• ekl1« Nous serons en première ligne des luttes dès maintenant contre la nouvelle offensive visant le monde du travail »

     

    Traduction JC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Communiqué du comité central du KKE sur le résultat des élections du 6 mai

     

    Les résultats électoraux révèlent manifestement un bouleversement de la vie politique telle qu'elle nous était coutumière, la fin de l'alternance entre les deux partis dominants, PASOK et Nouvelle démocratie. Nous avançons vers une phase de transition où il y aura des tentatives de créer une nouvelle scène politique avec de nouvelles formations, de nouvelles figures avec une orientation de centre-droit ou basée sur une nouvelle social-démocratie dont le cœur serait SYRIZA, visant à faire obstacle à la montée de positions radicales au sein du peuple qui pourrait faire évoluer la situation vers une rupture qui irait dans les intérêts du peuple. Il y aura des tentatives pour former un gouvernement, que ce soit à partir de ces élections ou des suivants, un gouvernement auquel participeraient tous les partis, soit un gouvernement d'union nationale soit une coalition gouvernementale visant justement à empêcher la constitution d'un courant majoritaire qui lutterait pour le changement.

     

    Nous nous adressons aux adhérents du parti, aux membres de la KNE, à nos amis, sympathisants, électeurs, à ceux qui travaillent avec le parti, à tous ceux qui ont été avec nous en première ligne du mouvement et de la bataille électorale, et nous vous appelons à être en première ligne des luttes à venir car la pression monte, il y a actuellement des questions cruciales, comme celle des conventions collectives, de la protection des chômeurs, de la faillite des caisses de sécurité sociale, des nouvelles mesures qui s’élèveront à 11,5/14,5 milliards d'euros et qui seront payés de la poche du peuple. Il n'y a pas de temps à perdre. Le peuple n'a pas de temps à perdre.

     

    Nous encourageons les électeurs du PASOK et de la Nouvelle démocratie en particulier, ceux qui font partie de la classe ouvrière et des couches populaires à être en première ligne également, avec nous et les militants, dans les luttes, sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités, dans les quartiers populaires. Ce sont eux qui doivent apporter un nouvel élan et un caractère de masse à la lutte. Nous appelons les travailleurs à ne pas se laisser duper par les tentatives de travestissement du système politique qui vont avoir cours dans les prochains jours, les prochains mois. Les résultats électoraux, bien que les voix se soient dispersés dans deux directions opposées, à droite comme à gauche, sont révélateurs objectivement d'une tendance positive : que des changements radicaux sont en train de mûrir ou vont mûrir dans la conscience populaire, que le mouvement pour une véritable rupture est en train de faire son chemin et que ce mouvement n'est plus si éloigné, ou encore qu'il ne s'inscrit pas en opposition avec les propositions politiques du KKE concernant les problèmes immédiats, pour le pouvoir populaire et ouvrier.

     

    Nous considérons comme un point important, positif et un formidable point d'appui pour la période à venir que nous soyons parvenus à affronter tout seul l'ensemble des forces pro-européennes, pro-UE, quelles que soient les positions adoptées concernant le mémorandum, le fait que nous nous soyons battus pour faire avancer nos propositions alternatives qui vont dans les intérêts du peuple. Nous estimons que ces propositions constituent un point d'appui important pour le peuple et, bien sûr, qu'elles peuvent donner un nouvel élan aux luttes populaires. Nous avons la sensation que nos responsabilités et notre rôle, par rapport aux problèmes que rencontre notre peuple, ne vont faire que s'accroître et nous croyons, en fait nous en sommes certains, que nous continuerons à être une force irremplaçable, la seule qui défende les intérêts du peuple.

     

    Concernant les résultats électoraux du KKE : bien entendu, le Comité central rendra une analyse plus globale après avoir étudié les résultats dans son ensemble et les évolutions de notre électorat dans chaque région afin d'en tirer des conclusions plus exhaustives. Mais ce que nous pouvons dire, c'est que le KKE a littéralement franchi les obstacles qui lui ont été posés, dans deux directions différentes. D'une part, il y avait la colère, la protestation, l'indignation qui était absolument justifiée mais sans aucune perspective, de l'autre il y avait les illusions. Comme les résultats le prouvent, le KKE a légèrement progressé. Naturellement, nous aurions préféré une progression plus importante. Néanmoins, je dois dire que le Comité central et le parti dans son ensemble n'avaient aucune illusion sur une augmentation exponentielle du nombre de voix du KKE car les performances électorales du KKE est avant tout liée à la formation pas uniquement d'un mouvement populaire militant mais bien à la formation d'un puissant courant majoritaire qui devra s'émanciper tant des fausses alternatives que des illusions sans cesse ranimées.

     

    Le KKE a rendu public en temps opportun, c'est-à-dire avant les élections et sans la moindre hésitation, quelle serait sa position face à n'importe quel gouvernement qui pourrait sortir des élections, qu'il soit de centre-droit, de centre-gauche ou de « gauche » comme on nous le présentait traditionnellement ou dans le cas d'un gouvernement d'union nationale ou trans-partisan comme cela apparaît désormais.

     

    Nous clarifions notre position : bien entendu, nous sommes certains que ni le PASOK ni la Nouvelle démocratie ne nous fera de proposition. Ils connaissent bien l'ampleur des divergences qui nous séparent. Mais nous souhaiterions répondre une nouvelle fois aux propositions que SYRIZA a réitérées après les élections, concernant un gouvernement de gauche. Nous répondrons clairement, sans même mentionner ce que tout le monde peut voir, c'est-à-dire que les voix et les sièges ne sont pas suffisants. Peut-être SYRIZA pense que cela suffit, ce qui voudrait dire qu'il va tenter d'emporter le soutien et les voix de députés d'autres partis. Nous souhaitons clarifier notre position : nous continuons à dire non à cette collaboration, car en fin de compte, nous n'adaptons pas nos positions de fond aux fluctuations conjoncturelles de nos résultats électoraux.

     

    Nous avons que le président de SYRIZA va demander à nous rencontrer et qu'ils vont vouloir entamer des discussions de couloir autour du programme d'un futur gouvernement de coalition. Logiquement, quiconque aurait émis une proposition de coalition gouvernementale aurait dû afficher dans le détail, avant les élections, que ce qu'il comptait faire en juin, en juillet, sur des questions très concrètes au lieu d'en rester aux mots d'ordre généraux et aux dénonciations vagues du mémorandum. Ou au moins, ils devraient être prêts à le faire maintenant. Que veulent-ils exactement ? Nous avons juste entendu quelques mots sur certaines prestations sociales, et d'autres déclarations de ce type.

     

    Néanmoins un gouvernement, peu importe sa composition, devra affronter l'ensemble du spectre des problèmes. Il devra non seulement dénoncer le mémorandum mais rétablir les acquis remis en cause avant le mémorandum – car la plupart de nos acquis ont été perdus avant le mémorandum – ainsi que tous les autres remis en cause après le mémorandum. Un gouvernement devra gérer l'ensemble de la situation et pas seulement les allocations-chômage, comme cela fut évoqué. Il devra traiter des questions économiques, de la position des grands groupes économiques vis-à-vis des travailleurs, de la liste des privatisations actées ces dernières années. Il devra traiter les questions de politique étrangère, des obligations générales qui découlent de notre participation à l'UE, à l'OTAN, de notre alliance stratégique avec les Etats-unis. Il n'y a pas de gouvernement qui puisse déchirer les accords concrets, se réduire à d'abstraites considérations politiques et ne puisse mettre en avant que les mesures se projetant dans un avenir proche.

     

    Pour s'entendre sur un tel gouvernement, le KKE devrait réaliser une volte-face, une culbute et non pas une simple retraite, un petit virage. Il s'agirait d'un changement d'orientation et de principes. Et avant tout il faudrait réaliser d'inacceptables compromis qui n'auraient rien à voir avec les intérêts du peuple. Peut-être les gens ne voient pas d'intérêt dans les querelles sur la pureté idéologique des différents partis, mais ils sont intéressés qu'un parti qui durant toutes ces années, dès sa fondation, a été en première ligne des luttes, refuse désormais d'abandonner ces positions pour gagner quelques strapontins ministériels. Ce n'est pas de ce KKE-là dont le peuple a besoin.


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  • ATHENES (AFP) - 09.05.2012 18:01

    Evangélos Vénizélos, le dirigeant du parti socialiste (Pasok), a affirmé mercredi qu'il allait être chargé par le chef de l'Etat Carolos Papoulias de former un gouvernement de coalition, anticipant ainsi l'échec du leader de la gauche radicale Alexis Tsipras

    voir le zoom : Le dirigeant du Pasok, Evangélos Vénizélos (g), aux côtés du leader de la gauche radicale Alexis Tsipras, le 9 mai 2012 au Parlement, à Athènes
    Le dirigeant du Pasok, Evangélos Vénizélos (g), aux côtés du leader de la gauche radicale Alexis Tsipras, le 9 mai 2012 au Parlement, à Athènes
    AFP - Louisa Gouliamaki

    Evangélos Vénizélos, le dirigeant du parti socialiste (Pasok), a affirmé mercredi qu'il allait être chargé par le chef de l'Etat Carolos Papoulias de former un gouvernement de coalition, anticipant ainsi l'échec du leader de la gauche radicale Alexis Tsipras. Lire le dossier

    "Je vais recevoir le mandat (pour former un gouvernement) et continuer l'effort national", a indiqué M. Vénizélos à l'issue d'une rencontre infructueuse avec M. Tsipras, qui est actuellement le deuxième chef de parti politique à essayer de nouer des alliances en vue d'une coalition gouvernementale après les élections de dimanche.

    "Il s'est avéré après notre discussion avec M. Tsipras qu'on ne peut pas actuellement arriver à une solution précise et donc, avec le mandat que je recevrai demain (jeudi), je vais continuer les efforts pour former un gouvernement d'espoir, de sécurité et de perspective", a ajouté M. Vénizélos.

    M. Vénizélos a réitéré que "le peuple grec veut de prime abord la stabilité, une solution gouvernementale claire qui ne conduit pas à de nouvelles élections".

    "Une majorité écrasante du peuple veut le maintien du pays dans l'euro car une sortie de l'euro signifie la pauvreté, la réduction des revenus", a déclaré M. Vénizélos.

    Alexis Tsipras, dont le parti a créé la surprise lors des élections de dimanche en obtenant la deuxième place avec 16,7% des voix, essaie depuis mardi de former un exécutif.

    Après sa rencontre avec M. Vénizélos, M. Tsipras s'est entretenu mercredi soir avec M. Samaras, chef du parti conservateur Antonis Samaras qui avait tenté lundi de mener à bien cette tâche délicate car son parti est arrivé en tête du scrutin mais sans majorité. Mais il a finalement jeté l'éponge lundi.

    "M. Tsipras veut dénoncer l'accord signé avec nos partenaires européens, ce qui va isoler le pays et le conduit à la sortie de l'euro et à la faillite", a lancé M. Samaras à l'issue de sa rencontre avec le chef de Syriza.

    Selon la Constitution, c'est ensuite au troisième parti, les socialistes du Pasok, que revient la responsabilité d'un ultime tour de table en vue d'une coalition.

    Si M. Vénizélos échoue, le président Carolos Papoulias doit convoquer tous les partis pour une ultime tentative de former un gouvernement "d'unité nationale".

    L'incertitude sur la formation d'un gouvernement en Grèce, dont la situation financière est toujours très périlleuse, inquiète ses créanciers, UE et FMI, et fait trembler les marchés depuis trois jours.

    http://www.tv5.org/


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  • ATHENES (AFP) - 08.05.2012 18:12 - Par Isabel MALSANG

    La Grèce menacée de paralysie politique s'est enfoncée mardi dans une crise qui a plombé les bourses mondiales, les marchés craignant que le pays ne revienne sur ses engagements de rigueur sous l'influence d'un parti de gauche radicale sorti galvanisé des législatives

    voir le zoom : Le président grec Karolos Papoulias, à droite, et le chef de la gauche radicale, Alexis Tsipras, le 8 mai 2012 à Athènes
    Le président grec Karolos Papoulias, à droite, et le chef de la gauche radicale, Alexis Tsipras, le 8 mai 2012 à Athènes Pool/AFP - Kostas Tsironis
    voir le zoom : Composition du nouveau Parlement grec, issu des élections législatives du 6 maiComposition du nouveau Parlement grec, issu des élections législatives du 6 mai - AFP -

    La Grèce menacée de paralysie politique s'est enfoncée mardi dans une crise qui a plombé les bourses mondiales, les marchés craignant que le pays ne revienne sur ses engagements de rigueur sous l'influence d'un parti de gauche radicale sorti galvanisé des législatives.

    La coalition anti-austérité de la gauche radicale Syriza, propulsée dimanche second parti de Grèce, s'est vue confier mardi par le chef de l'Etat le casse-tête de former un gouvernement, après l'échec des conservateurs à rallier une majorité favorable à l'austérité dans le parlement issu des urnes dimanche.

    Au vu de la composition arithmétique de la nouvelle assemblée où aucune majorité ne se dégage, cette mission semble impossible. Le dirigeant du Syriza a exclu d'appartenir à un gouvernement de coalition avec des partis qui acceptent le plan de redressement de la Grèce dicté par l'UE et le FMI.

    C'était jusqu'à présent la position du Pasok socialiste et de la Nouvelle Démocratie (droite), qui l'ont payé par un score désastreux aux législatives de dimanche.

    "Il est clair que la formation d'un gouvernement de coopération n'est pas possible", a estimé mardi soir le président de la chambre de commerce gréco-américaine Iannos Grammatidis en jugeant, comme de nombreux autres commentateurs, "inévitable" l'organisation de nouvelles élections en Grèce.

    Du coup, les investisseurs craignent que l'instabilité politique ne débouche sur l'arrêt de la poursuite du deuxième plan de sauvetage international accordé au pays en octobre, qui mènerait à court ou moyen terme à un défaut de paiement du pays.

    Inquiétudes relancées par les déclarations du président de la Commission européenne José Manuel Barroso qui n'a laissé aucune marge de manoeuvre mardi à ceux qui veulent renégocier le "mémorandum" d'accord conclu entre le pays et ses créanciers: les pays les plus en difficulté de la zone euro doivent se plier à une stricte discipline budgétaire sinon c'est le "défaut de paiement", a-t-il dit, après un message de même teneur en provenance de Berlin lundi.

    A Athènes, Alexis Tsipras a trois jours, ainsi que le prévoit la Constitution, pour tenter de former un gouvernement.

    Emergeant des urnes comme le principal parti anti-austérité après un quasi quadruplement de son score par rapport à 2009, le Syriza a mené une campagne entièrement hostile aux efforts demandés à la Grèce par ses créanciers. Notamment les nouvelles baisses de salaires et de retraites attendues.

    M. Tsipras dénonce les conditions "barbares" d'accès aux prêts internationaux fixés par l'UE et le FMI, et rejette particulièrement les efforts demandés à la Grèce pour 2013 et 2014 qui devaient être discutés par la "troïka" des créanciers du pays (UE-BCE-FMI) dès la fin mai. Il demande aussi l'arrêt d'une partie du paiement de la dette.

    Mardi, il a fixé ses priorités: "annulation" des mesures de dérégulation du travail récemment votées, "contrôle public sur le système bancaire", "création d'une commission internationale de contrôle de la dette".

    D'ici l'expiration de son mandat, M. Tsipras doit mener des contacts avec l'ensemble des dirigeants politiques du pays. Mais il s'est déjà heurté mardi à une fin de non recevoir de la dirigeante communiste du KKE, Aleka Papariga, fidèle à son isolationnisme, qui n'a même pas voulu le rencontrer.

    A gauche, deux chefs de parti, un dissident du Syriza et le parti ecologiste, lui ont demandé de clarifier sa position sur l'appartenance de la Grèce à l'euro.

    Pendant la campagne, il a souvent été accusé par son rival Pasok d'être un fossoyeur de la participation de la Grèce à l'euro par ses positions maximalistes anti-austérité.

    Mardi soir, devant l'urgence de la situation, le dirigeant du Pasok et ancien ministre des Finances, Evangélos Vénizélos, a proposé la constitution d'un gouvernement "d'union nationale" à toutes les formations qui satisferaient deux exigences : rester dans l'euro et renégocier avec l'UE et le FMI.

    Ce qui dans sa bouche est une avancée: il s'était jusqu'à présent cantonné à demander un an de plus pour permettre à la Grèce de respecter ses objectifs budgétaires.

    "Le pays se dirige vers la catastrophe. S'il n'y a pas un gouvernement d'unité nationale dans les prochains jours, de nouvelles élections semblent inévitables (...) en juin et la victoire du bloc extrême anti-rigueur de Tsipras est évidente", met en garde le journal libéral Kathimérini dans son éditorial mardi.

    Pour les marchés, le risque est celui d'un "défaut de la Grèce sur l'une de ses prochaines échéances, avec un degré de probabilité élevé, mais aussi le début des démarches nécessaires pour organiser la sortie de la Grèce de la zone euro", ont prévenu les stratégistes du Crédit Mutuel-CIC.

    A la clôture mardi, la bourse de Francfort a perdu 1,90%, Londres 1,78% et Milan 2,37%. Celle d'Athènes a poursuivi sa descente aux enfers, clôturant en chute de 3,62% à son niveau d'il y a 20 ans, après un plongeon de 6,67% la veille. A Wall Street, le Dow Jones perdait 156,21 points vers 16H00 GMT.

    Les taux allemands à 10 ans ont enregistré leur plus bas historique à 1,540%. En revanche, en Espagne, le taux grimpait à 5,790%, en Italie à 5,426% et le taux grec bondissait à 22,254%.

    La Grèce a également enregistré une autre sanction financière mardi, avec une hausse, à 4,69% des taux qu'elle a dû consentir pour emprunter 1,3 milliard d'euros sur six mois.

    © 2012 AFP


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  • Les communistes grecs (KKE) continuent de progresser avec 8,5% des voix et 26 sièges et font leur meilleur score depuis 25 ans dans un paysage politique recomposé par le capital

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    Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Le scrutin qui inquiétait les marchés européens ce dimanche 6 mai n'était pas celui opposant en France le partisan de l' « austérité de droite » contre celui de la « rigueur de gauche ». Il s'agissait bien des élections législatives en Grèce, dans un climat de colère sociale et de rejet du consensus dominant PASOK-droite.

     

    Les résultats définitifs confirment d'une part l'ampleur de ce mécontentement populaire mais d'autre part révèlent à quel point le grand capital grec et surtout européen est en mesure de trouver des roues de secours viables lorsque ses serviteurs habituels se retrouvent à bout de souffre, discrédités par la politique d'austérité qu'ils font subir au peuple grec.

     

    La première leçon de ce scrutin, c'est la déroute historique des deux partis du consensus libéral-européiste dominant.

     

    Une déroute historique pour le consensus dominant PASOK-Nouvelle démocratie

    Le parti de droite classique, Nouvelle Démocratique, a sauvé les meubles grâce à sa puissante organisation clientéliste et ses positions conservatrices traditionnelles.

    Avec 18,9% des voix et 108 sièges, elle sera sans doute le pivot de la future coalition gouvernementale, mais perd 13,6 points (33,48% en 2009) par rapport au dernier scrutin.

    Son alter ego à gauche, le PASOK socialiste s'effondre pour atteindre un minimum historique, avec 13,2% des voix et 41 sièges mais il reste le partenaire le plus crédible pour une nouvelle « grande coalition » gauche-droite.

    La politique de casse sociale menée d'abord par Georgios Papandreou depuis 2009 puis par son successeur Lukas Papademos, avec le soutien du PASOK a logiquement conduit à la désaffection d'une grande partie de sa base électorale. Le PASOK avait réalisé 43,92% des voix en 2009.

    L'effondrement des deux partis dominants a laissé un large espace à des forces, à gauche comme à droite, participant largement d'une recomposition maîtrisée par ces mêmes forces dominantes. Tout comme le capital européen envisage une « faillite contrôlée » de l'économie grecque, il a tenté d'opérer une « faillite contrôlée » du système politique grec.

     

    Les communistes progressent une nouvelle fois, avec 8,5% des voix et 26 sièges, bravant l'anti-communisme ambiant

    Le point positif du scrutin, c'est la nouvelle progression électorale des communistes du KKE, reflet de leur ancrage de masse et de leur participation décisive aux luttes depuis 2009.

    Avec 8,5% des voix et 26 sièges, les communistes gagnent du terrain par rapport au déjà bon score de 2009 (7,5% des voix et 21 sièges). Ils réalisent pour un scrutin national leur meilleur score depuis la chute du mur de Berlin, plus exactement depuis 1985, lorsqu'ils avaient obtenu 9,1% des voix (mais seulement 12 députés).

    Une progression d'autant plus méritoire qu'elle se produit dans un climat de rare hostilité où ont alterné menaces et insultes anti-communistes frontales et manœuvres plus subtiles au nom du vote utile pour SYRIZA et Gauche démocratique, des méthodes vicieuses qui ont eu sans doute leur impact.

    Les positions courageuses du KKE vis-à-vis des illusions d'un gouvernement de gauche alternatif dans le cadre du système alternatif ont été reconnues par une large partie de la classe ouvrière grecque. Mais leur intransigeance a pu orienter une partie des classes moyennes paupérisées, déçues du PASOK, vers une gauche qui se présente comme radicale mais de gouvernement.

     

    La percée de la « gauche radicale » ou la « faillite contrôlée » de l'aile-gauche du système politique traditionnel grec

    L'écroulement du PASOK était la seule donnée certaine, connue avant le déroulement même de ces élections. Le grand capital grec avait anticipé sa décomposition et préparé la recomposition de la 'gauche' grecque, à partir de l'aile-gauche de la social-démocratie Grecque, la coalition dite SYRIZA.

    La coalition SYRIZA est un amalgame hétérogène composé de maoistes, de trotskistes, d'ex-communistes rénovateurs, de transfuges de la social-démocratie, de nationalistes de gauche ou encore d'écologistes, minés par des querelles internes interminables qui l'ont mené plus d'une fois au bord de l'implosion. Une coalition unie sur le plus petit dénominateur commun, celui d'une vague gauche unie sans programme ni idéologie claire.

    Une histoire faite de nouvelles coalitions et de nouvelles scissions incessante. La dernière en date, celle du groupe Gauche démocratique (DIMAR) trouvant SYRIZA trop intransigeante, et plutôt favorable à un gouvernement d'union avec le PASOK, pour le tirer à gauche dans sa politique d'austérité.

    Gauche démocratique a finalement obtenu 6,1% des voix et 19 sièges tandis que SYRIZA a décroché la deuxième place avec 16,8% et 52 sièges.

    Les pertes du PASOK ont donc été très largement redistribués vers des partis qui soit soutiennent ouvertement le PASOK, comme Gauche démocratique, soit soutiennent une ligne dont l'opposition formelle à la ligne actuelle du PASOK n'en est pas moins concordante avec les positions social-démocrates traditionnelles.

    En effet, outre la complaisance sans précédent dont a bénéficié SYRIZA durant la campagne, en premier lieu pour son jeune chef sémillant, le télégénique Alexis Tsirpas, la « Coalition de la gauche radicale » a fait campagne pour une véritable « coalition gouvernementale de gauche » capable de mener une autre politique en Europe.

    Une alliance proposée à DIMAR, au KKE et même au PASOK, si « il bouge vers la gauche ». Le KKE a refusé cette main tendue, et ce que l'autre dissimule. Car SYRIZA ne propose aucune rupture avec le système capitaliste, qu'elle souhaite aménager, avec l'Union européenne, qu'elle souhaite réformer ou avec le système politique grec corrompu, sachant qu'elle est alliée au PASOK dans bon nombre de municipalités et départements du pays.

    Les deux nouveaux piliers de l'aile-gauche système politique grec s'appellent donc Gauche démocratique, comme force d'appoint parlementaire du PASOK et de la « grande coalition », et SYRIZA comme opposition officielle, chargée de canaliser la colère populaire vers des solutions compatibles avec le système dominant.

    Recomposition préoccupante à droite, entre montée d'un nationalisme populiste et fascisation de la vie politique grecque

    Le résultat le plus inquiétant de ce scrutin ne provient sans doute pas de la gauche de la vie politique grecque. Certes, l'effondrement des partis de droite paraît moins net que celui du PASOK, mais il est néanmoins indiscutable.

    Outre Nouvelle démocratie, le parti d'extrême-droite traditionnaliste LAOS recule et paye sa collaboration au gouvernement de l'austérité. Il passe de 5,63% des voix et 15 sièges à 2,9% et sans aucune représentation parlementaire.

    La recomposition de la droite grecque profite partiellement à une nouvelle formation de droite, dissidente de la Nouvelle démocratie, les Grecs indépendants, qui obtiennent 10,6% des voix et 33 sièges, sur fond d'un discours souverainiste et populiste, dont il est encore difficile de savoir les implications politiques au vu du caractère nouveau de ce parti.

    Le plus préoccupant reste la percée historique d'un groupuscule d'extrême-droite, issu de la mouvance néo-nazie, l'Aube dorée qui récolte 7% des voix et 21 sièges.

    Utilisant un symbole proche de la croix gammée, exaltant la violence et le droit du sang, prônant un nationalisme ethnique et expansionniste, anti-communiste et contre-révolutionnaire, tout en adoptant un discours superficiellement radical sur les questions sociales, en indiquant un bouc-émissaire : l'étranger, l'Aube dorée rassemble tous les critères d'une formation de droite néo-fasciste.

    Les origines national-socialistes de cet ancien groupuscule d'extrême-droite transparaissent dans son réseau international qui rassemble notamment le Parti national-démocrate (NDP) allemand, héritier du parti nazi, ou encore la Forza nuova italienne, qui se revendique comme une fidèle héritière du parti national fasciste italien.

    « Faillite contrôlée » des deux piliers du système politique grec, émergence de nouvelles gauches et de nouvelles droites de gouvernement (Grecs indépendants, Gauche démocratique), mise en avant d'une opposition officielle canalisant vers les solutions institutionnelles avec SYRIZA, fabrication de toutes pièces d'un parti néo-fasciste comme recours ultime du capital, le paysage politique grec, décomposé est aussitôt recomposé par le grand capital grec et européen.

    Mais dans cette sombre apparence d'un contrôle total de la classe dominante européenne sur les événements politiques grecs, une épine dans le pied du capital persiste. Une force résiste et progresse, le Parti communiste grec (KKE).

    Dans l'hostilité la plus totale, malgré les menaces, intimidations ou manœuvres politiciennes subtiles, les communistes grecs continuent à être perçus consciemment par des centaines de milliers grecs comme la seule alternative viable au pouvoir mortifère du capital grec et de l'Union européenne sur leurs vies.


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  • législatives. La coalition de gauche radicale talonne la droite, qui ne pourra pas gouverner seule.

    Le séisme électoral qui secoue l’Europe

    L’austérité a perdu. La droite européenne a la gueule de bois. A Paris, la Bourse s’inquiète. Partout, les peuples exultent. Le printemps 2012 a fait éclore sur l’herbe tendre d’affriolantes fleurs nouvelles.

    Comment un petit parti mené par un leader charismatique, excellent orateur, qui n’avait pas atteint 5 % des suffrages en 2009 se retrouve-t-il à 16,4 % ? Comment ce parti peut-il être devenu le premier parti de gauche tandis que le parti socialiste s’effondre de 43,9% à 13,79% ?

    Telles sont les questions que se posent les observateurs aveugles de la Grèce où le parti frère du Front de gauche français est en passe de former le gouvernement si la droite qui a chuté de 33,5% à 20,2% n’y parvient pas.

    La Constitution grecque veut en effet que le président de la République consulte successivement chacun des trois premiers partis jusqu’à ce que l’un d’eux parvienne à former un gouvernement.

    Retenez ce nom : Alexis Tsipras* et celui de son parti qui a renversé la table : Le Syriza. Et avouez que dimanche soir, à l’écoute de nos médias, vous avez surtout appris la désolante poussée de l’extrême droite en Grèce où le parti ouvertement nazi recueille 6.86%, soit 11 % de moins que Marine Le Pen chez nous.

    Théophraste R. (Hollandréouiste tiède). http://www.legrandsoir.info/

    * Alexis Tsipras : voir son portrait en illustration de ce billet (SUR LE T-SHIRT).

     

    Envoyée spéciale à Athènes Maria Malagardis

    Il est né trois jours après la chute de la dictature en juillet 1974 et il est le vrai gagnant des législatives anticipées qui ont eu lieu hier en Grèce : à moins de 38 ans, Alexis Tsipras, a fait de son parti de la gauche radicale, Syriza, la deuxième force politique au Parlement. Du jamais-vu depuis l’avènement de la démocratie, qui avait jusqu’à présent privilégié le monopole de deux grandes forces : Nouvelle Démocratie à droite et le Pasok (socialiste) au centre gauche. Même si Nouvelle Démocratie arrive en tête, elle ne recueille pas assez de suffrages pour former seule un gouvernement, malgré trois ans passés dans l’opposition. C’est donc une victoire à la Pyrrhus pour son leader Antonis Samaras qui risque de se retrouver dans une position impossible : négocier avec ses opposants à gauche ou… se démettre.

    Manœuvrier. Le leader du Pasok, Evangelos Venizélos, hué devant son bureau de vote, fait lui aussi grise mine en voyant le score de son parti divisé par deux depuis les élections de 2009. Et tous les regards se tournent désormais vers un jeune homme qui détient peut-être les clefs du futur gouvernement. «Dimanche, nous allons créer la surprise», prédisait vendredi soir Alexis Tsipras lors de son dernier meeting de campagne à Salonique. Cheveux noirs gominés, Tsipras s’était déjà distingué en devenant en 2004 le plus jeune leader de parti politique dans un pays qui accorde d’habitude la prime aux anciens.

    Mais il a su se montrer un habile manœuvrier dans une formation qui est avant tout une coalition, et surtout un orateur capable de galvaniser les foules dans une période où les Grecs, désemparés, avaient tendance à rejeter toute la classe politique. Se prononçant pour la renégociation des accords passés avec Bruxelles et le Fonds monétaire international (FMI) et qui ont conduit à baisser drastiquement les salaires et les retraites, Tsipras jouait la seule carte qu’une majorité d’électeurs souhaitaient entendre. Qualifié de «candidat négatif» par Ta Nea, quotidien socialiste qui fustigeait sa «démagogie», Tsipras a martelé qu’un autre choix était possible et que «ce scrutin [était] avant tout un référendum» pour ou contre la poursuite de la politique d’austérité. Un discours d’autant plus sensible que de nouvelles mesures (avec des baisses de salaire) sont prévues en juin.

    «Celui qui vote Nouvelle Démocratie vote pour le Pasok socialiste et vice-versa», martelait Tsipras à Salonique, frappant dans le mille : les deux grands partis traditionnels prévoyaient déjà qu’après s’être affrontés aux élections, ils seraient contraints de collaborer dans un nouveau gouvernement, aucun d’eux n’ayant de majorité suffisante. Un retour à la case départ donc, puisque, depuis novembre et le départ du Premier ministre socialiste, c’est bien un gouvernement du Pasok soutenu par Nouvelle Démocratie qui a présidé aux destinées du pays et promulgué les réformes.

    Néonazis. «Lundi, une nouvelle aube se lève sur la Grèce», annonçait vendredi soir Tsipras. Voilà qui reste à prouver. Notamment parce qu’une autre «aube», l’Aube dorée des néonazis, fait elle aussi une percée historique et inédite lors de ce scrutin. Qui va gouverner dans un Parlement encore plus divisé entre une gauche anticapitaliste et une droite nationaliste voire pro-fasciste ? C’est la question à laquelle devra aussi répondre le jeune arbitre du rapport des forces sorti des urnes. Aujourd’hui, le suspense ne fait que commencer.

     Source : LIBERATION


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  • La Grèce dans « la peur de Weimar » : le phénomène Chryssi Avghi

    Parmi les nombreuses questions actuellement débattues dans l’espace public grec, une a particulièrement retenu mon attention. On parle de plus en plus d’un scénario à la « Weimar » qui pourrait survenir dans les mois à venir en Grèce. La république allemande de l’entre deux-guerres avait suscité l’émergence du nazisme faute d’avoir su instaurer un régime politique stable. A la source de ce débat, la montée en puissance du parti néo-nazi Chryssi Avghi (« l’aube dorée »).

    Très bas dans les sondages jusque février, où le parti n’apparaissait même pas dans les enquêtes, Chryssi Avghi a dépassé début mars les 3% nécessaires pour entrer à l’assemblée. Il est aujourd’hui crédité d’environ 5% d’intentions de vote.

    Méconnu du grand public, ce parti qui n’était à l’origine qu’une organisation très fermée, a été créé à la fin des années 70 par une grande figure de l’extrême droite grecque, Nikolaos Michaloliakos. Il s’était fait remarquer dès le début des années 1970 pour sa participation à des actions nationalistes violentes, ce qui lui coûtera deux condamnations de prison ferme. Ce sera l’occasion pour lui de rencontrer les  « coup-d’étatistes » de 1967. C’est à la sortie de son 2e séjour qu’il publiera le premier numéro du journal Chryssi Avghi, et créera l’organisation qui fait actuellement trembler la Grèce.

    La véritable entrée de Chryssi Avghi dans le monde politique a lieu durant les élections municipales de novembre 2010 au cours desquelles N. Michaloliakos est élu conseiller municipal d’Athènes avec 5.3% des voix autour du slogan « Pour refaire d’Athènes une ville grecque » (Να ξαναγίνει η Αθήνα ελληνική). Ce sera l’occasion pour la Grèce de découvrir ce parti très secret. Il ne faudra pas attendre longtemps : peu après son élection Michaloliakos se fait remarquer au conseil municipal en effectuant un salut nazi.

    "Hitler pour mille ans""Hitler pour mille ans"© ethnos.gr

    Pour se refaire une crédibilité, Chryssi Avghi a tenté d’enterrer les textes écrits par son chef dans les premières années de l’organisation. Le quotidien Ethnos a mis la main sur une archive daté de mai 1987 intitulé « Hitler pour mille ans ». Il est écrit : « Le 30 avril 1945, une resplendissante page de l'histoire contemporaine se ferme. Le grand homme du XXe siècle, l'animateur et l'apôtre de la révolution de la croix gammée est mort. 1945, tous ceux qui ont cru en l’idéal de la révolution national-socialiste se sentent glacés, se sentent hésitants face à l’avenir, un avenir sans sa présence et ses conseils ». Terminant sur un « HEIL HITLER » ce texte est signé par Michaloliakos, actuel président de l’organisation. Le logo de l'organisation, « le méandre », motif grec très utilisé, ressemble d’ailleurs étrangement à la croix gammée. Il symbolise la bravoure et la lutte perpétuelle.

    Hitler, Hess, Metaxas, Papadopoulos, les références ne laissent aucun doute possible. Autre référence, plus incongrue celle-ci : Lucifer, qui est d’ailleurs à l’origine du nom du parti « L’aube dorée » (« fosforos » en grec ancien signifie « celui qui apporte la lumière »).

    Sur les questions religieuses, l’idéologie du parti semble particulièrement confuse. Michaloliakos a personnellement beaucoup écrit sur Lucifer, le paganisme et même la magie médiévale. Il semble en outre passionné de Grèce antique, faisant souvent référence aux 12 dieux de l’Olympe. L’organisation du parti suit d’ailleurs le modèle des phallanges spartiates. Et alors même qu’il est précisé dans leur programme qu’ils comptent « promouvoir le caractère national de l’Eglise », Michaloliakos accuse personnellement dans ses ancients écrits l’église chrétienne d’avoir provoqué « 20 siècles d’obscurantisme ».

    Chryssi Avghi est en quelque sorte porteur de l’héritage dictatorial basé sur une mouvance nationaliste qui n’a jamais accepté les pertes de territoires non annexés à l’Etat grec, mais où vivaient et vivent encore des grecs. Cette mouvance considère de manière générale la « race grecque » comme supérieure, elle ne doit donc pas se mélanger, ni se laisser abattre par les autres races inférieures.

    Il est difficile de comparer cette organisation politique avec une quelconque autre en France ou dans n’importe quel autre pays européen. Le phénomène Chryssi Avghi correspond à un état d’esprit  greco-grec qui mélange plusieurs éléments parfois contradictoires.

    Tout d’abord, c’est un parti nationaliste, qui prône l’antisémitisme et la haine des étrangers. « Nous voulons mettre dehors tous les immigrés clandestins, nous voulons débarrasser cet endroit de leur puanteur » explique un candidat lors d’un meeting au Pirée « ils ne devraient pas être là et ils partiront d’une manière ou d’une autre – de grè ou de force ». Les membres de ce parti se sont fait remarquer à plusieurs reprises ces dernières années en faisant des « chasses aux immigrés » allant parfois jusque dans leurs habitations pour les « tabasser ». Leur programme prévoit sur ce point « l’arrestation immédiate et l’expulsion de tous les immigrés clandestins.(…) Les peines ne se purgeront pas en prison, mais dans des centres de rétention où s’effectueront en parallèle des travaux d’intérêt général » (les positions politiques du parti sont trouvables en grec ici).

    L’association faite par Chryssi Avghi repose essentiellement sur la montée de la violence en Grèce et en particulier dans le centre d’Athènes, qu’ils associent à l’immigration. Dans un pays qui ne connaît que très peu l’insécurité, et comprend difficilement ces explosions de violence l’explication qu’ils apportent peut séduire. Pourtant, les agressions et cambriolages ont surtout augmenté depuis le début de la crise, expliquant de fait cette violence plus par l’appauvrissement de la population que par l’immigration massive.

    En plus d’expulser les immigrés, Chryssi Avghi promeut le placement de forces spéciales aux frontières, qui seront de nouveau protégées par des mines anti-personnelles. Mais leurs ambitions ne s’arrêtent pas là, ils insistent dans leur programme sur la grécité de la Macédoine, de l’Epire du Nord et de Chypre (« Assistance par tous les moyens à la lutte pour la libération du territoire occupé »).


    Derrière ce nationalisme radical, s’exprime par l’idéologie de Chryssi Avghi une certaine nostalgie de la dictature. Nombreux sont les grecs qui ont pu me dire, que malgré tout, la dictature avait remis en ordre le pays. J’ai pu rencontrer deux futurs votants de Chryssi Avghi qui m’ont expliqué leur choix, essentiellement axé sur cette volonté de rétablir des règles, qui seront enfin suivies par l’ensemble des citoyens. Ils dénigrent le désordre qui règne actuellement en Grèce, où les lois sont à peine respectées. D’une certaine manière, le vote Chryssi Avghi est une réaction contre la corruption et la fraude généralisée, qui ne peuvent, pour eux, être solutionnées par les propositions des partis qui ont conduit le pays à sa perte.

    Cette promotion de l’ordre par une organisation politique n’est pas sans rappeler le grand Etat Parallèle grec (« Parakratos ») qui s’était constitué au sortir de la seconde guerre mondiale autour des anciens collaborateurs, et qui durant la période d'après guerre s’était placé en garant de l’ordre face à la menace communiste. Il fut très actif au début des années dans les années 1960, années durant lesquelles les membres du « parakratos » tueront un député (ce qui inspirera le film "Z"), et provoqueront la chute de Karamanlis, évènement qui conduira à l’établissement de la dictature, lors de laquelle l’Etat parallèle remplacera l’Etat précédent. Ce « parakratos » avait pour particularité d’être infiltré à grande échelle dans l’armée et la police. Généralement il se plaçait auprès de la population, apparaissant comme un recours contre les défaillances de l’Etat central, s’apportant de fait de nombreux soutiens. La dictature emmènera avec elle l’Etat parallèle dans sa chute, effondrement achevé par l’abolition complète de l’organisation par Andreas Papandréou au début des années 1980.

    Sur de nombreux aspects, on peut voir la dynamique impulsée par Chryssi Avghi comme étant une tentative de réinstaurer cet Etat parallèle. Il rassemble par son action tous les nostalgiques de la dictature, certainement plus nombreux que ce que l'on pourrait croire. Surtout, au vu des circonstances on doit noter tout le potentiel d’une telle organisation, qui ne limite pas son action à une simple participation aux élections

    Tout d’abord, l’action du parti consiste à faire ce que l’Etat ne fait pas/plus. « Depuis plus d’un an, des membres du parti donnent des sacs de riz, de pâtes, de l’huile de l’olive et des habits à des familles dans le besoin. Cela dans des cartons où il est marqué « Je vote pour Chryssi Avghi pour nettoyer le pays » et « Pour qu’Athènes redevienne grecque »  explique le site en ligne Athensnews. L’aide va encore plus loin que cela, Chryssi Avghi proposant à tous ceux qui ont peur de sortir dans la rue de les escorter pour retirer de l’argent, ou faire leurs courses. Ce clientélisme leur permet de se faire apprécier par une partie de la population qui n’y arrive plus.


    Ce parti entretient par ailleurs d’étroites relations avec la police et l’armée. Le frère de Michaloliakos est à ce propos un haut responsable de l’armée hellénique. Un rapport ministériel datant de 2004 publié par le quotidien Ta Nea affirmait que : « Chryssi Avghi conserve toujours aujourd’hui de très bonnes relations et des contacts avec des officiers et des sous-officiers titulaires en activité et retraités." Ce même rapport statuait que « La police les a approvisionnés en radios et matraques dans le passé, à l’occasion des très grandes manifestations, lors des anniversaires du soulèvement de Polytechnique, mais aussi lors des manifestations de « l’espace gauchiste et anarchiste » pour se faire passer pour des citoyens « indignés » et provoquer des affrontements ».

    Cette question des liens avec la police est très importante. A de nombreuses reprises, les militants de Chryssi Avghi semblaient protégés par la police, qui affrontait avec eux les manifestants (c’était le cas en février 2008 par exemple). Une partie de la police anti-émeute (MAT en grec) apparaît en outre plutôt sympathisante de l’idéologie du parti néo-nazi. C’est en tout cas ce qu’a affirmé le vice-président de l’association des officiers de police d’Attique (région d’Athènes) au quotidien Ta Nea : « Dans certaines unités le nombre de sympathisants peut parfois atteindre 20% » a-t-il expliqué.

    Cette coopération presque explicite nourrit de nombreuses indignations de la part de citoyens ou étrangers victimes de violences policières. Sur cette vidéo, on peut constater toute la violence de policiers qui en font bien plus qu’il n’en faut pour arrêter un immigré.

    C’est précisément sur ces actions derrière l'espace politique que repose tout le danger de ce parti. Chryssi Avghi s’installe peu à peu dans toutes les sphères du pays, présentant leur mouvement sous un angle favorable, leur permettant de fait de mieux faire passer leurs idées fascisantes. Cela est d’autant plus facile dans ces temps de crise où la Grèce est constamment montrée du doigt par les dirigeants européens, suscitant une véritable humiliation. Dans ces conditions il est d’autant plus facile d’adhérer à des mouvances telles que Chryssi Avghi qui prônent l’idée d’une « Grande Grèce ».

    Durant la république de Weimar, l’instabilité politique avait suscité la montée du nazisme.  C’était l’incapacité des grands partis de proposer des solutions concrètes, et le manque d’Etat qui avaient provoqué l’émergence d’un mouvement qui, en comblant les incapacités de l’Etat en place avait su convaincre bien plus facilement.

    Au sortir des élections du 6 mai, l’arrivée d’un tel parti au parlement, opposé par principe au régime parlementaire, représente un défi de grande ampleur pour la Grèce.

    La situation est certes différente, mais la peur de « Weimar », elle, est bien présente.

    Mehdi ZAAF

    Suivez moi sur twitter: @MZaaf

    Source : MEDIAPART



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  • Grèce. En l'état de nos informations, le retour des menaces contre les démocrates.

    Il y a les pressions extérieures, un peu à la façon de l'ultimatum style Hitler contre la Tchécoslovaquie en 1938:

    "Si les électeurs grecs votent pour une majorité qui n'honore pas ces engagements, la Grèce devra en supporter les conséquences",

    Ca, c'est du ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, dans un discours à Cologne.

    Et puis comme Daladier-Raynaud le modèle façon Vichy de Constantin Mitsotakis est aussi connu des grecs que le fut Andréotti en son temps en  Italie ou Thatcher en grande Bretagne.

    Aussi démocrate que P Raynaud, aussi roué que G Mollet, aussi réac qu'un Raffarin.  

    L'Onassis du parlementarisme opportuniste. Le Niarchos de l'inféodation à l'Otan.

    Bref un point d'ancrage pour le capital en Grèce.

    Issu d'une dynastie politicarde qui est à la démocratie ce que peut être un porte manteau à une paire de chaussette, celui qui sert de Piney mâtiné de Giscard ou Rocard aux institutions grèques passe aux menaces contre les communistes de Grèce la veille des élections.


    Qu'en disent les très démocrates caciquesde l'UE ? Silence .

    Et le GUE ? Il chante à l'unisson des précédents.

    Nous ne sommes pas à X fuseaux horraires de Bruxelles mais à moins de trois heures d'avion

    Devant la gravité de l'agression et ses suites invoquées, voici la réponse de la SG du KKE.

     

    Le président honoraire de la Nouvelle Démocratie [droite], Constantin Mitsotakis, dans une déclaration anti-KKE - qui veut juste avant le scrutin, intimider et terroriser le peuple - insiste sur la dangerosité de mettre en cause la «stabilité politique». Qu’a-t-il dit? «Concernant, le KKE, parti sérieux et historique, il est nécessaire d’arriver à un accord national. Le KKE ne peut pas être en même temps légal et illégal. Les nouveaux dirigeants du KKE, ceux d’aujourd’hui, sont peut-être devenus des admirateurs tardifs de Staline, mais, je n’imagine toutefois pas qu’ils ignorent la réalité géopolitique, au point de ne pas être conscients qu’ils ne peuvent transformer en Corée du Nord la Grèce, un pays qui appartient à l’OTAN et à l’Europe et qui se situe dans la région la plus sensible de la Méditerranée. Et comme nous devons tous le savoir, la démocratie peut et doit se protéger elle-même»

    En Français : ou vous vous couchez, ou c'est l'interdiction, la taule et pour longtemps. La Canaille n'entend pas, ne lis pas ne reçoit pas d'appel à venir manifester sur l'esplanade des droits de l'homme. Pourtant ? 

    Répondant à l’intervention de K. Mitsotakis, la SG du CC du KKE Aléka Papariga note comme suit: «Monsieur Mitsotakis sait de quoi il parle. Il démontre que le système a, comme adversaire de fond, comme adversaire principal le KKE, lequel organise les luttes des travailleurs, leur donne confiance en eux-mêmes et dans leur droit. Par ailleurs M. Mitsotakis avait déjà dit la même chose dans le passé. Ils ne pourront pas mettre la main sur le KKE, il ne s’achète pas, il ne se soumet pas, il ne s’intéresse pas aux postes de prestige, et par-dessus tout il s’intéresse à servir le peuple. Monsieur Mitsotakis pour la seconde fois dit la vérité. Bien que sa déclaration soit hostile au KKE, il dit la vérité.

     

    Devant l'agression contre un parti historiquement considéré comme Frère, la canaille attend patiement mais avec grand intérët la protestation du GUE et du PCF...si elle arrive.

    Elle sera dès que connue ici mise en ligne.

    Par canaille le rouge


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  • Le 6 mai, c'est élections...en Grèce aussi.

     http://www.asnieresrepublicain.com/wp-content/uploads/2012/03/grece1.jpg


    KKE

    Le Parti communiste grec (KKE) appelle le peuple à un « pas de géant » aux élections anticipées du 6 mai pour affaiblir le pouvoir du capital et de l'UE : Voter communiste (ils ont cette chance de pouvoir le faire- note de CleR)

    Après l'annonce par le premier ministre Lukas Papademos de la tenue des élections anticipées le 6 mai prochain, Aleka Papariga, secrétaire-générale du KKE, a rendu la déclaration suivante 

    « Nous nous adressons aux travailleurs exploités, aux couches populaires martyrisées dans les villes et dans les campagnes, à la nouvelle génération et aux femmes qui souffrent et nous les appelons lors des élections à accomplir un pas de géant, à tout point de vue, en votant pour les listes du KKE, dans toutes les circonscriptions, dans tout le pays. Cela doit être le nouvel élément et le nouveau message portés lors de ces élections. C'est la solution et la condition préalable à l'articulation chez le peuple de la justesse de leur cause, dont ils ont pleinement conscience, de l'indignation qu'ils ressentent, avec un optimisme, une combativité et l'émergence d'initiatives venant du peuple. Une alliance populaire offensive doit sortir de ces élections plus forte et plus énergique que jamais, une alliance qui cherchera et parviendra à mettre en échec les nouvelles mesures qui sont dans les tuyaux, et qui seront bien pires que celles déjà vécues sous les gouvernements PASOK et sous la coalition gouvernementale PASOK-ND qui a compté un temps avec le parti d'extrême-droite LAOS.

    Le KKE a une solution dans les intérêts du peuple, une proposition de gouvernement et de pouvoir. Mais, avant tout, il a prouvé qu'il savait mener la lutte dans toutes les conditions, aussi diverses et difficiles soient-elles, qu'il savait inspirer l'optimisme et redonner du courage au peuple. Le KKE est toujours resté égal à lui-même.

    Nous lançons un appel à la classe ouvrière et aux couches populaires, afin qu'ils ne se fassent pas duper par les propositions fumeuses des soi-disant forces « anti-mémorandum », de ne pas semer des espoirs à droite et à gauche pour finir par tomber dans le désespoir, ce qui serait un gros coup dur pour la suite de la lutte. Nous les appelons à prendre en compte le fait que la crise dans l'UE, dans la zone Euro, va s'aggraver, que dans les années à venir, l'UE ne sera plus telle qu'elle est actuellement, elle se rétrécira, elle sera cause d'énormes problèmes pour le peuple, par conséquent il faut se libérer de la voie à sens unique de l'UE et du modèle de développement porté par les propriétaires de capital, les monopoles au détriment du peuple.

    Nous lançons un appel aux adhérents, amis et sympathisants du parti ainsi qu'aux compagnons de route, qui bien qu'ils conservent leur propres idées et quelque soient les divergences qu'ils aient avec le KKE, ont néanmoins lutté à nos côtés toutes ces années et nous lançons bien évidemment un appel aux membres et sympathisants de la KNE, la JC Grecque, un appel à l'action jour et nuit, avec esprit de dévouement, afin que la proposition d'alternative du KKE visant à une sortie de crise dans les intérêts du peuple, puisse être entendue partout. Nous ne devons laisser personne qui aspire à quelque chose de différent et une solution être trompé par les partis du pouvoir, soit par ignorance soit par la peur instillée par la propagande réactionnaire, et laisser personne ne pas oser franchir ce pas de géant, voter pour le KKE.

    Le peuple doit sortir victorieux des tentatives d'intimidations, des efforts qui ne vont cesser de s'intensifier jusqu'à l'ouverture des bureaux de vote.

    Ceux qui intimident le peuple le veulent soumis, à genoux, pour pouvoir passer en force avec leurs nouvelles mesures. Ceux qui le dupent veulent exploiter la colère populaire légitime afin de faire passer des pseudo-solutions faciles. Les solutions qui vont dans le sens du peuple ne sont jamais faciles. Mais la solution proposée par le KKE va dans les intérêts du peuple, des travailleurs, et elle est réaliste, justement parce qu'elle est dans les intérêts du peuple et qu'il ne dépend que du peuple qu'elle devienne réalité. »

    Traduction JC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/ 

    Et puis comme ici chacun donne son point de vue sur la situation en Grèce (souvent pour stigmatiser ou injurier le peuple), voici celui du KKE sur les élections en France.

    La Canaille y trouve des accents très fortement partagés dans les p@ges de ses c@rnets.

    Dit autrement un point de vue communiste :

    Déclaration de la Secrétaire général de KKE, Aleka Papariga, sur les les élections à la Présidence Française


    Le 23/04/2012

     

     

     

     

    Les élections françaises, leurs résultats au premier tour et ce qui se prépare pour le second tour sont une importante leçon qui confirme les raisons du refus de KKE de participer au Front dénommé anti-mémoradum et dénommé Forces de gauche. Quand un Parti communiste, quand un mouvement ouvrier assimile les protestations des masses populaires autour d'une alliance qui accepte la négociation exclusivement dans le cadre de l'Union européenne et le dialogue social avec les monopoles, alors il ne peut y avoir un résultat qui est celui dont nous pouvons être témoins en rapport au second tour en France: Pour Le peuple celui d'être conduit à voter à tour de rôle pour le Parti libéral ou la Social-démocratie et au radicalisme d'être sapé et émoussé et au conservatisme de se répandre.

    On se souvient du second tour des élections en France, où tout le monde vota pour Chirac afin que Lepen ne soit pas renforcé. Aujourd'hui ils sont appelés à voter pour la gauche française, ainsi dénommée, à voter pour Hollande afin que Sakorzy ne sera pas Président. Avec cette façon de raisonner le mouvement sera toujours vaincu et particulièrement en période de crise quand le mouvement ouvrier et populaire doit s'élever de l'avant.


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  • La crise grecque : le champ d’une double expérimentation et les enjeux de la démondialisation

    28 avril par Yannis Thanassekos

    La crise grecque : le champ d’une double expérimentation


    De l’économique au politique

    Personne n’est dupe. Depuis le printemps 2010, la Grèce est devenue le laboratoire, le champ terrifiant d’une double expérimentation. De son issue dépendront les grands traits de l’époque à venir - notamment au niveau européen.

    Expérimentation et épreuve de forces tout d’abord sur le plan socioéconomique. Il s’agit de la mise en application des formes les plus radicales, les plus brutales de la politique néolibérale – compression jusqu’à l’asphyxie des coûts salariaux, dérégulation brutale du marché du travail, coupes drastiques dans les dépenses sociales, destruction des services publics, démantèlement de la fonction publique, privatisation en cascades, etc. Au terme de ce processus, appauvrie, saignée à blanc, la société grecque sera livrée aux prédateurs du capital financier européen et international. Vue sous cet angle, la Grèce constitue, pour le néolibéralisme, un laboratoire pour la validation d’un modèle socioéconomique à vocation européenne – et au-delà. Cet aspect de la crise a déjà fait l’objet de nombreuses analyses pour me dispenser d’y revenir ici.

    Expérimentation ensuite et épreuve de forces sur le plan proprement politique. Lire la suite


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  • Grèce: 1000 fermetures d’entreprises par semaine

      le20 Avril 2012

     

    Jusqu'à un millier d'entreprises (TPE et PME) mettent la clé sous la porte chaque semaine en Grèce, au premier semestre 2012, en raison de la grave crise dans laquelle s'enfonce le pays. Et ces chiffres viennent de la Commission européenne…

    "La Grèce fait face à une crise économique et sociale sans précédent qui se reflète dans la situation des petites et moyennes entreprises: six entreprises sur dix ont vu leurs revenus baisser en 2011 et 150 000 emplois ont été perdus", a indiqué la Commission dans un communiqué en marge de la visite à Athènes vendredi du commissaire européen à l'Industrie, Antonio Tajani. "On estime que pendant le premier semestre 2012, jusqu'à 1000 petites entreprises auront fermé chaque semaine", ajoute le communiqué,.

    La Commission plaide en conséquence en faveur d'une aide accrue à ces sociétés, auto-entrepreneurs et entreprises familiales, qui forment l'essentiel du tissu économique grec. Selon la Commission, en 2010, la Grèce comptait 742 600 très petites entreprises, employant au total 2,512 millions de salariés, soit plus de 85% de l'emploi total du pays, un niveau record dans l'UE. Ces structures produisent 35,3% de la valeur ajoutée du pays contre 21,8% en moyenne dans l'Union.


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  • La Grèce a connu les plus sévères paquets de mesures antisociales de toute l’Union européenne. Mais c’est aussi le pays où la résistance est la plus forte. Comment le parti communiste de Grèce (KKE) prépare-t-il les élections ? Reportage de notre envoyée spéciale.

    Cécile Chams

     

    Grèce :: La bataille électorale des communistes« Les élections sont une bataille difficile. Les gens souffrent, ils perdent leur emploi. Cela génère de la peur, du conservatisme et du découragement. Cela ne pousse pas nécessairement à la lutte, à voter pour le KKE, lance Kostas Papadakis, un responsable du KKE. Les gens constatent cependant que, dans chaque lutte, le KKE est à leurs côtés. Les médias nous boycottent, mais notre présence sur les lieux de travail est cruciale. »

    En effet, lors de mes récentes visites en Grèce, j’ai pu constater que le KKE joue un rôle moteur dans l’organisation de la résistance sur les lieux de travail et de la mobilisation des comités populaires dans les quartiers ouvriers. C’est notamment le cas au piquet des employés du call centre Phonemarketing, en grève depuis une semaine contre les nouveaux contrats de deux heures par jour pour un salaire de 140 euros par mois. J’ai rencontré une délégation du Comité populaire de Nea Ionia, le quartier dans lequel se trouvent les bureaux de la société. La délégation venait exprimer sa solidarité avec les grévistes. Dimitris, président du syndicat local des retraités et président du comité du quartier, explique : « Nous organisons la récolte de nourriture pour les familles dans le besoin. La municipalité a mis sur pied un magasin social, mais il faut amener une série de documents pour y avoir accès et beaucoup de gens sont gênés par ces démarches qui relèvent de la charité. Notre comité organise aussi des actions contre les coupures d’électricité dans les familles populaires qui n’ont pas pu payer leurs factures. »

    Réunir toutes les forces progressistes

    Au Pirée, le vice-président du Centre des ouvriers, Yiannis Deliannis, raconte : « Dans chaque quartier du Pirée, des comités populaires ont été mis sur pied. Ils rassemblent les syndicats locaux et d’autres organisations, comme le comité des chômeurs, celui des pensionnés, l’organisation des femmes, celle des étudiants. Le but est de rassembler les habitants pour riposter ensemble à chaque mesure et faire pression sur le gouvernement.

    Une des principales actions des comités est d’empêcher les coupures d’électricité ou de rétablir le courant chez les familles qui n’ont pas pu payer leurs factures. Le Comité populaire de Perama a exigé que la municipalité fournisse de la nourriture aux enfants des écoles maternelles. Dans chaque quartier, les comités populaires prennent en main les problèmes de base comme la nourriture, l’accès aux soins médicaux, les droits des chômeurs. Ils organisent des manifestations devant les bureaux des ministères, des agences pour l’emploi. Notre slogan, c’est “un pour tous, tous pour un”. Nous ne devons pas laisser les travailleurs seuls face à la crise. »

    Du socialisme et du pouvoir populaire

    « Nous essayons en permanence de faire le lien avec notre programme sur le pouvoir populaire. C’est difficile d’ouvrir ce genre de discussion avec certains travailleurs qui ont perdu leur emploi. Certains espèrent encore une reprise dans le cadre du système. Mais notre alternative devient plus réaliste pour beaucoup de gens, poursuit Kostas Papadakis. Nous avons un slogan qui dit : “le capitalisme ne peut résoudre mes problèmes, ni satisfaire mes besoins”. Prenons l’exemple de la question de la renégociation de la dette. Les prêts sont consentis jusqu’en 2042 ! Qu’est-ce qui peut être négocié ? Il n’y a pas d’issue avec les créanciers. La tâche du KKE est de dévoiler le système, de gommer les illusions. Le KKE est stable dans ses convictions et ses prédictions se réalisent. Les gens le constatent. Le Parti ne peut gagner que les gens qui veulent se lancer dans la bataille. Certaines personnes disent que c’est difficile. Mais la situation à venir va être encore bien pire. »

    Vous pouvez consulter les reportages de Cécile Chams, rassemblés sous le titre « En direct de Grèce », ICI.

    Pour une alliance populaire

    Aleka Papariga, secrétaire générale du KKE, a lancé un appel au peuple grec. En voici un extrait :

    « Nous appelons les ouvriers, les gens pauvres qui souffrent à faire un pas de géant en votant pour le KKE. Le nouveau message des ces élections doit consister dans l’émergence d’une alliance populaire plus puissante et plus dynamique qu’auparavant. Une alliance qui pourra repousser les nouvelles mesures qui nous attendent et qui seront encore pires que celles que nous venons de connaître. La crise dans l’Union Européenne va s’aggraver et celle-ci causera des problèmes immenses pour le peuple. Le peuple devra se libérer de cette voie à sens unique de l’Union Européenne au service des capitalistes et aux dépens du peuple. Seul un gouvernement qui représente le pouvoir populaire peut apporter une réponse. Même le gouvernement le plus pro-populaire ne peut rien faire s’il ne s’appuie pas sur le soulèvement et l’organisation du peuple. Car l’ennemi ne se trouve pas seulement dans le Parlement, il se trouve principalement au sein des grands groupes économiques. »

    Les mesures de l’Union européenne intensifient la pauvreté

    La semaine dernière, De Morgen titrait : « Merkel : “La Grèce est en bonne voie, mais a encore beaucoup de chemin à parcourir.” » Dans un autre article, on pouvait lire les chiffres suivants, tirés d’une enquête sur les conditions de vie des enfants menée par l’Unicef et l’université d’Athènes : 439 000 enfants en Grèce vivent sous le seuil de pauvreté. Ils sont sous-alimentés et vivent dans des conditions malsaines. D’après le rapport, 25 % des Grecs vivent aujourd’hui avec un revenu familial inférieur à 470 euros par mois. Autrement dit : 2,8 millions de Grecs disposent d’un revenu insuffisant pour survivre. L’Unicef estime qu’en Grèce, environ 100 000 enfants ne vont plus à l’école mais vont travailler afin de contribuer au maigre budget de la famille. Et, selon madame Merkel, ce pays est « en bonne voie » et fait partie de « notre » Europe. Comment ose-t-elle ?!

    439 000 enfants en Grèce vivent sous le seuil de pauvreté, et environ 100 000 ne vont plus à l’école et travaillent pour subvenir aux besoins de leur famille, selon l’Unicef. Angela Merkel estime donc que le pays est « en bonne voie ». (Photo Aaron Reiff-Zall)

     

    Soutien à la Grèce

    Les travailleurs grecs affrontent la vague d’austérité qui balaie toute l’Europe. Ils appellent au soutien de l’ensemble des travailleurs d’Europe et du monde.
    Vous pouvez aider à diffuser le tract du PTB et verser votre soutien pour les sidérurgistes en grève depuis le 1er novembre (5 mois) et les ouvriers des chantiers navals via le Fonds de soutien du PTB, au numéro de compte IBAN BE 05 0011 15148675 - BIC : GEBA BEBB, avec la mention « lutte Grèce ».

    La récolte se clôturera le 1er mai. Plus d’info ICI.

    http://www.ptb.be


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  • Police grecqueLa tension est encore montée d’un cran à Athènes. Elle a franchi les frontières de la Grèce en trouvant un espace dans les media internationaux après le suicide publique d’un retraité, place Syntagma, symbole toujours plus tangible du désespoir des Grecs et de la distance qui sépare le peuple du Parlement qui siège pourtant sur cette même place. L’homme, un ex pharmacien de 77 ans, s’est tiré une balle de pistolet dans la tête : « je ne trouve pas d’autre solution si ce n’est cette fin digne avant de devoir commencer à chercher dans les immondices à la recherche de quelque nourriture », a-t-il laissé sur un écriteau.

     

    Un testament terrifiant qui donne la mesure du gouffre dans lequel est plongée la Grèce mise à genou par les cures d’austérité à répétition. La publication d’un rapport rédigé par le comité grec de l’UNICEF et par l’université d’Athènes a apporté, si tant est qu’il en était besoin, de nouvelles preuves sur les conditions de vie désastreuses de nos voisins : à cause de la crise, de très nombreux enfants sont sous-alimentés et vivent dans des conditions malsaines.

     

    Toujours selon cette enquête, intitulée « la condition de l’enfance en Grèce, 2012 », 439.000 enfants vivent en-dessous du seuil de pauvreté dans des familles qui représentent 20.1 % (un cinquième !) des cellules familiales (familles nucléaires) helléniques.

     

    Le seuil de pauvreté a été fixé en Grèce à 470 euros mensuels. Selon les estimations officielles, 21 % des Grecs se situeraient en-dessous de celui-ci. Mais de nombreuses associations affirment que ce taux aurait déjà dépassé les 25 %. Un quart de la population est donc pauvre. Un chiffre qui n’a pas été avancé à la légère quand on sait que selon l’institut national de statistiques Elstat, plus de 400.000 familles sont restées sans aucun revenu parce qu’aucun des membres qui les composait ne travaillait.

     

    Les seules solutions qu’ont réussi à trouver les représentants politiques grecs trouvent leur fondement dans le sacrifice humain, le sacrifice du peuple. Il est pourtant irréaliste de croire qu’en réduisant les salaires, en licenciant à tour de bras et en imposant aux classes moyennes des impôts toujours plus élevés, une crise puisse déboucher sur une renaissance économique. Mais c’est la seule voie qu’Athènes a été autorisée à suivre par la BCE et le FMI.

     

    Dans une telle situation, le climat social est bien évidemment très lourd et chaque étincelle pousse à des rassemblements spontanés contre les conditions humiliantes et insoutenables vécues au quotidien par les Grecs. Sur ce point malheureusement, la répression de la contestation populaire est aussi digne du tiers-monde : ce n’est un secret pour personne que d’affirmer que le peuple grec doit faire face à une police toujours plus violente. La semaine dernière, trois journalistes ont été blessés par les forces de l’ordre pendant qu’ils couvraient des manifestations. Un reporter qui travaille pour l’agence de presse chinoise Xinhua, Marios Lolos (également président de l’association des photoreporters grecs), a subi une intervention chirurgicale à la tête après avoir été frappé par une matraque. Dans une déclaration rendue publique, l’association des photoreporters grecs a dénoncé « l’attaque aussi brutale que gratuite » contre Loros, en ajoutant que « le reporter et ses collègues avaient été délibérément pris pour cible par la police ».

     

    Des attaques systématiques qui n’ont pour but que de bâillonner les mouvements populaires et de mettre au pas la presse qui pourrait apporter quelque crédit à la révolte.

     

    Capitaine Martin


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  • Moustaki

     

    On ne s’attendait pas à le voir là !

    Mais c’est tant mieux...


     

    La Grèce est mon pays d’origine. Je l’ai connue à 30 ans, et j’en suis tombé amoureux. Mes deux parents étaient grecs. Ils vivaient à Alexandrie, ville grecque, fondée par Alexandre le Grand. Alexandrie abritait aussi une école de philosophie qui en faisait la rivale d’Athènes. Mes parents étaient des fils d’immigrés. Mon grand-père paternel était tailleur, il confectionnait des gilets, des pièces uniques. Il a trouvé l’Égypte accueillante, il s’y est donc installé. Mon grand-père maternel, resté en Grèce, a subi des persécutions qui l’ont contraint à s’exiler, lui aussi.

     

    J’ai attendu l’âge de 30 ans pour me rendre en Grèce. Je ne souhaitais pas faire mon service militaire auquel j’étais astreint si j’y allais. Chaque fois que je renouvelais mon passeport au consulat de Grèce, on me demandait « Et votre service ? C’est pour bientôt ? Quand vous rendez-vous en Grèce ? » Je leur répondais : « Envoyez-moi une demande officielle, j’y répondrai ». Mais, je n’ai jamais rien reçu. À l’ambassade parisienne, la secrétaire me répétait : « Méfie-toi, si tu vas en Grèce, tu risques de te faire attraper... »

     

    Après toutes ces mises en garde, j’ai fini par mettre un pied en Grèce, mais à reculons, même si j’avais passé l’âge du service. Et finalement j’ai fait un voyage merveilleux qui jusqu’à aujourd’hui me laisse des traces affectives très fortes. La Grèce, je ne peux pas en parler avec une grande rigueur politique.

     

    Aujourd’hui, quand mes amis m’appellent pour me raconter leur situation, mon cœur se serre. Ce ne sont pas les plus pauvres, mais la crise a chamboulé tous leurs projets. Ils font partie de la bourgeoisie, ils ont fait des études, tout comme leurs enfants. Pourtant certains ont dû s’expatrier pour échapper à l’ouragan de la crise. Ceux qui sont restés et que l’on pensait à l’abri de tout commencent à connaître la misère.

     

    Bien sûr, les plus riches, les grosses fortunes, les armateurs dont les bateaux battent pavillon maltais, s’en sortent toujours.

     

    Ce que je vais dire maintenant n’est pas politiquement correct, mais à l’heure où la Grèce entrait dans l’Europe, les Grecs ont lentement glissé vers une caricature du modèle européen qu’ils enviaient, ouvrant moult boîtes et restaurants ostensiblement chics. Ils avaient un complexe, celui de croire que chez eux, c’était le tiers-monde et qu’il fallait faire aussi bien que les pays nanti. Ils auraient mieux fait de se réapproprier le mot « Europe » et de recréer un nouveau modèle, à leur sauce, plus enraciné dans leur culture. Après tout, l’Europe est un mot grec, qui signifie « celle qui voit bien ».

     

    Aujourd’hui, je suis heureux de voir que les Grecs sont très combatifs. Ils participent aux manifestations, signent des pétitions, lisent des déclarations. J’ai su que mon ami Theodorakis me disait que les Grecs essayaient d’imposer la voix du peuple à leur gouvernement, pour ne pas donner raison aux intérêts financiers de la communauté européenne.

     

    J’espère que la Grèce va foutre le bordel. Ma sympathie va à cette attitude de contestation parce que ce n’est pas le peuple qui a créé la crise. Or, on lui fait en porter le poids. Finalement, c’est lui qui a le sens civique le plus développé, pas ceux qui veulent se conformer aux directives bruxelloises. Que le gouvernement grec ouvre grand ses yeux et ses oreilles.

     

    Les Grecs sont très politisés. Avant la dictature des colonels, tout était sujet à discussion ; ils commentaient à tour de bras les événements politiques. À l’époque, j’admirais beaucoup le fait que les Grecs ne discutaient pas l’un contre l’autre, mais l’un avec l’autre. Comme s’ils avaient passé une sorte de pacte tacite, pour le bien commun.

     

    Lorsque les Colonels sont arrivés au pouvoir, ma conscience politique s’est réveillée. Avant, je ne faisais que des chansons d’amour ou d’humour. Depuis, je n’ai eu de cesse de donner une tournure engagée à mes textes.

     

    Georges Moustaki


    jeudi 12 avril 2012

    URL article : http://www.rougemidi.fr/spip.php?article6760


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  • « Une perspective dangereuse pour le peuple grec »

    KKELe KKE continue à préparer la bataille électorale avec des initiatives sur les lieux de travail et des rassemblements dans les quartiers ouvriers.

     

    Dans le même temps, il continue son action pour alléger, pour les familles ouvrières, le poids des mesures brutales qui affectent tous les travailleurs.

     

    Les communistes jouent un rôle moteur dans l'organisation des grèves, l'organisation des travailleurs dans leurs syndicats, des travailleurs indépendants au sein du PASEVE, l'organisation du peuple dans leurs quartiers à travers des Comités populaires, des Comités de chômeurs.

     

    En ce sens, le 6 avril, le KKE a proposé un projet de loi pour alléger le poids des emprunts qui pèse sur les couches populaires.

     

    Le 9 avril, la secrétaire-générale du KKE a présenté ce projet de loi lors d'une conférence de presse. Elle a discuté ensuite avec les journalistes de l'action particulière du KKE ainsi que de l'évolution politique générale.

     

    En réponse à la question qui était de savoir si il y avait de la place pour une coopération du KKE avec des forces opportunistes qui se disent de « gauche » et avec les Verts, à la suite de la proposition hypocrite de SYRIZA pour une candidature commune dans les circonscriptions électorales qui n'élisent qu'un seul député, la secrétaire-générale du KKE a fait remarquer :

     

    « Les gens sont indignés et déçus. Nous la voyons, cette indignation et cette déception populaire et c'est pour cette simple raison que nous ne voulons pas contribuer à faire gonfler ou dégonfler le mouvement. A la veille de 1981, la pression était forte sur le KKE pour qu'il donne encore plus de poids au PASOK (le parti social-démocrate). On nous a demandé de voter pour le PASOK dans plusieurs circonscriptions – encore une fois des districts avec un seul député – afin de donner un vote de confiance au PASOK. La décision de soutenir le PASOK était-elle juste alors ou non ?

     

    Je veux dire par là que les gens sont conscients des problèmes qu'ils vivent, ils n'ont pas besoin qu'on leur dise. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il est facile pour eux de choisir librement et sans influence extérieure la meilleure solution d'un point de vue objectif. Car Nouvelle démocratie (parti libéral) affirme que c'est soit un gouvernement avec un seul parti soit le chaos. Venizelos (vice-président de la coalition gouvernementale actuelle, ministre des Finances et tout nouveau président du PASOK) déclare que cette politique doit être poursuivie ou ce sera la catastrophe.

     

    Certains au sein du peuple y croient. D'autres estiment que leurs problèmes pourront être résolus par un gouvernement qui n'aurait pas le pouvoir entre ses mains, un gouvernement qui ne serait en charge que d'une mission de gouvernance (car la question du pouvoir est déterminée par la propriété des richesses produites et par l'abolition des appareils d'Etat qui ont une nature anti-populaire) et serait contraint de mettre en place les orientations de l'UE, non parce qu'il s'agit d'une demande imposée de l'extérieur mais parce qu'il désirerait appartenir à cette soi-disant grande famille.

     

    Nous savons pertinemment qu'un tel gouvernement ne sera en mesure de résoudre rien du tout, quelles que soient ses intentions – l'heure n'est pas à l'analyse des intentions. Pour cette raison, nous sommes contraints de mettre en garde le peuple sur les éléments suivants car nous ne pouvons pas laisser tomber le peuple : seul un gouvernement qui représente le pouvoir populaire – ce qui signifie que vous vous appropriez les richesses ou sinon d'autres seront les patrons et décideront de ce qui sera produit et comment – seul un gouvernement de ce type peut apporter une réponse, tant qu'il repose sur une organisation populaire depuis la base et sur la riposte dans les lieux de travail, les quartiers et les champs.

     

    Je vous le dis, même le gouvernement le plus pro-ouvrier et pro-populaire ne peut rien faire si il ne s'appuie pas sur le soulèvement et l'organisation du peuple. Car l'ennemi ne se trouve pas seulement dans le Parlement, l'ennemi se trouve principalement au sein des grands groupes économiques, de la classe bourgeoise etc.

     

    Et vous savez que les grands groupes ne demandent pas les voix du peuple, ils ne concourent pas aux scrutins électoraux, même si certains y participent dans les partis dominants. Bien entendu, ce sont les partis, ND et PASOK tout particulièrement, qui vont quémander le vote du peuple en leur nom. Cependant, voter contre la ND et le PASOK ne signifie pas voter contre la classe qu'ils représentent.

     

    Donc, la proposition de SYRIZA n'est qu'un changement de façade. Cette façade pourrait bien être mieux décorée, avoir des angles plus arrondis mais, comme des gouvernements du même type en France et avant en Italie l'ont démontré, le résultat serait le même : ces gouvernements seront inévitablement les instruments de la bourgeoisie. Et ils devront nécessairement rentrer en conflit avec le peuple. Car, dès le lendemain, ce gouvernement se trouvera face à l'ensemble du spectre des revendications populaires. Cela peut être facile d'arriver au pouvoir, mais cela peut être tout aussi facile d'en être éjecté. Et nous ne voulons pas que le peuple connaisse la désillusion, en nourrissant de faux espoirs sur de telles perspectives.

     

    Si il y avait un gouvernement, un pouvoir qui pourrait résoudre les problèmes actuels, nous aurions été en première ligne, en montrant l'exemple, en nous sacrifiant pour la cause.

    Mais si c'est juste la façade qui change, alors que le fond reste le même, nous ne pouvons pas duper le peuple. Nous savons que plus les gens sont englués dans leurs problèmes, plus ils sont à la recherche d'une solution, c'est normal. Mais ces solutions ne peuvent être élaborés par en haut, et par des coalitions électorales.

     

    Et je doute de l'honnêteté de cette proposition. Lors des élections locales de 2011, SYRIZA s'est allié avec la ND, le PASOK et le LAOS à Ikaria afin d'empêcher l'élection d'un maire communiste [Ikaria est une île dans la mer Egée où le KKE recueille beaucoup de voix du fait que les communistes ont été, dans le passé, exilés sur l'île. Lors des élections de 2010, le candidat communiste a obtenu 43,9% et a été battu par le candidat soutenu par toutes les autres forces politiques]. Comme si la situation en Grèce allait changer du tout au tout. Car ils étaient tous ensemble alors. Pourquoi SYRIZA coopère avec eux dans les fédérations syndicales afin d'empêcher l'élection de délégués communistes ? Pourquoi ils n'appellent à la coopération avec le KKE uniquement pour les élections ? »

     

    Traduction JC

    Source : « Solidarité Internationale PCF »


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  • 8 mars 2012

    Dans le livre « Comment osent-ils ? La crise, l'euro et le grand hold-up », Peter Mertens (en collaboration avec David Pestieau) aborde, entre autres, la face cachée de la crise grecque. Mertens et les éditions Aden nous offrent à lire le chapitre complet du livre consacré au drame grec. Le livre est sorti le 1er mars et est en vente dans les bonnes librairies à partir du 10 mars 2012.

     

    Lorsqu’apparut l’aurore aux doigts de rose,
    Thésée, fils d’Egée, arpenta le rivage.
    Il y rencontra un groupe de gens
    Pleurant et se lamentant pitoyablement.
    Il vit sept jeunes filles et sept jeunes hommes
    Emmenés à bord d’un navire aux voiles noires,
    Les mains attachées par des liens épais.
    Thésée demanda d’une voie claire :
    « Qui sont ces jeunes gens ? »
    « Un rapide vaisseau les emmène en Crète.
    Nous avons pitié d’eux. »
    « Pourquoi ? », demanda Thésée.
    « Ne le sais-tu pas ?
    Ils sont livrés en pâture au Minotaure,
    La bête cruelle qui vit dans le labyrinthe du roi Minos,
    De l’autre côté de la mer écumante. »



    La Grèce et la mer. Entourée par la mer Ionienne à l’ouest et la mer Egée à l’est, la péninsule est depuis toujours un pays de navigateurs. Lorsque le vaisseau de Thésée, vainqueur du Minotaure, retournait vers la Grèce et approchait du port d’Athènes, il arborait des voiles noires. Thésée avait oublié qu’il avait promis à son père, Egée, de faire hisser des voiles blanches si l’expédition avait réussi, et noires en cas d’échec. Apercevant la voilure noire, Égée crut que son fils avait péri et, de douleur, il se jeta dans la mer qui porte son nom depuis lors. Le port du vieil Athènes, à l’époque juste quelques quais, est aujourd’hui le grand complexe du Pirée. La Grèce contemporaine compte quelque cent vingt-trois ports. Le Pirée est le plus grand, avec son grouillement de cargos, de ferries, de navires de croisière, de pétroliers, de catamarans et de bateaux de pêche. Vient ensuite Thessalonique, au nord-est, face à la mer Noire et à l’Asie. Les armateurs grecs ont la main sur la plus grande flotte marchande au monde : au total quelque quatre mille cent navires, soit environ 16 % de la flotte marchande mondiale. C’est plus que les Japonais et les Chinois. Les compagnies maritimes grecques gagnent plus que l’ensemble du secteur touristique. En 2010, les grands armateurs ont vu leurs recettes augmenter jusqu’à 15,4 milliards d’euros, alors que le tourisme générait 9 milliards de rentrées. Cependant, presqu’aucun centime de leur pactole n’entre dans les caisses de l’État. Car les armateurs jouissent depuis des lustres d’une exemption d’impôt de fait, grâce à un arsenal de mesures fiscales qui leur sont très favorables. Le fisc ne met pas le nez dans leur comptabilité. Chaque famille de millionnaire grec ayant des participations dans un consortium maritime – en tout un millier de familles – est ainsi exemptée. Un excellent paradis fiscal, fiable et bien huilé. Les armateurs placent leur argent en Suisse ou à Chypre, au Liechtenstein ou à Londres. Le plus riche d’entre eux est Spiros Latsis, le fils du magnat de la navigation John Latsis. La famille Latsis est aussi active dans les chantiers navals et le monde bancaire. Spiros-fils est en outre le plus grand actionnaire de Hellenic Petroleum. Il est n°68 sur la liste des multimilliardaires mondiaux. Il a étudié à la London School of Economics, en même temps que José Manuel Barroso. En juin 2004, Barroso accède au poste de président de la Commission européenne. Deux mois plus tard, il était invité pour une semaine de vacances sur un luxueux yacht de la famille Latsis. Latsis venait de créer PrivatSea, un yacht-club exclusif promettant à ses membres « une expérience hors du commun à bord d’un des yachts les plus spectaculaires au monde ». Notamment l’Alexandria qui, avec ses cent vingt-deux mètres de long, est le quatrième plus grand yacht du monde, et probablement le plus luxueux. Là où Egée s’est jeté dans la mer, Barroso et Spiros Latsis ont enfilé ensemble leur maillot de bain. Un mois plus tard, la Commission européenne approuvait 10,3 millions d’euros de subsides de l’État grec aux chantiers navals de la famille Latsis. Coïncidence ?  


    « Savez-vous planquer vos sous, à la mode de chez nous ? »

    Alors qu’au début de l’automne 2011, de nombreux Grecs fouillent dans les poubelles à la recherche de nourriture – « Ce sont des gens corrects, mais ils sont bien obligés de chercher à manger dans les déchets », confie un éboueur –, certains Grecs, eux, ne manquent pas d’argent. Ils en ont même beaucoup, voire énormément. Au plus fort de la crise, la Grèce reste un paradis fiscal pour les armateurs, pour six mille grandes entreprises et pour l’Église orthodoxe grecque. La religion était encore mentionnée sur les passeports grecs jusqu’en 2001, quand une plainte auprès de la Cour de justice européenne pour les Droits de l’Homme à Strasbourg a fait abolir cette pratique. L’Église orthodoxe grecque est puissante, c’est sûr. Avec le clergé, elle domine encore une bonne partie de la vie morale, politique mais aussi économique du pays. Après l’État, c’est l’Église orthodoxe qui détient les plus grands moyens financiers. Elle possède plus de neuf millions d’actions dans la banque nationale grecque, des hôtels, parkings, entrepôts, entreprises, et quelque trois cent cinquante centres touristiques. L’institution est aussi, avec ses cent trente mille hectares de bois, champs, montagnes et plages, le plus gros propriétaire terrien du pays. Cela rapporte chaque année à l’Église des millions d’euros, et cet argent était jusqu’il y a peu non taxé. En 2010, quand une taxe a quand même été imposée, certains monastères ont refusé de la payer. Choqués, des fidèles sont alors allés manifester devant la plus grande église d’Athènes, avec des calicots affichant : « Jésus a dit qu’il faut partager. » Partager ? Voilà qui n’est certes pas dans la mentalité des millionnaires grecs. L’argent gagné en Grèce disparaît de plus en plus vite à l’étranger. Surtout vers les coffres-forts sécurisés des banques suisses, où l’on ne pose pas de questions. Les millionnaires grecs mettent leur fortune en sécurité à Zürich et dans d’autres places étrangères. Ce sont 280 milliards qui sont ainsi mis à l’abri uniquement dans la muette Confédération helvétique. Un exode fiscal total évalué à quelque 560 milliards d’euros : soit le double du produit national brut (PNB) de la Grèce, la richesse produite annuellement par le pays[1]. Que beaucoup de compatriotes ne puissent plus payer leurs soins médicaux ou leur l’électricité, que de plus en plus de gens aient faim n’empêchent pas ces Crésus de dormir. On assiste donc à une situation surréaliste : à la porte d’entrée, le gouvernement grec implore l’Europe de lui octroyer de nouveaux prêts et garantit qu’elle pressera le monde du travail comme des citrons pour la rembourser jusqu’au dernier centime. Et, dans le même temps, les millionnaires évacuent par la porte de derrière la richesse du pays. Car la Grèce est en principe un pays riche. En 2007, cinq fois plus de richesses ont été produites qu’en 1990. Mais, pendant que le PIB était multiplié par 5, les profits se multipliaient par 28 ! Les réformes néolibérales des impôts ont fait en sorte que ces profits échappent en grande partie au fisc. Un tiers à peine de la richesse grecque atterrit chez les salariés : seulement 36,3 % du PIB est consacré à leurs paies. C’est de loin le pourcentage le plus bas de l’Union européenne. Le niveau des salaires se situe aussi à un maigre 60 % de la moyenne européenne. La richesse créée par la société grecque ne revient pas à la population, elle est captée par ses couches les plus riches. Dire que « les » Grecs auraient pendant des années vécu au-dessus de leurs moyens est donc un concentré d’ineptie.  


    Au plus fort de la crise, 7,9 milliards d’euros pour l’armement  

    L’été 2009 est le théâtre d’un événement inouï : la Grèce débourse 2,5 milliards d’euros pour six frégates françaises, 400 millions pour quinze hélicoptères de combat Puma du géant de l’armement EADS, et 5 milliards d’euros pour six sous-marins de l’allemand ThyssenKrupp. Roulement de tambour : 7,9 milliards d’euros pour l’armement français et allemand en pleine crise… Merkel et Sarkozy débordent d’inventivité dans l’élaboration de plans pour que la Grèce soit en mesure de rembourser ses emprunts aux banques allemandes et françaises. Le duo produit recommandation sur recommandation sur ce que le peuple grec doit faire mais, en ce qui concerne le petit commerce de l’armement, motus et bouche cousue. Le magazine allemand Der Spiegel dresse l’inventaire du shopping grec en Allemagne, et c’est sacrément impressionnant. Sous-marins, chasseurs bombardiers, tanks... La petite Grèce, avec ses onze millions d’habitants, occupe la cinquième place au palmarès mondial des plus grands acheteurs d’armes conventionnelles. Elle octroie à sa défense des moyens exorbitants : 3,1 % de la richesse nationale. Des grands pays européens comme la France et le Royaume-Uni consacrent respectivement 2,3 et 2,4 % à la défense. Dans le monde occidental, seuls les États-Unis font mieux avec 4 %. Crise ou pas, les grands frères européens mettent la pression sur les Grecs pour qu’ils poursuivent leurs achats d’armement, sous peine de resserrer les cordons de la bourse quand Athènes sollicite un prêt. L’agence de presse AP cite un conseiller de l’ancien Premier ministre Papandréou : « Personne ne dit ouvertement : "Achetez nos navires de guerre ou nous ne vous aiderons pas pour votre dette." Mais le message sous-entendu est que nous recevrons davantage d’aide si nous répondons à leurs desiderata en matière d’armement. » Et un magazine pacifiste précise : « Le président Sarkozy aurait, en février 2010, exercé des pressions sur Papandréou lorsqu’il était en visite en France pour obtenir du soutien face aux périls financiers de son pays. Le jour où Papandréou se rendait à Paris, les Grecs annonçaient qu’ils ne renonceraient pas à l’achat planifié de six frégates françaises Fremm d’une valeur de 2,5 milliards d’euros, malgré le précipice financier face auquel ils se trouvaient. »[2] La Grèce est un allié de l’Otan tiré à quatre épingles. Située au carrefour de trois continents, elle occupe une place stratégique. Surtout maintenant, alors que l’Otan et les stratèges américains portent toute leur attention sur l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’Iran, les Balkans, les pays d’Europe de l’Est et la Russie. Les États-Unis, l’Allemagne et la France jouent habilement de la rivalité entre la Grèce et la Turquie. Les fabricants d’armes mangent à deux râteliers en tant que fournisseurs des rivaux historiques. La Grèce commande de nouvelles armes ? Les fabricants attendent un peu, puis les Turcs se présentent pour le même business. Cela ressemble à la Guerre froide en miniature. Si ce matériel de guerre n’est pas adéquat pour une confrontation entre Grecs et Turcs, c’est autant de gagné pour la stratégie de l’Otan et pour aider à créer de nouveaux rapports de force au Proche et au Moyen-Orient favorables à Washington. Pourquoi, autrement, se tairait-on dans toutes les langues à Washington, Bruxelles ou Francfort, sur le fait que le gouvernement grec économise sur tout, sauf sur le matériel de guerre ?  


    Quand les faits n’ont plus d’importance ou comment bétonner un cliché  

    Sur l’île grecque d’Hydra, aux maisons d’un blanc éclatant face à une mer turquoise, vit la journaliste néerlandaise Ingeborg Beugel. Elle couvre comme journaliste l’actualité grecque depuis des années. Elle décrit de manière passionnante les dessous de la politique grecque et de l’élite économique. « Je trouve intéressant, raconte-t-elle, que l’Union européenne pose à la Grèce des tas d’exigences en tout sens, arrogantes et impitoyables, alors que Bruxelles ne met pas la pression sur le gouvernement grec pour s’attaquer aux politiciens corrompus. La Commission ne s’en soucie pas du tout. Plus fort encore, elle reste muette comme une carpe parce que, autrement, elle se verrait obligée de dénoncer pas mal de pratiques louches en rapport avec l’Europe. Siemens, par exemple, a distribué des pots-de-vin à tour de bras en échanges d’une position de monopole lors des Jeux olympiques d’Athènes, en 2004. Des milliards d’euros y sont passés. Mais, si l’on levait le voile, on s’en prendrait à une entreprise allemande. Et ça Berlin préfère l’éviter. Il existe aussi beaucoup de bakchichs pour les coûteux sous-marins allemands. Or la Grèce les a achetés pour deux fois le prix facturé à la Turquie. De son côté, la France a obligé la Grèce, en échange d’une "aide", à acquérir des avions de combat d’un prix exorbitant. Les politiciens de droite mentent à tire-larigot : rien n’est donné à la Grèce et, en revanche, eux ont gagné beaucoup d’argent avec ce prétendu soutien. »[3] « Les tricheurs de Grecs mettent à mal notre euro », titre crânement à la Une le quotidien allemand Bild Zeitung. Et le très libéral ex-commissaire européen Frits Bolkestein n’a pas peur d’affirmer : « Une grande partie de la population grecque est paresseuse. »[4] Angela Merkel n’est pas en reste. Selon elle, les Grecs prendraient trop de vacances et partiraient trop tôt à la pension. « Nous ne pouvons pas partager une monnaie alors que l’un a beaucoup de vacances et l’autre très peu. À la longue, ce n’est pas compatible », avertit la chancelière allemande, citée par l’agence de presse DPA[5]. Ces Européens du Sud, quand même ! Partir sans cesse en vacances, toucher des pensions de luxe, et puis venir frapper à la porte pour un soutien financier depuis leur terrasse ensoleillée où ils ne fichent rien de toute la sainte journée ! Et peu importe que tous ces préjugés soient pure fiction. Cela s’appelle de la politique fact-free. Traduction : qui ne se base pas sur les faits. Les Européens du Sud raccrochent-ils leur tablier plus tôt que les autres citoyens européens, pour jouir des douceurs de la Méditerranée ? Pas du tout. Les chiffres de l’OCDE pour 2011 indiquent qu’en Grèce, les hommes arrêtent de travailler en moyenne à l’âge de 61,9 ans, soit un mois plus tard qu’en Allemagne. Les femmes, elles, arrêtent certes plus tôt : 59,6 ans, pour 60,5 dans l’« exemplaire » État allemand. En 2007, également d’après l’OCDE, la pension moyenne des Grecs était de 617 euros. Ingeborg Beugel évoque les habitants d’Hydra qui, à leur pension, doivent immédiatement chercher du travail pour joindre les deux bouts. « Ma voisine du dessous a 94 ans ; elle est veuve et touche une pension de 400 euros par mois. Ce n’est pas assez pour ses médicaments et ses couches d’incontinence. Dans des circonstances extrêmement pénibles, elle y arrive tout juste grâce à sa famille et à ses voisins. Je ne connais pas un seul Néerlandais qui arriverait à combiner trois jobs, mais bien des dizaines de Grecs qui le font pour survivre. Oui, il existe des Grecs avec une pension précoce et élevée. Mais c’est une exception, en aucun cas la règle. D’ailleurs, à Hydra, habite une ex-enseignante néerlandaise qui a pris sa pension à 50 ans, ne doit plus jamais travailler et qui, sans aucune gêne financière, peut profiter de la Grèce le restant de ses jours. Aucune collègue grecque ne peut en faire autant. »[6] Quand elle évoque « des Grecs toujours en vacances », Angela Merkel est complètement à côté de la plaque. Selon l’agence officielle européenne Eurofound, les Grecs ont en moyenne vingt-trois jours de vacances par an. Les Allemands en bénéficient de trente. Nous ne nous prononcerons pas sur le nombre de jours de loisirs d’Angela Merkel. Mais son pécule de vacances est certainement un peu plus élevé que la moyenne... Peut-être les Grecs travaillent-ils tout simplement moins ? Non plus. D’après les chiffres de l’OCDE, les Grecs ont, en 2008, travaillé en moyenne 2 120 heures, soit 740 de moins qu’aux Pays-Bas, mais 470 de plus que les Britanniques. De toutes ces allégations sur les Grecs paresseux et éternels vacanciers – et, par extension, les Portugais, les Espagnols et autres habitants des « pays de l’ail », comme les qualifie le toujours délicat Geert Wilders, politicien néerlandais en vue, islamophobe et d’une droite garantie sans additifs –, rien n’est exact. Mais le mal est fait. Les déclarations de Merkel ont fait la Une. Et le cliché est bien ancré : les profiteurs méditerranéens gaspillent notre bel argent aux dépens des irréprochables contribuables du Nord de l’Europe. Comme le disait Einstein : la fission d’un préjugé est plus difficile que celle de l’atome.  


    Ouzo, mezze, Rousfeti et Fakelakia  

    Au xxe siècle, la Grèce a connu deux dictatures, une occupation étrangère et une guerre civile. Après la dictature de droite des colonels en 1975 est enfin née une république parlementaire. Le pays n’avait, jusqu’alors, jamais connu de sécurité sociale. L’aide sociale pour les malades, les pensionnés, les invalides et les chômeurs n’existait quasiment pas. Il y avait le soutien de la famille et des amis ou – pour qui pouvait se le permettre – un petit bas de laine, un point c’est tout. Donc, tout ce qui concernait les questions sociales restait à élaborer. En 1981, le parti social-démocrate Pasok est arrivé au pouvoir et a créé l’amorce de tout un système de clientélisme politique, principalement dans le secteur public. Sans carte de parti, pas de job, pas de protection sociale, pas d’allocations. Cette politique de clientélisme porte un nom : Rousfeti. Le Pasok et le parti de droite Nouvelle Démocratie sont des maîtres en la matière. On connaît bien sûr le phénomène, qui n’est d’ailleurs pas vraiment inconnu dans notre pays. Une politique de copinage pour chacun, mais surtout pour les grandes entreprises. Le système de pots-de vin porte, lui, le nom de Fakelakia. Avec, probablement comme sommet, les contrats pour les Jeux olympiques, où l’État grec a, in fine, perdu quelque huit milliards d’euros. Pour obtenir les contrats du système de sécurité ultrasophistiqué des Jeux olympiques, par exemple, Siemens a acheté divers politiciens, des hauts fonctionnaires et des hauts gradés de l’armée. Tant la Nouvelle Démocratie que le Pasok sont passés à la caisse. Un ancien cadre du Pasok a avoué qu’il avait touché quatre cent vingt mille euros d’un dirigeant de Siemens, peu avant les élections de 2000. Un geste de bonne volonté, disons, même si le geste en question a coûté près d’un demi-million d’euros. « Mais, s’est justifié le monsieur en question, j’ai reversé cet argent au parti sans informer la direction de sa provenance. » Quoi qu’il en soit, Siemens a obtenu le contrat. Une histoire qui fleure bon l’affaire Agusta-Dassault. La corruption existe donc bel et bien en Grèce. La fraude fiscale de six mille des plus grandes entreprises est estimée à quinze milliards d’euros par an. En comparaison, la fraude fiscale en Belgique est évaluée à vingt milliards d’euros. Et chacun se souvient de l’argent noir luxembourgeois de la KBC, resté intouché à cause d’erreurs de procédure. Ou que l’État belge a même dû dédommager le baron du textile Roger De Clerck, accusé de fraude avérée, parce que son procès avait duré... trop longtemps. Le clientélisme politique et la corruption ne sont donc pas des spécialités typiquement grecques, ni belges d’ailleurs. Elles sont propres au capitalisme, au jeu de coudes pour s’emparer de la plus grosse part du marché et réaliser des rendements à plusieurs chiffres. « C’est une épine dans le pied des Grecs que le Premier ministre Papandréou n’ait toujours pas dénoncé de politicien corrompu, ni sanctionné d’entrepreneur ou d’armateur, et qu’aucun centime ne soit récupéré des milliards d’euros disparus dans ces poches », insiste Ingeborg Beugel. Avant sa démission en novembre 2011, le gouvernement socialiste de Papandréou est conspué. Là où se rend le Premier ministre, on hisse les drapeaux noirs. Quand son ministre de l’Intérieur se rend au cinéma et que les étudiants le reconnaissent dans la salle, il est arrosé de yaourt et d’eau. Puis expulsé sous les quolibets. « Un gouvernement de voleurs. » C’est ainsi que, dans son analyse, le professeur de sociologie James Petras qualifie le gouvernement Pasok : « Le Pasok s’est construit autour d’une élite et d’une base qui ne payaient jamais d’impôts mais profitaient des caisses de l’État et de cadeaux des pouvoirs publics. De richissimes armateurs ont éludé l’impôt en navigant sous pavillon étranger (Panama). Mais ils acceptaient d’engager des capitaines grecs et alimentaient volontiers les caisses du parti. Des juristes, médecins et architectes déclaraient à peine des revenus, mais recevaient sous la table des sommes d’argent noir dépassant de loin n’importe quel salaire. Des chefs d’entreprises, spéculateurs immobiliers, banquiers et importateurs graissaient la patte des dirigeants du parti pour s’assurer des abattements fiscaux et sécuriser leurs prêts de l’Union européenne, qu’ils recyclaient en propriétés touristiques et en comptes en banque à l’étranger. Ainsi le parti et le gratin des affaires ont formé un réseau organisé de kleptocrates : ils pillaient le Trésor public et envoyaient la facture aux travailleurs salariés, les impôts de ceux-ci étant prélevés à la source. Pour un salarié, la Grèce est le pire pays au monde, puisque le salariat est bien le seul segment de la société à être, tout à la fois, exploité et imposé. »[7]  


    Goldman Sachs International et le traficotage des chiffres  

    Le fait que la richesse produite au cours des années ait été monopolisée par l’élite alors que le pouvoir d’achat de la population restait à la traîne a rendu la Grèce structurellement instable. D’autant plus que les revenus du plus grand nombre ont été affectés, en grande partie, à l’acquisition de biens de consommation produits à l’étranger. Le versant sud de l’Europe a servi de débouché pour les économies d’exportation, Allemagne en tête. C’est pour cela que le Sud a reçu sans trop de difficultés des crédits, entre autres de… l’Allemagne. Ainsi, l’argent emprunté à l’étranger retournait derechef au généreux prêteur. Durant la période 1975-1980, la balance commerciale de la Grèce affichait encore un excédent de 1,5 % : il y avait plus de marchandises et de services exportés qu’importés. Dans les années 1990-2000, cette balance a basculé vers un déficit de 3 %. Et les résultats ont empiré vers une balance négative de 10 à 13 % depuis l’introduction de l’euro. La Grèce a dû importer des marchandises qu’elle produisait auparavant. Avec la crise financière, la dette publique a grimpé à toute allure : de 115 % du PIB en 2007, elle est passée à 143 % en 2010. Il en résulte que les taux d’intérêt afférents à cette dette ont aussi grimpé très vite, par réaction en chaîne. En effet, quand un pays devient lourdement endetté, ses créanciers et les organismes prêteurs commencent à se méfier. Ils n’acceptent plus de lui prêter de l’argent que moyennant un taux d’intérêt plus élevé, en contrepartie du risque accru de ne pas être remboursés. Cette charge d’intérêts sans cesse croissante a lourdement plombé l’économie : il y a une décennie, les Grecs devaient rembourser annuellement neuf milliards d’euros pour payer les intérêts sur les prêts en cours. En 2010, cette charge dépassait les quinze milliards ! Tout a explosé en octobre 2009, lorsque les « deux Papas » de la social-démocratie grecque, le Premier ministre Georges Papandréou et son ministre des Finances, Georges Papakonstantinou, ont révélé que leurs prédécesseurs du parti de droite Nouvelle Démocratie avaient systématiquement présenté des chiffres faux, bien trop flatteurs sur la dette de l’État. En 2009, le déficit budgétaire de la Grèce se serait élevé à 12,7 %, au lieu de 3,7 % annoncés ! Les collègues Premiers ministres et ministres des autres pays européens ont prétendu que les Grecs avaient trompé presque tout le monde en Europe. Didier Reynders, de mémoire d’homme notre ministre des Finances, a, plus tard, humblement reconnu dans le journal financier français La Tribune : « Dès l’entrée de la Grèce dans la zone euro en 2001, on savait que ses statistiques étaient faussées. »[8] Le New York Times a déclaré que deux grandes banques américaines, JPMorgan et Goldman Sachs, ont aidé pendant dix ans, et très « professionnellement », à dissimuler la véritable dette de la Grèce[9]. Et qui était, à cette période, vice-président et managing director de Goldman Sachs International ? Monsieur Mario Draghi, aujourd’hui président de… la Banque centrale européenne (BCE) ! Malgré le traficotage des chiffres grecs – dont Draghi avait dû être au courant (c’était sa banque, après tout…) –, Merkel, Sarkozy et d’autres dirigeants européens n’ont pas hésité à appuyer la nomination de Draghi à la nouvelle présidence de la BCE. Ils sont donc, clairement, des champions de la double morale. D’une main, ils agitent un index réprobateur pour faire la leçon aux falsificateurs des chiffres budgétaire de la Grèce. De l’autre, ils amènent en grande pompe à une des fonctions européennes les plus stratégiques le dirigeant majeur qui a contribué à cette falsification.  


    La volonté de la troïka fait loi  

    Après les révélations des deux Papas du Pasok, fin 2009, les marchés financiers se sont rués sur la Grèce comme le Minotaure sur la jeunesse athénienne. Immédiatement, les agences de notation ont abaissé la cote de solvabilité de la Grèce, de sorte que, pour Athènes, il est devenu plus cher d’emprunter de l’argent. L’intérêt sur ces emprunts a grimpé de plus en plus. Les spéculateurs visaient aussi la faillite de la Grèce. Ils ont acheté à grande échelle des credit default swaps, une sorte d’assurance qui rapporte beaucoup si la Grèce n’est plus en mesure de rembourser ses emprunts d’État. Le 15 janvier 2010, Papandréou, dans ses petits souliers, introduit un premier plan auprès de la Commission européenne. C’est le plus grand plan d’austérité depuis les années 1950. Le Pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne détermine en effet que le déficit budgétaire de chaque pays-membre doit être limité à 3 %, et Papandréou se plie à cette norme. Il augmente la TVA, recule l’âge de la pension et coupe radicalement dans les services publics. Il promet aussi de s’attaquer à l’évasion fiscale. Les instances européennes donnent leur accord mais, en même temps, la Grèce est placée sous étroite surveillance de l’Union. Le 3 mars 2010, le peuple grec riposte au plan de Papandréou. Ce jour-là, toute la Grèce est en ébullition. Les ports, les aéroports, les banques, la radio et la télévision, les écoles, les transports publics... tout est à l’arrêt. La Grèce descend dans la rue. Le Parlement doit, ce jour-là, approuver le plan. La Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international menacent. La volonté de cette « troïka » fait loi. Sinon, pas d’aide. Georges Papakonstantinou conjure l’hémicycle de voter le plan draconien d’économies pour « regagner notre crédibilité sur les marchés ». Partout en Europe, les gens en « costards chics taillés sur mesure » applaudissent avec enthousiasme. La nouvelle Dame de fer, Angela Merkel, est aux anges : « Nous sommes enchantés des mesures prises aujourd’hui par le gouvernement grec. C’est un signal très important pour que les marchés reprennent confiance en ce pays, mais aussi en l’euro. »[10] L’Allemagne, les Pays-Bas et d’autres auraient préféré laisser la Grèce faire faillite. La population avait dans ce but été bien préparée : « 61% des Allemands sont contre tout soutien à la Grèce », annonce, en ce mois de mars 2010, la presse qui nage dans le sens du courant. Comment en irait-il autrement quand on serine pendant des semaines que le sauvetage de la Grèce coûtera des centaines d’euros aux familles allemandes ? Mais les banques allemandes et les autres restent avec des milliards de reconnaissance de dettes grecques sur les bras. Non seulement les banques sont vulnérables, mais les assureurs et les fonds de pension aussi, dont beaucoup sont également exposés au « risque grec » en raison de leurs placements. Il y a, en outre, le risque d’un effet domino qui pourrait faire tomber à leur tour d’autres pays européens comme l’Irlande, le Portugal ou l’Espagne, voire l’Italie. Ce serait une catastrophe. Et, par conséquent, les plans de sauvetage européens se multiplient. Le printemps 2010 n’apporte pas de changement. La position de la Grèce sur le marché des capitaux continue à empirer. Fin avril 2010, Georges Papandréou envoie un signal d’alarme depuis son île de vacances, Kastelorizo. La situation est si pénible qu’il implore à genoux l’Union européenne d’accorder de nouveaux crédits à son pays. Jean-Claude Trichet, encore président de la Banque centrale européenne, Dominique Strauss-Kahn, à l’époque toujours directeur du Fonds monétaire international (FMI), et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, exigent davantage de mesures d’économies draconiennes. « Faites payer les frais aux Grecs » est l’exigence de la troïka. Le réseau de la famille Latsis et d’autres richissimes Hellènes n’y sont probablement pas étrangers. Entre-temps, les fonctionnaires du FMI, de l’Union européenne et de la BCE s’envolent vers Athènes pour concrétiser cette surveillance concurrentielle. Le 2 mai, Papandréou présente un nouveau paquet de mesures d’austérité. Un paquet de larmes et de sang. Les salaires des services publics sont diminués en moyenne de 10 %. La TVA est encore augmentée. Les rétributions des heures supplémentaires subissent une cure d’amaigrissement, tout comme les primes de Pâques, de Noël et les jours de congé, également pour tous les pensionnés. Il faut désormais avoir cotisé pendant 40 ans, au lieu de 37, pour avoir droit à une pension complète. La pension est dorénavant calculée sur la base des dix dernières années de carrière, au lieu des cinq années les mieux rémunérées. Pour la plupart des gens, la pension diminue fortement. Le salaire minimum tombe à 592 euros par mois. Trois jours plus tard, le 5 mai, les syndicats organisent une grève générale, la troisième en quelques mois. Papandréou fait le gros dos. Irini en ressent très vite les conséquences. Elle a 29 ans et est enseignante. « Aujourd’hui, mon salaire a été versé sur mon compte, explique-t-elle. Pour la première fois, c’est un autre montant, à cause des mesures de Papandréou. J’ai calculé que j’aurai plus d’un mois de salaire en moins par année. C’est incroyable que l’enseignement soit à ce point touché. Pourquoi Papandréou ne s’en prend-il pas à d’autres secteurs ? Les riches armateurs, par exemple ? Ceux-là ne doivent-ils pas également contribuer ? » Faire payer par les institutrices maternelles, les hôtesses de l’air, les agriculteurs, les employés de banque, les ouvriers du bâtiment, les vendeurs et vendeuses, les pensionnés une crise qu’ils n’ont pas provoquée, pour restaurer le confiance des marchés ? Pour beaucoup, la coupe est pleine. Ingeborg Beugel a fait le calcul : « Un enseignant gagne encore en moyenne, après la première vague d’économies de 2010, 800 euros par mois. De cela, 500 euros vont au loyer et autres charges fixes. Il reste 300 euros pour vivre. Comme enseignant, on ne peut presque pas se permettre de fonder une famille. Et comment une institutrice maternelle ou une hôtesse de l’air peuvent-elles se débrouiller avec un salaire de 650 euros par mois ? »[11]  


    La Deutsche Bank gagne du temps  

    Et pourtant, malgré le massacre social, l’attaque des marchés financiers sur la Grèce se poursuit. L’ambiance à Bruxelles est fébrile, début mai 2010. Réunions et de coups de téléphone pullulent. « Nous sommes dans une situation semblable au lendemain de la chute de Lehman Brothers » : cela sonne comme un cri d’alarme, ce vendredi 7 mai, au sommet européen des chefs d’État et Premiers ministres. « Il nous faut un accord avant l’ouverture des bourses asiatiques lundi matin. » Le sommet en fixe les grandes lignes le soir même. Une réunion extraordinaire des ministres des Finances européens doit encore en peaufiner les mesures d’exécution concrètes pendant le week-end. In extremis, un peu avant deux heures du matin, le lundi 10 mai, le résultat sort de la boîte. Malgré la fatigue, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, reste droit comme un « i », ce lundi matin à trois heures et quart. Dans une déclaration concise, il fait savoir que la BCE procédera à l’achat massif d’obligations d’État des « pays à problème ». Pour les ultralibéraux, c’est un péché mortel. Ils sont d’avis que les banques centrales ne peuvent intervenir dans des problèmes budgétaires, pas même la BCE. Cela se passe quand même. La BCE n’achètera pas directement auprès des pouvoirs publics de douteuses reconnaissances de dette des « pays à problème », mais bien sur le « marché secondaire », donc auprès des banques. Ainsi, celles-ci peuvent se débarrasser de leurs obligations pourries en échange de l’argent que la BCE fait imprimer. La BCE devient ainsi une bad bank, comme la Fed américaine l’est déjà. La deuxième conclusion du sommet de mai consiste en la création par les pays de l’Union d’un fonds commun, le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ce FESF a le droit d’octroyer aux pays en difficulté des prêts qu’ils ne peuvent plus obtenir à des conditions acceptables sur les marchés financiers. Le FESF apportera ces prêts sous forme d’obligations sur le marché. Le mot « euro-obligation » ne peut être utilisé car les États-membres n’accordent pas de crédit direct aux pays en difficulté. C’est le FESF qui s’en charge. Les États-membres se portent garants de ces crédits. La Commission et la BCE présentent le FESF comme s’il était un instrument de dépannage pour les « pays en difficulté ». En fait, le FESF doit surtout empêcher que ces pays ne fassent trop vite faillite, parce qu’alors, les grandes banques subiraient d’énormes pertes par les obligations pourries de ces pays. Début mai, l’Union européenne met aussi au point le « plan de sauvetage grec » de cent dix milliards d’euros. Une condition à l’octroi de ce paquet : le pouvoir de décision est transféré d’Athènes à la triple tutelle de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, qui contribue également au financement. Quatre fois par an, cette troïka publie un rapport sur l’état d’avancement des réformes et des économies. Sans progrès satisfaisants, finis les prêts. À côté de Jean-Claude Trichet, en ces jours de mai 2010, un autre banquier joue aussi, en coulisses, un rôle majeur : Josef Ackermann, PDG de la Deutsche Bank. Pour que ce soit clair, il s’agit d’une banque privée. Une des plus grandes au monde. Ackermann vise toujours des « rendements à deux chiffres » pour sa banque. La Grèce a beaucoup de dettes auprès des banques européennes, surtout en France et en Allemagne. Pour elles, ces créances douteuses et dangereuses se chiffrent en milliards d’euros. Si la Grèce fait faillite, elles ne reverront pas la couleur de leur argent. Et, donc, elles poussent activement à un plan de sauvetage. Mieux encore, elles rédigent ce plan elles-mêmes. Ackermann a pris cette tâche sur lui. C’est une « course contre la montre », écrit la chaîne publique allemande ARD sur son site Internet. La chaîne annonce un reportage télé marquant de Monitor, le Questions à la Une allemand. Le titre : « Sauvetage grec coûteux, un habile coup de la Deutsche Bank ? » Le téléspectateur allemand peut jeter un petit coup d’œil derrière le décor[12]. Naturellement, durant la tempête de la crise financière de 2008, tout le monde avait promis que « les choses allaient changer ». Les pouvoirs publics gouverneraient à nouveau de manière indépendante, sans se sentir obligés de danser comme sifflent les banquiers et les spéculateurs. Mais, une fois la tempête calmée, la vie habituelle reprit son cours normal. Et, dans cette vie « normale », ce sont les Ackermann qui dictent les règles. Concernant la faillite grecque qui menace au printemps 2010, il importe surtout de gagner du temps. Ackermann fait la navette entre Berlin, Francfort et Athènes. Il s’entretient aussi régulièrement avec le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, pour mettre un plan de sauvetage à flot. C’est donc un directeur de banque qui donne la leçon au ministre des Finances. La Démocratie, c’est bien beau, mais pour les affaires sérieuses, c’est la Deutsche Bank qui fait la loi. Monitor montre qu’Ackermann a eu la main très lourde dans le « plan de sauvetage grec ». Ce plan devait d’abord et avant tout servir à gagner du temps. Temps pendant lequel les banques européennes et les assureurs pouvaient se débarrasser massivement de leurs intérêts grecs. L’émission de l’ARD concluait que le plan de sauvetage avait été « principalement utilisé pour rembourser les banques européennes, et pas pour maintenir la Grèce debout ». Que la BCE achète désormais des obligations sur le marché secondaire – auprès des banques, donc – est un fameux coup de pouce ! Les représentants des banques à la City de Londres annoncent, le lendemain du sommet, le lundi 10 mai, que les institutions financières se débarrassent des obligations pourries – surtout grecques, portugaises et irlandaises – sur les banques centrales d’Allemagne et de France, en échange d’achat d’emprunts d’État sains, allemands ou britanniques[13]. À la fin avril 2010, les banques allemandes détenaient encore pour 16 milliards de prêts grecs. En février 2011, ce montant était réduit à 10 milliards. Dont seulement 1,6 milliard dans le portefeuille de la Deutsche Bank. Les banques françaises étaient moins rassurées : en février 2011, elles avaient encore presque 17 milliards de prêts grecs sur les bras. En Belgique, c’est surtout Dexia qui est resté exposé au risque grec, à concurrence de 5 milliards d’obligations pourries.  


    Le chantage printanier du big business

    Le bon sens prédirait que la crise ne peut qu’aller en s’aggravant si d’énormes économies sont effectuées pour rembourser la dette de l’État grec. Il ne faut pas être docteur en économie pour comprendre que, quand on paralyse l’État, on appauvrit le peuple qui, à son tour, dépense moins et contribue involontairement à l’anémie de la machine économique. Les investisseurs se sont enfuis. En 2010, les importations grecques ont brusquement dégringolé d’un cinquième par rapport à l’année précédente, ce qui a également déprimé l’activité des pays fournisseurs de la Grèce. Par exemple, depuis 2008, les exportations belges vers la Grèce ont diminué d’un quart[14]. Entre-temps, la résistance en Grèce a continué d’enfler. En 2009, le gouvernement grec avait confié l’exploitation des routes nationales à des entreprises privées. Elles ont instauré des taxes routières très chères alors que, très souvent, il n’existait pas de routes parallèles alternatives. Le parcours entre Athènes en Thessalonique, par exemple, coûte désormais 45 euros. Les gens ont réagi avec colère et des comités « Nous ne payons pas ! » ont vu le jour. Les activistes de ces comités populaires ont enfilé des gilets de sécurité orange fluorescents, sont allés aux péages, y ont ouvert les barrières et ont laissé passer les automobilistes. Leur veste affichait l’inscription : « Désobéissance totale ». Sur leurs calicots : « Nous ne payons pas ! » et « Nous ne donnons pas d’argent aux banquiers étrangers ». Reconnaissants, les automobilistes passaient en levant le pouce. Début 2011, quatre automobilistes sur dix refusaient de payer la taxe routière et, à certains endroits, ils étaient huit sur dix[15]. Ainsi a commencé l’année 2011. Alors que les gens s’organisaient, les agences de notation ont dévalué la cote de solvabilité de la Grèce jusqu’au zéro absolu. Ils partent du principe que la Grèce ne sera pas en état de rembourser ses emprunts. Réduire les dépenses, ratiboiser les pensions, saigner les services publics, démanteler les emplois fixes, rogner sur les pécules de vacances et augmenter la TVA... Rien n’y fait. Les prêts à la Grèce deviennent encore plus chers, en raison des décisions des agences de notation. Nouvelle panique sur les marchés financiers. Les banques allemandes et françaises ont déjà pu se débarrasser d’un gros volume de « papier » grec, mais il leur en reste un bon paquet qui, désormais, ne vaut plus un clou. Le 13 juin, le Financial Times annonce qu’un consortium de grandes banques insiste pour que, au prochain sommet européen, il faille obliger l’Union européenne à un buy-back, un rachat de la dette grecque, grâce à l’injection d’argent public par milliards. « Sans une action rapide, avertit le consortium, des pays comme l’Espagne et l’Italie pourraient plonger aussi. » Lisez bien : pour les grandes banques, il ne s’agit plus seulement de la Grèce, mais, surtout, d’enrayer l’effet domino que pourrait causer une faillite grecque. Trends écrit : « En fait, les banques font du chantage auprès des pouvoirs publics : rachetez-nous les dettes, ou bien nous sèmerons la pagaille, et alors c’en sera fini de l’euro. »[16] Ces grandes banques n’hésitent pas à prendre toute l’Union européenne en otage. Lorsque, en 2008, nombre de banques européennes se sont retrouvées en difficulté parce qu’elles étaient exposées aux risque issus de la crise américaine des subprimes, les pouvoirs publics nationaux ont dû venir à leur secours. En 2011, avec les difficultés financières des États grec, portugais, italien, irlandais et espagnol, ces mêmes grandes banques appellent à nouveau à l’aide les pouvoirs publics – et, donc, le contribuable – à reprendre ces obligations d’État. Le 21 juillet 2011, jour de notre pluvieuse fête nationale, le Conseil de l’Europe se réunit avec, en coulisses, la fine fleur des banquiers européens. Ce sommet parvient à un vague accord. Il y aura 109 milliards d’euros pour un nouveau financement « de la Grèce », plus un allongement de l’échéance de ces prêts de quinze à trente ans. Les banques contribueront « sur une base volontaire, pour 37 milliards d’euros ». En échange, la mainmise de la troïka sur le pays est encore renforcée : une taskforce se profile pour « donner une nouvelle impulsion à l’économie grecque ».  


    Soldes sur la mer Egée : on liquide !

    En échange du nouveau « plan de sauvetage », à l’été 2011, la Grèce est contrainte à une vente massive de ses propriétés publiques. Les Grecs peuvent seulement garder l’Acropole, jusqu’à nouvel ordre. À part la vente des billets d’entrée, car ces rentrées sont privatisées. Comme tout le reste. À des prix cassés, le couteau sur la gorge. Le Pirée est stratégique comme port de marchandises, principalement pour les produits chinois. La troïka oblige la Grèce à mettre le port en vente en grande partie. Pour les entreprises allemandes et chinoises, il y a maintenant de bonnes affaires en Grèce : c’est la période des soldes. Les Grecs sont obligés d’organiser une braderie où des biens publics sont mis en vente pour quelque cinquante milliards d’euros. Le FMI envoie des conseillers à Athènes pour chaperonner le processus. L’affaire doit être bouclée en trois ans. Une vingtaine d’entreprises publiques sont immédiatement mises en vente. La liste est discutée avec la troïka. La Deutsche Telekom AG en récolte le plus gros morceau. Elle va à nouveau acheter 10 % de participations dans l’OTE, la plus importante entreprise grecque de télécoms. Cela coûte à Deutsche Telekom quatre cents millions d’euros, un prix dérisoire. Les Allemands contrôlent ainsi quelque 40 % d’OTE. L’État grec ne possède plus que 10 % des participations. Les Allemands sont surtout intéressés par les réseaux mobiles d’OTE en Roumanie, Bulgarie et Albanie. Et par les 20 % de participations d’OTE dans les télécoms serbes. Deutsche Telekom fait ainsi une affaire en or dans sa conquête des Balkans. Des parties de l’aéroport d’Athènes sont à vendre pour trois cent cinquante millions d’euros. Les grandes entreprises allemandes et chinoises sont en forte concurrence pour conclure cet achat et, de cette manière, contrôler l’aéroport jusqu’en 2046. Un quart du port du Pirée est à vendre, tout comme un quart du port de Thessalonique, un tiers de la Banque postale hellénique, 40 % de la compagnie des eaux de Thessalonique, la moitié du distributeur de gaz DEPA, un tiers du distributeur de gaz DESFA et 99,8 % du fabricant d’armes Hellenic Defense Systems. La Loterie nationale sera vendue à 100 %, tout comme les courses hippiques et la compagnie de chemin de fer TrainOSE. En 2012, la poste grecque sera aussi en grande partie offerte à la vente, de même qu’un plus grand nombre de ports et les compagnies des eaux athéniennes. Idem pour la Banque agricole grecque, la compagnie pétrolière nationale, les aéroports régionaux et, probablement, les autoroutes, qui devraient être vendues dans les prochaines années. Mais c’est compter sans la résistance. Dans quasiment tous les secteurs publics, les gens s’organisent avec les syndicats pour arrêter cette liquidation. Le service aux voyageurs du ministère belge des Affaires étrangères avertit même de ces actions : « Actuellement, des grèves et des manifestations ont régulièrement lieu, surtout dans les villes d’Athènes et de Thessalonique. Étant donné que les manifestations peuvent entraîner de la violence, il est déconseillé de se rendre dans les quartiers athéniens où celles-ci se déroulent, habituellement aux alentours du Parlement, Syntagma, Omonia ou Exarchia. Ces actions peuvent affecter les transports publics, sporadiquement le trafic aérien, les taxis, les hôpitaux, les pharmacies. »[17] Les travailleurs, usagers et syndicats grecs refusent massivement la vague de privatisations, mais le Parti socialiste européen (PSE), dont font partie le PS et le sp.a, la soutient tenacement. Le président du PSE, Poul Nyrup Rasmussen, se déplace jusqu’à Athènes pour répéter qu’il n’y a pas d’autre solution. Les sociaux-démocrates doivent, selon lui, construire des ponts pour le futur. « Nous devons réaliser que nous devons construire des ponts avec l’avenir, sinon les autres décideront de l’avenir à notre place. »[18] Des ponts avec l’avenir ? Pas vraiment la métaphore adéquate lorsque le réseau routier grec est à vendre. Pour défendre l’impulsion de la troïka et du Premier ministre Papandréou, certains sociaux-démocrates vont parfois très loin. La parlementaire du Pasok Elena Panaritis avance fièrement : « Margaret Thatcher a eu besoin de onze ans pour mener à bien ses réformes dans un pays qui connaissait de moins grands problèmes structurels. Notre programme a été mis sur pied il y a seulement quatorze mois ! »[19] Autrement dit : Papandréou fait mieux que Thatcher. Et pourtant, Philippe Moureaux, vice-président du PS, donne « 8/10 » à l’action de Papandréou quand il répond à Pascal Vrebos sur les plateaux du JT de RTL. Après que son camarade, le député européen Marc Tarabella, eut aussi vigoureusement pris la défense du Premier ministre grec, rejetant la responsabilité du marasme grec sur la seule droite de la Nouvelle Démocratie[20]. On peine à voir ce qu’il y a de socialiste dans cette politique. « Chaque jour, des gens désespérés manifestent dans le centre d’Athènes, témoigne Ingeborg Beugel. Non, ils ne se dorent pas la pilule sur la plage en sirotant de l’ouzo. Le marché implose. Les revenus en baisse et les hausses d’impôts ne donnent rien : d’une vache tarie, il n’y a plus de lait à tirer. Tous les secteurs publics grecs doivent être privatisés, pas tellement pour aider les Grecs, pour rendre les institutions qui fonctionnent mal plus efficaces, mais parce qu’ils peuvent servir de garantie pour les banques européennes. Des revenus fortement rabotés et des impôts augmentés en combinaison avec des prêts extrêmement lourds ne mettent pas seulement une économie par terre, mais aussi la cohésion d’une société. »[21]  


    Le chômage des jeunes : 43 %

    Les trois quarts des Grecs en dessous de 30 ans habitent de nouveau chez leurs parents. Hôtel Maman. « Cela marque toute une génération », observe Oreste Xanidis, un enseignant de 29 ans. Il habite encore chez ses parents. Il reçoit la visite d’une amie. Sa mère est à table avec eux. Oreste confie que, vu qu’il ne peut envisager d’avoir son propre logement, c’est une chance qu’il s’entende bien avec ses parents. « J’ai calculé, et ce n’est absolument pas possible, explique-t-il. Mon salaire est trop bas. Quelques amis ont bien essayé mais, à la fin du mois, ils étaient plus qu’à sec. Aussi longtemps que vous habitez chez vos parents, vous êtes leur enfant. Bien sûr, cela dépend d’une famille à l’autre, mais rester à la maison empêche beaucoup de jeunes de s’épanouir. Beaucoup de relations en souffrent aussi. Cela a également beaucoup à voir avec le fait que tant de gens n’ont pas d’emploi fixe. Alors, on a 30 ou 35 ans, mais on se sent comme si on en avait 22, l’âge des amourettes de vacances. Ces jeunes adultes n’ont tout simplement pas le sentiment qu’ils peuvent construire leur propre ménage et prendre vraiment leur vie en mains. » Le syndicaliste Georges Skiadiotis raconte : « Toutes les lois qui protégeaient les travailleurs des secteurs public et privé sont en train d’être abolies. L’obligation d’accorder un salaire minimum a été, par exemple, supprimée. Depuis cette année, les employeurs peuvent embaucher des jeunes travailleurs pour 500 euros par mois, bien en dessous du salaire minimum, qui est de 750 euros. »[22] Le nombre de suicides en Grèce a été multiplié par quatre en deux ans. En 2011, Un Grec sur quatre vivait en dessous du seuil de pauvreté, un sur cinq gagnait moins de 6 480 euros par an. Chez soixante mille familles, l’électricité a été coupée parce qu’elles ne pouvaient plus payer leur facture. Beaucoup d’Albanais et de Bulgares qui travaillaient dans la construction sont retournés dans leur pays avec l’espoir d’y trouver de meilleures conditions de vie. Des milliers de jeunes diplômés grecs pensent déménager à l’étranger, en Allemagne, au Canada, en Australie, à Londres..., en quête d’un véritable avenir. Les médias parlent beaucoup de cette fuite des cerveaux, des rêves de départ de la jeunesse. Mais, entre le rêve et la réalité, il y a de la marge. Comme, par exemple, savoir qu’ailleurs non plus, on ne trouvera pas le paradis. Le chiffre officiel du chômage en Grèce est de 16,5 %. En 2012, il grimpera à 22 %, selon les prévisions. Pour les moins de 25 ans, ce chiffre est même de 43,1 %. En 2010, l’économie grecque s’est contractée de 4,5 %. En 2011, elle a encore perdu quelque 5 %, et une baisse supplémentaire de 2,5 % est attendue en 2012. « Il n’est pas nécessaire de connaître le mythe de Sisyphe pour voir que des mesures qui conduisent à -7 % de croissance ne réduisent pas le déficit. Il ne faut pas avoir lu Platon pour comprendre que diminuer de moitié les salaires et les pensions signifie que les gens ne seront plus en mesure de payer des taxes et des impôts exorbitants », écrit The Guardian[23].  


    La troïka étrangle la Grèce : une crise humanitaire

    Celui qui, aujourd’hui, se promène dans Athènes, doit se frayer un chemin entre des milliers de pancartes rouges et vertes : « Enoikiazetai », à louer. Un tiers des 165 000 commerces ont déjà fermé. Beaucoup de ménages à deux revenus, qui, auparavant, pouvaient compter sur presque 3 000 euros mensuels, n’ont plus que deux fois 400 euros d’allocations de chômage, souvent payées avec des mois de retard. Le personnel hospitalier ne reçoit plus de salaire depuis des mois, et on le calme en promettant « l’année prochaine ». En septembre 2011, les personnes qui travaillent à l’Acropole n’avaient plus été payées depuis vingt-deux mois ! Lorsqu’elles ont protesté, ce n’est pas leur salaire qu’elles ont reçu, mais une autre rétribution : du gaz lacrymogène. Dans le privé également, les salaires tardifs s’accumulent. « Ils me doivent encore 3000 euros d’arriérés », s’énerve Margarita Koutalaki, qui travaille à temps partiel comme serveuse, pour 6,5 euros l’heure. Elle est divorcée et élève une fille de 11 ans. Aux murs des écoles publiques, on trouve des affiches pour des réunions de parents sur le manque de livres scolaires. La plupart des écoliers n’ont plus que deux ou trois manuels. L’enseignement public n’en reçoit plus parce que les écoles ne peuvent plus en payer l’impression. Dans certains cas, les élèves disposent de leçons sur DVD. Les abribus sont couverts de petites annonces pour des cours particuliers : biologie, anglais, espagnol, danse, jonglerie... c’est inimaginable. Comment survivre est LE sujet de toutes les conversations. Günter Tews, avocat de la ville de Linz, en Autriche, qui possède une résidence secondaire à Athènes, ne peut plus le supporter. « Les Grecs sont saignés à blanc. C’est un génocide financier, lance-t-il. Où sont restés tous les crédits accordés ? Certainement pas parmi la population. Le peuple grec ne refuse pas de subir des restrictions mais il n’en est plus capable. Toutes les protections des travailleurs ont simplement disparu. La porte est grande ouverte à l’exploitation. Celui qui travaille toujours s’épuise à mort pour un salaire de famine. Lorsque des délégués de la troïka ou de l’UE vont déjeuner avec des politiciens grecs pour 300 euros par personne, on peut se poser la question : quand cette casserole à pression va-t-elle exploser ? »[24] La troïka a également lancé un ultimatum à Athènes : en 2011, 310 millions d’euros devaient être économisés dans les soins de santé, et 1,43 milliard d’euros supplémentaires devront l’être les trois années suivantes. En Grèce, on ne compte déjà que 4,7 lits d’hôpital pour 1000 habitants – contre 6,8 en Belgique – et pourtant, ce nombre doit être réduit d’un tiers[25]. Le nombre d’hôpitaux publics va diminuer de 133 à 83. Depuis 2010, pour chaque visite, il faut payer 5 euros de ticket modérateur. Mais, heureusement, il existe pour l’instant certaines exceptions. « Une des mesures à venir est de supprimer ces exceptions au paiement de 5 euros, s’écrie le docteur Nikitis Kanakis, à la tête de Médecins du Monde Grèce, 5 euros, ça ne paraît pas beaucoup mais, pour des personnes aux très bas revenus, cette petite somme représente une grande partie de leur budget. En très peu de temps, on constate un changement inimaginable au sein de la population. La faim est de retour en Grèce. Certains enfants et personnes âgées présentent déjà des signes de sous-alimentation. C’est surtout le cas chez les migrants, mais aussi chez des citoyens grecs. Une crise humanitaire se développe dans ce pays, et personne ne veut le voir. »[26] Les économies imposées par l’Union européenne amènent un nombre croissant de Grecs au suicide, à la drogue et à d’autres addictions, à la prostitution et à la dépression. Telle est la conclusion d’une étude de la très réputée revue médicale The Lancet  : « Nous constatons des tendances très inquiétantes, un doublement des cas de suicides, une hausse des homicides, une augmentation de 50 % des infections au virus HIV et des gens qui nous disent que leur santé a empiré mais qu’ils ne peuvent plus consulter de médecin, même s’ils devraient le faire », rapporte le sociologue David Stuckler[27]. On tire aussi la sonnette d’alarme chez Médecins sans Frontières, qui a créé un centre de soins en Grèce pour les réfugiés n’ayant pas accès au système de soins de santé. « Avec la croissance de la crise, nous apercevons les symptômes d’un plus grand problème, observe Apostolos Veizis, à la tête de MSF Grèce. En fait, nous constatons que des Grecs tout à fait ordinaires n’ont également plus accès aux soins de santé, et c’est la raison pour laquelle des organisations d’aide comme MSF agissent. Vous savez, dans certains secteurs des soins de santé, les budgets ont été réduits de 80%. »[28] Le géant pharmaceutique suisse Roche a décidé de ne plus livrer de médicaments aux hôpitaux grecs, parce qu’il craint de ne pas être payé. Des médicaments importants contre le cancer ne sont dès lors plus disponibles[29]. Quand je lis cela, j’en ai le souffle coupé. J’ai perdu mon père du cancer l’an passé. Les médicaments contre le cancer et la chimiothérapie sont scandaleusement chers. Le cancer appauvrit les gens et enrichit les multinationales. Roche a enregistré, durant le premier semestre 2011, 4,5 milliards d’euros de bénéfice, via, entre autres, l’argent des gens atteints de cancer dans le monde entier. Les cancéreux grecs ont encore le choix de se rendre dans des hôpitaux privés, qui sont extrêmement chers. Tant d’immoralité donne la nausée aussi sûrement qu’une chimiothérapie.  


    « Notre monde est un nouveau monde »  

    Lorsque, le samedi 1er octobre 2011, j’entre chez mon marchand de journaux, je tombe en arrêt sur un gros titre à la Une du Financial Times  : « Strikes hit Greek rescue effort. » Traduction : les grèves affectent les efforts de sauvetage de la Grèce. De quoi s’agit-il ? Cette semaine-là, des fonctionnaires des ministères des Finances, de la Justice, de l’Agriculture et de l’Intérieur protestaient à Athènes contre la suppression supplémentaire de 30 000 d’entre eux, ces licenciements venant s’ajouter aux « dégraissages » précédents. C’en est assez, ont-ils tonné. Les bâtiments des ministères étaient déserts. Le blocus a empêché le ministre Evangelos Venizelos de recevoir une délégation de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne et du FMI dans ses bureaux. Lorsque Venizelos est devenu ministre des Finances, il a déclaré : « J’abandonne le ministère de la Défense pour me consacrer désormais à la vraie guerre. »[30] La guerre de la troïka contre le peuple. Les messieurs en costume de la troïka sont venus à Athènes pour contrôler si la Grèce avait pris suffisamment de mesures d’économie, et ils ont voulu, depuis le ministère des Finances, transmettre leur nouveau rapport au siège de la BCE, à Francfort. C’est là que l’on déciderait si le pays serait autorisé à recevoir une nouvelle tranche de huit milliards d’euros en prêts de sauvetage. Le blocus leur a mis des bâtons dans les roues. D’où le titre du Financial Times. Mais, interroge un chroniqueur belge, célèbre au Nord du pays, « autoriseriez-vous des voleurs à entrer lorsqu’ils frappent à votre porte ? ». C’est bien la question centrale : qui pille la Grèce, et qui la sauvera ? « Athènes proclame sa détresse, les émeutes ont fait jusqu’à trente-sept morts, le gouvernement communiste fait appel à l’armée », titre à sa Une un journal boursier le 10 octobre 2011, lors d’une édition de politique-fiction sur les perspectives d’avenir de 2012. Et ce journal d’expliquer : « Même un gouvernement grec dirigé par des communistes arrivera vite au constat qu’il y a très peu de marges de manœuvre pour une alternative. » Voilà qui a un arrière-goût de persiflage cynique afin de détourner l’attention de ce qui se joue réellement aujourd’hui. Une élite politique classique qui condamne un peuple tout entier à la quasi-mendicité, pour servir une poignée d’armateurs, de millionnaires et de banques étrangères. Une élite politique de socialistes-caviar et de libéraux qui se servent à volonté, n’hésitant pas à envoyer les forces de police pour étouffer les protestations croissantes de la population. Le 20 octobre 2011, lorsque soixante mille militants syndicaux encerclent le Parlement pour empêcher les nouvelles coupes sombres projetées par Papandréou, Dimitris Kotzaridis, un travailleur du bâtiment et syndicaliste du PAME, meurt, étouffé, sur les marches du Parlement grec : ses poumons n’ont pas supporté le gaz lacrymogène. « Ce ne sont pas nos dettes, le peuple n’est en aucun cas responsable » est un des slogans du parti communiste KKE, la troisième formation politique du pays. Et le KKE a bel et bien une solide alternative aux « remèdes » imposés aujourd’hui : « Il n’y a qu’une solution : les richesses qui se trouvent dans ce pays doivent devenir le patrimoine du peuple. Nous devons briser les chaînes qui nous lient à l’Union européenne et annuler unilatéralement la dette. Il n’existe pas de solution intermédiaire. » C’est ce que lance le président du KKE, Aleka Papariga, le 19 octobre 2011, à l’océan de manifestants qui occupent les rues d’Athènes. « Aujourd’hui, soit les travailleurs et les jeunes se laissent faire et paient la crise des banquiers et des monopoles, soit ils lèvent la tête et se battent. Nous ne paierons pas un seul euro de leur crise. Notre monde, ce n’est pas le capitalisme. Notre monde, c’est un nouveau monde, c’est le socialisme. » Le KKE est une des forces motrices derrière la résistance, avec la plate-forme syndicale PAME. « Transformez votre colère en organisation » est la devise de cette plate-forme. Le PAME prépare les gens à une longue lutte. Ce n’est pas facile, même actuellement : seuls 16 % des travailleurs grecs sont syndiqués. Et beaucoup de gens ont peur d’un licenciement. Du matin au soir, on entend des avertissements aux grévistes, qui « apportent encore plus de problèmes au pays. » Mais Georges Skiadiotis, une figure-phare du PAME, rayonne de détermination : « Nous constatons une plus grande participation des travailleurs ainsi qu’un plus grand nombre de luttes militantes, comme des occupations, etc. Et la solidarité est plus importante également. Le tournant a été la grande grève de décembre 2009. Ce mouvement de lutte n’a pas pu bloquer les attaques. Mais, sans cette résistance, la situation serait encore pire. Pour beaucoup de travailleurs, rejeter les mesures est une nécessité. Et ces luttes ont contribué à retarder l’application des mesures d’austérité. » Le mercredi 19 octobre 2011, la vingtième grève générale met tout le pays à l’arrêt. Les médias grecs appellent cette action « la mère de toutes les grèves ». Tout le pays est bloqué, sauf les transports publics, qui amènent les activistes au centre des villes. Ils sont des centaines de milliers, un demi-million : « Nous ne leur devons rien, nous ne payons pas ! » Malgré cette gigantesque participation, Papandréou poursuit, au Parlement, le lancement des plus lourdes économies jamais mises sur pied. Dans les secteurs publics, et ceux qui sont pris en compte pour être privatisés, les salaires vont baisser jusqu’à 65 %. Les multinationales les recevront par après sur un plateau d’argent. Les conventions collectives de travail sont restreintes, de manière à ce que davantage de baisses de salaires soient possibles dans le privé. Et les petites entreprises peuvent désormais fonctionner sans conventions collectives. Le fossé entre population et gouvernants n’a jamais été aussi grand. Le soir, nous organisons avec le KKE un rassemblement de solidarité devant le Parlement européen à Bruxelles, cent cinquante personnes sont présentes. La voix de Vangelis Katsiavas retentit dans notre mégaphone : « Les enfants ne reçoivent plus à manger à l’école et certains parents n’ont plus d’argent pour leur donner de pique-nique. Il arrive qu’ils s’évanouissent en classe. Papandréou nous dit que nous devons accepter ces mesures, sinon… nous tomberons dans la pauvreté. Mais le peuple grec y est déjà, dans la pauvreté ! Quoi qu’il arrive, le peuple dit : "Nous ne payerons pas la crise !" » Je témoigne aussi de notre solidarité. Pas une solidarité avec le malheur, mais une solidarité dans la résistance, avec les gens qui refusent de servir de cobayes aux recettes de la pauvreté mitonnées par la troïka européenne. Entre-temps, la crise s’est encore aggravée. Et le gouvernement Papandréou a été remplacé par un gouvernement « d’union nationale », dirigé par Papadémos, l’ancien gouverneur de la Banque de Grèce et ex vice-président de la Banque centrale européenne. Le Pasok gouverne ainsi avec la droite de la Nouvelle Démocratie et le parti d’extrême droite Laos. Mais bien sûr, le peuple grec résiste. Et comment ! Prenez Kordelio, un petit faubourg de Thessalonique. Juste en face de la maison communale, le comité populaire a accroché un gigantesque calicot : « Nous ne payons pas ». Il s’agit d’une action contre la nouvelle taxe sur les logements. Dimitrios Otantzis est un des initiateurs. Il a travaillé quarante-sept ans aux Pays-Bas et est revenu en Grèce : « Nous avons commencé avec quelques camarades du KKE. Nous parlons aux gens pour leur expliquer ce qui est en train de se passer et tentons de les impliquer. Nous voulons bien payer notre facture d’électricité, mais pas la nouvelle taxe sur le logement, qui est perçue avec la même facture. Nous avons lancé une pétition et mis sur pied un comité populaire. Nous faisons toutes les rues, porte après porte. Notre comité croît de jour en jour. Le soir, nous nous réunissons au coin de la rue pour expliquer la situation, et appeler les gens à la grève générale de la semaine prochaine. » Partout, on voit des actions organisées par les syndicats. Au niveau local aussi, comme dans cette laiterie de Melfgal Milk où un travailleur a été licencié. Le PAME n’a pas tardé à réagir. Les trois unités de Melfgal Milk ont été occupées jusqu’à ce que l’entreprise laitière revienne sur sa décision : un pour tous, tous pour un. Dans les quartiers, sur le terrain, à la campagne, chez les jeunes et les étudiants, partout la résistance s’embrase. Le 25 septembre 2011, un groupe d’étudiants a interrompu la diffusion en direct du JT de la chaîne publique Net. Ils n’ont rien dit, ils ont simplement montré leur calicot : « Arrêtez de regarder et sortez protester ! » Le 21 octobre 2011, The Guardian écrit : « La Grèce est coupée en deux. D’un côté, les politiciens, les banquiers, les fraudeurs fiscaux et les barons des médias, qui apportent leur soutien à la restructuration socialement et culturellement la plus dure et la plus injuste jamais vue en Europe occidentale. L’"autre" Grèce comprend l’impressionnante majorité de la population. Cela sautait hier aux yeux, lorsque plus de cinq cent mille personnes sont descendues dans la rue pour une des plus grandes manifestations jamais vues. L’action de protestation s’est terminée de manière tragique, avec la mort d’un syndicaliste. Les derniers petits restes de légitimité de ce gouvernement ont disparu, et le gouvernement lui-même disparaîtra bientôt. Le manque de démocratie dont souffrent tous les systèmes politiques du monde est devenu irréversible en Grèce. C’est la responsabilité de cette "autre" Grèce d’adopter une constitution de justice sociale et de démocratie pour le xxie siècle. C’est ce que la Grèce peut offrir au monde. »[31] Ce n’est pas la Grèce qui est en crise, mais bien le capitalisme lui-même. Voilà, pour le célèbre professeur d’économie argentin Atilio Boron, l’idée fondamentale pour un appel à la résistance grecque, contre la tyrannie des « médecins » de l’économie libérale de marché. « La "crise grecque" est le symptôme le plus aigu de la crise générale du capitalisme, celle dont, depuis trois ans, les médias de la bourgeoisie et de l’impérialisme assurent qu’elle est en voie de dépassement, même si les choses vont de plus en plus mal. Le peuple grec, par la force de sa résistance, prouve qu’il est disposé à en finir avec un système qui n’est déjà plus viable à moyen terme. Peut-être la Grèce, qui inventa, il y a plus de deux mille cinq cents ans, la philosophie, la démocratie, le théâtre, la tragédie et tant d’autres choses, pourra-t-elle nous surprendre à nouveau et inventer la révolution anticapitaliste du xxie siècle ? »[32] En Grèce, le monde du passé et celui de l’avenir sont entrés en collision frontale.


    [1] Khue Pham, « Wo ist das Geld der griechischen Reichen ? », Die Zeit, 5 juillet 2011.
    [2] Kristof Van Damme, « Ontspoorde staatsfinanciën in Griekenland », Vrede n°406, novembre-décembre 2010.
    [3] Radio1, « Bezuinigen op z’n Grieks », 26 mai 2011.
    [4] De Telegraaf, 30 juillet 2011.
    [5] DPA, 18 mai 2011.
    [6] Ingeborg Beugel, « Heus, Grieken werken 41 uur per week en zijn niet verder uit te persen », NRC, 28 mai 2011.
    [7] James Petras, « Pasok : Pan Hellenic Socialist Kleptocrats », 7 mai 2011 (http://petras.lahaine.org/?p=1866).
    [8] La Tribune, 19 juin 2011.
    [9] The New York Times, 13 février 2010.
    [10] Les Échos, 3 mars 2010.
    [11] Ingeborg Beugel, « Heus, Grieken werken 41 uur per week en zijn niet verder uit te persen », NRC, 28 mai 2011.
    [12] Reportage diffusé le 16 juin 2011.
    [13] Frankfurter Allgemeine Zeitung, 15 mai 2010.
    [14] De Tijd, 9 juillet 2011.
    [15] « Vier von zehn Autofahrern zahlen nicht », Junge Welt, 28 janvier 2011, p. 8.
    [16] Trends, 12 juillet 2011.
    [17] Http ://diplomatie.belgium.be/fr/Services/voyager_a_letranger/conseils_par_pays/europe/grece/ra_griekenland.jsp.
    [18] « PES leader addresses Pasok National Council », 6 mars 2011 (http://www.athensnews.gr/portal/8/38624).
    [19] Cité dans Alain Salles, « L’odyssée de Papandréou », Le Monde, 16 septembre 2011.
    [20] RTL-TVI, 6 novembre 2011.
    [21] Ingeborg Beugel, « Heus, Grieken werken 41 uur per week en zijn niet verder uit te persen », NRC, 28 mai 2011.
    [22] Solidaire, 24 octobre 2011.
    [23] Costas Douzinas, « Greece’s lines now are clear », The Guardian, 20 octobre 2011.
    [24] Günter Tews, « Ein "finanzieller" Völkermord », Die Presse, 22 septembre 2011.
    [25] Chiffres de : Indicatoren voor Sociaal Beleid, Herman Deleeck, www.centrumvoorsociaalbeleid.be.
    [26] Leigh Philips, « Ordinary Greeks turning to NGO’s as health system hit by austerity », EU Observer, 6 octobre 2011.
    [27] « Une étude dénonce les ravages de la crise sur la santé des Grecs », L’Humanité, 10 octobre 2011.
    [28] Leigh Philips, ibidem.
    [29] « Pharmakonzern stoppt Lieferung an griechische Krankenhäuser », Der Spiegel Online, 17 septembre 2011.
    [30] « Kriegsminister des Tages : Evangelos Venizelos », Junge Welt, 27 juillet 2011, p. 8.
    [31] Costas Douzinas, « Greece’s lines now are clear », The Guardian, 20 octobre 2011.
    [32] Atilio Boron, « Ce n’est pas la Grèce qui est en crise, c’est le capitalisme », Cubadebate.cu, 25 juin 2011.      
    AU THÉÂTRE NATIONAL Grande soirée de présentation du best-seller de Peter Mertens

    COMMENT OSENT-ILS  ? LA CRISE, L'EURO ET LE GRAND HOLD-UP

    En présence de Peter Mertens, Dimitri Verhulst (La merditude des choses), David Pestieau (Solidaire) et de nombreuses personnalités issues du monde syndical et culturel.

    LES ÉDITIONS ADEN ORGANISENT POUR L'OCCASION UNE FOIRE DU LIVRE POLITIQUE DE 18 À 22H Avec la présence de nombreux éditeurs, des dédicaces, etc.

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    http://www.michelcollon.info/Peter-Mertens-en-Grece-deux-mondes.html


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