• Crise : Les femmes dans le chaudron européen

    Les gouvernements d’Europe, avec l’appui du FMI, ont pris prétexte de la crise de la dette publique pour démanteler ou tenter de démanteler les acquis sociaux obtenus par les salarié.es et les chômeurs depuis plusieurs décennies.

    Si les politiques d’austérité concernent à des degrés divers tous les pays de l’Union européenne, elles touchent pour l’instant, sous leurs formes les plus violentes, des pays où le droit à l’emploi des femmes est, encore moins qu’ailleurs, reconnu comme une évidence, et toujours considéré comme subordonné à leur rôle familial. C’est le cas des pays d’Europe du Sud, la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, mais aussi de l’Irlande ou de la Grande-Bretagne. À l’autre extrémité des modèles économiques européens, c’est aussi le cas en Allemagne, pays non endetté mais où une politique très brutale d’austérité salariale et de précarisation de l’emploi a été menée depuis plusieurs années par les différents gouvernements, fragilisant encore plus la situation des femmes dans une société où l’absence de services publics de la petite enfance et l’idéologie patriarcale les empêchent d’accéder à l’autonomie.

    Aujourd’hui, les politiques néolibérales menées en Europe ont des conséquences plus dures pour les femmes, à différents titres. Elles sont majoritaires parmi les travailleurs qui touchent le salaire minimum – quand il en existe un – et donc la diminution de celui-ci, de 22 % en Grèce, les pénalise tout particulièrement. Leur situation est encore pire quand elles sont à temps partiel : les emplois à temps partiel ont vu leur nombre exploser en Allemagne au cours de la dernière période, et une disposition du dernier plan d’austérité adopté en Grèce prévoit pour tous les emplois la possibilité de passage à temps partiel sur décision de l’employeur. Si, au début de la crise en 2008, le chômage a frappé davantage les hommes en raison des licenciements dans des secteurs majoritairement masculins (bâtiment, automobile, finance), ce n’est plus le cas aujourd’hui : le taux de chômage des femmes dans la plupart des pays tend à redevenir supérieur à celui des hommes : elles sont non seulement victimes des licenciements et des délocalisations dans différents secteurs mais aussi des effets directs de la précarité comme le non-renouvellement des CDD. Elles sont spécifiquement exposées à la remise en cause des systèmes d’indemnisation du chômage (seule la moitié des femmes au chômage y a accès en Allemagne) et à la diminution des pensions de retraite, alors que dans tous les pays d’Europe elles touchent déjà des retraites largement inférieures à celles des hommes.

    Enfin, les femmes sont particulièrement touchées par les coupures dans les dépenses publiques et le démantèlement des services publics. Elles le sont comme salariées – majoritaires dans les emplois, surtout du bas de l’échelle, de l’éducation, de la santé, des administrations : tous ces secteurs connaissent des suppressions d’emplois massives comme en Grèce, des diminutions de salaires parfois avec augmentation du temps de travail comme en Espagne.

    Elles le sont comme usagères, en raison de la division sexuelle et sociale du travail qui fait peser sur elles la quasi-totalité des tâches et des responsabilités familiales : elles payent ces dégradations des services publics d’une augmentation de leur charge domestique et parentale et d’une dégradation du partage des tâches.

    Pourtant des résistances existent. À l’initiative de militantes du réseau grec de la Marche mondiale des femmes, l’« Initiative des Femmes contre la Dette et les Mesures d’Austérité » à Thessalonique, capitale de la Grèce du Nord, a inauguré sa première apparition publique en organisant une manifestation pour le 8 mars 2011. En Italie, des mouvements féministes sont passés de la révolte contre les gouvernements Berlusconi et l’image des femmes dans les médias, à la mobilisation contre les politiques d’austérité du gouvernement Monti. En Espagne, en Grande-Bretagne, au Portugal, les femmes sont massivement de toutes les grèves et les manifestations contre l’austérité. Reste à fédérer ces résistances…

    Licencions Sarkozy et restons vigilantes… !

    Ce n’est pas le retrait de la mention Mademoiselle dans les formulaires administratifs, mesure symbolique qui ne peut que satisfaire les féministes, qui pourra exonérer Nicolas Sarkozy de sa politique sociale et économique, néfaste pour l’ensemble des travailleurs, particulièrement pour les femmes.

    Les femmes, toujours les premières exposées...

    On peut résumer la politique économique des gouvernements Sarkozy en peu de mots : rigueur et austérité pour les salarié.es, cadeaux aux riches, aux banques et au patronat.

    Les principales attaques se sont concentrées sur les services publics : en 2007 le plan HPST (hôpital, patients, santé et territoires), en 2008 la RGPP (révision générale des politiques publiques). Résultats : diminution massive des postes de travail, transferts de pans entiers de services au privé, restriction et dégradation de l’offre de services publics.

    • Faut-il rappeler que l’État est un des plus importants employeurs de personnel féminin (éducation, santé, services sociaux, administrations) ? Toute détérioration dans ce domaine nuit en priorité aux femmes.
    • Les femmes qui sont encore majoritairement chargées des soins à la famille (enfants, parents, conjoint) sont particulièrement sensibles au maintien des services collectifs. Toute disparition de ces derniers risque de les éloigner de l’emploi et/ou de dégrader fortement leurs conditions de vie. En dix ans, le nombre d’enfants de 2 ans scolarisés dans le secteur public a été divisé par deux au profit souvent de « jardins d’éveil » payants ou d’une prise en charge familiale.

    Ces dix dernières années plus de 150 CIVG ont été supprimés et combien d’autres sont menacés ; parallèlement le statut même des médecins contractuels pratiquant des IVG est dévalorisé. Les nombreuses et récentes luttes locales pour maintenir ici une école ou un poste d’institutrice, là un CIVG ou une maternité, révèlent l’ampleur des destructions mais aussi la demande et les résistances à ces disparitions.

    Les dernières mesures de la réforme des retraites (dont l’allongement de la durée de cotisation et le recul des bornes d’âge) ne peuvent que renforcer les inégalités hommesfemmes.

    Rappelons que l’écart entre les retraites des hommes et des femmes est de 40 %. Compte tenu des carrières plus courtes des femmes et du travail à temps partiel massivement féminisé, ces nouveaux dispositifs ne peuvent que renforcer les inégalités de genre.

    La gestion de la précarité est tout aussi problématique. Le RSA (2009) remplaçant le RMI et l’API (allocation de parent isolé, majoritairement attribuée aux femmes) incite à prendre des emplois de mauvaise qualité, à temps partiel contraint et non qualifié, le plus souvent occupés par des femmes, tout particulièrement dans les services à la personne.

    Par ailleurs le RSA est une prestation attribuée au couple qui ne peut qu’encourager les femmes à travailler moins, voire à se retirer du marché du travail, pour éviter de perdre le bénéfice de l’allocation à la famille.

    L’obsession du pouvoir a été de supprimer la loi des 35 heures. D’assouplissement en défiscalisation et exonérations de cotisations sociales des heures supplémentaires, il y est quasiment arrivé. Les entreprises peuvent même s’affranchir des accords de branche. In fine, la France compte désormais près de trois millions de précaires, trois millions de salarié.es à temps partiel dont une majorité de femmes, cinq millions de chômeurs.

    Les nombreuses autres décisions vont dans le même sens « libéral » et discriminatoire : signature du traité de Lisbonne, renforcement des liens avec l’Église catholique et le Vatican, lois sur l’immigration, TVA sociale… Quelles que soient ses promesses (même l’égalité salariale entre hommes et femmes en 2014 !), Sarkozy est disqualifié et ne mérite qu’une chose : le licenciement !

    Les femmes doivent se mobiliser…

    Mais la « gauche », qui devrait arriver au pouvoir, répondra-t-elle aux attentes et aux besoins des femmes ? Le collectif Féministes en mouvement qui rassemble de nombreuses associations sous l’égide d’Osez le féminisme a lancé un appel avec dix mesures prioritaires pour atteindre l’égalité, avec lesquelles nous ne pouvons qu’être d’accord. Il semble cependant que ce collectif se soit limité dans ses ambitions.

    Peut-être pour ne pas trop heurter le PS qui, comme Hollande l’a promis, s’apprête à faire de l’austérité son maître mot. Pourtant, l’expérience de 1981 a montré que sans notre mobilisation, nos revendications essentielles seront sacrifiées.

    Pour une réelle égalité entre hommes et femmes, nous devons nous orienter vers une rupture avec la logique des marchés et du profit. Il faut revoir tous les dispositifs sur la santé et pas simplement augmenter le nombre de CIVG.

    Il faut des embauches massives pour enrayer le chômage et pour répondre aux besoins de la population en services publics de santé, d’éducation, de transports, de logements… Il faut une réduction massive du temps de travail, sans annualisation, avec des contrats à temps complet. C’est la seule façon d’imposer une réelle répartition des tâches ménagères et familiales, d’avancer vers une société plus redistributive, plus égalitaire, où chacun.e puisse s’épanouir.

    Ces choix de société devront être imposés, nous le savons. Et pour cela, nous avons besoin d’un mouvement féministe unitaire et pluraliste, indépendant de l’État, des partis politiques, des syndicats et des pouvoirs religieux et dont la priorité sera de défendre les intérêts des femmes qui veulent remettre en cause l’oppression patriarcale ; et, parmi elles, tout particulièrement celles qui subissent à la fois l’oppression de classe, de genre et le racisme.

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article24491


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