• Espagne: manifestations spontanées contre l'austérité

    Une nouvelle manifestation spontanée de fonctionnaires était en train de démarrer, ce lundi midi à Madrid, après celle de dimanche soir au cours de laquelle plusieurs milliers de Madrilènes sont sortis dans les rues pour protester contre la nouvelle cure d'austérité de 65 milliards d'euros annoncée  mercredi dernier par le chef du gouvernement

    Mariano Rajoy.

    La colère monte en Espagne contre les nouvelles mesures d'économies décrétées par le gouvernement et l'augmentation de la TVA. Depuis l'annonce du nouveau plan, les fonctionnaires multiplient les rassemblements. Ils n'ont pas digéré la suppression de la prime de Noël et de jours non travaillés (hors jours fériés) après avoir déjà vu leurs salaires réduits de 5% en 2010 et gelés ensuite.

    "Merci les fonctionnaires"

    Ce lundi midi, une nouvelle manifestation a débuté, après un mot d'ordre lancé sur les réseaux sociaux via le mot clé "#graciasfuncionarios" (à suivre via Twitter ou en vidéo sur Bambuser). Le CCOO et l'UGT ont également annoncé une journée de manifestations pour jeudi. Fernandez Toxo, secrétaire général de CCOO, a estimé ce lundi  toujours: "Je ne renonce pas à la grève car la société a le droit à l'autodéfense. Si le gouvernement nous y oblige, et j'ai bien peur qu'il soit en train de le faire, il sera inévitable qu'elle se produise". Estimant que l'unité syndicale est "absolument indispensable", il a affirmé que son syndicat allait rencontrer les autres organisations syndicales et de la société civile "pour organiser une grande réponse citoyenne".

    • Photo: des policiers quittent leurs casques en signe de solidarité avec les fonctionnaires manifestants

    Dimanche soir, des milliers de Madrilènes ont envahi les rues de la capitale espagnole, répondant à des appels lancés sur les réseaux sociaux: pompiers, policiers, fonctionnaires de toutes professions, ils ont crié leur colère contre le plan de rigueur du gouvernement espagnol. Première étape de ce parcours nocturne, improvisé et pacifique: le siège du Parti populaire, le parti de droite du chef du gouvernement Mariano Rajoy. "Tous ensemble nous pouvons", "Mains en l'air, ceci est un hold-up", crient les manifestants avant de faire demi-tour face aux cordons de police. Lesmanifestants se sont ensuite dirigés vers le Parlement puis la Puerta del sol.
    Le mot d'ordre s'est propagé très vite, dimanche, sur les téléphones portables et les réseaux sociaux, ignorant l'appel officiel à manifester lancé par les deux grands syndicats espagnols, UGT et CCOO, pour le 19 juillet.


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  • 16 Juillet 2012


    Bleitrach 208

    On peut décrire la crise qui frappe l’Espagne au niveau de la débâcle de son secteur financier mais il en est de l’Espagne comme de la plupart des pays de la planète. Nous sommes exactement dans ce que décrivait Marx un ébranlement parti de l’infrastructure économique qui entraîne un ébranlement de toute la société, ses représentations, ses institutions, plus rien n’est stable. Nous sommes dans un processus dont il faut saisir à chaque fois ce qui tente de perdurer à n’importe quel prix, exerçant une violence insoutenable sur la majorité des individus et leurs tentatives de résistance, voire de transformation. Cela ne se limite pas à une crise financière qui n’est que l’écume d’un bouleversement beaucoup plus profond.

     

    La crise espagnole vient de loin

    Il y a quelques années j’avais écrit deux articles sur le blog que je tenais alors intitulé Changement de société, on les retrouvera aisément dans les archives. Le premier dénonçait l’inévitable crise liée à la bulle immobilière favorisée par la spéculation immobilière. Le second dénonçait le rôle joué dans ce système par la banque Santander et j’avais tenté de mettre en évidence comment cette banque fleuron du franquisme avait envoyé ses tentacules au Venezuela, dans l’Amérique latine et même au Maroc. Comment elle possédait une part importante de la presse vénézuélienne et à ce titre contribuait à une tentative de déstabilisation permanente de Chavez. Il faudrait ajouter à cette description le rôle joué sur le plan idéologique par d’autres institutions liées au franquisme comme les fondations (là encore un article de mon ancien blog explique la manière dont ces fondations dont celles d’Aznar ont jeté leurs liens y compris en France dans des Universités comme U3 et aux Etats-Unis) ainsi qu’avec la privatisation du système scolaire et universitaire le rôle dévolu à de véritables sectes anticommunistes comme le très scandaleuse La Légion du Christ (LC) fondée en 1941 au Mexique par le père Marcial Maciel Degollado. Ce qu’il faut bien voir dans ces brèves notations c’est la double influence, d’abord du franquisme très intégré au catholicisme institutionnel et qui n’a jamais été éradiqué malgré les efforts de Zapatero. Le second point est le lien étroit que cette Espagne franquiste continue à entretenir avec l’Amérique latine et là on retrouve non seulement l’influence de l’Eglise mais celle de ce secteur bancaire, en particulier la banque de Santander assise sur la spéculation immobilière.

    On parle souvent de la pieuvre à propos de la mafia italienne, mais il faut voir que l’image serait tout aussi exacte pour décrire la manière dont franquisme-institutions catholiques anticommunistes et implantations bancaires en Amérique latine se sont développées. Le franquisme à la fin de la IIème guerre mondiale a joui de l’étrange privilège de ne jamais être inquiété parce qu’il s’est immédiatement reconverti en tête de pont de la guerre froide et à offert aux Etats-Unis implantation et réseaux pour mener de nouveaux combats. Il a contribué avec certaines institutions vaticanes au transfert en Amérique latine d’anciens nazis et fascistes qui s’étaient attirés les bonnes grâces des Etats-Unis. Tout ce beau monde à la manière d’un Barbie en Bolivie a aussitôt offert ses services aux dictatures locales avec l’assentiment de la CIA.

     

    La démocratie monarchique et l’intégration européenne, des palliatifs pour le maintien du système

    A la mort de Franco, celui-ci avait déjà mis en place sa succession pour que rien ne soit durablement bouleversé dans l’échafaudage avec le retour de la monarchie et une amnistie qui couvrait les crimes franquistes mais excluait les résistants basques de ses bénéfices. Il a fallu la complicité de la gauche non seulement celle du PS mais celle du dirigeant communiste de l’époque Santiago Carillo, depuis passé au PS, pour entériner ce maintien du système sous des allures de démocratie monarchique que toute l’intelligentzia européenne a salué comme un triomphe de la liberté.

    L’intégration européenne a été le deuxième volet de cette pseudo-démocratisation espagnole qui en fait avait une seconde fois trahi la République abolie par le coup d’Etat militaire franquiste aidée par les nazis et trahie par les socialistes français.  Avec cette monarchie concoctée par Franco mais présentant un visage respectable on avait prétendu créer l’unité espagnole mais le système était tout autant conçu pour que ne soient pas remis en cause les bases économiques, judiciaires, culturelles du franquisme.   Cette intégration a effectivement correspondu à de nouvelles libertés autant qu’à un indéniable essor économique mais marqué par le primat de l’immobilier tandis que la dépendance productive s’accroissait par rapport à l’Allemagne. Le soubassement franquiste se  maintenait sous la fièvre consumériste et individualiste qui semblait s’être emparée de l’Espagne mais aussi une mise en concurrence à tous les niveaux y compris entre les provinces, les riches comme la Catalogne refusant de payer pour les autres.

     

    Le néo-colonialisme de l’Amérique latine sous protection US

    Les liens avec l’Amérique latine sous protection du parrain USA se développaient et contribuaient à étendre sur ce sous-continent l’avancée des monopoles espagnols financiarisés en liaison avec une bourgeoisie locale toujours prête à soutenir des dictatures infâmes et meurtrières. Ce n’est pas un hasard si le modèle néo-libéral qui depuis s’est étendu au monde a été inauguré sous le Chili de Pinochet après 1973.

    Cet assaut des monopoles financiarisés européen qui prend tout son essor dans le début des années quatre-vingt témoigne du fait que la crise financière actuelle ne doit pas être isolée de la concurrence monopoliste portée à son plus haut niveau. Après les colonies, il y a eu un nouveau système qui a « libéré » de la tutelle politique directe pour renforcer l’emprise de l’exploitation des ressources, un peu à la manière dont le capitalisme avait  « libéré » le travailleur du servage, en avait fait un citoyen, pour aussitôt le forcer à vendre sa force de travail à l’entrepreneur. A la base de ce pillage il y a eu la main mise de monopoles sous une forme financiarisée c’est-à-dire étendant et collectivisant la propriété à travers des institutions comme les fonds de pension, avec toujours plus la concentration monopoliste et des directions mais la diffusion des actions dans l’épargne des pays riches. Les années quatre-vingt et la vague néo-libérale peuvent être comparée à de nouvelles expéditions vers les ex-pays colonisés par le biais de la financiarisation mais imposant l’exploitation monopoliste et transformant la structure de la propriété dans les pays européens. Il suffit de penser en France à Suez, à EDF, Total etc…

    On ne comprend rien par parenthèse à la haine dont est poursuivi Chavez si l’on ne mesure pas que son pays dominé par les majors étasuniennes du pétrole et la banque de Santander a été arraché à leurs tentacules. La lutte de Chavez a une triple dimension,


    1) lutte contre les Etats-Unis qui lui reprochent son indépendance à l’OPEP, dans tout le continent sud-américain et renégociation des contrats pétroliers.

    2) lutte contre l’Espagne et ses monopoles, les banques mais aussi Respol la société pétrolière et enfin l’influence idéologique  travers les médias

    3) lutte contre la Colombie voisine qui a été en particulier sous le narcotrafiquant tortionnaire Uribe le lieu dont partait tout le trafic de drogue, la mafia des paramilitaires liés aux grands propriétaires vénézuéliens. A tel point que le coup d’Etat contre Chavez a été mené par l’ambassade des Etats-Unis et celle d’Espagne en relation avec quelques mafieux capitalistes locaux.

     

    La vague progressiste en Amérique latine a consisté à tenir la dragée haute aux monopoles des Etats-Unis qui n’ont réussi à imposer leurs vues d’intégration qu’au Mexique qui est entré dans une vague de violence et de misère extrême. Pour une part la fragilité de l’Espagne et de son secteur financier est liée à la bulle immobilière mais aussi à la difficulté à exploiter l’Amérique latine.

     

    Quel que soit le pays que l’on analyse on ne doit jamais oublier ce qui est le grand bouleversement de ce XXI e siècle, l’apparition d’un monde multipolaire et la fin de ce qui paraissait être sorti de la deuxième guerre mondiale: un monde tripolaire, Etats-Unis, Europe, japon, les deux derniers acceptant d’être les vassaux politiques du premier au nom de la prospérité économique, l’ONU et son conseil de sécurité étant le symbole de cette hégémonie qui aujourd’hui se délite sur le plan économique. Il ne reste plus qu’une suprématie militaire incapable de maintenir l’ordre et ce qui devrait être des opérations de simple police sur les peuples revendiquant leur souveraineté. La crise européenne est à la fois la crise d’un modèle néo-libéral et la crise de l’hégémonie occidentale.

     

    La nouvelle étape de la spoliation espagnole avec la crise financière

    Nous sommes aujourd’hui à un nouveau stade de cette histoire scandaleuse puisque l’Espagne est désormais captive de son secteur financier fragilisé par l’engouement pour la spéculation immobilière (une crise des subprimes), ce qui correspond en fait à une thrombose puisque personne ne prête plus à personne, tant il y a eu des jeux de cavalerie dans ce qui est censé justifier les prêts et crédits. L’accès aux marchés financiers devient de plus en plus problématique et à des taux de plus en plus usuraire pour l’ensemble de l’économie y compris celle qui n’est pas dans la bulle immobilière mais qui est bloquée par l’impossibilité d’emprunt et les déséquilibres des prix, leur gonflement à la consommation.

    L’Europe préfère faire payer le contribuable espagnol que faire contribuer les investisseurs institutionnels à la débâcle du secteur bancaire ibère Parce qu’il ne s’agit pas seulement de sauver les banques espagnoles en fait les banques continentales, allemandes en particulier verront leurs créances remboursées au centuple grâce aux sommes colossales exigées des contribuables espagnoles (c’est le même mécanisme que celui qui a été appliqué à l’Irlande). C’est un système extraordinaire qui fait que les banques allemandes mais aussi françaises vont être remboursées à un prix largement supérieur au loyer de l’argent fixé par la BCE.

    Les premières pertes des banques espagnoles seront prises par les actionnaires, en particulier par les détenteurs des titres hybrides plus risqués que les obligations classiques. Le reste du passif et il est considérable sera garanti par l’Etat espagnol et l’Europe, il s’agit du salaire des employés, des dépôts des Espagnols ou les créances que les banques et les assureurs ont entre eux.

    Comme le souligne le journal financier la Tribune : « Les Espagnols vont donc passer trois fois à la caisse. D’abord, leur patrimoine immobilier a fondu. Il avait augmenté à un rythme délirant. L’atterrissage est douloureux mais inévitable. Ensuite ils vont perdre les avoirs qu’ils avaient sur les banques. Pas ou peu leurs dépôts puisque ces derniers sont garantis jusqu’à 100.000 euros par personne. En revanche, leurs actions ou leurs parts sociales vont se volatiliser. Or, en Espagne, comme jadis en Belgique quand Fortis se sentait vaciller, les caixas ne se sont pas gênées pour fourguer leurs propres titres à leurs clients dans des « produits d’investissement » packagés de telle manière que l’épargnant n’y voit que du feu. Une bonne partie sinon tout cet argent sera perdu. Enfin, les Espagnols passeront à la caisse une troisième fois, en tant que contribuable, pour financer le passif restant des banques une fois que tous ceux qui avaient pu éponger des dettes auront été essorés.   Bref. Non seulement ils vont perdre leurs avoirs mais ils vont contracter de nouvelles dettes pour…. rembourser les investisseurs institutionnels. Pour l’instant, il est impossible de dire dans quelles proportions ces transferts vont avoir lieu car l’évaluation des actifs des banques est en cours. Mais on parle en milliards d’euros, sinon en dizaines de milliards d’euros. C’est beaucoup pour un pays dont un quart de la population active est au chômage et dont le gouvernement n’en finit pas de couper dans les bénéfices sociaux pour tenter de conserver un étroit accès aux marchés de capitaux. »   C’est là qu’apparaît le plus clairement ce qu’est l’Europe en réalité, un lieu non de solidarité mais de concurrence intermonopoliste à un stade le plus élevé. D’abord le fait qu’il y a eu une concurrence international et leurs monopoles et secteurs bancaires avec des zones de profit, de véritables bulles encouragées, la fragilité des secteurs financiers, causée par l’excès de dettes de toutes sortes, un peu comme dans la crise des subprimes oblige  toujours plus chaque pays à convertir de la dette privée en dette publique, puis à transformer la dette nationale en dette européenne pour répartir sur le contribuable européen non pas une part du poids qui pèse sur les épaules du contribuable grec, italien, espagnol mais pour poursuivre le système qui accorde aux banques allemandes et françaises un remboursement très profitable

     

    Perspectives?

    Dans ce système tout l’enjeu est d’imposer au plus faible le plus mauvais remboursement de ses créances. Nous sommes typiquement dans une situation de crise capitaliste qui se traduit par une nouvelle vague de concentration monopoliste et ou un bellicisme accru.   Ceux qui subissent en première ligne ce système et qui de fait subissent un véritable essorage de leurs avoirs à savoir les créanciers espagnols, le secteur financier espagnol  plus le pompage du contribuable espagnol a ses hommes au pouvoir et ceux-ci ne voient de solution que dans la déflation, toujours plus d’austérité et de rigueur ce qui accroît la spirale infernale de l’endettement et de la récession.

    Ce qui se passe en Espagne sur le plan politique montre que les Espagnols ne sont pas prêts à accepter cette situation et témoigne d’une remise en cause profonde du système comme si le masque qui avait été posé sur ce pays à la chute du franquisme rompait de partout à la fois.

    Le système issu du franquisme, nous venons de le voir,  a reposé sur l’intégration européenne et le développement économique qu’elle permettait mais aussi la garantie démocratique que représentait cette intégration. La monarchie était en quelque sorte la façade de cette quadrature du cercle: comment poursuivre le franquisme en ne changeant rien à ses élites économiques, judiciaires, culturelle, médiatiques tout en se présentant comme une démocratie prospère et unie?

    En fait les signes de décomposition étaient à l’œuvre depuis pas mal de temps et l’Espagne se fragmentait en provinces comme pour marquer le refus de la coexistence entre régions prospères et pauvres, la logique concurrentielle européenne jouait à plein. Avec la crise violente et ce que subissent les Espagnols on assiste paradoxalement à de nouvelles formes d’unification autour de l’idée de République et la montée des luttes se dirigeant de toutes l’Espagne vers la capitale Madrid. Que faut-il en penser? Là encore nous sommes dans un processus c’est-à-dire que chaque moment doit être analysé dans sa capacité ou non à résoudre les contradictions ou au contraire à tenter de bloquer toute issue.

     Danielle Bleitrach

    URL article : http://histoireetsociete.wordpress.com/2012/07/16/tenter-de-comprendre-les-enjeux-espagnols-par-danielle-bleitrach/


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  • Salim LAMRANI

    En 2010 et 2011, tous les prisonniers dits « politiques » cubains ont été libérés suite à la médiation de l’Eglise catholique cubaine et du gouvernement espagnol. La majorité d’entre eux ont choisi de s’installer en Espagne avec leurs familles respectives et de commencer une nouvelle vie. Mais l’Eldorado européen tant rêvé n’est pas au rendez-vous dans une Péninsule ibérique frappée par une grave crise économique. Certains souhaitent même retourner à Cuba.


    La médiation de l’Eglise catholique cubaine dirigée par le Cardinal Jaime Ortega, à la demande du Vatican, et du gouvernement espagnol de José Luis Rodríguez Zapatero avec les autorités de La Havane a débouché en 2010 et 2011 sur la libération de 127 prisonniers, dont 52 étaient considérés comme « politiques » par Amnistie Internationale [1]. Selon cette organisation de défense des droits de l’homme, il n’y a actuellement aucun prisonnier de conscience à Cuba [2]. Ce point de vue est également partagé par l’Eglise Catholique cubaine [3].

    Certains secteurs avaient accusé le gouvernement cubain, l’Eglise catholique et le gouvernement Zapatero d’avoir obligé ces personnes à prendre le chemin de l’exil. Cette version avait été reprise par plusieurs médias occidentaux [4]. Le Parti Populaire espagnol (droite) a ainsi dénoncé « l’exil forcé » des opposants cubains [5].

    Pourtant, cette version résiste difficilement à l’analyse. En effet, sur les 127 personnes libérées dans le cadre de l’accord entre La Havane, le Vatican et Madrid, 12 d’entres elles ont choisi de rester à Cuba. Laura Pollán, alors porte-parole du groupe d’opposition « Les Dames en Blanc » et farouche détractrice du gouvernement cubain, avait été claire à ce sujet : « Personne n’a obligé aucun des prisonniers à quitter le pays. Quiconque affirme le contraire est un menteur ». De la même manière, plusieurs dissidents ont affirmé qu’à aucun moment les autorités cubaines leur avaient demandé de quitter le pays comme condition préalable à leur libération [6].

    Fernando Ravsberg, correspondant de la BBC à La Havane, a également démenti cette allégation. Plusieurs opposants qui ont choisi de quitter le pays lui ont avoué qu’ils « auraient pu rester dans l’île s’ils l’avaient souhaité. Ils assurent qu’à aucun moment on ne leur a imposé la sortie du territoire comme condition à leur liberté [7] ».

    La douloureuse réalité espagnole

    Loin de trouver une nation prospère, les dissidents cubains ont été frappés de plein fouet par la crise économique qui affecte l’Espagne. La plupart d’entre eux se trouve sans emploi, sans ressources et parfois même sans toit, restant à la charge des centres d’accueil de la Croix Rouge. Selon la presse ibérique, « un an après leur arrivée, les exilés ont peu à peu perdu les aides du Gouvernement et se retrouvent sans ressources, puisque l’immense majorité d’entre eux n’a pas trouvé d’emploi stable [8] ».

    Le nouveau gouvernement espagnol de droite a décidé de mettre fin à l’aide accordée aux dissidents cubains un an après leur arrivée et a refusé de la prolonger de douze mois supplémentaires comme cela était prévu au départ, pour des raisons économiques [9]. En effet, l’Espagne a dépensé une moyenne de 2 000 euros par mois et par personne, soit plus de 18 millions d’euros pour subvenir aux besoins des 115 dissidents accompagnés de 647 membres de leur famille pendant un an. Le coût a été jugé trop élevé dans un pays qui compte près de 5 millions de chômeurs, c’est-à-dire environ 25% de la population active [10].

    Pourtant, le Parti Populaire (PP) n’avait pas hésité à les utiliser dans leur guerre politique contre La Havane en emmenant quatre d’entre eux à Bruxelles témoigner et défendre la nécessité de maintenir la Position commune de l’Union européenne vis-à-vis de Cuba – qui limite les relations politiques, diplomatiques et culturelles. Néanmoins, il s’est montré peu reconnaissant en supprimant les aides, laissant aux opposants cubains l’amère sensation d’avoir été instrumentalisés [11]. Dès leur arrivée en Espagne, ces derniers n’avaient eu de cesse d’affirmer leur soutien au PP, et de critiquer le PSOE de Zapatero qui a pourtant contribué à leur libération [12].

    Les dissidents cubains ont alors décidé d’avoir recours à une grève de la faim pour protester contre cette décision et exprimer leur « désarroi total ». « C’est la seule alternative qu’il nous reste », a déclaré l’un d’eux, installé dans une tente face au Ministère espagnol des Affaires Etrangères à Madrid [13].

    Loin d’être entendus par les autorités espagnoles, les grévistes ont été « brutalement » délogés par la police qui leur a ordonné de lever le camp [14]. Dawuimis Santana a dénoncé la violence policière dont ils ont été victimes : « On nous a trainés au sol, on nous a frappés au visage, sur les bras et l’un de nous a le nez cassé ». Quatre d’entre eux ont été arrêtés [15]. Les forces de l’ordre se montrent généralement sévères avec les manifestants de tout type, et exception n’a pas été faite avec les opposants cubains. Certains observateurs ont fait remarquer que le Parti Populaire, d’habitude si prompt à venir en aide aux dissidents cubains et à dénoncer « l’oppression » dont ils étaient victimes dans l’île, est cette fois resté discret au sujet des agissements de la police municipale de Madrid à leur encontre [16].

    José Manuel García Margallo, ministre espagnol des Affaires étrangères, a reconnu que le cas des Cubains n’était « pas simple » et que ces derniers se trouvaient « dans une situation difficile ». Mais il a rejeté toute idée de prolonger les aides financières leur étant destinées, en raison de la crise économique qui frappe le pays. Tout au plus s’est-il engagé à accélérer le processus de validation des diplômes [17].

    Parfois, le désarroi auquel sont confrontés les opposants cubains en Espagne prend des tournures tragiques. Ainsi, Albert Santiago du Bouchet, installé aux Îles Canaries depuis sa libération, a mis fin à ses jours le 4 avril 2012, ne supportant plus d’être abandonné à lui-même par les autorités espagnoles qui avaient mis un terme à l’aide financière mensuelle accordée [18]. Le gouvernement espagnol a rejeté tout « lien direct » entre le suicide et la décision de mettre un terme au soutien financier. Néanmoins, sa famille ainsi que plusieurs membres de son entourage ont affirmé que sa situation économique précaire était la principale cause du drame [19].

    Un retour à Cuba ?

    Contre toute attente, plusieurs dissidents ont fait part de leur volonté de rentrer à Cuba, à défaut de pouvoir se rendre aux Etats-Unis, accusant l’Espagne d’abandon [20]. « Il vaut mieux être à Cuba qu’ici dans la rue », a déclaré Ismara Sánchez [21]. « Depuis le 31 mars, je suis à la rue », faute de pouvoir se payer un logement, s’est plainte Idalmis Núñez. « La situation est difficile : nous avons emmené nos familles loin de la maison et nous ne pouvons pas leur donner à manger. Pour la première fois de ma vie, j’ai un cas de conscience. J’ai peur », a admis un autre opposant [22]. « Les enfants n’ont plus de nourriture et n’ont plus de lait. Les enfants ne peuvent plus se rendre à l’école parce qu’ils n’ont pas l’argent pour le transport », a exprimé l’opposant Bermúdez [23].

    De la même manière, Orlando Fundaro et son épouse, ont dû faire face à des conditions de vie tellement difficiles qu’ils en ont regretté leur terre d’origine. Dans une interview à la BBC, Fundora a confessé l’inattendu : « Nous mangions mieux à Cuba [24] ».

    La décision de rentrer à Cuba n’est en réalité pas si surprenante que cela. Malgré les ressources limitées de la nation caribéenne, les difficultés et vicissitudes quotidiennes engendrées par l’état de siège économique que les Etats-Unis imposent à Cuba depuis 1960, lequel affecte toutes les catégories de la population et constitue le principal obstacle au développement de la nation, le gouvernement de La Havane a mis en place un système de protection sociale relativement performant qui subvient aux nécessités de base de la population. Ainsi, malgré tout, 85% des Cubains sont propriétaires de leur logement. De la même manière, ils bénéficient d’un accès gratuit à l’éducation, à la santé et aux activités culturelles. Le carnet de rationnement leur permet de disposer, chaque mois, en sus du salaire, d’une alimentation de base suffisante pour deux semaines. Ainsi, personne n’est abandonné à son sort à Cuba et les catégories les plus vulnérables sont prises en charge par l’Etat. C’est la raison pour laquelle, malgré les limites en termes de ressources, il n’y a pas à Cuba de sans domicile fixe, ni d’enfants désemparés dans les rues. D’ailleurs, à ce sujet, selon l’UNICEF, Cuba est le seul pays du Tiers-monde où n’existe pas la malnutrition infantile [25].

    Finalement, l’Europe s’est avérée ne pas être l’Eldorado promis aux opposants cubains. Ces derniers ont été confrontés de manière brutale à la réalité économique de la Péninsule ibérique et ont découvert que les plus vulnérables étaient rapidement abandonnés à leur sort. Ils ont également pu se rendre compte que leur Île n’était finalement pas l’antichambre de l’Enfer, malgré les problèmes quotidiens, et que le système de protection sociale faisait en sorte de protéger les plus faibles.

    Salim Lamrani

    Opera Mundi

    http://operamundi.uol.com.br/conteudo/opiniao/23007/a+nova+vida+dos+opositores+cubanos+na+espanha.shtml

    [1] Amnesty International, « Cuba, Annual Report 2012 », 2012. http://www.amnesty.org/en/region/cuba/report-2012 (site consulté le 2 juillet 2012).

    [2] Ibid.

    [3] Juan O. Tamayo, « Tensa cita de las Damas de Blanco con Iglesia cubana », El Nuevo Herald, 25 mai 2012.

    [4] Axel Gyldén, « En exil forcé, un dissident cubain met fin à ses jours », L’Express,7 avril 2012.

    [5] Público, « Aznar afirma que los presos cubanos sufren ‘un destierro’ en España », 28 juillet 2010.

    [6] Fernando Ravsberg, « La conspiración católico-comunista », BBC, 23 juin 2011. http://www.bbc.co.uk/blogs/mundo/cartas_desde_cuba/2011/06/la_conspiracion_catolico-comun.html (site consulté le 14 juin 2012).

    [7] Ibid.

    [8] Carmen Pérez-Lanzac, « Exprisioneros políticos refugiados en España protestan tras quedarse sin ayudas », El País, 11 avril 2012.

    [9] Carmen Pérez-Lanzac, « Entre 2010 y 2011 llegaron a España 767 cubanos : 115 presos y sus familiares », El País, 10 avril 2010.

    [10] Joaquín Gil, « El Gobierno paga 2.000 euros al mes por cada uno de los 762 disidentes y familiares », El País, 13 juillet 2011.

    [11] Jerónimo Andreu, « Exprisioneros políticos traídos a España por Exteriores hace un año pierden las ayudas públicas », El País, 9 avril 2012.

    [12] EFE, « Opositores cubanos piden a España una actitud ‘más enérgica’ contra castrismo », 20 janvier 2012.

    [13] EFE, « Diez ex presos cubanos deciden emprender una huelga de hambre en Madrid », 13 avril 2012.

    [14] Ibid.

    [15] Europa Press, « Denuncian la detención de cuatro expresos cubanos que protestaban en Madrid ante le Ministerio de Exteriores », 23 mai 2012.

    [16] EFE, « El Partido Popular español exige a Cuba que deje de oprimir a la disidencia », 20 janvier 2012.

    [17] Carmen Pérez-Lanzac, « Exprisioneros políticos refugiados en España protestan tras quedarse sin ayudas », El País, 11 avril 2012.

    [18] El País, « Fallece un expreso político cubano llegado a España el año pasado », 6 avril 2012. .

    [19] Europa Press, « España no ve ‘relación directa’ entre el suicidio de un disidente y el fin de la ayuda », 9 avril 2012.

    [20] Juan O. Tamayo, « Ex presos políticos cubanos en España viven pesadilla », El Nuevo Herald, 17 avril 2012.

    [21] Ríos Biot, « ‘Es mejor estar en Cuba que aquí en la calle », El País, 13 avril 2012.

    [22] Jerónimo Andreu, « Exprisioneros políticos traídos a España por Exteriores hace un año pierden las ayudas públicas », El País, 9 avril 2012.

    [23] EFE, « Ex presos cubanos denuncian en Madrid su ‘total desamparo’ », 10 avril 2012.

    [24] Fernando Ravsberg, « La conspiración católico-comunista », BBC, op. cit.

    [25] UNICEF, Progreso para la infancia. Un balance sobre la nutrición, 2011.

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    http://www.legrandsoir.info/la-nouvelle-vie-des-opposants-cubains-en-espagne.html

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    Partis des Asturies depuis le 20 avril et après 400 kms de marche, les mineurs arrivent à Madrid bien décidés à empêcher le gouvernement de Rajoy de fermer les puits. La solidarité rencontrée par les travailleurs est énorme !

    Hasta la victoria, siempre, companeros mineros !

     

    Après 18 jours de marche, les mineurs investissent Madrid

     Après deux semaines de marche, les « gueules noires », en grève illimitée contre le sacrifice de leur industrie charbonnière, sont entrées dans la capitale espagnole. Ils manifestent aujourd'hui devant le ministère de l’Industrie.

    Sur le bord des routes, ils ont reçu des milliers d’applaudissements et des encouragements appuyés. À chaque étape de leur périple, on les a accueillis en héros. Tandis que l’Espagne sombre dans la dépression, les mineurs ont relevé la tête et, avec eux, les victimes de la crise. Venus des Asturies, de Leon, d’Aragon, de Castille-La Manche, d’Andalousie, plus de deux cents mineurs étaient attendus, hier soir, à la Puerta del Sol, l’épicentre social de Madrid, après dix-huit jours de marche.


    Interpeller l’opinion et les pouvoirs publics

    Les « gueules noires » devaient défiler, à la nuit tombée, en bleu de travail, avec leur casque à lanterne, comme ils l’ont déjà fait depuis le 23 mai, date du début du conflit. Plusieurs autres mineurs se sont enfermés dans leurs puits pour interpeller l’opinion et les pouvoirs publics. Dans les villages et bassins miniers, le gouvernement de droite de Mariano Rajoy a dépêché des milliers de policiers antiémeute qui se livrent à une violente répression face à des mineurs qui défendent avec force leur outil de travail. « Le gouvernement a transformé le conflit minier en un symbole. La population s’identifie aux mineurs parce qu’elle a supporté beaucoup de coupes budgétaires mais sans pouvoir réagir », a déclaré, lundi, à la Radio nationale espagnole, le secrétaire général de l’UGT, Candido Mendez, qui ajoute : « Il y a un mélange d’obscurantisme et d’autoritarisme : les choses empirent et l’exécutif manque de transparence. »

     

     

    Prétextant la crise économique, le gouvernement du Parti populaire a annoncé, en mai, une réduction des aides publiques au secteur minier d’un montant de 190 millions d’euros, soit une baisse de 63 % des subventions, signifiant ainsi la mise à mort de l’exploitation du charbon et de l’anthracite. Depuis, les mineurs sont en grève illimitée, en l’absence de négociations entre les représentants du secteur et le ministre de l’Industrie, de l’Énergie et du Tourisme, José Manuel Soria Lopez. Ce dernier a fermé la porte au dialogue, remettant en cause le « plan charbon » qui stipule que les aides publiques doivent être maintenues jusqu’en 2018.

     

    Des milliers d’emplois menacés

    Plus de 8 000 emplois directs et 33 000 indirects sont désormais menacés. « C’est un non-sens, a insisté Candido Mendez. Le gouvernement défend un plan pour l’emploi à l’échelle européenne, mais dans notre pays, il jette à la rue les travailleurs des mines et leurs familles. Il dit qu’il existe des fonds illimités pour sauver Bankia (la quatrième entité bancaire) mais qu’il n’y en a pas pour respecter l’accord signé. »

    Les autorités se réfugient derrière l’Union européenne pour justifier leur décision. Pourtant, Bruxelles, après avoir exigé la fin des subventions publiques, il y a deux ans, au nom de la « compétitivité », a autorisé finalement leur poursuite jusqu’en 2018. De son côté, le secteur minier insiste sur l’aberration économique consistant à fermer les mines alors que l’Espagne est déjà contrainte d’importer du charbon. À titre d’exemple, les Asturies, hier encore fleuron de l’extraction charbonnière, importent 70 % de leur consommation.

     Les mineurs devaient manifester aujourd’hui devant le ministère de l’Industrie. Ils assurent que leur mouvement n’a pas de marche arrière.

    "Aide" de L’eurogroupe contre plus d’austérité. Les ministres des Finances de l’eurogroupe 
ont décidé dans l’urgence, face à la montée 
des taux d’intérêt des bons du Trésor espagnol 
à un niveau insupportable, à plus de 7 %, 
de fournir une avance de 30 milliards d’euros à Madrid d’ici au 30 juillet sur l’aide prévue pour qu’elle puisse recapitaliser ses banques en difficulté. Le gouvernement espagnol a obtenu aussi un délai supplémentaire d’un an jusqu’en 2014 pour revenir à 3 % de déficit public. En échange de ces mesures, Madrid est « invitée » à redoubler d’efforts et à serrer encore 
d’un cran le plan d’austérité drastique déjà engagé. Mariano Rajoy, le chef de l’exécutif 
de droite, devrait l’annoncer aujourd’hui. 
Des rumeurs insistantes font état d’une hausse du taux de TVA réduite pour augmenter les recettes fiscales mais surtout d’un nouveau tour de vis dans les dépenses de la fonction publique avec une réduction de salaires des personnels employés par l’État et des coupes dans 
les effectifs de divers organismes publics.

     


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  • Les mineurs de charbon espagnols, principalement localisés dans les Asturies, dans le nord du pays, se sont mis en grève illimitée depuis la fin du mois de mai contre les mesures d’austérité du Premier ministre espagnol Mariano Rajoy. Nous publions ci-dessous un intéressant article de Veronica Rodriguez, militante de notre organisation sœur, Izquierda anticapitalista, dans les Asturies.

    En ces jours de feu et de bataille dans nos Asturies, il convient de se demander ce qu’il y a de spécial chez ces mineurs qui dressent des barricades sur les principales voies de communication asturiennes, masqués comme s’il s’agissait d’un uniforme et qui éveillent la sympathie et l’empathie chez ceux qui espéraient voir surgir un mouvement ou un soulèvement populaire contre tant de barbarie.

    J’oserais presque affirmer que nous n’attendions que cela ; un point d’appui flamboyant pour la lutte sur lequel nous puissions nous agripper ; une source d’inspiration. Au risque de paraître nostalgique, qui peut nier qu’il n’a pas pensé ou ne s’est pas remémoré ces derniers jours les événements d’il y a presque 80 ans quand les Asturies se sont soulevées dans la grève révolutionnaire d’Octobre 1934 sous le mot d’ordre d’ « UHP » (« Unios Hermanos Proletarios », « Unissez vous frères prolétaires », NdT) lancé par l’Alliance Ouvrière.

    Il pourrait sembler que les mineurs constituent un secteur plus combatif que les autres, et, jusqu’à un certain point, c’est exact. Car ce « gène de la barricade » est dans leur ADN social qui s’est constitué d’une manière particulière. Comme l’a signalé mon ami Boni Ortiz à propos des conditions historiques dans lesquelles les mineurs se sont constitués : «  nous pouvons dire que le premier travailleur de la mine asturienne, c’est le paysan du village voisin qui travaille dans la mine comme complément à l’économie familiale basée sur la petite exploitation agricole et d’élevage autosuffisante ».

     Le secteur charbonnier asturien s’est construit à partir de paysans qui cherchaient un revenu « extra », ce que l’on a appelé « l’ouvrier mixte ». Le fait que la mine n’était pas sa priorité se reflétait alors clairement dans les plaintes du patronat que A. Surge cite dans son livre « Vers la Révolution » – un ouvrage indispensable pour ceux qui veulent comprendre la configuration matérielle et sociale des bassins miniers asturiens jusqu’en 1934 - : « Il fut impossible d’obliger les mineurs à se soumettre à la discipline tellement nécessaire dans le travail minier, ainsi que de leur imposer des châtiments pour cause d’absentéisme, ce qui fait que ce dernier n’a cessé d’augmenter, surtout les lundi et les jours consécutifs aux fêtes ».

    Cette double source de subsistance aidait les mineurs à survivre sans dépendre exclusivement de leur salaire. Ce n’est qu’à partir de l’expansion du secteur minier asturien en 1919, à la suite de la crise du marché international provoqué par la Première guerre mondiale, que commence le phénomène massif de l’immigration et de l’ouvrier mineur spécialisé.

    Les capitalistes de l’époque prirent conscience qu’il était nécessaire d’empêcher les mineurs de jouir des avantages octroyés par leurs lopins de terre cultivés. Ils développèrent ainsi une série de « mesures sociales » qui, sous un habillage paternaliste, avaient comme unique préoccupation d’enchaîner le mineur rural à son entreprise.

    Déjà en 1862, dans un Bulletin Officiel, Álvarez Buylla informait que dans l’usine de Mieres on avait créé une banque d’épargne pour les ouvriers « afin de garantir leur bien être et préserver leur soumission ». Francisco Gascue, un ingénieur des mines, fut le premier à établir le lien entre la prévention sociale et l’efficacité dans le travail ; « la philanthropie est en accord avec l’intérêt de l’industriel » (Revue Minière, 1883).

    Et ils parvinrent effectivement à leur objectif. Bien qu’encore aujourd’hui de nombreuses familles qui vivent de la mine possèdent un petit lopin de terre où elles cultivent quelques légumes, la réalité du monde du travail après les années 1920 du siècle dernier est devenue essentiellement industrielle.

    Mais ce que les patrons sans expérience de notre capitalisme arriéré n’avaient pas prévu, ce fut les nouvelles conséquences d’une vie centrée dans des bassins miniers au sein desquels absolument toute la population dépend d’une manière unique et exclusive de la mine.

    Ce « vivre ensemble » a permis d’unifier les conditions de travail et sociales en leur donnant une homogénéité similaire aux valeurs communautaires des sociétés rurales. Les capitalistes étaient parvenus à éliminer la base économique qui donnait son autonomie aux unités ouvrières domestiques, mais ce fut en créant une contradiction plus grande encore ; une base matérielle sur laquelle repose la solidarité ouvrière et qui prolonge les relations de réciprocité héritées de la campagne.

    Ce puissant esprit communautaire ne se réduit pas au fait de vivre dans le même quartier, de partager le même espace physique ; il signifie que ma maison, la tienne et celle de tous les autres sont identiques : même structure, même répartition spatiale, même matériaux… En travaillant dans le même puit de mine, on se rencontre à l’entrée, dans le vestiaire, dans la cage d’ascenseur, dans les douches, à la sortie, au bar… Nous achetons dans les mêmes magasins, de sorte que toi et ta famille vous vous habillez comme celles des autres. Il est même possible que le village lui-même soit traversé par la mine, comme à Ríoturbio, dont le nom évoque la couleur de l’eau dans la rivière après avoir lavé le charbon.

    Les bassins miniers (« Cuenca »), ce sont de petits centres urbains, peu peuplés et géographiquement isolés puisqu’ils sont constitués par une série de vallées qui étaient encore très mal reliées entre elles jusqu’à peu. Il est d’ailleurs ironique de constater que l’autoroute de la zone minière fut inaugurée quand on commença à fermer les mines. Pur hasard ? Je ne le pense pas.

    L’essence de l’esprit communautaire ancestral ne s’est donc pas perdue malgré l’industrialisation. Cohabitant avec différentes formes d’intégration, nous pourrions dire avec Polanyi que la mine est incrustée dans la vie sociale, qu’elle n’est pas une réalité économique à part, mais qu’au contraire elle traverse tout. C’est ainsi que surgit « l’identité minière », qui dote chaque personne d’une place dans le monde et dans la communauté, de manière uniforme et homogène. L’exemple le plus frappant est illustré par les femmes des bassins miniers qui se définissent en tant que « fille, sœur et femme de mineurs ». Leur identité se forme également autour de la mine et leur rôle dans la lutte a été clé à plusieurs reprises, comme dans les grèves de 1962 (des événements repris de manière brillante dans le court métrage « A coups de talons »).

    On peut objecter que tout cela s’exprime aussi dans presque tous les grands quartiers industriels du pays ou du monde, et il est exact que cela explique, en grande partie, le développement des grandes luttes ouvrières et la création des grandes organisations syndicales massivement implantées. Cependant, peu de centres de travail ressemblent à la singularité de la mine.

    Dans cette dernière, les ouvriers travaillent ensemble dans de grandes profondeurs sous terre, ils descendent dans une cage obscure et remplie d’autres mineurs, ils avancent dans des couloirs angoissants et étroits dont certains sont si bas qu’il faut progresser en rampant pour progresser d’une galerie à l’autre. Ils dépendent exclusivement des uns et des autres pour travailler et pour survivre dans des tâches solidaires et collectives, telles que le sauvetage des camarades ensevelis. Car personne, aucun service de secours, ne connaît la mine comme ceux qui y travaillent afin d’accomplir cette tâche. La pénibilité et la dangerosité extrêmes de ce travail entraînent nécessairement une solidarité extrême et cette réalité de la mine s’impose également à l’extérieur d’elle. Non seulement pour ceux qui vivent de la mine, mais aussi pour ceux qui vivent des mineurs. Aujourd’hui encore, quand il y a une grève générale dans les bassins miniers, tous les commerces et les bars, grands ou petits, ferment leurs portes. S’il n’y a pas de mine, il n’y a pas de travail, on ne consomme pas et il n’y a pas d’avenir. Pour personne.

    Cette extension de la mine au-delà d’elle-même explique la singulière matière avec laquelle sont fait ceux qui vivent et travaillent dans les bassins miniers. Ils ont transformé la culture de la barricade en patrimoine immatériel par leur capacité à la symboliser. La barricade des mineurs est un instrument, un moyen, un support d’une reconquête de significations qui remettent sur la table la persistance d’une culture ouvrière qui est bien plus qu’une simple « survivance » du passé.

    Verónica Rodríguez, militante de Izquierda Anticapitalista Asturies. Article traduit du castillan par Athaulfo Riera.

    http://www.gauche-anticapitaliste.ch/?p=7089


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    La grève illimitée des mineurs Asturiens continue

     

     

     

    Retour sur une lutte historique contre la fermeture des mines espagnoles et un mouvement de classe contre la politique d'austérité

     

    Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    De la grande grève de 1934 au mouvement de luttes qui avait ébranlé le pouvoir franquiste en 1962, le bassin minier des Asturies, bastion communiste historique, a été au coeur des grands mouvements de lutte qu'a connu l'Espagne au XX ème siècle.

    Les mineurs asturiens ont ouvert en mai dernier une nouvelle page de cette histoire, en opposant leur résistance à une politique d'austérité aux conséquences dramatiques pour le secteur minier.

     

    24 milliards de renflouement pour Bankia, 200 millions d'aides en moins pour les mines : une austérité à deux vitesses

    Une politique d'austérité qui touche tous les secteurs, menée en concertation entre le gouvernement central de droite de Mariano Rajoy et les gouvernements régionaux, souvent de droite mais aussi parfois socialistes. C'est le cas des gouvernements tout juste élus d'Andalousie et d'Asturies, soutenus par Izquierda Unida.

    8 000 mineurs sont encore employés sur plus de 40 sites, essentiellement en Asturies dans un secteur fortement dépendant des aides publiques.

    La décision de réduire les subventions d'Etat, sous pression de l'Union européenne, de 300 millions d'euros à 100 millions d'euros met en péril le secteur, menace les puits espagnols de fermeture.

    Au même moment où l'Etat espagnol renfloue Bankia à hauteur de 24 milliards d'euros, la suppression d'une aide de 200 millions d'euros pour les mines (soit cent fois moins que celle pour la banque multi-nationale) apparaît d'autant plus révoltante.

     

    De la grève reconduite à la grève illimitée puis à la grève générale: les conditions d'une convergence des luttes

    Le 28 mai, les mineurs Asturiens se sont lancés dans une grève reconduite jusqu'au premier juin où a été lancée une grève illimitée, qui a conduit à l'occupation des puits mais aussi des routes et chemins de fer menant aux sites d'extraction.

    Le 18 juin, une journée de grève générale a même été convoquée par les deux principaux syndicats UGT et CC.OO dans les régions minières touchées par les mesures du gouvernement, en Castille, Andalousie, Aragon et en Asturies bien sûr.

    Selon les organisations syndicales, la grève a été très largement suivie dans ces régions, avec une adhésion de 100% dans les bassins miniers concernés.

    Un mouvement relayé par celui des enseignants, des ouvriers des chantiers navals et surtout des travailleurs des transports, qui ont embrayé par une grève illimitée dans les bassins miniers.

     

    « Nous ne sommes pas des Indignés ! » : diversification des formes d'un mouvement de classe

    En grève depuis près d'un mois, le mouvement des mineurs asturiens ne faiblit pas. Les formes de la contestation se diversifient, se radicalisent parfois mais restent toujours centrées sur la lutte de classe.

    Les occupations des places des grandes villes Asturiennes, des lieux de pouvoir comme le siège du Conseil provincial de Léon se multiplient. Le 18 juin dernier, près de 15 000 mineurs et autres travailleurs ont manifesté dans les rues de Léon, tandis que 50 000 ont occupé les rues d'Oviedo, la principale ville des Asturies.

     Les mineurs ont pris clairement leurs distances avec les formes de protestation et les perspectives affichées par le mouvement des indignés. Un des slogans affirmé et réaffirmé en des termes crus dans les occupations: « Nous ne sommes pas des indignés, nous en avons marre ! » (Nosotros no estamos indignados, estamos hasta los cojones).

    Les mineurs des Asturies, d'Aragon et de Léon viennent d'entamer une « Marche noire » qui devrait arriver à Madrid le 11 juillet, une longue marche sous le mot d'ordre marqué sur les chemises des mineurs : « Non à la fermeture des mines ! »

     

    Radicalisation du mouvement et refus de toute compromission

    Le mouvement s'est radicalisé dans certains villages du bassin minier Asturien où, confrontés à la répression policière, de rudes affrontements ont opposé les mineurs, soutenus par la population du bassin minier aux forces de l'ordre.

     

    des-mineurs-espagnols-armes-de-lance-roquettes-de-fortune-.jpegLes images de scène de guerre dans le village de Cinera, le 19 juin dernier, avec barricades en feu, tirs avec des lance-pétards improvisés en lance-roquettes ont fait la une de la presse espagnole. A Cinera comme ailleurs, face à l'unité indéfectible de la population avec la lutte des mineurs, les groupes d'intervention de la police ont dû reculer.

    Depuis quatre ans, sous le gouvernement du socialiste José Luis Zapatero, l'Espagne a été précurseur dans l'adoption d'une politique d'austérité qui touche tous les travailleurs. Depuis trente ans, l'Espagne, essentiellement sous le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez, a été à l'avant-garde des libéralisations et privatisations.

    Jusqu'à présent, malgré un potentiel de luttes énorme, aucun mouvement de lutte n'a pu se construire. La responsabilité des organisations syndicales réformistes, CC.OO et UGT, est claire. Le mouvement des indignés a pu croître sur ce terreau de colère sociale, mais a canalisé cette rage dans une impasse politique.

    Aujourd'hui, la grève historique des mineurs des Asturies, et d'ailleurs, pose peut-être le cadre du développement d'un mouvement de luttes radicalisé, sur des positions de classe, refusant toute compromission avec le patronat, l’État et l'Union européenne.


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  • Le ton s’est nettement durcit dans le conflit des mineurs dans le nord du pays. De violents affrontements ont opposé les deux parties tout près de la mine…

    De violents affrontements ont opposé les deux parties tout près de la mine de Pozo Soton près d’Oviedo dans les Asturies.

    Les mineurs espagnols sont en grève pour dénoncer une réduction des aides publiques par le gouvernement Rajoy qui cherche à faire des économies pour diminuer la dette publique.

    Plusieurs d’entre eux sont enfermés depuis 23 jours en signe de protestation dans une autre mine de la région.

    Une quarantaine de mines de charbon sont encore en activité en Espagne, la plupart sont situées dans le nord du pays.


    http://fr.euronews.com


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  • Entretien

    Sterdyniak : "on demande à l’Espagne de prendre des mesures très lourdes sur le plan social et inefficace sur le plan économique"

    On demande à l’Espagne de prendre des mesures très lourdesHenri Sterdyniak est directeur du Département économie de la mondialisation de l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE), et professeur à l’Université Paris-Dauphine et membre du collectif des économistes atterrés. Il nous livre ses explications et analyses sur la crise dans laquelle s'enfonce l'Espagne.

    Les banques espagnoles ont été capitalisées à plusieurs reprises et sont de nouveau en difficulté. Quelles sont les raisons de leurs difficultés ?

    Henri Sterdyniak. Elles sont claires. L’Espagne a vécu sur une bulle immobilière qui s’est effondrée et donc naturellement, les banques espagnoles enregistrent beaucoup de créances non recouvrables. Elles ont fait des prêts à des promoteurs qui eux-mêmes ont fait faillite, ce qui se traduit par des faillites au niveau des banques.
    L’autre élément est que l’Espagne est en récession, sa croissance est extrêmement médiocre. Elle a un taux de chômage vraiment élevé. Un certain nombre de ménages ont donc des difficultés à rembourser leurs prêts, et les entreprises ont des difficultés financières, donc on a un cercle vicieux dans lequel l’Espagne est entraînée : les banques sont en difficulté, elles font moins de crédit et du coup, ça aggrave encore la situation des banques et tout cela contribue à plonger l’Espagne vers le bas.

    Vous évoquez la spirale infernale dans laquelle est l’économie du pays. Pourtant, le gouvernement s’apprête à verser de nouveau des milliards aux banques espagnoles. Comment expliquer cette ambiguïté entre l’austérité appliquée depuis longtemps en Espagne et cette recherche permanente d’argent pour les banques ?

    Cela reflète le déséquilibre profond des banques en 2007. Elles avaient massivement prêté au secteur immobilier et donc tout à fait naturellement, l’effondrement de ce secteur devient extrêmement coûteux. En plus, il faut voir que tous les crédits qu’ont pu faire les banques espagnoles, en particulier les dettes publiques qu’elles détiennent sont devenus des crédits risqués puisque les marchés les considèrent comme tels. Et donc les banques sont obligées d’avoir des fonds propres en face de ces crédits risqués. Ce qui génère des besoins de liquidités extrêmement importants dans la mesure où le gouvernement espagnol s’est refusé à faire défaut sur une partie de la dette bancaire. C’est extrêmement coûteux car il faut rembourser les créanciers des banques.

    Le gouvernement Rajoy a annoncé à plusieurs reprises des chiffres de déficit public revus à la hausse, comme l’avait fait, en Grèce, Georges Papandreou entre octobre 2009 et mai 2010. Un scénario à la grecque est-il à craindre pour l’Espagne ?

    Le problème de l’Espagne est un problème général en Europe. En 2010, son déficit public est important : 9,3% du PIB et on lui demande de faire des efforts extrêmement lourds pour réduire ce déficit. Le gouvernement espagnol prend cet engagement. Le problème est que du coup, la croissance économique est très mauvaise en Espagne, il n’y a pas de reprise économique. Et à ce moment là, lorsque l’on augmente les impôts, ça pèse sur la croissance, ça freine les recettes fiscales, et du coup, le gouvernement n’est pas capable de tenir ses engagements. En plus se pose la question régionale en Espagne : une grande partie des efforts doit être fournie par les régions. Elles doivent plutôt « faire faire » ces efforts par les ménages, en réduisant les dépenses de santé, d’éducation, ce qui n’est pas populaire en Espagne. On est dans une histoire où l’on demande à l’Espagne de prendre des mesures très lourdes sur le plan social et inefficace sur le plan économique. L’Espagne a été incapable de tenir cet engagement. Elle s’était engagée à fournir un effort budgétaire représentant 4 points du PIB, ce qui est énorme. En fait, elle n’a fait que 2 points, ce qui est déjà beaucoup. Le problème est qu’elle s’est engagée à faire autant d'efforts en 2013. Là encore, cet engagement est impossible à tenir. On a une contradiction entre ce qu’un pays peut supporter et les exigences de la Commission. Le pays ne va pas atteindre ces objectifs et se retrouvera soumis à la spéculation ou aux craintes des marchés financiers sans que l’on voit d’issue à la crise. En plus, cela se passe dans un contexte où l’ensemble de la zone euro est en croissance quasi-négative (-0,1% à -0,2% du PIB pour l’ensemble de la zone euro), ce qui n’est pas porteur pour l’Espagne.
    Elle ne pourra pas tenir ses engagements ce qui génère des craintes de crise financière et politique. La zone euro ne fonctionne pas : c’est le problème. L’Espagne n’a pas un déficit supérieur à celui des Etats-Unis qui, eux, ne sont pas attaqués par les marchés financiers, ne prennent pas d’engagements démesurés de déficits publics que l’on impose à l’Espagne.

    L’Espagne a pourtant une dette inférieure à celle de l’Allemagne ou de la France. Avoir le regard fixé sur la dette n’est-il pas une erreur ?

    La Commission européenne regarde le déficit, relativement important pour l’Espagne. Les marchés regardent la dette publique mais aussi tout le problème lié aux banques. C’est pourquoi les marchés spéculent, sont craintifs vis-à-vis du cas espagnol. Le problème de la zone euro est qu’il y a des pays en difficulté qui n’ont pas les moyens de sortir de ces difficultés. Ils sont englués dans les règles de la zone euro, ne peuvent dévaluer comme ont pu le faire les pays scandinaves. Ils n’osent pas prendre des grandes mesures où ils s’en prendraient aux créanciers des banques. Ces pays sont donc condamnés à des politiques d’austérité qui ne rassurent pas les marchés financiers, ne permettent pas de réduire les dettes et déficits publics, qui aggravent la situation des banques et des entreprises. Et donc, on ne sort pas de ce cercle. La solution consistant à dire « les pays ne peuvent pas dévaluer car ils sont dans la zone euro mais en échange, ils bénéficient d’une forte solidarité de la zone euro » ne s’applique pas en l’espère car pour avoir une forte solidarité de la zone euro, il faudrait que l’Espagne accepte de demander l’aide du FESF, d’être soumise elle-aussi comme l’Irlande, la Grèce, le Portugal, à la troïka, ce qu’elle veut éviter.
    On a une situation où l’Espagne est complètement coincée entre les contraintes de la zone euro qui l’empêche d’avoir une politique forte et l’absence de réelles solidarités à l’intérieur de la zone euro. Et par ailleurs, les marchés sont extrêmement attentifs ; ils se disent que l’Espagne va craquer, la zone euro ne va pas pouvoir venir à son secours, donc l’Espagne est un maillon faible, et donc ça renforce les difficultés de l’Espagne. Comme dans tous les pays du sud, ils sont coincés. On a une zone euro qui ne fonctionne pas et des marchés à l’affût de l’éclatement de la zone euro. La situation n’est donc pas gérable.

    Pour vous, l’hypothèse de l’implosion de la zone euro est-elle à prendre réellement au sérieux ?

    C’est une menace sérieuse. La zone ne fonctionne pas. Tous les 15 jours, il y a des mouvements spéculatifs contre la Grèce, contre l’Espagne… Les pays sont en permanence soumis au chantage : soit pratiquer l’austérité qui amène à la récession, soit être victime de la spéculation des marchés financiers. Et l’Europe est incapable d’avoir la solidarité nécessaire qui devrait être un conditionnel pour sauver la situation. L 'Europe est également incapable d’avoir un programme de croissance puisque l’on voit des divergences profondes entre ceux qui disent que pour faire de la croissance, il faut arrêter l’austérité et faire de l’investissement productif et ceux qui disent que pour faire de la croissance, il faut faire plus d’austérité et flexibiliser les marchés des biens et du travail – c’est la position allemande. Dans le cas de l’Espagne, on a déjà un taux de chômage de 24% : flexibiliser le marché du travail, on ne voit pas en quoi ça pourrait aider.
    Le problème de l’Europe est que l’on n’a pas de stratégie de croissance, pas de stratégie claire vis-à-vis des marchés. Il y a un risque évident d’implosion. Avec l’Allemagne qui dit qu’il n’y aura pas de solidarité si le pacte budgétaire n’est pas mis en œuvre, et en même temps un pacte budgétaire qui   contraint tout le monde à faire des politiques d’austérité qui brisent la croissance, on voit pourquoi  la zone euro est  extrêmement fragile et elle n’a pas trouvé un mode de fonctionnement satisfaisant.
    Il faut changer la zone euro et il y a deux manières de la changer : la manière française et la manière allemande qui sont incompatibles.


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  • Après de nouvelles menaces de dégradation en zone euro par Moody's, l'Espagne est pressée de demander une aide pour ses banques, qui auraient besoin de plus de 40 milliards d'euros. Une conférence téléphonique de l'Eurogroupe est attendue ce samedi.

    © Reuters

    L'Espagne est pressée de toutes parts de demander un sauvetage européen pour ses banques, dont les besoins se chiffrent en dizaines de milliards d'euros, et pourrait même être contrainte de franchir le pas plus tôt que prévu, peut-être dès ce weekend.
    Les banques espagnoles ont besoin d'au moins 40 milliards d'euros de recapitalisation pour faire face à une nouvelle détérioration de l'économie, selon un rapport du Fonds monétaire international publié vendredi, et dont les conclusions avaient filtré dès la matinée. Selon une responsable de l'institution, les banques auront vraisemblablement besoin de davantage de fonds pour s'assurer de l'existence d'un "pare-feu crédible" dans le pire des scénarios.

    Même si le gouvernement espagnol, hostile à un plan d'aide global pour son économie, assure qu'aucune décision n'est encore prise, une réunion samedi de hauts fonctionnaires de la zone euro, consacrée à cette question, était dans l'air à Bruxelles. "Il y aura quelque chose ce week-end, je ne sais pas encore si ce sera au niveau des ministres (européens, ndlr) ou des hauts fonctionnaires", a expliqué une source proche du dossier. "Les esprits sont mûrs en Europe pour une aide à l'Espagne, mais pas encore en Espagne. Donc il y a une pression sur Madrid pour qu'elle demande l'aide, et la zone euro se tient prête à réagir dès que besoin, si possible dès ce week-end", a ajouté cette source.

    Calmer les marchés

    Le vice-président de la Banque centrale européenne (BCE), le Portugais Vitor Constancio, a lui demandé à Madrid d'apporter une "réponse urgente" à la question du sauvetage des banques, pour "calmer les marchés". L'agence de notation financière Moody's a elle prévenu dans un communiqué que l'évolution de la situation de la Grèce et de l'Espagne pourrait l'inciter à abaisser la note de nombreux pays de la zone euro, y compris celle de pays bénéficiant de la note maximale AAA, comme la France ou l'Allemagne.
    Inquiet des répercussions de la crise européenne, le président américain Barack Obama a lui aussi plaidé en faveur d'une consolidation du système bancaire et d'une coordination des politiques budgétaires en Europe. "Il faut agir au plus vite pour injecter des capitaux dans les banques en difficulté", a-t-il déclaré.
    Au lendemain de la lourde sanction infligée à l'Espagne par l'agence Fitch, qui a abaissé sa note de trois crans, à BBB, la Bourse de Madrid a ouvert vendredi sans surprise dans le rouge. Cette tension a rejailli sur l'ensemble des Bourses européennes, confirmant que l'Espagne, quatrième économie de la zone euro, est aussi au coeur de toutes les inquiétudes. Mais le marché espagnol est ensuite repassé dans le vert, à la faveur d'informations de presse selon lesquelles Madrid pourrait demander dès samedi une aide pour ses banques, dont les détails seraient définis lors d'une conférence téléphonique de l'Eurogroupe.

    "Pour l'instant, il n'y a aucune réunion de niveau ministériel prévue ni convoquée en ce moment", a réagi la porte-parole du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria. La Commission européenne a de son côté assuré qu'elle n'avait "pas de nouvelles d'une demande d'aide financière de la part de l'Espagne" et la chancelière allemande Angela Merkel a nié toute pression en ce sens sur Madrid.

    Le temps presse

    Une réunion de hauts fonctionnaires des ministères des Finances de la zone euro pourrait toutefois avoir lieu ce week-end, ont indiqué vendredi deux sources diplomatiques européennes. Le ministre démissionnaire des Finances des Pays-Bas, Jan Kees de Jager, a lui indiqué vendredi qu'il "n'excluait pas" la tenue samedi d'une conférence téléphonique de l'Eurogroupe. Les marchés semblent perdre patience, espérant sans doute voir cette question réglée avant les élections grecques du 17 juin.

    Après la publication du rapport du FMI, un audit mené par les cabinets allemand Roland Berger et américain Oliver Wyman doit être remis au plus tard le 21 juin au gouvernement. Mais les choses pourraient bouger avant: le Conseil d'administration du FMI devait en effet se réunir vendredi pour adopter le rapport sur les banques espagnoles.

    "Il y a de plus en plus de signes que l'Espagne soumettra sa demande d'aide financière au (fonds de secours européen) FESF ce week-end, pour soutenir ses banques", assure Ralph Solveen, analyste de Commerzbank, dans une note. Reste à savoir le montant de cette aide: Fitch évalue les besoins du secteur entre 60 et 100 milliards, contre 50 à 82 milliards pour Standard & Poor's. L'Espagne obtiendrait ainsi, comme elle le souhaitait, une aide "sur mesure" pour ses banques et non un sauvetage global du pays, qui irait de pair avec des conditions strictes dictées par ses bailleurs de fonds internationaux.

    Trends.be avec L'Expansion

    Week-end décisif pour le sauvetage des banques espagnoles

    N'est-ce pas suffisament clair ?


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  •  L'Espagne dans la tourmente dans ECONOMIE bankia_0-300x150En Espagne, les marchés s’affolent, les taux montent,

    les banques coulent. Face aux menaces sérieuses d’effondrement

    de son système bancaire, le gouvernement espagnol a appelé

    à l’aide l’Union européenne.



     C’est une déclaration en forme d’au secours. "Le plus urgent pour nous, le plus important, c’est notre problème de financement, de liquidités et de soutenabilité de la dette" a résumé le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy ce mercredi matin devant le Parlement de Madrid. Un message de détresse de la part de la quatrième économie de la zone euro, qui voit son secteur bancaire flancher dangereusement depuis plus d’un mois. En cause, des prêts impossibles à rembourser et des actifs immobiliers peu recommandables. Une crise des subprimes version ibérique qui porte un nouveau coup à la confiance déjà bien entamée des marchés financiers.


    Selon le journal El mundo, quatre établissements bancaires nécessiteraient une recapitalisation rapide: Bankia, Caixa Catalunya, Banco de Valencia et Nova Galicia. Soit une aide évaluée entre 60 et 200 milliards d’euros. Alarmés par une possible contamination au sein de l’Union européenne, les pays voisins, Allemagne en tête, font pression sur Madrid pour qu’elle accepte un plan d’aide semblable à ceux déjà appliqués en Grèce, au Portugal et en Irlande.  Mais le royaume refuse cette mesure qui impliquerait de nouvelles cures d’austérité.

     

    Des crédits privés pourris à la dette publique. Il y a quelques jours, Bankia, l’un des principaux établissements bancaires privés, étranglé financièrement, est contraint d'appeler l'Etat à l'aide pour près de 20 milliards d’euros. Aujourd’hui, ce sont désormais quatre banques, dont à nouveau Bankia, qui nécessitent un renflouement. Ce qui était au départ une dette privée, les banques ne parvenant pas à couvrir les crédits accordés, devient désormais un problème public. Pour payer les pots cassés des établissements bancaires, les contribuables vont devoir mettre encore une fois la main à la poche, aggravant du même coup la dette espagnole. Et c’est là que la machine infernale s’engrange : craignant un embrasement de la dette publique ibérique, les investisseurs ont fixé leurs taux de prêts à l’égard du royaume à plus de 6% sur dix ans. En d’autres termes, le pays voit la porte des marchés financiers se refermer. «La prime de risque signifie que l’Espagne n’a pas d’accès aux marchés» a déploré Cristobal Montoro, ministre du budget.

     

    En des temps plus apaisés, l’Espagne aurait pu faire appel aux marchés pour l’aider à recapitaliser ses établissements bancaires. Sa bonne santé financière et son faible endettement auraient suffi à sa caution. Mais compte tenu du climat actuel et des incertitudes qui planent sur la zone euro, les investisseurs se montrent très frileux. Résultat : Madrid se retrouve seule. Malheureusement, après avoir déjà généreusement pioché dans son fond d’aide aux banques (le Frob), l’Etat ne dispose plus que de 9 milliards d’euros, une bagatelle comparé au budget nécessaire au renflouement. L'Espagne est étranglée, le besoin d'aide est urgent pour éviter toute contagion.

     

    L’impasse espagnole pourrait ouvrir une brèche. Prise en étau entre l’effritement de son secteur bancaire et les taux astronomiques réclamés par les investisseurs, l’Espagne se retrouve acculée et n’a d’autres choix que de se tourner vers l’Union européenne. Seule porte entrouverte : solliciter le Fonds européen de stabilité financière (FESF) (remplacé par le mécanisme européen de stabilité (MES) à partir du 1°juillet), dont les taux sont deux fois moins élevés. Pour autant, le gouvernement de Mariano Rajoy rechigne à adresser une demande de sauvetage, qui contraindrait le pays à accepter les nouvelles mesures d’austérité dictées par la troïka et accroitrait sa dette. Pour contrer ce paradoxe, l’unique solution serait d’autoriser le fonds de secours à recapitaliser directement les banques sans conditions. Actuellement, aucun traité n’autorise cette pratique.  Mais les choses pourraient bien changer. Berlin, qui avait jusque là apposé son véto à un prêt direct du FESF, vient d’infléchir sa position. Il faut dire que les banques allemandes sont mouillées jusqu'au coup dans la crise immobillière espagnole. Sans accorder de versements aux banques, le gouvernement d’Angela Merkel planche en ce moment sur un versement de l’aide à l’Espagne en passant par le Frob.



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