• Aincourt, 5 octobre 1940

    Le village d'Aincourt n'appartient plus à l'arrondissement de Mantes-la-Jolie, lorsque celle-ci était sous-préfecture de Seine-et-Oise. Aincourt et le canton de Magny-en-Vexin sont désormais dans le département du Val-d'Oise. Pour autant, sous l'Occupation, le sanatorium d'Aincourt fut réquisitionné par le régime de Vichy pour être un lieu de détention des communistes de la région parisienne, militants de ce parti interdit et syndicalistes de l'ex-CGTU, dès le 5 octobre 1940. Et nombre de ceux-ci habitant le Mantois s'y trouvèrent internés. (Voir la page Gabriel Roulleau, un métallo résistant).

         Voici un résumé de son histoire durant ces années noires.

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    Affichette découverte par la gendarmerie d'Argenteuil, sur la rafle des syndicalistes chassés de la CGT avant-guerre et qui vont être internés à Aincourt.

     

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          Communiqué du préfet collaborationniste de Seine-et-Oise

     

     

          Aincourt, le camp oublié

         La courte existence du camp d'internement d'Aincourt d'octobre 1940 à mai 1942, son isolement dans une forêt au coeur du Vexin Français, le fait aussi qu'une stèle commémorant sa triste histoire n'est apposée qu'en 1994, peuvent sans doute induire cette méconnaissance. Pourtant, comme tous ces camps encerclés par des barbelés, gardés par des gendarmes français et sous contrôle total des autorités de Vichy,  il fut aussi l'antichambre de la déportation et de la mort.

         Le sanatorium est réquisitionné par Marc Chevalier, préfet de Seine-et-Oise, sans papier officiel, parce qu'écrit ce dernier "les circonstances en commandaient l'urgence et l'opportunisme". En effet, l'un des premiers soucis du régime de Vichy est la "répression du communisme". De ce fait, les autorités d'occupation sont sollicitées pour l'ouverture du camp, même si les Allemands n'en sont pas demandeurs. Dès lors, le camp d'Aincourt est bien le prélude à cette collaboration franche entre le maréchal Pétain et l'Allemagne nazie.

         Et voici un sanatorium transformé en camp d'internement par les premiers prisonniers, après la rafle de 182 communistes ou supposés l'être. Ces internés déboisent les alentours du pavillon Bonnefoy-Sibour, l'encerclent de trois rangs de barbelés; ils construisent aussi les guérites et les miradors de leurs gardiens. Fin décembre, ils s'entassent à 670 dans un bâtiment initialement prévu pour 150 malades. Ils sont incarcérés là, sans jugement ni procédure judiciaire à leur encontre.

         Marcel Peyrouton, ministre de l'Intérieur de Vichy, se félicite de l'emplacement du camp, isolé, sans transport en commun pour le desservir, ce qui est bien, car "les familles des internés n'auront pas l'idée de venir manifester en ses abords".  Aincourt est administré avec un zèle excessif par son directeur, le commissaire Andrey, sous les ordres du non moins collaborationniste préfet de Seine-et-Oise. Celui-ci se permet d'écrire à son ministre ou à la prison allemande de Compiègne, pour que soit appliqué le régime draconien sévissant dans le camp: brimades et sanctions de toutes sortes, transfert dans des prisons ou dans d'autres camps pour "les plus dangereux d'entre eux", avec pour ceux-ci avis à la Feldkommandantur de Saint-Cloud. De sorte, les Allemands vont puiser parmi eux nombre d'otages pour la déportation ou le peloton d'exécution. Au fil des mois, l'internement reste à prédominance communiste.

         Au débit de 1942, Vichy décide de fermer le camp, afin que la Résistance ne soit pas tentée de libérer "ce brûlot communiste aux portes de Paris". Les hommes sont transférés dans d'autres camps; demeurent à Aincourt qu'une centaine d'entre eux chargés d'aménager un pavillon pour interner des femmes. Elles arrivent en mai 1942: résistantes communistes, mais aussi juives et "indésirables" selon le vocable de Vichy (étrangères ou Tsigannes françaises). Huit enfants vont être internés avec leurs mères.

         Le 15 septembre 1942, le camp ferme définitivement. Il devient centre de formation des GMR, Groupes mobiles de réserve aux ordres de la collaboration contre la Résistance et les Juifs. Les hommes du camp ont été transférés à Voves, autre lieu d'internement qui va être remis aux autorités allemandes; les femmes sont parties pour Gaillon; ensuite, certaines d'entre elles vont être envoyées en Allemagne et ne pas revenir des camps nazis de la mort. Les Juives ont été séparées de leurs enfants; après Drancy, elles périront toutes en déportation.

         Concernant les hommes, Aincourt reste aussi l'antichambre directe de la mort ou de la déportation: 7 internés sont fusillés au Mont-Valérien; plus d'une centaine sont déportés en Allemagne et peu en reviendront. ils ont tous été désignés comme otages par le directeur du camp avec l'aval du préfet de Seine-et-Oise.

         La mémoire contre l'oubli, voilà ce qui doit entourer le camp d'Aincourt et les 1056 hommes, femmes et enfants qui y furent détenus par l'Etat français de Pétain.

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    Chaque année, le premier samedi d'octobre, jour anniversaire du camp, se déroule une cérémonie patriotique devant la stèle commémorative de ce tragique évènement, à l'hôpital public d'Aincourt.

     

    Pour plus d'informations, mon travail d'écriture puisé aux archives de l'ex-Seine-et-Oise (archives départementales des Yvelines): Aincourt, le camp oublié aux éditions Le Temps des Cerises.


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