« la « classe moyenne »).

    46) Toporowski, End of Finance, 8-9.

    47) Harvey, The Enigma of Capital, 245.

    48) Bloomberg, 2010 M&A Outlook, bloomberg.com, 8, accessed 8/28/2010; “M&A in 2007,” Wall Street Journal, 3 Janvier 2008; “A Record Year for M&A,”New York Times, 18 Décembre 2006; Floyd Norris, “To Rein in Pay, Rein in Wall Street,” New York Times, 30Octobre 2009; Henry Kaufman, The Road to Financial Reformation (Hoboken, New Jersey: John Wiley and Sons, 2009), 97-106, 234. Traditionnellement les manuels d’économie ont traité l’émission de nouvelles actions comme un moyen de lever des fonds pour investir. LA prolifération des fusions met en lumière le fait que c’est, en fait, rarement le cas, et que l’essentiel de l’activité a pour but d’augmenter les gains financiers.

    49)Paul Krugman, “America Goes Dark,” New York Times, 8 Auoût 2010. The overwhelming of federal spending by the cuts in state and local spending replicates the experience of the 1930s. Le dépassement des dépenses fédérales par la diminutiond es dépenses des Etats et des collectivités locales réproduit l’expérience des années 1930. Voir John Bellamy Foster et Robert W. McChesney, “A New Deal Under Obama?” Monthly Review 60, no. 9 (Février 2009), 2-3.

    50) Krugman, “This Is Not a Recovery,” New York Times, 6 Août 2010..

    51) Prabhat Patnaik, “The Structural Crisis of Capitalism,” MRzine, 3 Août 2010; Rajan, Fault Lines, 6.

    52) L’écart entre le pays le plus riche et le pays le plus pauvre en 1992 était de 72:1. Angus Maddison, The World Economy: A Millennial Perspective (Paris: Development Centre, OECD, 2001), 125; Branko Milanovic, World’s Apart: Measuring International and Global Inequality (Princeton: Princeton University Press, 2005), 40-50, 61-81; Thomas L. Friedman, The World is Flat (New York: Farrar, Straus and Giroux, 2005).

    53) Naomi Klein, The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism (New York: Henry Holt, 2007).


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  • Parti Communiste FrançaisChristine Lagarde emporte les primaires du PS pour l’élection au FMI.

     

    En ce temps-là, Jean Jaurès (qui était de petite taille) se jucha sur un tonneau, s’agrippa à un réverbère et pointa un doigt vers la foule : « Le Comité des Forges distribue des logements aux prolétaires, paie le catéchisme des enfants, construit des écoles et des églises, organise des caisses de secours. Je pense que M. De Wendel en serait un digne dirigeant ».

    Qu’est-ce que je débloque, moi ? Reprenons : « En ce temps-là, Martine Aubry et François Hollande (qui sont de petite taille) grimpèrent jusqu’aux micros et assénèrent au peuple de gauche abasourdi : « Pour remplacer le socialiste DSK, Christine Lagarde serait une respectable directrice du FMI ».

    Théophraste R. (Qui va finir par regretter Guy Mollet, vous allez voir).

    URL de cette brève 1811 http://www.legrandsoir.info/+Christine-Lagarde-emporte-les-primaires-du-PS-pour-l-election-au-FMI+.html
     

    Ce qu’il faut savoir sur Christine Lagarde

     

    La Ministre française de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi – pressentie à la tête du FMI - affiche un parcours expliquant en partie ses choix politiques. Voici quelques « détails » sur le profil du personnage.

    Diplômée du lycée états-unien Holton Arms School à Bethesda (Maryland), elle a été stagiaire au Capitole en tant qu’assistante parlementaire d’un représentant républicain du Maine qui deviendra ensuite secrétaire à la Défense de Bill Clinton.

    De retour en France, elle rejoint le bureau parisien du cabinet d’avocats Baker & McKenzie, un des premiers cabinets d’avocats mondiaux (4 400 collaborateurs dans 35 pays) et deviendra présidente de son comité exécutif mondial à Chicago. Elle fera grimper son chiffre d’affaires à 1 228 millions de dollars (+ 50 %). Elle sera aussi. membre du think tank Center for Strategic and International Studies (CSIS), au sein duquel elle coprésidait avec Zbigniew Brzezinsk qui fut entre autre conseiller de Jimmy Carter, puis militant de l’expansion de l’OTAN aux États post-soviétiques.

    Christine Lagarde sera également membre du conseil de surveillance de la multinationale néerlandaise ING Group, une des principales sociétés financières au monde. Elle a été classée douzième femme la plus puissante au monde par le magazine Forbes et cinquième femme d’affaires européenne par le Wall Street Journal Europe.

    José Fort

    URL de cette brève 1807 http://www.legrandsoir.info/+Ce-qu-il-faut-savoir-sur-Christine-Lagarde+.html

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