•  Des eucalyptus OGM pour remplacer les forêts originelles ?

    Par Nolwenn Weiler

     

    Des eucalyptus OGM pour remplacer les forêts originelles ? « Oui, je veux sauver le monde » affirme Stanley Hirsch, directeur général de la société israélienne de biotechnologie FuturaGene. Son idée ? Remplacer les énergies fossiles par des carburants et granulés issus d’eucalyptus génétiquement modifiés. Une technique qui répondrait aux exigences de l’Onu en matière « d’économie verte ». Menées depuis une dizaine d’années, notamment dans des parcelles en Israël, en Chine et au Brésil, les recherches de FuturaGene ont abouti à la création d’une espèce d’eucalyptus à croissance très rapide. Les arbres modifiés pousseraient 40% plus vite que leurs collègues, et arriveraient donc à maturité au bout de 5 ans et demi, contre 7 au rythme naturel.

     

    Stanley Hirsch entame à présent des démarches auprès des autorités brésiliennes pour pouvoir lancer l’exploitation commerciale de son nouveau produit. Il doit fournir un rapport sur la sécurité sanitaire des plantations d’arbres miraculeux. Lesquelles ne sont pas anodines. Pour Anne Peterman, directrice de Global Justice Ecology Project, « les conséquences des grandes cultures d’eucalyptus sont déjà dramatiques et réellement dangereuses : désertification des sols, augmentation de la menace d’incendie et perte de biodiversité ». L’introduction de modification génétique apporte de nouveaux risques, de contamination notamment. La longue durée de vie des arbres, le fait que leur pollen se propage sur des centaines de kilomètres, les nombreux échanges avec des micro-organismes du sol via leur système racinaire très étendu, sont autant de risques avancés par les opposants au projet de FuturaGena.

     

    Les arbres transgéniques à croissance rapide demandent en plus des quantités d’eau très importantes. Et ils consomment très rapidement les nutriments du sol, ce qui impliquerait l’apport de nombreux fertilisants chimiques. « Le Brésil et les États-Unis font reculer les forêts originelles, les prairies et les champs et il est question de planter des eucalyptus sur 20 à 40 % du territoire brésilien » avertit Anne Peterman. « Le gouvernement a même proposé un programme de reforestation de l’Amazonie à l’aide de plantations d’eucalyptus. » Le géant brésilien Suzano, à qui appartient FuturaGene, va-t-il peser dans la balance des négociations ? Propriétaire de 500 000 hectares de forêts d’eucalyptus au Brésil, cette entreprise est l’un des principaux acteurs internationaux de la production de produits forestiers à vocation énergétique, exportés vers l’Europe notamment.

    BASTA

     

    Ajout

    Le 12 mai 2010, le ministère de l’Agriculture des Etats-Unis (USDA) a autorisé l’entreprise ArborGen à cultiver 260 000 eucalyptus transgéniques, sur le territoire national (Texas, Louisiane, Mississipi, Floride, Géorgie, et Caroline du Sud) pour une période de trois ans. L’essai sera donc mené sur environ 300 hectares, repartis sur 28 sites, chaque site ne pouvant dépasser dix hectares [1]. ArborGen avait déjà reçu plusieurs autorisations pour de tels essais. Mais c’est la première fois que l’entreprise est autorisée à laisser fleurir les arbres sur la quasi totalité des parcelles d’essai.

     

    Ces eucalyptus – hybrides entre Eucalyptus grandis et Eucalyptus urophylla - ont été génétiquement modifiés avec trois objectifs : supporter des températures plus froides (les eucalyptus « conventionnels » ne peuvent pas être cultivés au nord de la Floride en raison des périodes de gel occasionnel), avoir moins de lignine [2] et être plus fertiles. Ils sont destinés à l’industrie du papier et à la production d’agrocarburants. La construction génétique inclut aussi un gène marqueur de résistance à un antibiotique, la kanamycine (nptII) [3].

     

    ArborGen, propriété de trois grands groupes (International Paper, MeadWestvaco aux États-Unis et Rubicon en Nouvelle-Zélande) a d’ores et déjà déposé une demande d’autorisation commerciale pour ces eucalyptus transgéniques auprès du ministère de l’Agriculture des Etats-Unis qui n’a pas encore donné sa réponse. Cependant, l’autorisation de ces essais en champ à grande échelle est un signal positif donné par le gouvernement à ArborGen. Deux arbres fruitiers génétiquement modifiés – la papaye et le prunier – ont déjà été autorisés pour la mise en culture commerciale aux Etats-Unis.

     

    Pour Simone Lovera, directrice de la Global Forest Coalition, cette décision n’est pas seulement mauvaise pour les Etats-Unis. Elle « ouvre la porte au niveau mondial à ces eucalyptus tolérants au froid et à d’autres arbres transgéniques qui auront de graves répercussions sur les peuples indigènes et les peuples habitant la forêt à travers le monde, et conduira à une perte plus grande de biodiversité ».

     

    [1] http://www.aphis.usda.gov/brs/biote...

    [2] La lignine est un composant du bois qui « gêne » la production industrielle du papier

    [3] Ce gène marqueur est aussi utilisé dans la pomme de terre Amflora nouvellement autorisée. En savoir plus : UE - OMS contre AESA : des experts mondiaux s’affrontent sur les gènes de résistance aux antibiotiques dans les PGM

    Infogm

    http://www.mleray.info/article-des-eucalyptus-ogm-pour-remplacer-les-forets-originelles--113691150.html


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  • Business

    L’agriculture biologique prise au piège de la grande distribution

    Par Sophie Chapelle (10 décembre 2012)

    Les produits biologiques ont envahi les rayons des supermarchés. Mais derrière l’étiquette « bio », on trouve aussi des gigantesques fermes, une main d’œuvre sous-payée et sans droits, des aliments importés de l’autre bout du monde. Les produits chimiques en moins, le label bio en plus. Des dérives de « l’industrie du bio » dénoncées par le journaliste Philippe Baqué dans son ouvrage La Bio entre business et projet de société. Entrez dans les coulisses du nouveau business mondial.

    Basta ! : On trouve de plus en plus de produits biologiques dans les rayons des supermarchés. Mais la surface agricole cultivée en bio stagne à 3 % en France. Comment expliquer ce décalage ?

    Philippe Baqué [1]  : On assiste depuis 15 ans à un développement fulgurant de l’agriculture biologique. Environ 40 millions d’hectares seraient certifiés bio aujourd’hui dans le monde, selon l’Agence Bio (soit l’équivalent de l’Allemagne et de la Suisse, ndlr). Les deux tiers de ces surfaces sont des prairies qui appartiennent à de grandes exploitations, où paissent des troupeaux qui pour la plupart ne sont même pas vendus en bio. C’est le cas en Argentine où 90 % des 4,4 millions d’hectares labellisés bio sont des terres consacrées à l’élevage de moutons appartiennant à d’immenses fermes.

    En dehors de ces prairies, la majeure partie des surfaces certifiées bio appartiennent à de grandes exploitations, spécialisées dans des monocultures d’exportation – soja, huile de palme, blé ou quinoa. Cette agriculture biologique certifiée se développe surtout en Amérique latine (+26% entre 2007 et 2008), en Asie (+10 %), en Afrique (+6 %), sur des terres où les habitants ne consomment pas, ou très peu, leurs propres productions [2]. Celles-ci sont exportées vers l’Europe, le Japon et l’Amérique du Nord. Cette agriculture bio reproduit le modèle économique agro-industriel dominant qui met les paysans du Sud au service exclusif des consommateurs du Nord et les rend de plus en plus dépendants.

    Sur quelle stratégie commerciale se fonde ce « bio-business » ?

    C’est une véritable OPA de la grande distribution, qui a vu dans le bio un marché qu’elle devait investir à tout prix. Aujourd’hui, en France, 50 % des produits bio sont vendus dans les grandes surfaces. C’est énorme ! Les hypermarchés basent leur stratégie sur la « démocratisation » des produits biologiques. Cela se traduit par de grandes campagnes publicitaires, comme celle d’Auchan qui propose 50 produits à moins de un euro. Ce qui conduit au développement d’une agriculture biologique industrielle intensive, avec l’importation d’une grande quantité de produits à coûts réduits. La France est ainsi devenue importatrice de produits bio, après en avoir été exportatrice.

    Dans le secteur des fruits et légumes, la grande distribution reproduit dans le bio ce qu’elle fait dans le secteur conventionnel. Elle participe à la spécialisation de bassins de production : la province d’Almería en Andalousie s’est ainsi spécialisée dans les légumes ratatouille (tomates, poivrons, courgettes, aubergines...), la région de Huelva dans les fraises. On trouve les mêmes produits dans la plaine d’Agadir au Maroc ou dans le sud de l’Italie. Les producteurs sont mis en concurrence sur l’ensemble du bassin méditerranéen. Si le coût des tomates d’Andalousie est trop élevé, on ira en chercher au Maroc. Le seul coût qui peut être ajusté, c’est celui de la main d’œuvre agricole, exploitée à outrance, immigrée et sans droit.

    Cette stratégie commerciale n’est-elle pas en contradiction avec la réglementation européenne ? Le droit du travail est-il soluble dans l’agriculture biologique ?

    La nouvelle réglementation européenne concernant l’agriculture biologique, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, a été taillée sur mesure pour favoriser le développement de cette agriculture industrielle et intensive, et la mise en concurrence de ces bassins de production. Elle se réduit à des principes agronomiques, techniques, et ne fixe aucun critère social. La main d’œuvre n’est pas du tout prise en compte, pas plus que les tailles des fermes.

    La question du transport est aussi évincée. Le fait que des tomates d’Andalousie ou des carottes d’Israël soient exportées par des norias de camions dans toute l’Europe n’entre pas en contradiction avec la réglementation européenne. Nous citons l’exemple du soja bio importé du Brésil, qui provient d’énormes exploitations de 5 000 à 10 000 hectares, conquises sur des forêts primaires dans l’État du Mato Grasso. La réglementation n’interdit pas que des produits bio soient cultivés sur des terres récemment déboisées ! Même chose pour l’huile de palme bio massivement importée de Colombie : des paysans ont été violemment chassés de leurs terres pour pouvoir lancer cette culture.

    N’y a t-il pas un risque que le consommateur trompé se détourne des produits bio ?

    Si cette logique se poursuit, les gens finiront par ne plus s’y reconnaître. On est très loin de l’esprit des fondateurs et de la charte de 1972 de l’organisation internationale de la bio (IFOAM), avec des principes agronomiques très forts, mais aussi écologiques, sociaux et politiques. Il était question de transparence, de prix équitable, de solidarité, de non-exploitation des pays du Sud, de fermes à taille humaine, diversifiées et les plus autonomes possible, de consommation de proximité... Aujourd’hui, les cahiers des charges officiels de la bio ont totalement échappé aux paysans, même si les organisations professionnelles sont invitées à en discuter. Au final, ce sont des techniciens à Bruxelles, soumis à tous les lobbies, qui définissent cette réglementation. Et interdisent aux États d’adopter une réglementation plus stricte. Il y a un risque véritable que la bio soit totalement vidée de son sens.

    Heureusement, des marques et mentions ont un cahier des charges plus rigoureux que la réglementation européenne. A l’instar de Nature et Progrès, Demeter, BioBreizh ou Bio Cohérence, qui se démarquent clairement de la bio industrielle. Certains producteurs ne veulent pas de la certification européenne et ont contribué à la mise en place de systèmes de garantie participatifs : un contrôle fondé sur la confiance, en présence d’un consommateur et d’un producteur. S’ils détectent quelque chose qui ne fonctionne pas bien, ils voient avec le paysan comment l’aider à améliorer ses pratiques. C’est une logique d’échange et de solidarité.

    Vous ne voulez pas diaboliser ces agriculteurs, dites-vous. Ceux qui sont dans le système de la bio industrielle peuvent-ils en sortir ?

    Les paysans deviennent des sous-traitants. Ils sont tenus par des contrats avec les toutes-puissantes coopératives agricoles. La filière des élevages intensifs de poulets bio, dominée par des coopératives comme Terre du Sud, MaïsAdour ou Terrena, illustre cette évolution. Dans le Lot-et-Garonne par exemple, Terre du Sud a récemment recruté des producteurs, souvent endettés, pour faire du poulet bio. Elle leur garantit des contrats avec la grande distribution et la restauration collective. La coopérative aide à trouver les financements, fournit les bâtiments, le matériel, les conseils de ses techniciens... En contrepartie, le producteur signe un contrat d’intégration : il s’engage à acheter à la coopérative les poussins, la totalité des aliments pour ses volailles, ainsi que les produits phytosanitaires et médicaux [3]. Il doit vendre toute sa production à la coopérative qui est la seule à déterminer les prix.

    Un exemple : le producteur signe pour un élevage de 40 000 poulets. Il doit investir 250 000 euros. La coopérative l’aide à obtenir 50 000 euros de subventions, le reste provient d’un prêt du Crédit agricole. Endetté dès le départ, le paysan est entièrement soumis à la volonté des coopératives qui peuvent décider du jour au lendemain de convertir son exploitation dans une autre production, si elles jugent que celle du poulet bio n’est plus assez rentable.

    Dans chacune de ces filières industrielles – volailles, soja, café, huile de palme, fruits et légumes – existe-t-il des alternatives biologiques locales ?

    Dans chaque pays où nous avons voyagé, nous rendons compte de cette autre agriculture biologique en rupture avec le système agro-industriel, qu’elle soit certifiée ou pas. J’ai été très marqué par une rencontre avec un producteur à Almería (Andalousie), la plus grande région de concentration de serres au monde. Ses parents ont été pris dans cet engrenage de production de fruits hors-saison destinés à l’exportation. Pendant plusieurs années, il a refusé de cultiver. Il a beaucoup voyagé pour rencontrer d’autres agriculteurs en bio. Aujourd’hui, en plein milieu de cette mer de plastique, sur deux hectares de serres et deux hectares en plein champs, il fait de l’agriculture biologique paysanne, produisant un grand nombre de variétés à partir de semences paysannes et vendant uniquement aux consommateurs andalous. Partout, les résistances abondent. Avec une très grande richesse dans les formes – ferme familiales, coopératives, communautés, groupements – ou les méthodes de culture – cultures associées, systèmes d’agroforesterie, permaculture...

    Le changement des pratiques ne passe-t-il pas aussi par une réflexion autour de la distribution  ?

    Le système des Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) a encouragé l’activité de milliers de maraîchers en France. Les groupements d’achats se développent aussi de façon spectaculaire. Dans le Lot, par exemple, ce sont des personnes bénéficiaires du RSA qui ont décidé de se regrouper afin d’accéder à une alimentation biologique locale. Avec une critique assez radicale de la grande distribution et l’envie d’une relation directe avec les producteurs. Dans l’Aveyron, un groupement a aidé l’un de ses membres à s’installer comme producteur de pâtes locales. Une réflexion plus globale autour de l’alimentation s’amorce.

    La question du prix est-elle essentielle ?

    Des prix de plus en plus bas, la défense du pouvoir d’achat, c’est le combat de la grande distribution. Mais on ne parle jamais du vrai prix des produits « conventionnels », de ce qui n’apparait pas. Pour une tomate « conventionnelle » produite de façon industrielle en Espagne, on ne parle pas du coût du transport, de son coût environnemental, des aides publiques dont cette production bénéficie. Et encore moins des coûts sanitaires dus aux pesticides. Si on prend tout en compte, et que l’on réduit les marges des intermédiaires et des supermarchés, le prix d’une tomate biologique ne serait pas si éloigné du prix d’une tomate conventionnelle. Il n’est pas normal non plus que ce soit les producteurs bio qui paient la certification. Ce devrait être aux pollueurs de payer. Et les maraîchers travaillent 14 heures par jour, six ou sept jours par semaine. Il est essentiel de payer leur travail au juste prix.

    L’agriculture biologique peut-elle être porteuse d’un projet de société ?

    L’agriculture biologique n’est pas une fin en soi. Elle s’inscrit dans un mouvement général basé sur le respect de l’humain et de la nature. On assiste à une querelle d’experts, pour savoir si l’agriculture biologique pourra nourrir ou non la planète en 2050. L’agriculture biologique ne pourra pas nourrir la planète si nous ne changeons pas de système politique. Si nous n’arrêtons pas le transfert massif de populations paysannes vers les bidonvilles des mégalopoles. Si nous n’arrêtons pas de transformer leurs terres en monocultures industrielles destinées à nourrir les élevages des pays riches ou les véhicules. Si nous ne sortons pas de ce capitalisme financier, le plus sauvage à avoir jamais existé. La bio doit nous amener à envisager une société beaucoup plus juste que celle dans laquelle nous vivons. Il existe aujourd’hui un mouvement social diffus et encore peu organisé, mais porteur d’un nouveau projet de société, à l’instar de la lutte du Larzac ou celle de Notre-Dame-des-Landes. Une agriculture biologique ne peut être que paysanne. Si elle est livrée à l’industrialisation, elle ne fera qu’accélérer la disparition du monde paysan.

    Propos recueillis par Sophie Chapelle

    @Sophie_Chapelle sur twitter

    Crédits photo : Philippe Baqué /Alterravia, Les ouvrières de la bio

    A lire : La Bio entre business et projet de société, sous la direction de Philippe Baqué, éditions Agone, 432 pages, 22 euros.

    Notes

    [1] Philippe Baqué est journaliste indépendant, collaborateur du Monde diplomatique, de Politis, de Silence, de Témoignage Chrétien, auteur du livre Un nouvel or noir (Paris Méditerranée, 1999) et réalisateur de films documentaires : Carnet d’expulsion, de Saint-Bernard à Bamako et Kayes ; Melilla, l’Europe au pied du mur ; L’Eldorado de plastique ; Le Beurre et l’argent du Beurre. Il a coordonné l’ouvrage collectif La Bio entre business et projet de société, paru aux éditions Agone en 2012.

    [2] Chiffres cités par le rapport annuel de l’Agence Bio Les chiffres clés de l’agriculture biologique, la Documentation française, 2010.

    [3] notamment allopathiques, désormais permis par la nouvelle réglementation

     

     

    http://www.bastamag.net/article2810.html


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  • Sûreté nucléaire

    Recherche colis radioactif égaré dans le Gard

    Par Agnès Rousseaux (30 novembre 2012)

    Un colis radioactif, perdu à Nîmes le 19 novembre, est activement recherché par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette caisse métallique, d’une vingtaine de centimètres, contient une source radioactive liquide de fluor 18, d’une activité d’environ 20 milliards de becquerels [1]. Expédiée par l’entreprise de biotechnologies CIS BIO International, filiale du groupe belge IBA, elle était destinée au Centre hospitalier de Nîmes pour des examens médicaux. Selon la préfecture, le colis est tombé du camion de livraison, au niveau d’un rond-point. « La société de transport n’a pas respecté les règles d’arrimage du colis et n’a pas utilisé les sangles nécessaires », a conclu l’enquête de l’ASN.

    La fiole de fluor aurait aujourd’hui perdu l’essentiel de sa radioactivité [2]. Mais le jour où elle a été égarée, elle « présentait des risques radiologiques importants pour toute personne se trouvant à proximité, en particulier si la source était sortie de son colis et manipulée », prévient l’ASN. Qui invite toute personne qui l’apercevrait à contacter les pompiers... Après 10 jours de recherche infructueuse, l’événement vient d’être reclassé par l’ASN au niveau 2 de l’échelle INES (évaluant la gravité des évènements nucléaires et radiologiques de 0 à 7). Celle-ci estime que le non-respect de règles élémentaires de transport « est révélateur d’un défaut de culture de sûreté ». « Notre mission est de protéger, améliorer et sauver des vies », clame le groupe IBA. Pas vraiment réussi sur ce coup-là...

    Notes

    [1] Soit 500 fois la dose injectée lors d’une scintigraphie thyroïdienne, par exemple, qui est d’environ 40 mégabecquerels pour un patient.

    [2] « La période de cet élément radioactif est de 1 heure et 50 minutes, ce qui signifie qu’il perd naturellement la moitié de sa radioactivité toutes les 110 minutes », précise l’ASN.

    http://www.bastamag.net/article2815.html


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    BASTA !

    http://www.bastamag.net/article2780.html

    Alimentation

    Mexique : le berceau du maïs bientôt recouvert d’OGM ?

    Par Sophie Chapelle (20 novembre 2012)

    Mexique : le berceau du maïs bientôt recouvert d’OGM ? Des tortillas à base de maïs OGM, c’est ce que tentent d’obtenir les multinationales Monsanto et Pioneer au Mexique. Elles ont demandé au gouvernement l’autorisation de semer 2,4 millions d’hectares de maïs transgénique à l’Ouest et au Nord du Mexique. Soit une surface aussi grande que le Luxembourg ! Alors que la période de consultation publique s’achève, des scientifiques indépendants (de l’Union mexicaine des scientifiques engagés avec la société) [1] dénonce le manque de transparence du processus. Les résultats des plantations « pilotes » n’auraient pas été rendus publics. « C’est grave, le Mexique n’est pas seulement le berceau du maïs, mais aussi l’un des centres d’origine et de diversification à partir desquels le monde tire la diversité génétique nécessaire pour maintenir sa production face aux nouveaux fléaux et défis climatiques. »

    « Cela met en danger une des quatre céréales les plus importantes pour l’alimentation de toute l’humanité », alerte l’Assemblée des affectés environnementaux (ANAA), qui regroupe de nombreuses communautés locales victimes de pollutions. « Si nous ne nous organisons pas pour arrêter cette initiative et résister à l’obligation d’utiliser les semences transgéniques, les habitants des grandes villes mexicaines n’auront plus d’autre option alimentaire que de manger du maïs transgénique ». Ils appellent les organisations locales, nationales et internationales à signer leur appel, et exigent du gouvernement l’interdiction de tout type de culture transgénique sur le territoire national. L’enjeu est que les milliers de variétés de mais cultivées par des millions de familles indigènes et paysannes restent exemptes de tout risque de contamination OGM. Le gouvernement devrait faire connaître sa décision début décembre.

    Notes

    [1] Unión de Científicos Comprometidos con la Sociedad


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  •  
    Halte au caca d’huître !
     

    Imaginez, face à 7 kms de plage de sable fin, dans une eau limpide, des millions d’huîtres recrachant chaque jour des tonnes d’excréments. Les huîtres, en effet, filtrent l’eau en permanence, retiennent le phytoplancton, en extraient la matière nutritive, sur laquelle agissent des enzymes digestives, et tout ce qui n’est pas digéré est évacué sous forme de caca d’huître…

    Le projet fait cauchemarder les habitants d’Oléron. Il consiste à suspendre en pleine mer, sur pas moins de 360 hectares, des cages remplies d’huîtres grâce à 50 kms de câbles maintenus à flot par 15 000 bouées, le tout arrimé au fond avec un millier de blocs de béton, pesant chacun entre 2,5 et 4 tonnes. On appelle ça des « lanternes japonaises ». En avril 2011, à peine arrivée, la nouvelle préfète, Béatrice Abolivier, a donné son accord au début des travaux, qui doivent durer un an.

     

    Du coup, 2 500 Oléronais ont déjà signé une pétition contre ce qu’ils appellent l’ « usine à huîtres », une association de défense a été créée pour l’occasion, et deux maires du coin ont dégainé des recours contre l’arrêté préfectoral. En s’appuyant sur des docs de l’Ifremer, l’Aplimap, qui regroupe les opposants, a calculé que les huîtres pourraient rejeter chaque jour 600 à 800 tonnes d’excréments !

     

    Un chiffre que conteste le Comité régional de conchyliculture. Lequel, interrogé par Le Canard, ne voit pas où est le problème, vu que « les rejets seront dispersés par les courants ». Du côté de l’Ifremer, on avoue être incapable, en l’état, de calculer la quantité d’excréments d’huître qui pourraient menacer la plage. « Il faudrait faire un point zéro au démarrage du champ d’huîtres et surveiller l’évolution », précise un chercheur.

    L’autre sujet de fâcherie, c’est que la majorité de ces huîtres seront des triploïdes, issues d’une manipulation chromosomique (pour ne pas prononcer le mot « génétique » !) qui les a rendues stériles et, du coup, plus productives. Là ou une huître lambda dépense 60 % de son énergie à produire de la semence, la « triplo » fait du gras, et, en plus, on peut en vendre toute l’année car elle n’est jamais laiteuse.

    Au fait, pourquoi vouloir immerger des cages à huîtres face aux plages d’Oléron ? Tout simplement parce que sur le littoral les parcs à huîtres sont gagnés par la vase – à cause des alluvions mais aussi des excréments. Y a de quoi tourner en bourriche…

    (Photo : parc à huîtres sur l’île d’Oléron)

    Le Canard Enchaîné N° 4800 du 24 octobre 2012

    http://altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article21382


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  • Géopiraterie

    Quand un riche « voyou du climat » veut manipuler les océans

    Par Sophie Chapelle (23 octobre 2012)

    Un businessman californien a joué les apprentis sorciers cet été, au large du Canada. Il a mené en toute illégalité une expérience visant à faire croître le plancton, qui se nourrit de CO2, sur une zone de 10 000 km2. Le but : monnayer ensuite des « droits à polluer » en échange du carbone ainsi séquestré. Qui arrêtera ces « géo-pirates » ?

    100 tonnes de sulfate de fer ont été déversées dans l’océan Pacifique, au large des côtes orientales du Canada, en Colombie-Britannique. Objectif : provoquer une prolifération rapide de plancton sur une zone un peu plus grande que la Corse (10 000 km2). Et par conséquent lutter contre le réchauffement climatique. Le plancton se nourrit de gaz carbonique (CO2) et le séquestre au fond des océans. Le faire croître artificiellement pour augmenter sa capacité d’absorption de CO2 est l’une des techniques envisagées à grande échelle pour manipuler le climat. Ces techniques, appelées géo-ingéniérie, consistent par exemple à envoyer des nanoparticules dans l’atmosphère ou à recouvrir les déserts de plastique blanc pour réfléchir les rayons du soleil (lire notre précédent article). Mener des expériences de géo-ingéniérie à grande échelle est interdit depuis octobre 2011.

    Problème : l’expérimentation qui a eu lieu au large du Canada en juillet relève d’une initiative totalement privée. Sans aucun contrôle, réalisée en toute illégalité, elle ne s’appuie que sur la recherche de profits. Le projet a été mené par Russ Georges, un homme d’affaires californien, qui espère qu’en retirant du CO2 de l’atmosphère, il pourrait vendre des « droits à polluer » sur le marché du carbone. C’est l’organisation canadienne ETC Group qui a découvert le pot-aux-roses et averti le journal britannique The Guardian, qui a mené l’enquête.

    Des communautés autochtones dupées

    Pour trouver les 2,5 millions de dollars nécessaires à la réalisation de son expérience, l’entrepreneur s’est adressé à une communauté amérindienne vivant sur l’archipel Haida Gwaii, au large de la Colombie-Britannique. Il leur a vendu un « projet de restauration des populations de saumons », lesquelles déclinent dans cette région du Pacifique.

    Pour leur vendre son idée, Russ George s’est servi d’une étude parue dans la revue Fisheries Oceanograph. Cette étude montre que des cendres volcaniques provenant d’Alaska, et très riches en fer, auraient favorisé l’éclosion de phytoplancton dans le fleuve Fraser, qui se jette à Vancouver. Et contribué à la multiplication des saumons. Le Conseil de la communauté a donc accepté d’emprunter deux millions et demi de dollars sur son fonds de réserve pour mettre sur pied la société Haida Salmon Restoration Corp. (HSRC) afin de financer le projet.

    Aucune autorisation ni étude d’impact préalable

    En dépit d’un moratoire international sur les expériences de géo-ingénierie [1], Russ Georges a mené son expérience sans aucune autorisation, ni aucune étude d’impact préalable. Car l’expérience contrevient à la Convention de l’Onu sur la diversité biologique et à la Convention de Londres qui interdisent la fertilisation des océans dans un but lucratif.

    Après la révélation de l’affaire, le directeur général de la société HSRC, John Disney, a affirmé que plusieurs organismes gouvernementaux canadiens étaient au courant du projet. Le ministre de l’Environnement canadien a répondu qu’une enquête a été lancée dès le 30 août et que le déversement de sulfates de fer serait déclaré illégal s’il avait effectivement eu lieu.

    Le président de la communauté qui a financé l’expérimentation a défendu ses habitants, arguant que la communauté autochtone n’avait pas été prévenue que le projet comportait des risques et qu’il violait des traités internationaux. « Notre peuple et l’humanité toute entière dépendent des océans et ne peuvent laisser leur sort aux caprices de quelques-uns », ont déclaré dans un communiqué paru le 18 octobre [2], le président et les chefs du conseil de la communauté.

    Quelles conséquences pour l’écosystème ?

    Cette « fécondation » artificielle des océans affectera-t-elle l’écosystème local ? « Il est difficile, sinon impossible, de prévoir ou détecter les effets qui se manifesteront dans les mois ou les années qui viennent », répond l’océanographe John Cullen dans le Guardian. Certains effets possibles, comme la raréfaction de l’oxygène ou l’altération des chaines alimentaires, devraient nous dissuader de manipuler l’océan de cette façon. L’histoire est riche d’exemples de manipulations écologiques qui se sont retournées contre nous ».

    Des images de la NASA ont confirmé une croissance du plancton sur la zone de 10 000 km2. «  C’est normal d’en voir en cette période de l’année », temporise ETC Group. L’Administration américaine des océans et de l’atmosphère (NOAA), qui avait accepté de prêter vingt balises flottantes pour traquer l’évolution du plancton, assure de son côté avoir été « dupée », ne sachant pas que des dizaines de tonnes de sulfates de fer seraient déversées.

    Les recherches menées en 2005 par une mission océanographique internationale (KEOPS) avaient déjà émis de sérieux doutes « sur les propositions de certaines sociétés de géo-ingénierie climatique qui prétendent pouvoir remédier à l’augmentation du CO2 atmosphérique par une manipulation délibérée de la pompe biologique, via un ajout artificiel en fer ». L’ajour artificiel de fer n’a pas les mêmes conséquences qu’un « apport continu et naturel de fer aux eaux de surface » [3].

    « Ingénieur voyou »

    « Ce n’est pas la première fois qu’un géo-ingénieur voyou tente de tirer profit de la pollution des communs, dénonce Neth Daño d’ETC Group. Et ce ne sera pas la dernière tant que les gouvernements n’interdiront pas toutes les activités de géo-ingénierie et ne tiendront pas leurs contrevenants responsables ». La géo-ingénierie n’est pas seulement une distraction dangereuse de quelques riches illuminés. Elle constitue aussi une excuse pour éviter de réduire sérieusement les émissions de combustibles fossiles.

    Et qu’en est-il des millions de dollars escomptés par la vente de crédits carbone soi-disant produits par l’expérience ? « Il ne va pas obtenir un sou de crédits carbone, car il n’y a aucune preuve que le carbone va rester là où il est », estime le climatologue Andrew Weaver de l’université canadienne de Victoria. Aucun dispositif n’existe à ce jour pour évaluer le nombre de crédits carbone correspondant à ce type de manipulation.

    Sophie Chapelle

    Crédit photo : KEOPS / CNRS 2007

    Notes

    [1] Avec une exception pour les expérimentations scientifiques à petite échelle, menées dans un environnement contrôlé et sous juridiction nationale.

    [2] Télécharger le communiqué rédigé par les chefs de la communauté après la révélation de l’affaire

    [3] Voir cet article du CNRS.

    http://www.bastamag.net/article2719.html


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  • Erika : la Cour de cassation confirme la condamnation de TotalMalgré les conclusions absurdes et non fondées de l’avocat général, la Cour de Cassation a jugé que les juridictions françaises étaient compétentes pour intervenir au-delà de la mer territoriale et ainsi sanctionner les responsables de la catastrophe de l’Erika. La responsabilité civile de Total, écartée en appel, a également été reconnue par la cour de cassation, Total ayant commis une faute de témérité.

    Toutes les peines sont confirmées, y compris l'amende de la compagnie pétrolière.

     

    La marée noire sur une plage de l'Ile de Groix, dans le Morbihan (Emmanuel Pain / AFP)

    La marée noire sur une plage de l'Ile de Groix, dans le Morbihan (Emmanuel Pain / AFP)
     

    La Cour de cassation a validé mardi 25 septembre toutes les condamnations pénales prononcées en 2010 dans l'affaire du naufrage de l'Erika, dont celle de Total, qui avait écopé de l'amende maximale, soit 375.000 euros.

    La compagnie pétrolière, qui avait été exonérée de responsabilité civile par la Cour d'appel de Paris, est cette fois condamnée à "réparer les conséquences du dommage solidairement avec ses coprévenus d'ores et déjà condamnés" à 200,6 millions d'euros de dommages et intérêts. Total avait déjà versé sa part des indemnités.

    Le naufrage le 12 décembre 1999 de l'Erika, navire vieux de 25 ans, battant pavillon maltais, affrété par le groupe français Total et appartenant à un armateur italien, avait souillé 400 kilomètres de côtes de la pointe du Finistère à la Charente-Maritime, et mazouté quelque 150.000 oiseaux.

    Le 30 mars 2010, la cour d'appel de Paris avait confirmé les condamnations pénales pour pollution du groupe Total, de la société de classification Rina, de l'armateur Giuseppe Savarese et du gestionnaire Antonio Pollara. Les parties civiles (Etat, collectivités locales, associations de protection de l'environnement) avaient obtenu 200,6 millions d'euros de dommages et intérêts, dont environ 13 millions au titre de leur "préjudice écologique".

    Hors des eaux territoriales françaises

    Les quatre condamnés s'étaient pourvus en cassation. Au printemps, l'avocat général à la Cour de cassation, Didier Boccon-Gibod, avait provoqué un tollé en recommandant une "cassation sans renvoi de l'arrêt attaqué", c'est-à-dire une annulation définitive de la procédure, au motif que la justice française n'était pas compétente. Le navire a en effet sombré en dehors des eaux territoriales françaises, en Zone économique exclusive (ZEE). Même si l'Etat du pavillon, Malte, ne s'est pas manifesté, la loi française de 1983, sur laquelle sont basées les poursuites, ne pouvait selon lui pas s'appliquer car elle n'était pas conforme aux conventions internationales.

    Cette recommandation n'a donc pas été suivie.

    La crainte d'une impunité

    L'avocat général avait par ailleurs remis en cause l'indemnisation du "préjudice écologique", accordé en première instance et en appel à plusieurs collectivités et associations (comme la Ligue de Protection des Oiseaux), indépendamment de tout dommage économique.

    L'enjeu de la décision de la Cour de cassation n'était pas financier, puisque Total s'est déjà acquitté des sommes qu'il devait (171 millions, Rina ayant versé les 30 millions restants), précisant que ces versements étaient "définitifs".

    Les parties civiles craignaient plutôt d'éventuelles répercussions juridiques, si de nouvelles catastrophes de ce type se produisaient. Aux yeux des collectivités, une cassation totale aurait signifié "l'impunité" pour les pollueurs.

    "L'hiver va arriver. Il va y avoir des tempêtes. On peut avoir de nouveau un bateau-poubelle parce qu'il y en a encore beaucoup, beaucoup, sur les eaux internationales", avait prévenu la maire UMP de Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique), Danielle Rival.

    Total, dont une sous-filiale a été condamnée lundi à Toulouse pour la catastrophe AZF, avait essayé de replacer le débat sur le strict plan du droit. "Les navires étrangers qui remontent de la pointe de l'Afrique jusqu'à Rotterdam" ne peuvent avoir "un régime juridique différent à chaque fois qu'ils croisent un pays qui a un droit sur la zone économique exclusive", avait maintenu son avocat, Me Daniel Soulez Larivière.

    http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20120925.OBS3405/erika-la-cour-de-cassation-tranche-ce-mardi.html


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  • Par Fabrice Nicolino

    Merci à Jean-Paul Guyomarc’h, qui a déniché l’information, et me l’a transmise. Vu le titre que j’ai trouvé, le suspense ne sera pas bien grand, mais faisons comme si. Et commençons par la lecture d’un site internet (ici), qui nous annonce une bien grande nouvelle : la société Scotts France « lance son appli jardin ». Certes, cela peut paraître modeste, mais c’est tout de même bien joli. Disponible sur les smartphones, cette nouveauté « propose un diagnostic complet des maladies et des nuisibles rencontrés dans un jardin et détermine le traitement adéquat ». C’est gratos, c’est sur le téléphone, c’est hyperpratique et hypramoderne, cela devrait donc faire fureur. Ne compte-t-on pas 17 millions de jardiniers en France, ainsi que 12 millions de smartphones à la fin de 2011 ? Si.

    Insistons sur un point digne d’intérêt : il s’agit de proposer un traitement. Car l’application magique recense, en sa banque d’images, 110 maladies et « nuisibles » de la plante. C’est la guerre, voyez-vous, mais les armes de destruction massive sont à portée de pulvérisateur. Elles s’appellent KB, Carré Vert, Fertiligène et Naturen. En « géolocalisant » les magasins qui produisent ces excellents biocides, puis en établissant un itinéraire grâce à Google Map, on court les acheter les yeux fermés. Et si par malheur l’agressé ne trouve pas l’agresseur dans la liste des 110, eh bien, il lui reste la possibilité d’appeler un expert. Un expert de chez Scotts, la noble société qui offre ainsi ses si admirables services.

    Poursuivons. Pour en savoir plus sur l’application gratuite, il est conseillé de se rendre sur un autre site appelé La pause jardin (ici). Un tel nom donne confiance, je trouve. Surtout qu’on vous annonce de suite qu’on « n’a jamais été aussi bien dans son jardin ». Pour celui qui a envie de jouer à l’ombre de son figuier, « un grand concours Agriculture biologique », qui peut permettre de gagner un kayak. Quantité de braves gens dont on ne connaîtra que le doux prénom - Nathalie, par exemple - répondent à nos questions, tandis qu’un gentil organisateur offre un voyage virtuel dans la magnifique bambouseraie d’Anduze, dans le Gard. « C’est les vacances », « Découvrez le Land’art », « Jardinez à l’ombre » : tout est à ce point sympathique qu’on a envie de tirer une chaise, et de s’asseoir en si bonne compagnie. Il faut vraiment être une vilaine engeance pour se concentrer sur les discrètes mentions concernant les bons produits de la maison, qui ont nom Substral, Fertiligène, KK, etc.

    Et d’ailleurs, quel est donc le propriétaire de ces marques, dites-moi ? La page ne signale rien qui permette de comprendre qui est qui. Il faut aller aux toutes dernières lignes, et se munir d’une loupe binoculaire pour découvrir ceci : « Vous êtes sur le site Scotts France destiné aux produits grand public ». Et nous voilà bien avancés, car qui est donc Scotts France ? Vous connaissez peut-être, mais en ce cas, vous faites partie d’une minuscule cohorte. Oui, qui est Scotts France ? Patience. C’est en tout cas une entreprise fortement « citoyenne », pour reprendre un mot si galvaudé qu’il en est devenu obscène. Regardez plutôt ce film d’une minute où l’on voit le directeur de Scotts France parler de ses relations avec les parcs naturels régionaux : c’est ici.

    Il n’est que temps de parler du round-up, désherbant le plus vendu en France, et dans le monde. La très belle association Eau et Rivières de Bretagne a mené un homérique combat judiciaire de six années - Tribunal correctionnel, Cour d’appel de Lyon, Cour de cassation - contre le fabricant du round-up, c’est-à-dire Son Altesse Monsanto Elle-Même. Et elle a gagné de façon spectaculaire : lire ici. Monsanto a été condamnée pour publicité mensongère. Sans état d’âme, la transnationale plaquait sur ses flacons : 100 % biodégradable ou encore Respecte l’environnement. Plaisantins, va !

    Mais Monsanto n’était pas la seule entreprise poursuivie. Car si la marque fabriquait, une autre commercialisait. Et cette autre a pour nom, mais vous l’aurez sans doute deviné, Scotts France. Quels sont les liens entre les deux ? Bonne question, que je vous remercie de me poser à distance. Ce n’est pas si clair. Des documents présentent Scotts France comme une « division » de Monsanto, mais je n’y crois guère. Les sources les plus sérieuses que j’ai pu lire indiquent que Scotts Miracle-Gro est une entreprise américaine qui a passé des accords exclusifs avec Monsanto. Il n’est pas exclu que des liens plus discrets existent entre les deux, mais en ce cas, j’en ignore tout.

    La question du jour est de savoir pourquoi Monsanto a renoncé à commercialiser sous son nom l’un de ses produits-phares, le round-up. Les explications sont sûrement nombreuses, mais je vais vous proposer la mienne, exceptionnellement optimiste : le nom de Monsanto est associé à tant de saloperies que la firme étasunienne aura préféré cacher ce nom devenu synonyme de crime. En confiant le bébé à une boîte totalement inconnue, Scotts, elle aurait réussi à gagner un peu de temps et à tromper un peu plus les pauvres nigauds que nous sommes tous.

    Je le reconnais, ce n’est qu’hypothèse. Mais voyez comment font les entreprises malades de leur nom et de la réputation associée. Dans les années 80 et 90 du siècle passé, le marché de l’eau, en France, a permis d’apprendre beaucoup sur la corruption des élus locaux, qui est grande. Qu’est donc devenue la Lyonnaise des Eaux, créée en 1880 ? Entre 1980 et 2000, son président s’appelait Jérôme Monod, qui fut aussi un des plus grands pontes du RPR de Chirac. Et c’est sous son règne qu’Alain Carignon, jadis maire de Grenoble et toujours ami proche de Sarkozy, fut envoyé en taule pour avoir signé un « pacte de corruption » avec la Lyonnaise. Je vois que la police est bien faite : si vous tapez Lyonnaise des Eaux sur Google, vous verrez comme moi combien Wikipédia sait se montrer miséricordieux avec les crapules.

    Je m’éloigne. La Lyonnaise est désormais noyée - oui, c’est un mauvais jeu de mots - dans le groupe Suez Environnement et distribue tranquillement de l’eau à près de 20 % des Français. On a enterré le passé avec l’ancien nom : bien joué. Et la Compagnie générale des Eaux, fondée elle en 1853, vous voyez ? Si oui, quelle chance ! Extrait du journal Libération du 10 octobre 1996 : « Au troisième jour du procès, les deux hauts dirigeants de la Compagnie générale des eaux (CGE) ont craqué. « Nous voulons vous dire exactement comment les choses se sont passées », a déclaré Jean-Dominique Deschamps, hier matin, à la reprise de l’audience, devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion. Son collègue à la direction générale de la CGE, Jean-Pierre Tardieu, a embrayé pour reconnaître qu’une commission « de 4 millions de francs, dont la moitié devait être versée autour de la première année, avait été convenue » avec la mairie de Saint-Denis, alors dirigée par le socialiste Gilbert Annette ».

    Mais où est passée la Générale ? Après avoir été confiée au vertueux Jean-Marie Messier, si proche conseiller d’Édouard Balladur, alors ministre des Finances - 1987 -, elle se transforme ensuite, par un coup de baguette magique, en Vivendi Environnement. Ni vu ni connu, j’t’embrouille. Un autre coup de chiffon, et la voilà devenue Veolia, ripolinée de manière à tenir au moins le siècle : elle emploie plus de 330 000 salariés et se présente en toute modestie comme « leader mondial des services collectifs ». Pfuit ! Plus aucune odeur, plus aucun relent d’égout.

    Je ne dresse pas la liste interminable de ces astucieux changements. Vous en connaissez probablement vous-même, en France ou à l’étranger. Un dernier mot : dans l’indépassable 1984, la bataille des mots et de la mémoire est centrale. Décisive. L’Angsoc, qui règne de la manière qu’on sait, repose sur un triptyque audacieux : « La guerre, c’est la paix », « La liberté, c’est l’esclavage » et « L’ignorance, c’est la force ». À côté de l’anglais classique, bien trop proche de la vérité, est apparu le newspeak, que nous avons traduit par novlangue. Monsanto a bien mérité de la patrie orwellienne.

    fabrice-nicolino.com


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  •  Le plastique pollue, en plus il tue. Pour lui – ou plutôt pour le pétrole, la matière première dont il est un dérivé - on s’entre-tue.

    PAR CHRISTIAN CAMPICHE

    Un navigateur solitaire voguant sur le Pacifique nord eut la surprise de découvrir une île de la taille de la France. Non ce n’était pas M. Cook au 18e siècle, mais un marin américain en 1997. L’île était une masse de plastique, des déchets par millions, dérivant sur l’océan. Mélancholie infinie des baleines étouffant sous la banquise-poubelle.

    Le plastique est-il un bienfait ou une plaie d’Egypte? Présent sur les étals des supermarchés, ce dérivé du pétrole symbolise la société de consommation. Qui songerait à s’en priver? En médecine aussi, le plastique est un must. Cette matière souple ou transparente quand il le faut, étanche, est tellement indispensable qu’on accepte de polluer gravement la mer pour elle. 

    On s’entretue aussi au sens propre pour le plastique, ou plutôt pour la matière première sans laquelle il n’existerait pas. Il paraît qu’au début des années trente la guerre dite du cacao entre la Bolivie et le Paraguay avait l’or noir pour deuxième raison. Idem pour le conflit du Biafra, dans les années soixante. Les guerres plus récentes comme celle du Golfe ou l’invasion de l’Irak cachaient mal le véritable motif de l’occupation du berceau de la civilisation. Il s’agissait de faire main basse sur le pétrole. 

    Ne parlons pas de l’intervention occidentale en Libye ni de la Syrie. Officiellement, on s’en prend à la dictature au nom des droits humains. La réalité est beaucoup moins noble. 

    Bienheureux les Inuits qui vivent sur des réserves de pétrole sans avoir l’idée de planter un seul derrick. Pourtant l’Antactique est source d’un grand enjeu pétrolier. On leur tient les pouces, à ces chasseurs de poisson et de phoques. Combien de temps tiendront-ils blancs comme neige dans leurs petites maisons en bois? Parviendront-ils à éviter le sort de leurs cousins du sud, génocidés au nom du progrès de l’homme blanc?

    Mais au fait, les Inuits utilisent-ils le plastique?

    http://www.lameduse.ch/

     


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