• Congrès du SNES : L'Europe, un révélateur

    L'Europe, un révélateur

     

    Au nom de la crise (chronique, faut-il le rappeler, depuis le milieu des années 70), des « déficits » et de l'Euro, nous vivons une période marquée par une offensive terrible contre les peuples et leurs acquis sociaux, planifiée au niveau européen et déclinée nationalement, avec la mise au point par les « experts » du FMI et de l'UE de véritables plans d'ajustement structurel expérimentés aujourd'hui en Grèce. Promettant aux travailleurs 10 ou 20 ans de « larmes et de sang » (A. Merkel), les euro-dirigeants accélèrent la mise en place d'un Mécanisme Européen de Stabilité (MES) c'est-à-dire la mise sous tutelle directe des politiques nationales par l'UE, le FMI et les grandes compagnies financières privées.

     

    Dans l’Education, les contre-réformes qui se succèdent à un rythme élevé ne tiennent pas principalement à l'ignorance de tel président ou de tel ministre ancien DRH d'une grande entreprise de cosmétique dont les propriétaires se sont faits une spécialité de l'évasion fiscale : philosophie utilitariste et managériale, « socle commun de compétences », « école du socle », « réforme des lycées », autonomie et concurrence entre les établissements, attaques contre les statuts et prolétarisation des enseignants dans l'exercice même de leur métier, formation et évaluation des personnels,..., sont la traduction nationale d'une politique définie au niveau européen1, depuis les injonctions patronales de l'European Round Table en 1989 (Education et compétences en Europe) à la Stratégie Europe 2020 en passant par la Stratégie de Lisbonne (2000).

     

    Pour les syndicalistes que nous sommes, lutter contre la régression sociale et contre la casse de l’École nécessite bien sûr d'analyser ce à quoi les personnels s’affrontent. Le syndicalisme pour être efficace ne peut ainsi faire l'économie d'un travail sérieux sur « l'Europe ».

    Cela suppose autre chose que le discours unanime des directions syndicales autour de « l'Europe sociale » (sans doute veut-on parler « d'Union européenne sociale »). Ce qui forme une contradiction dans les termes si l'on regarde non seulement le rôle concret de l'UE mais aussi son acte de naissance, rédigé « en-haut » par les représentants des grands groupes capitalistes pour inscrire dans le marbre « l’économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence libre et non faussée » (Traité de Rome, 1957). Le refus d'évoquer la nature et le rôle dictatorial de l'UE, la volonté de toujours contourner le débat en invoquant de façon quasi-religieuse une « Europe sociale » aussi introuvable qu'un « miracle authentique » témoigne d'une volonté d’enfermer les revendications et les combats dans le cadre du système existant. On ne s'étonne guère de retrouver Chérèque et la CFDT2 sous cette bannière. Au niveau européen, c'est à la Confédération Européenne des Syndicats (CES) qu'il revient de faire ce travail 3 de verrouillage et de maintien des luttes dans le cadre de la construction européenne.

     

    Mais concernant le SNES, on est bien en peine de comprendre l’acharnement de sa direction à poursuivre dans la voie de l'adhésion à la CES ou à défendre à maintes reprises l'Euro et l'UE 4 sans faire la critique du point de vue des personnels de la construction européenne ou des organisations missionnées pour la défendre. Qu’est-ce qui fait qu’en 1992 ou en 2005, le SNES a refusé d’appeler à voter non aux traités supranationaux et libéraux «pour ne pas diviser le syndicat » et qu'aujourd'hui la direction de notre syndicat se prononce sans aucun débat à la base pour la défense à tous crins de l’Euro dont la « sauvegarde » sert de justificatif à toutes les régressions (et dont la création justifiait en son temps tous les sacrifices) ?

    Il apparaît pourtant que la satisfaction de nos revendications pose immédiatement la question de l'UE et de ses politiques, anti-sociales par nature. Ce n'est d'ailleurs pas une position de principe mais la prise en compte du principe de réalité : le moindre pas en faveur du peuple, dans l'Education ou ailleurs5, est en contradiction avec les traités, directives et règlements européens et serait interdit par l'UE.

     

    Raison de plus pour développer l'information indépendante des personnels sur les traités, les pactes, les rapports produits par la Commission européenne ou le Parlement européen. Pour coordonner les mobilisations à l'international avec toutes les organisations syndicales de notre secteur (en Europe, certaines appartiennent à la CES et d'autres à la Fédération Syndicale Mondiale comme en Grèce). Pour mettre en lumière les alternatives qui existent comme en Amérique Latine et préparer les alliances progressistes entre peuples et dans ce cas, pas seulement d'Europe.

     

    Collectif enseignants du Front Syndical de Classe

    1Lire à ce propos les travaux de Christian Laval, membre de l'Institut de recherches de la FSU.

    2C'est par exemple la CFDT qui, à peine remise de son soutien à la casse des retraites de 2003, a proposé l’amélioration des projets éducatifs par la mise en place d'un « livret personnel de compétences ».

    3En échange d'un financement généreux et de la reconnaissance du statut de « partenaire social » : soutien à la Stratégie de Lisbonne, au Traité Constitutionnel Européen, aux directives européennes sur les « services d'intérêt Général », le tout agrémenté bien sûr de l'appel à défendre « l'Europe sociale »....

    4Lire par exemple le récent supplément Mag à l'US n° 714.

    5Recrutement d'agents publics, politique éducative démocratique, augmentation des salaires ou des pensions, développement de la santé publique ou d'une politique de l'habitat populaire, nationalisations...


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