• 60 lycées et universités occupés au Chili, 100 000 étudiants dans les rues

    ocupacion-univ-de-chile.jpg60 lycées et universités occupés au Chili, 100 000 étudiants dans les rues : la lutte continue pour une éducation publique !

     

    Article AC pour http://jeunescommunistes-paris15.over-blog.com/ repris par http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    La lutte continue au Chili pour réclamer une éducation publique, gratuite et universelle. La semaine dernière, ce sont plusieurs centaines de milliers de lycéens et d'étudiants qui ont relancé un mouvement, qui ne faiblit pas depuis ses débuts, au printemps 2011.

     

    Le mouvement d'occupation des lycées et des universités monte en puissance : d'une dizaine d'établissements fin mai, ce sont désormais 24 universités – 17 publiques et 7 privées – et 35 lycées qui sont en grève et occupées, partiellement ou totalement.

     

    Parmi les universités, la prestigieuse Université du Chili est au cœur du mouvement, avec 16 facultés en arrêt total.

     

    Les autres principales universités de la capitale, telle l'Université de Santiago (Usach) ou l'Université technologique métropolitaine (UTEM) ont joint le mouvement, ainsi que les grandes facs des villes de province, dont celle de Concepcion, la doyenne du pays.

     

    Les universités privées ont embrayé, avec des occupations historiques à l'Université de l'Humanisme chrétien ou l'Université autonome du Chili.

     

    Les lycées (Institutos) sont également touchés par la vague de blocages, jusqu'au réputé « Institut national » de Santiago, en grève depuis deux semaines. Chaque établissement porte ses propres revendications, tous se rejoignent sur une revendication : le retour à une éducation publique.

     

    Ce mouvement a convergé une nouvelle fois dans une manifestation montre dans les rues de Santiago, convoquée par la Confédération des étudiants chiliens (Confech) et l'Assemblée coordinatrice des lycéens (ACES).

     

    Plus de 100 000 lycéens, étudiants ont demandé ce jeudi 13 juin la fin d'une éducation privée réalisant des profits sur le dos des étudiants, la fin de la municipalisation et de la régionalisation, le retour à une éducation publique, nationale, gratuite et de qualité.

     

    Le désastre de l'éducation privatisée au Chili : une leçon pour nous en France

     

    Un retour sur les origines de la privatisation de l'éducation au Chili, ses conséquences désastreuses qui conduisent à ce rejet aussi unanime est nécessaire, au moment où on désire importer ce modèle en Europe.

     

    La privatisation a commencé sous la dictature de Pinochet, avec la municipalisation de l'éducation primaire et le renforcement de l'autonomie pour les universités tandis que la création d'établissements privés, secondaires et supérieurs, était encouragée.

     

    Dans le même temps, Pinochet instaure la « liberté scolaire », chaque famille a la liberté de choisir l'établissement primaire, secondaire et supérieur de son choix.

     

    La transition vers la démocratie, loin de revenir sur ces réformes, les a institutionnalisées avec la loi LOLCE de 1991 qui s'inscrit dans un système dual. Ainsi pour l'éducation primaire et secondaire :

     

    • d'un côté un réseau privé, bénéficiant de sources de financements variées : les donateurs privés, les parents via les frais de scolarité mais aussi l’État qui les subventionne ;

       

    • de l'autre un réseau municipal, en sous-financement chronique, en partie dans les communes pauvres ;

     

    Le résultat, c'est une éducation privatisée, inégalitaire et de piètre qualité, dès le primaire et le secondaire :

     

    1. une privatisation … soutenue par les deniers publics ! c'est le développement au cours de ces trois dernières décennies des établissements privés : 1 600 établissements d'éducation privés ont ouvert depuis 1990, tandis que 600 établissements publics ont fermé leurs portes.

       

      Seulement un quart des universités sont publiques actuellement au Chili, tandis que l'éducation primaire et secondaire est divisée en deux : 6 000 établissements municipaux et 1,6 millions d'élèves, 5 000 établissements privés pour 1,5 millions d'élèves.

       

      Les chiffres globaux révèlent un financement à 55% public et 45% privé trompeur. En effet, les deux-tiers des dépenses du gouvernement central partent en subventions qui alimentent à 95% le secteur privé.

       

      Le Chili se caractérise donc par une éducation supérieure largement privatisée, un système primaire et secondaire dual où le secteur privé est largement subventionné par l'Etat.

       

    2. Une éducation de classe, où l'éducation ne fait pas que reproduire les « inégalités », mais instaure une véritable ségrégation scolaire, une éducation de classe, payée par tous mais au service d'une minorité.

       

      L'éducation au Chili est financée à 40% par les familles chiliennes. La part de l'éducation dans le budget des familles devient exorbitante : de 10% pour les familles les plus riches (plus de 2 500 € par mois) à 15% pour les plus pauvres (moins de 200 € par mois).

       

      Selon les chiffres officiels, une famille pauvre dépense 40 € par mois pour payer son éducation, une famille riche 350 €.

       

      Derrière ces chiffres, cela veut dire que les familles populaires et des couches moyennes sont de plus en plus éloignées de l'enseignement supérieur, mais aussi des établissements primaires et secondaires sélectifs.

       

      La première barrière est économique : dans les universités privées, les frais vont de 300 à 1 800 € par mois. Dès le primaire, les parents doivent prendre en charge en moyenne 30% des frais de fonctionnement de l'école.

       

      La logique de la « liberté scolaire » conduit à une « sélection compétitive » entre élèves, à tout âge, biaisée par avance : les meilleurs écoles sont (censées être) privées, car mieux financées, grâce aux subventions publiques et aux frais exorbitants à la charge des familles.

       

      Hormis une infime minorité détectée tôt, les autres sont condamnés à une éducation au rabais dans le système municipalisé ou un réseau privé de seconde zone ;

       

    3. une éducation de piètre qualité ;

       

      contrairement au discours des thuriféraires de la libre concurrence, ce système concurrentiel et privatisé a conduit à une dégradation du niveau général de l'éducation au Chili, qui n'est pas seulement un ressenti mais qui se reflète dans les classements internationaux.

       

      Les tests SIMCE en langue et en mathématique montrent que seuls 60% des élèves maîtrisent le niveau exigé en 5 ème, mais seulement 3% pour les élèves des milieux les plus pauvres.

       

      Dans les tests PISA, en comparaison avec les autres pays de l'OCDE, le Chili se classe 33 ème (sur 35) en compréhension écrite, mathématiques et sciences.

       

      Dans ses rapports annuels, l'UNESCO loue régulièrement le modèle cubain, dans l'universalité d'une éducation de qualité, et réserve ses critiques pour le système chilien, fortement inégalitaire.

       

      Concrètement, le système chilien se divise en plusieurs strates, il maintient une petite minorité d'établissements (souvent publics) d'excellence, souvent historiques, basés sur une sélection drastique, sur une base académique.

       

      Deuxième strate, une poignée d'établissements privés, essentiellement dans le primaire et secondaire, offrant une éducation de qualité, essentiellement par un recrutement sélectif des élèves et enseignants, alors que la « valeur ajoutée » de l'éducation privée est très faible, et dont le critère de sélection est académique mais surtout économique et social.

       

      D'après le dernier test SIMCE, parmi les 10 meilleurs lycées pour leurs résultats en sciences et en langue, 9 sont privés.

       

      Enfin, pour la majorité qui n'a pas les moyens de se payer cette éducation ou d'accéder aux établissements d'excellence : ce sont, pour le primaire et le secondaire, l'éducation municipalisée, sous-financée, délaissée par les meilleurs élèves et enseignants.

       

      Et pour ceux qui veulent échapper à cette éducation municipalisée, ou aux universités publiques déconsidérées, il reste une alternative : les établissements privés à fins lucratives, surtout dans le supérieur, offrant de vaines espérances aux familles des couches populaires et moyennes, mais concrètement une éducation de très faible qualité.

     

    Pas d'illusions sur l'alternance socialiste chez les leaders du mouvement syndical

     

    C'est la fin de cette éducation privatisée, inégalitaire et de piètre qualité que réclament lycéens et étudiants chiliens, et le retour à une éducation nationale, publique et de qualité.

     

    En cette année électorale, les vautours rôdent au-dessus du mouvement étudiant, tentant de le récupérer, alors que le gouvernement de droite du millardaire Pinera continue de vanter les mérites du système éducatif actuel.

     

    En premier lieu, l'ex-future présidente Michelle Bachelet, du Parti socialiste, qui a fait des déclarations retentissantes contre le profit dans l'éducation … avant de signifier que cela ne siginifait ni la fin des écoles privées subventionnées, ni une éducation 100% publique !

     

    Les dirigeants du mouvement étudiant ne sèment aucune illusion sur l'alternance. Ainsi, Andres Fielbaum, président de la Fédération des étudiants de l'Université du Chili (FECh) :

     

    « La politique ne se base pas sur des promesses mais sur des faits concrets. Ainsi, les partis de la Concertacion (PS, Parti chrétien-démocrate) admettent en leur sein des groupes qui font des profits sur l'éducation. »

     

    « Notre génération a appris à ne plus être naïve, et à ne pas plus penser que c'est une victoire que nos propositions soient intégrées dans un programme électoral. »

     

    Pour Diego Vela, président de la Fédération des étudiants de l'Université Catholique du Chili, « les changements ne vont pas dépendre un candidat, mais de la lutte ».

     

    Selon le leader syndical de l'Université catholique, les déclarations de Mme Bachelet ne suffisent pas : « il faut en finir avec la logique du profit et renforcer l'éducation publique comme colonne vertébrale ».

     

    Les deux leaders syndicaux ont rappelé le passage de Mme Bachelet à la présidence du pays, entre 2006 et 2010, qui n'a fait qu'aggraver la situation de l'éducation au Chili. En 2008, sa ministre de l'Education était même tombée sur la question des subventions aux écoles privées.

     

    La figure du mouvement étudiant de 2011, la jeune communiste Camila Vallejo était même allée plus loin au début de l'année quant à la candidature Bachelet :

     

    « Je ne ferai jamais campagne pour Bachelet, je n'appelerai pas les jeunes à voter pour elle. Rien ne m'assure que son programme est représentatif que son programme soit représentatif des idées que j'ai défendu dans le mouvement étudiant »

     

    Comme en France, nous n'avons jamais eu d'illusions sur le gouvernement qui achève l'autonomie-privatisation des universités, nos camarades chiliens n'ont plus aucune illusion sur les socialistes qui ont géré loyalement depuis vingt ans le système hérité de Pinochet.

     

    Les étudiants ont appelé à une grande mobilisation nationale pour le 26 juin. Les syndicats des dockers et des mineurs ont déjà annoncé leur intention de se joindre à cette journée de grève et de manifestation

     

     

    En France, comme au Chili, seule la convergence des luttes entre travailleurs et étudiants peut mettre en échec les plans du gouvernement et du patronat !


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