• Au Japon, politique de relance pour les banques et le capital

    shinzo_abe_vol_731_1200.jpgAu Japon, politique de relance pour les banques et le capital ... mais austérité et réformes structurelles pour les travailleurs!

     

    Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    La politique du premier ministre de droite Shinzo Abe constitue une tentative originale de sauver le capitalisme nippon : gigantesque politique de relance pour le capital, politique d'austérité ou de réforme structurelle du côté du travail.

     

    236 %, 8 800 milliards d'euros : si le montant de la dette japonaise constitue un péril pour l'économie, un fardeau pour l'Etat japonais, la politique de « relance » menée par le gouvernement prouve le caractère fallacieux de l'argument politique de la dette en Europe pour justifier l'austérité.

     

    Pas de méprise toutefois, il serait hasardeux de penser que Abe « prend l'austérité à contre-pied » (L'Humanité, 21 mai). En réalité, Abe a défini sa politique comme celle des « trois flèches » :

     

    relance publique des investissements (privatisés) pour alimenter la demande intérieure ; ensuite relance monétaire massive pour doper les exportations du capital ; mais toujours l'austérité et surtout les réformes structurelles pour le travail.

     

    Relance monétaire et budgétaire pour les banques et le grand capital

     

    La politique de « relance monétaire » constitue une politique keynésienne classique : la Banque du Japon injecte massivement des liquidités dans l'économie afin de baisser le coût du crédit, de dévaluer la monnaie.

     

    Il est faux de dire que toute l' « économie » sera gagnante.

     

    Les gagnants de cette politique sont le grand capital, en particulier des secteurs exportateurs – automobile, électronique – qui bénéfice de crédit à bon marché pour investir et surtout d'un yen faible pour augmenter ses exportations.

     

    Les banques vont, elles aussi, être les bénéficiaires, à travers la relance attendue de l'investissement privé, financé massivement par le crédit, tout comme de l'investissement public, qui continue d'alimenter la dette publique.

     

    Le gouvernement a annoncé pour 80 milliards d'euros de travaux publics : deuxième aéroport international à Tokyo, réseau autoroutier express, ports de dimension mondiale. Le tout est prometteur en profits pour le secteur du bâtiment. Dépenses publiques, profits privés !

     

    Les grands perdants, ce sont d'abord le petit capital, les PME à faible capacité d'exportation. Elles subissent de plein fouet la hausse des prix des matières premières importées ainsi que la suppression d'une loi de 2008 de facilitation des crédits aux PME.

     

    Mais ce peut être aussi le cas de la plupart des secteurs économiques dépendant des importations, on peut penser au secteur de l'énergie, dont le gouvernement prévoit justement la dérégulation.

     

    Enfin, il est évident que les premiers perdants de cette politique seront les travailleurs. Alors que le grand capital bénéficie d'une baisse artificielle du « coût du travail » à l'exportation, les travailleurs, eux, verront leur pouvoir d'achat baisser, encore plus avec la hausse générale des prix.

     

    Austérité et réformes structurelles pour les travailleurs : encore et toujours !

     

    La politique dite « Abenomics » est loin de prendre l'austérité à contre-courant. En fait, elle combine à la fois une politique de relance de la demande publique au service du privée et politique d'austérité pour le travail, visant à assurer la « compétitivité » de l'industrie japonaise.

     

    En dépit des déclarations du premier ministre incitant les entreprises à remonter les salaires, le capital n'y a pas intérêt : cela annulerait l'effet de la dévaluation monétaire, tandis que l'économie japonaise (comme celle allemande, chinoise) repose sur les exportations.

     

    Un dernier sondage auprès des entrepreneurs japonais révélait que 85% d'entre eux envisageaient de ne pas augmenter voire de baisser les salaires de leurs employés. Les primes, longtemps moteur des rémunérations, sont au plus bas depuis 1990.

     

    Les revenus des Japonais ont globalement baissé de 12,5% en quinze ans. La baisse devrait s'accentuer d'autant plus que les prix vont, avec cette politique monétaire, augmenter, en particulier dans l'énergie et les transports, du fait de la dépendance énergétique du Japon.

     

    Les milieux patronaux et les économistes ont mis en garde le gouvernement : la « politique de relance » n'est qu'un répit, un stimulus pour relancer la machine, aux effets psychologiques. Mais seules les « réformes structurelles » que va annoncer Abe en juin peuvent relancer la croissance.

     

    D'abord, réforme du marché du travail. La précarité est déjà la norme pour les jeunes Japonais. Le projet de loi à venir prévoit l'extension de la période d'essai pour les nouveaux embauchés et la généralisation du temps partiel et des horaires flexibles, notamment pour les femmes.

     

    Ensuite, réforme fiscale en faveur des entreprises, dans l'esprit du « plan d'austérité » de l'an dernier. L'impôt sur les sociétés est maintenu à son taux de 25% (30% avant 2012) tandis que la TVA devrait passer de 5 à 10%. Moins d'impôts pour les entreprises, plus pour tout le peuple !

     

    La « libéralisation » des grands services. Le Japon a largement privatisé ses grands services publics. Toutefois, dans l'énergie ou les transports, ils restent fortement régulés. Le gouvernement désire déréguler ces secteurs, introduire la concurrence tout en séparant réseau et exploitant.

     

    Enfin, la réforme des retraites vient d'être actée qui prévoit le rehaussement de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 65 ans d'ici 2025.

     

    Abe a annoncé que ces pistes ne constituaient qu'une partie de sa « troisième flèche », celle qui, pour lui, est le pilier de sa « stratégie de croissance » qui passe par le maintien de l'austérité pour les travailleurs mais surtout par de grandes réformes structurelles destinées à baisser le coût du travail

     

    Libéralisation du commerce avec les Etats-unis et nationalisme agressif

     

    La politique « à contre-courant » du gouvernement japonais doit être ré-intégrée dans la politique du capital japonais : allégeance à l'impérialisme américain, accélération de la libéralisation du commerce international et nationalisme agressif.

     

    Tout d'abord, le gouvernement Abe a ouvert les négociations pour la signature du Trans-pacific strategic economic partnership (TPSEP) qui prévoit la libéralisation quasi totale des échanges commerciaux pacifiques, suscitant l'opposition des syndicats et des associations de consommateurs.

     

    Tout en s'inscrivant dans une allégeance à l'impérialisme américain, Shinzo Abe joue la carte du nationalisme populiste, aux accents militaristes et revanchards.

     

    Le grand cheval de bataille du premier ministre, c'est la révision de la Constitution pour la rendre compatible avec ses objectifs : constituer une véritable armée pour menacer la Chine et servir l'allié américain, mener des interventions à l'étranger.

     

    Récemment, outre les contentieux frontaliers avec la Chine, le premier ministre a rendu hommage aux soldats japonais morts pendant la Seconde Guerre mondiale, occultant les crimes commis alors.

     

    « Japan is back » était le slogan d'Abe, signe d'un nationalisme revanchard. Lui-même est issu d'une famille à la longue lignée réactionnaire qui avait participé au régime militariste des années 40, puis à l'ordre anti-communiste sous la tutelle américaine dans les années 50.

     

    C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la politique économique « expansionniste » du gouvernement, aussi comme une attaque face aux économies de la région, notamment chinoises, contraintes de se lancer dans une guerre économique (dévaluations) pour rester compétitives.

     

    Loin de constituer une politique de relance-modèle pour nous en Europe, la politique du gouvernement japonais doit constituer une mise en garde face à la politique du capital :

     

    financer par l’État une demande qui sert le capital tout en restreignant au maximum les salaires et en préparant des réformes structurelles de casse du monde du travail.


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