• Chasse au gros en Belgique : le PTB débusque Bernard Arnaud

    Arnault : Quand une étude du PTB reçoit un écho international

    « Pourquoi LVMH (la firme de Bernard Arnault) a planqué des milliards en Belgique » : l’article en homepage du site du magazine financier américain Business Week s’inspire directement de l’étude du PTB sur les activités belges de la première fortune européenne. Comment a-t-on pu arriver à ce résultat et, surtout, que révèle cette affaire ?

    David Pestieau

    Chasse au gros en Belgique : le PTB débusque Bernard Arnaud  

    8 septembre

        La Libre Belgique révèle que Bernard Arnault, patron du groupe de luxe LVMH et 4e fortune mondiale, a déposé une demande de naturalisation en Belgique. Quelques heures plus tard, Bernard Arnault publie un communiqué : il dément vouloir s’exiler en Belgique, mais confirme avoir demandé la « double nationalité » franco-belge, pour développer ses investissements en Belgique. L’affaire provoque un grand émoi en Belgique et en France.


    Tour à tour, le MR et le N-VA se réjouissent de la venue d’une telle grande fortune en Belgique. D’autres s’indignent de ce nouvel exil fiscal de la France vers la Belgique. Mais toute la presse s’interroge sur les motifs de sa venue.

    11 septembre

        En Une de La Libre Belgique et dans une carte blanche de Peter Mertens dans De Morgen, le PTB révèle que Bernard Arnault est déjà actif en Belgique depuis quatre ans. Avec une de ses filiales, LVMH Finance Belgium. Et que cette société vient visiblement en Belgique pour bénéficier du système fiscal belge avantageux. Le système des intérêts notionnels et la déduction des plus-values lui ont permis de ne payer que 453 euros sur un bénéfice de plus de 60 millions d’euros en 2009. Le même jour, L’Echo révèle l’existence d’autres filiales du groupe.


        Des équipes de RTL et RTBF se rendent sur place et constatent que toutes ces filiales sont logées dans un bureau anonyme au 3è étage d’un immeuble à Schaerbeek. Un employé répond sans ouvrir la porte qu’il ne peut faire aucun commentaire. Sur la même boîte aux lettres, les noms d’une dizaine de filiales.

    12 septembre

        Caroline Ven, de l’organisation patronale flamande VKW, signe une carte blanche dans De Morgen : Ce que des gens comme Peter Mertens ne veulent pas voir. Elle y dénonce « l’obsession  de la répartition des richesses » qui habiterait le PTB. La Dernière Heure publie en Une un dossier sur base d’une autre étude PTB : comment des grosses sociétés paient moins d’impôts qu’une femme de ménage. Comme Albert Frère et ses 152 euros payés en 2010.
        Pendant ce temps, le service d’études du PTB s’intéresse aux comptes de ces autres filiales publiés sur le site de la Banque nationale. Et fait des découvertes étonnantes qu’il transmet en exclusivité au Soir et au Morgen.

    13 septembre

        Le Soir titre en Une : « Bernard Arnault prépare à Bruxelles sa succession ». En cherchant dans les comptes des filiales du milliardaire, Marco Van Hees, spécialiste fiscalité du PTB et journaliste à Solidaire, a découvert l’existence d’une fondation belge privée du magnat français : Protectinvest. Cette fondation permettrait aux héritiers d’Arnault de ne payer presque aucun impôt en droits de succession grâce au système belge de donations particulièrement avantageux.


        Le service d’études du PTB fait d’autres découvertes en examinant les comptes de LVMH Finance et de 11 autres filiales de Bernard Arnault aux noms improbables (Le Peigne, Hanninvest, Pilinvest, Gestion Mob. Patr. Immo. , Willinvest, Giminvest, Goinvest, Le Peigne Invest, Mohexy et StraatJ). Après examen des comptes de ces sociétés avec ceux de LVMH Finance Belgium, il ressortait que leurs bénéfices s’élevaient à 630 millions d’euros… Pour lesquels elles ont été imposées à 3,84 %. Soit 24 millions d’euros d’impôts. Si elles avaient payé le taux nominal de 33,99 %, l’État aurait récupéré 190 millions d’euros en plus. Si Bernard Arnault aime la Belgique, il le lui montre bien mal… Car si il brasse des milliards et ne paie presque pas d’impôts, ses sociétés n’ont  embauché en tout et pour tout que... sept personnes.

    14 septembre

        La révélation du PTB et du Soir/De Morgen est reprise par l’ensemble de la presse française, de Libération au Figaro en passant par Les Echos et France Inter.


    Le site du journal communiste L'Humanité titre en Une : « Les 13 milliards d’impôts sur la succession qu’Arnault voudrait planquer en Belgique ». Et précise : « Les recherches du Parti du travail de Belgique et du quotidien Le Soir indiquent que le patron pourrait ainsi esquiver l’impôt sur les successions en France. Soit plus de 13 milliards d’euros de manque à gagner pour l’État. 13,5 milliards d’euros, en comptant que Bernard Arnault ne s’enrichira plus d’ici sa mort, c’est ce qui pourrait donc passer sous le nez de l’État français. C’est les deux tiers de la hausse d’impôt que devront supporter citoyens et entreprises françaises sur ces deux prochaines années. »  
    Pendant ce temps, 10 000 personnes manifestent à l’appel de la FGTB contre les profiteurs fiscaux en passant dans les beaux quartiers d’Ixelles. Le cortège passe devant l’appartement bruxellois d’Albert Frère, à un jet de pierre du clos des milliardaires, et devant les bureaux de LVMH Finance à l’avenue Louise. Arnault est devenu, sans le vouloir, le symbole de la politique fiscale laxiste belge.

    15 septembre

        Le site du magazine Business Week publie les révélations du PTB. Et a poursuivi l’enquête. Les sociétés d’investissement de la société de luxe française LVMH ont amassé des actifs pour un total de 4 milliards d’euros en Belgique. Les 12 filiales en Belgique du groupe et la fondation privée ont plus que triplé leurs actifs depuis 2008. Olivier Labesse, porte-parole de LVMH, affirme que la Belgique est devenue le « centre opérationnel financier » du groupe pour profiter d’un traitement fiscal plus favorable. D’autres entreprises européennes font de même, dit-il. Le déplacement de l’actif en Belgique « n’a rien à voir » avec la situation fiscale personnelle d'Arnault, affirme sans rire Labesse.

    16 septembre

        Raoul Hedebouw est invité à l’émission Controverse de RTL-TVI et Marco Van Hees est à Mise au point, sur la RTBF. Le premier s’exprimait sur « la taxation des riches », le second sur « Belgique : enfer ou paradis fiscal ? » « Ce qui est choquant, c’est moins la demande de Bernard Arnault que la législation belge. Accueillons-le et instaurons un impôt sur la fortune (...) : s’il veut venir en Belgique, pourquoi pas ? Mais qu’il soit taxé ! » a, entre autres, déclaré Marco Van Hees. Il a rappelé la proposition du PTB : « La taxe des millionnaires : une taxe gratuite pour 98 % de la population. » Et de revenir sur un autre exemple : « Albert Frère profite de la déduction sur plus-values sur actions. Sur 3,3 milliards de bénefs, il a payé 152 euros. L’impôt sur la fortune en France n’est pas rentable ? Faux. Cet impôt rapporte 43 fois plus qu’il ne coûte ! »
        Raoul Hedebouw était l’un des invités de Controverse sur le thème « Haro sur les riches ? ». Il a notamment débattu avec Armand de Decker (MR), Philippe Moureaux (PS), Roland Duchâtelet (Open Vld et président du Standard). A Armand De Decker, le porte-parole du PTB sort : « M. Arnault fait 600 millions d’euros de bénéfices et paie un impôt de 3,84 %. Fortum, filiale finlandaise d’énergie, fait plus de 250 millions d’euros de bénéfices et paie 20 euros d’impôts. » En sortant un billet de 20 euros.

    Dans les prochains jours

        Information de dernière minute : le service d’études du PTB a poursuivi ses investigations. Et a sorti une nouvelle étude qui révèle, entre autres, que les sociétés de Bernard Arnault ont vu leur actif augmenter de 14 milliards en quatre ans et ses fonds propres, de 5,8  milliards d'euros... Conclusion de Raoul Hedebouw : « Avec près de six milliards de fonds propres et sans doute un capital d’au moins trois milliards supplémentaires, il devient évident que le groupe LVMH, partie de l’empire de Bernard Arnault, déplace une partie de ses activités financières vers la Belgique pour des raisons fiscales. Ce groupe n’est pas le seul, puisque de plus en plus de multinationales utilisent la Belgique comme arrière-cour financière, dans laquelle elles peuvent déduire leurs bénéfices de quasiment tout impôt. Comme ArcelorMittal dont la filiale financière AMFSB a fait 1,597 milliards d’euros de profit en 2011 et payé une nouvelle fois zéro euro d’impôts. » A suivre dans la presse et sur www.solidaire.org , dans les prochains jours…


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