• Deuxième « Manovra » du gouvernement Berlusconi

     
    Moyen Orient

    La nouvelle « manovra » – nom donné en Italie à ces mesures d'austérité drastiques – présentée par le ministre de l'Economie Giulio Tremonti augure d'une véritable saignée pour les travailleurs et achève la casse de la fonction publique italienne. Ces mesures s'ajoutant à celles de l'an dernier, cela fera 68 milliards d'euros de sacrifices pour les Italiens d'ici à 2014, dont 41 milliards prévus par cette seule deuxième vague de mesures anti-sociales.
    Fatalement discrédité non seulement auprès du peuple italien, qui l'a doublement désavoué aux dernières municipales et au référendum sur la privatisation de l'eau, mais aussi auprès du patronat qui prépare sa succession, Berlsuconi a présenté son plan comme une façon de sauver l'Italie de la banqueroute et de « défendre l'euro ».
    Berlusconi avait multiplié les grandes déclarations sur sa volonté de taxer les transactions financières ou de limiter le salaire des élus et membres du gouvernement. Aucune de ces mesures, cosmétiques par ailleurs, n'ont été retenues dans le projet final.
    Car, en Italie comme ailleurs, tout le monde n'est pas dans le même bateau en temps de crise et ce sont les travailleurs qui paient la crise du capitalisme.
    Le gouvernement maintient le cap sur la casse de la fonction publique nationale et territoriale
    Dans l'ensemble, le gouvernement ne fait que confirmer et approfondir le plan d'austérité voté à l'été 2010. Rien de moins qu'une démolition de la fonction publique italienne.
    Le gouvernement confirme le gel du salaire des fonctionnaires au moins jusqu'en 2014. Dans un pays où l'inflation officielle tourne, sur les cinq dernières années, à 2% de moyenne, cela constitue donc une perte sèche de près de 10% de pouvoir d'achat sur la période.
    Ensuite, la nouvelle « manovra » ne déroge pas à la règle du gel de l'embauche des fonctionnaires, avec comme objectif a minima le non-remplacement d'un fonctionnaire sur cinq. Elle prévoit par ailleurs toujours une baisse des budgets des ministères de 10% par an jusqu'en 2014.
    C'est dans l'éducation que ces coupes seront les plus drastiques avec l'objectif de 100 000 postes supprimés d'ici 2014. Cette année, ce sont 25 000 postes d'enseignants qui ont été supprimés ainsi que 35 000 postes d'auxiliaires.
    Nouvelles coupes dans les aides aux régions : vers le fédéralisme fiscal
    Outre la fonction publique, ce sont également les collectivités territoriales qui seront découpées non pas au « ciseau », comme le répète le gouvernement, mais à la hache.
    9 milliards de subventions aux régions supprimés s'ajoutant aux 13 milliards déjà actés l'an dernier. Dans les faits, le modèle régionaliste italien favorise déjà le creusement des inégalités entre régions riches et pauvres, alors que des compétences centrales de l'État sont déléguées aux régions comme la santé.
    Il ne fait aucun doute que cette diminution des aides de l'État préfigure un passage plus net au « fédéralisme fiscal », qui en créant la concurrence entre régions riches et pauvres, concentrera évidemment les richesses dans les premières et réduira à la misère les secondes, mais aboutira à un recul fiscal et social généralisé.
    Dans cette optique, le gouvernement a déjà entériné l'adoption d'un système de « bonus-malus » pour les régions 'vertueuses' atteignant l'équilibre budgétaire. Une façon de favoriser les régions contrôlées par la droite capable de dégager des ressources fiscales colossales, et ceci en pratiquant le dumping fiscal à outrance.
    Du neuf avec du vieux : fiscalité à deux vitesses et accélération de la contre-réforme des retraites
    Parmi les nouveautés de cette deuxième version de la « manovra », une réforme fiscale d'autant plus injuste qu'elle contredit l'argumentaire spécieux du gouvernement sur les économies nécessaires. Ces réformes vont faire peser un fardeau fiscal encore plus important sur les ménages les plus modestes tout en allégeant celui des plus riches et des entreprises.
    Parmi les mesures concrètes, l'augmentation de la TVA de 1 point, à 11 et 21% et la refonte de l'impôt sur le revenu de cinq (23-28-38-41-43) à trois tranches (20-30-40) érodant la progressivité de l'impôt.
    Parmi les promesses les plus 'radicales', la suppression progressive de la taxe professionnelle collectée régionalement (IRAP), un pactole pour les entreprises et un énorme manque-à-gagner pour les régions qui pourrait mettre en péril le système de santé italien, déjà déliquescent et largement dépendant de ces ressources.
    Pour ce qui est de la contre-réforme des retraites enfin, pas de changement de cap mais un changement de rythme. Le gouvernement italien a déjà annoncé qu'il rehaussait immédiatement de cinq ans l'âge de départ à la retraite des femmes fonctionnaires, de 60 à 65 ans, en conformité avec la législation européenne sur l'égalité Hommes-femmes.
    Par ailleurs, à partir de 2014 et non 2015 comme prévu initialement, l'âge de départ à la retraite des salariés italiens sera calculé en fonction de l'espérance de vie moyenne, ce qui permettrait potentiellement un recul de cinq ans sur quatre décennies, montant l'âge de départ à la retraite à 70 ans.
    Complicité de l'opposition officielle démocrate qui prépare une « autre politique d'austérité »
    Cette série de mesures iniques aurait dû entraîner une condamnation ferme de l'opposition. Le Parti démocrate (PD), préparant l'alternance et la relève de l'austérité, s'est montré plus prudent dans son opposition tactique au projet.
    Ainsi, Pier-Luigi Bersani, secrétaire du Parti démocrate (PD), dénonce tout « un tas de coupes et aucune réforme. En trois ans, le gouvernement n'a fait aucune réforme. Sans un peu de croissance, les comptes de public ne se mettront pas au vert ».
    Cette nécessité de (contre-)réformes structurelles, c'est la politique qu'a défendu Bersani à l'Assemblée de la Confindustria (MEDEF italien) en mai dernier trouvant un écho chez la présidente Marcecaglia. C'est aussi celle que propage le responsable à l'économie du PD, Stefano Fassina, qui avoue honnêtement que son parti porte « une politique différente mais de rigueur ».
    Le reste de la gauche s'est contentée d'une opposition rivée sur les institutions, portant en particulier ses espoirs sur une non-ratification du président Napolitano, ancien dirigeant droitier et liquidateur du PCI et collaborateur fin de la politique du patronat.
    Non seulement Napolitano a ratifié le décret-loi, mais il l'a même défendu activement comme une nécessité pour rééquilibrer les comptes en vertu des accords européens, et a même déclaré qu'il « ne suffisait pas et qu'il fallait désormais d'autres mesures ».
    Seuls les communistes ont défendu une opposition cohérente et conséquente au projet de loi gouvernemental comme Oliviero Diliberto, secrétaire du Parti des communistes italiens (PdCI) pour qui « ces coupes éhontées dans l'école, la santé et les retraites sont une honte » et qui lance un appel « à la contre-attaque, à la rébellion ». Toutefois, la seule perspective tangible qu'offrent actuellement les communistes reste institutionnelle, avec le projet de Fédération de la Gauche (FdS), l'ambition de constituer un « pôle de la gauche d'alternative » avec les partis anti-communistes du juge Di Pietro et du liquidateur Nichi Vendola pour « tirer le PD vers la gauche ».
    La CGIL passe à la collaboration de classe ouverte avec la signature de l'accord sur la « représentativité »
    Mais c'est sur le plan syndical que la politique de collaboration de classe atteint un point de non-retour. En toute logique, les syndicats jaunes de l'UIL (tradition socialiste) et de la CISL (tradition catholique) ont apporté leur soutien 'critique' à la « manovra » et la CGIL (tradition communiste, aujourd'hui proche du PD) a manifesté son opposition officielle au projet et s'est dit prête à la mobilisation.
    Toutefois, depuis un an, la CGIL n'a jamais créé les conditions d'une mobilisation. Pire, elle a même freiné des quatre fers quand sa branche métallurgique restée sur des positions de classe, la FIOM, a appelé à un mouvement de grève générale en octobre dernier.
    La complicité active de la direction de la CGIL avec le pouvoir et le patronat apparaît au grand jour après l'accord sur la « représentativité » signé entre la CGIL, l'UIL, la CISL et la Confindustria (MEDEF) le 29 juin dernier et dénoncé par la seule FIOM.
    Cet accord prévoit entre autres la remise en cause des conventions collectives nationales avec la normalisation de la pratique des accords d'entreprise, la limitation légale du droit de grève et enfin la possibilité de faire passer ces accords sans consultation des salariés si la majorité de la RSU (Représentation syndicale unitaire) est atteinte.
    En somme, la CGIL vient de signer l'arrêt de mort des conventions collectives, de l'idée de démocratie à l'entreprise et à terme du droit de grève.
    Comme la soulignait avec gravité Maurizio Landini, secrétaire de la FIOM lors du Comité central du 30 juin : « La CGIL a tout faux, l'accord non seulement ne prévoit pas de faire voter les travailleurs mais affaiblit également les conventions collectives. Et puis on ne peut nier la limitation du droit de grève ».
    Ces accords signés par la FIAT ne font que graver dans le marbre les coups de force du directeur de la FIAT Sergio Marchionne aux usines de Mirafiori et à Turin, et les coups de sabre qu'il avait alors porté dans le Code du Travail.
    Un Parti démocrate plus que jamais parti de l'alternance sans alternative et de l'alter-austérité, des communistes déboussolés résignés à tirer « le PD vers la gauche », le syndicat de classe historique collaborant activement avec le pouvoir et ratifiant la mort des conventions collectives sans oublier un président de la République récompensé par son poste d'avoir liquidé le Parti communiste et qui continue à appuyer la politique du pouvoir avec zèle.
    Vingt ans après la liquidation du PCI, le vide laissé par un parti qui a incarné pendant sept décennies le refus de la compromission avec le pouvoir et le patronat, la défense de la démocratie et des droits de la classe ouvrière, la perspective d'une alternative inscrite dans la lutte et la rupture avec le système capitaliste, est patent et laisse la classe ouvrière désorganisée face à l'offensive sans précédent du patronat, du pouvoir et de l'Union européenne.
    Plus que jamais le peuple d'Italie a besoin d'un Parti communiste italien. L'inversion du rapport de force social, politique et idéologique ne sera pas possible sans sa reconstruction.

     

     


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