• Conseil National du PCF du 18 juin 2012:

    Intervention d’Yves DIMICOLI

     

    Après l'importante séquence électorale que nous venons de vivre, nous avons à mettre en œuvre notre démarche stratégique, celle du Front de gauche, dans un contexte qui s'annonce très chahuté.

     

    L'explosion des difficultés en zone euro ravage l'Europe du sud et ébranle le couple franco-allemand.

     

    Cette région est écrasée par le diktat de Merkel, la BCE, les marchés financiers et les politiques d'austérité. Elle inquiète le monde entier. Sa fragilité révèle au grand jour l'impasse de la construction actuelle et des plans censés la sauver.

     

    « Rester dans l'euro, mais sans l'austérité », c'est sur ce message que Siriza a failli gagner en Grèce dimanche dernier. Entendre cet appel exige d'œuvrer à promouvoir une autre utilisation de l'euro et de la BCE. Et la France peut peser énormément en ce sens face à l'Allemagne. C'est dire sa responsabilité!

     

    Cependant, Hollande a appelé les Grecs à voter pour la droite, prêtant main forte au chantage des créanciers. Et en France, il a commencé à reculer, face aux pressions, demeurant tendu vers l'objectif, fixé par Sarkozy, d'un déficit public à 3% du PIB en 2013 et 0% en 2017.

     

    Pour respecter cette feuille de route, c'est au nom même du « redressement de la France » qu'il prépare un tour de vis!

     

    Pourtant, il a été élu, certes pour en finir avec Sarkozy, mais aussi parce qu'il a critiqué l'insuffisance de croissance et l'austérité,  parce qu'il a dit vouloir « renégocier » le pacte Merkozy, réorienter la BCE, couper les banques de la spéculation, redresser notre industrie. Sous notre pression, il s'est dit opposé aux « licenciements boursiers » et prêt à « un coup de pouce au SMIC ».

     

    Cette contradiction entre des promesses qui l'ont fait élire et le maintien d'un cap en matière de moyens qui les nie nous ouvrent la possibilité et nous placent devant la nécessité d'intervenir pour que les attentes des Français ne soient pas trahies, ce qui déboucherait sur le retour d'une droite extrémiste.

     

    Dans les conditions actuelles, on ne saurait - c'est évident - participer au gouvernement. Mais cela ne doit pas signifier qu'il s'agit de rompre avec notre vocation à gouverner, au profit d'un comportement d'opposition irresponsable, déconnecté du besoin de réussite des électeurs de gauche et des salariés.

     

    Ne croyons pas que notre non-participation va rendre notre tache plus facile. Le risque de marginalisation existe parce qu'il y a un risque d'illisibilité de notre utilité au regard des besoins impérieux de changements immédiats et à moyen-long terme.

     

    D'ailleurs, l'opposition à des projets gouvernementaux que nous serons amenés à manifester peut engendrer le risque d'une confusion avec la droite, et nous ne le voulons pas.

     

    Mais si nous ne sommes pas avec la droite, nous sommes alors dans la majorité parlementaire, ce qui peut engendrer un risque d'alignement sur le PS, et nous ne le voulons pas non plus.

     

    Il va donc nous falloir déployer une ligne d'autonomie constructive mettant sans cesse en avant des contre-propositions cohérentes, crédibles, clairement en prise sur les exigences sociales et les luttes .

     

    Cela va requérir une grande autonomie d'intervention rassembleuse du PCF œuvrant à une nouvelle phase du Front de gauche.

     

    C'est pour cela-même qu'il faut que nous procédions à une évaluation critique de la façon dont nous avons mis en œuvre, jusqu'ici, la stratégie du Front de gauche.

     

    Je pense qu'il n'y a pas d'alternative à cette stratégie et c'est pour cela-même qu'il est indispensable, en toutes circonstances, d'évaluer et de faire évaluer la façon dont on la met en œuvre, pour progresser et réussir.

     

    Bien sûr, cela peut révéler des différences avec nos partenaires. Et c'est normal, il ne faut pas en avoir peur: Cherche-t-on à élargir le Front de gauche, à lui permettre d'être, avec des propositions cohérentes, opérationnelles, crédibles, liées aux luttes, le vecteur d'un très large rassemblement  populaire et de gauche, afin de réussir à accomplir ce que les français cherchent depuis le 6 mai ? Ou bien veut-on jouer l'échec de cette expérience en prétendant qu'on ne fera jamais bouger le PS et qu'on ramassera les fruits de cet échec au terme d'une bataille « Front contre Front »?

     

    Cette seconde option, peu constructive, a prédominé nationalement dans une campagne des législatives qui a été cruellement privée d'impulsion nationale?

     

    Le message du Front de gauche, loin des cohérences du programme  « L'humain d'abord »,  a été rétréci à un « plan com » anti Le Pen très contreproductif. Et cela, en même temps qu'une critique du PS, inutilement agressive et ne portant pas sur ses contradictions de fond pour valoriser la cohérence, le réalisme et l'utilité de nos propositions, a pu nourrir le vote utile pro-PS, ou l'abstention,  jusque chez nos propres électeurs de la présidentielle.

     

    Avec la conférence sociale, avec les sommets européens, avec le débat budgétaire, avec la réforme bancaire vont s'ouvrir des chantiers de luttes et de propositions qui appellent notre intervention autonome au cœur du Front de gauche, pour le faire progresser et améliorer son efficacité rassembleuse.

     

    C'est dans ces chantiers, ces fronts concrets que l'on devrait chercher à organiser et stimuler l'implication de tous ceux qui voudraient être des acteurs du Front de gauche avec des objectifs et des échéanciers précis, avec nos propositions concises, à enrichir sur le terrain et jusqu'au Parlement, sur la sécurisation de l'emploi et de la formation, sur la réorientation de la BCE, le pôle public financier pour un nouveau crédit, la réforme fiscale, la protection sociale, les services publics, les droits des salariés et usagers, pour réaliser des objectifs sociaux et sociétaux audacieux permettant de réussir.


    Intervention de Nicolas MARCHAND

     

    Trois remarques:

     

    1- Le rapport affirme que « le parti sort renforcé » de la période électorale qui vient de s'achever. La réalité est plus contradictoire que ça! Pourquoi refuser de traiter les contradictions?

     

    Il y a une contradiction entre des gains en voix et la perte de la moitié de nos élus ! Il faut analyser le réel, de façon dialectique, sinon l'analyse et les conclusions seront fausses. Prendre en compte le côté progrès, mais aussi le côté échec. D'autant que, je le rappelle, la promesse d'un progrès conséquent en élus aux législatives avait été présenté comme la contrepartie du choix de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle.

     

    On doit analyser aussi cette particularité qui est peu relevée: c'est la première fois que notre score aux législatives est en recul sur celui des présidentielles !

     

    On ne peut pas tout renvoyer à des causes externes.

     

    Bien sur, il y en a; le facteur institutionnel, la bipolarisation ont joué, et cela appelle une bataille pour la démocratie.

     

    Mais attention: à n'invoquer que des causes externes, on débouche vite sur une conclusion d'impuissance: puisque ça ne vient pas de nous, on n'y peut rien ...


    C'est ce que fait d'ailleurs, dans une interview à Médiapart, le n° 2 du PG, François Delapierre: à la question « Est-ce que cela signifie qu’une dynamique comme celle du Front de gauche est irrémédiablement vouée à l’échec, dans le cadre des institutions de la Ve République ? », il répond: « Oui » !!!

     

    Lutter pour démocratiser la politique et les institutions, pour une 6eme République, oui; mais faire d'un « grand soir » institutionnel le préalable à une perspective, non.

     

    2- C'est pourquoi on ne peut pas dire seulement: « poursuivre et amplifier le Front de gauche ».

    Il faut continuer, c'est sur, d'une part parce qu'il y a des acquis, et aussi parce qu'il n'y a pas d'alternative.

     
    Mais l'expérience, les résultats font apparaître aussi des problèmes. Il faut les analyser pour voir ce qu'il faut changer, réorienter dans la mise en œuvre de la politique de Front de gauche.


    Je prends un fait, vu ce matin sur internet, et qui a sa manière témoigne d'un des problèmes:

    la page politique des infos d'Orange présente, pour illustrer un article sur le groupe parlementaire en cours de constitution, une belle photo d'André Chassaigne et Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, dans l'article, pas un mot de Mélenchon, et pas de Mélenchon non plus dans la vidéo, qui est une interview d'André.[1]

    Cette manip médiatique est scandaleuse, mais elle reflète malheureusement un aspect problèmatique de la situation, la tendance, fut-ce malgré nous, à un effacement progressif du PCF, de sa perception comme force politique autonome existante.

     

    Alors n'ayons pas peur, pour l'avenir du Front de gauche, de procéder à une évaluation critique:

     

    - continuer le Front de gauche, avec quelle autonomie réelle du PCF? Alors qu'il y a un risque d'effacement contradictoire à une amplification du Front de gauche (et aussi avec quels autres leaders, notamment communistes: la présidentielle imposait une personnalisation, mais pourquoi laisser perdurer cette situation, maintenant que la présidentielle est terminée).

    - Continuer le Front de gauche, avec quelle ligne politique? alors qu'il y a, au sein du Front de gauche, chez certains de nos partenaires, chez JLMélenchon, une influence gauchiste contradictoire avec l'objectif d'un large rassemblement transformateur de toute la gauche.

    - Continuer le Front de gauche, avec quelles propositions précises, alors que, si JLMélenchon a fait avancer certaines idées dans la campagne , néanmoins nos propositions les plus importantes pour la crédibilité, particulièrement sur les moyens financiers et les pouvoirs des salariés, n'ont pas été suffisamment mises en avant et expliquées.

     

    3- sur la question de la participation au gouvernement

    J'approuve la proposition de ne pas participer; on n'a pas le choix.

    Mais il ne faut pas s'en réjouir, comme peut en donner l'impression ce titre de l'Huma aujourd'hui, à propos de la consultation des communistes: « participer au gouvernement, une idée qui ne fait pas recette »! Le message d'un tel titre, ce n'est pas « on décide de ne pas participer, mais on reste disponibles et on va se battre pour que ca évolue », c'est « rassurez-vous on n'y va pas ».

    J'y vois le témoignage d'une certaine confusion, faute du débat préalable, qui nous aurait permis de faire de cette question, notre volonté de créer les conditions d'une politique à la mise en œuvre de laquelle nous aurions pu participer, un argument électoral.

    Faute de cela, nous avons été dominé pendant toutes les campagnes par l'affirmation structurante de JLMélenchon selon laquelle il ne participerait à aucun autre gouvernement que celui qu'il dirigerait. Je pense que cela a plu aux gauchistes, mais renvoyé beaucoup d'électeurs au vote « utile », dès les présidentielles en fin de campagne, et aux législatives.

    Maintenant, je pense qu'il est bien de ne pas mettre un point final après notre décision de ne pas participer, de dire que nous restons disponibles; mais pour ne pas le dire d'une façon formelle, je propose de préciser que « nous travaillerons à en faire avancer les conditions en liaison avec les luttes ».[2]



     

    [1] http://actu.orange.fr/politique/le-front-de-gauche-va-constituer-un-groupe-a-l-assemblee-avec-des-deputes-d-outre-mer-afp_658668.html

     [2] J'ai présenté cette proposition, comme amendement au projet d'appel. Elle a été refusée par le rapporteur, sans qu'un débat soit possible. Mais j'en ai retrouvé l'esprit dans le discours de Pierre Laurent, précisant notamment à propos des raisons motivant notre décision de ne pas participer au gouvernement: « nous voulons créer les conditions pour que cette situation change...Nous agirons pour changer cette situation...Nous ne considérons pas que la situation soit figée. »


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