• Berlin pousse les feux de la fédéralisation de la zone euro

    Le TSCG n'étant pas encore ratifié, l'Allemagne prépare l'étape suivante de l'intégration européenne...

     

    Source: Coulisses de Bruxelles
    Auteur: Quatremer

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    Alors que la classe politique française est engagée dans un débat d’arrière-garde sur le traité d’union budgétaire (TSCG), qui est en réalité déjà entré dans les faits (depuis la réforme du Pacte de stabilité, lire ici), le gouvernement allemand est déjà en train de préparer la prochaine étape du grand jeu européen qui prendra la forme d’une réforme des traités destinée à accélérer l’intégration politique de la zone euro.

    Ainsi, le groupe Westerwelle sur « le futur de l’Europe », institué à l’initiative du ministre des affaires étrangères allemand, au début de l’année, a rédigé un rapport rendu public le 17 septembre. Outre l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, l’Autriche, la Pologne et le Danemark ont envoyé leur chef de la diplomatie pour participer activement à ces travaux ouverts aux bonnes volontés.

    La France n’a rejoint cette enceinte informelle que tardivement, au lendemain de l’élection de François Hollande, et seulement à titre « d’observateur ».

    Ce document de huit pages liste les réformes nécessaires pour apporter une réponse « politique » à une crise dont la « dimension politique » a longtemps été niée. Il s’agit, même si le mot n’est pas prononcé, de dessiner ce qui pourrait devenir, à terme, une fédération dont la dimension démocratique est clairement affirmée.

    C’est le seul moyen, pour les promoteurs de ce rapport, de redonner une visibilité au projet européen et de dissiper les doutes sur la pérennité de la monnaie unique.

    L’exercice était difficile comme le montre le fait que certaines propositions n’aient réuni que « certains » États ou « la plupart » d’entre eux, sans qu’il soit précisé lesquelles. Pourtant, il ne réunissait qu’un nombre limité de pays (onze sur vingt-sept).

    C’est d’ailleurs pourquoi une « large majorité » du groupe Westerwelle est favorable à ce qu’à l’avenir les traités européens puissent être modifiés non plus à l’unanimité, mais à la majorité à condition qu’elle représente une part « significative » des États et des citoyens.

    De même, ils sont tous d’accord pour que des « intégrations différenciées » soient mises en place.

    Le rapport ne cache pas que l’urgence est d’intégrer d’abord la zone euro et les États qui veulent la rejoindre (les « pré-in »).

    Pour la première fois, il est clairement affirmé (par la plupart des membres du groupe) que le contrôle parlementaire devrait être réservé aux seuls députés européens de la zone euro dès lors qu’il s’agit de décisions (comme les grandes orientations de politiques économiques ou les recommandations de la Commission en matière économique et budgétaire) qui s’appliquent aux seuls États membres de l’union économique et monétaire.

    Et dès lors qu’il s’agit de questions strictement budgétaires, les parlements nationaux devraient aussi être impliqués : l’idée est de créer un « comité permanent » réunissant des représentants du Parlement européen et des assemblées nationales qui serait chargé de surveiller la Commission et l’Eurogroupe (les ministres des Finances de la zone euro).

    Le rapport réclame un nouveau renforcement des instruments permettant de s’assurer que les États tiennent leurs engagements budgétaires et soutient la création d’une union bancaire contrôlée par la BCE.

    Sur ce point, seuls « certains » États souhaitent « un mécanisme commun de garantie des dépôts et de résolution des crises bancaires ». Tous, en revanche, sont d’accord pour transformer le Mécanisme européen de stabilité (MES) en « Fonds monétaire européen » doté de pouvoirs renforcés. Plusieurs pays veulent aller plus loin en mutualisant les dettes publiques.

    Le rapport estime que l’Union doit peser davantage dans le monde. En particulier, il propose qu’elle siège en tant que telle dans les « organisations internationales », décide davantage à la majorité qualifiée en matière de politique étrangère et que le ministre des Affaires étrangères de l’Union chapeaute clairement les commissaires qui jouent un rôle dans le champ de la politique étrangère, mette en place une politique soutenable de l’énergie et communautarise les relations extérieures dans ce domaine.

    Dans le domaine de la défense, ils souhaitent qu’une « industrie européenne de la défense » voit le jour notamment par la création d’un marché unique des projets d’armement, et qu’une « armée européenne » soit créée (une option défendue par « certains » États seulement).

    Dans le domaine de la politique d’immigration, les ministres des Affaires étrangères du groupe voudraient voir émerger un corps de garde-frontières européens qu’accompagnerait la mise en place d’un vrai « visa européen ».

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    Au chapitre purement institutionnel, outre l’extension du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres, l’enceinte où siègent les États membres, et des postes de présidents permanents de ses différentes formations, le rapport milite pour une extension des pouvoirs du Parlement européen. En particulier, il lui reviendrait de désigner le président de la Commission qui serait la tête de liste du parti qui a remporté les élections européennes.

    Au sein de la Commission, dans un premier temps, une hiérarchisation des postes serait mise en place entre commissaires « seniors » et « juniors ». Certains États souhaitent que le président de la Commission soit en même temps président du Conseil européen (une possibilité ouverte par les actuels traités).

    À plus long terme, une partie des États veulent que le président de la Commission soit élu au suffrage universel (le gouvernement allemand défend cette hypothèse) et qu’il puisse librement choisir son « gouvernement », que le Parlement européen ait le droit d’initiative législative et, enfin, que le Conseil des ministres se transforme en Sénat des États.

    On notera un absent de taille dans cet ensemble de propositions ambitieuses : le budget européen qui est pourtant la clef du futur européen…

    Ce rapport se retrouvera en grande partie dans le texte que les « quatre présidents » sur l’avenir de la zone euro (président de la Commission, du Conseil européen, de l’Eurogroupe et de la Banque centrale européenne) vont soumettre en décembre prochain aux chefs d’État et de gouvernement.

    On aurait tort de croire que ces rapports resteront lettre morte.

    La chancelière Angela Merkel a déjà prévenu François Hollande, en juin, qu’elle demanderait, sans doute d’ici la fin de l’année, la convocation d’une « convention européenne » réunissant parlementaires nationaux et européens et représentants des États membres afin de préparer une réforme des traités.

    Elle est en tous les cas prête à organiser un référendum chez elle, comme l’exigera sans doute le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe.

    La rapidité avec laquelle les pièces du puzzle du futur européen se mettent en place souligne de façon criante l’absence de la France qui préfère se déchirer sur un traité qui n’est que la condition sine qua non de cet approfondissement et non une alternative.

    Photos: Reuters

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