• MES & TSCG ou comment N. Sarkozy et A. Merkel vont imposer l’austérité à tous les états européens, France comprise.

    L’assemblée nationale a approuvé le 22 février le traité européen instaurant un mécanisme européen de solidarité (MES). Ce mécanisme doit prendre le relais du Fond Européen de Solidarité Financière ( FESF ). En apparence, il s’agit d’instaurer un mécanisme permanent de solidarité financière entre les états de la zone Euro pour éviter la faillite de l’un d’eux et la propagation de la crise à toute la zone euro.. En réalité, il s’agit de la première étape pour imposer à l’ensemble des pays européens la fameuse « règle d’or » du 0% de déficit, c'est-à-dire l’austérité généralisée, avec le succès qu’on lui a connu en Grèce.

    A l’approche des échéances présidentielles et législatives, il est important de préciser que l’UMP a voté pour ce texte, le parti socialiste s’est abstenu, et les députés PCF, PG et Verts ont voté contre.

    Pourtant, majoritaire au Sénat, la gauche aurait pu bloquer le texte jusqu’aux élections présidentielles. Permettant ensuite à F. Hollande, une fois élu, de le renégocier – comme il l’a promis. Mais en s’abstenant, le Parti Socialiste a laissé le texte être définitivement adopté. Le renégocier maintenant qu’il est adopté paraît délicat. Ce n’est en tout cas pas se mettre en position de force.

    Derrière le MES, le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance.

    Sous l’apparence de solidarité financière du MESF, il y’a beaucoup à dire sur le déni total de démocratie et de souveraineté nationale qui a inspiré les auteurs du texte. J’en parle plus bas. Néanmoins, l’important est ailleurs. « L’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du MES sera conditionné à la ratification du TSCG par les états membre » (Art 5 de l’introduction du traité).

    En approuvant le MES, l’assemblée nationale et ceux qui ne ce sont pas opposés aux traités (UMP, PS) se sont donc de fait engagés à appliquer le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance – même si celui-ci n’a pas encore été ratifié par les deux assemblées (il passera au vote après les élections législatives). Dès lors, la question est : que contient ce traité ?

    • En premier lieu, il instaure la règle d’or à l’ensemble des pays signataires. Il interdit désormais de descendre en dessous de 0.5% du PIB de déficit structurel (hors investissement) et de dépasser 60% du PIB d’endettement. Les états qui ne respectent pas actuellement les 60% d’endettement du PIB doivent réduire leur endettement d’1/20 par an.
    • En cas de non-respect de cet objectif, un mécanisme automatique de correction (entendre, de réduction budgétaire) doit être mis en place et défini dans chaque pays. En cas de déficit excessif, les pays signataires acceptent de devoir être mis sous la surveillance du conseil européen et de la commission européenne pour l’application d’un programme de réforme structurelle. (On a vu en Grèce de quel type de réforme structurelle il s’agit : privatisation à tout-va, destruction du code du travail…). Eventuellement, la cour de justice européenne peut soumettre le pays à une amende.

    Bref, il ne s’agit ni plus ni moins que d’imposer la politique d’austérité et de réduction de déficit publique à toute l’Europe, et d’interdire toute possibilité de relance par la consommation comme le propose – par exemple – le Front de Gauche.

    Même si un gouvernement de gauche venait à être élu, il n’aurait d’autre choix que d’appliquer une politique de rigueur. Et même avec du « sens » ( pour reprendre les mots de F. Hollande) la politique de rigueur, ça voudra toujours dire « se serrer la ceinture » pour les salariés.

    Le MES, un déni de démocratie

    Il est de plus à noter que le MESF a été conçu comme une structure supra-nationale au dessus de toutes lois, et de touts devoirs de rendre des comptes. Quelques exemples d’un beau florilège :

    • « Les pays s’engagent irrévocablement et sans condition à répondre à tout appel de capital en 7 jours ». Les parlements nationaux perdent ainsi la souveraineté budgétaire, puisqu’ils ne peuvent refuser une demande de capital du MES. Ceci n’est cependant qu’une mise en bouche.
    • Le MESF (on n’est jamais mieux servi que par soi même) est exonérés de tout impôts direct, de tout droits, taxes interdictions ou restrictions à l’importation.  Sans être paranoïaque, on se demande bien en quoi un organisme purement financier a besoin d’importer sans droit de douanes des produits interdits à l’importation dans l’UE…
    • Les agents du MESF seront exonérés d’impôts sur le revenu dans leurs propres pays, pour n’être soumis qu’à un impot sur le revenu au bénéfice du MESF. Pourquoi se gêner, si on peut rendre service à quelques amis ?
    •  « Le MES et ses bien, ses financements et ses avoirs, où qu’ils soient situés jouissent de l’immunité de juridiction sur tous ses aspects (…) ne peuvent faire l’objet de perquisitions, de réqusisitons, de confiscations, d’expropriations ou de toute autre forme de saisie ou de mainmise de la part du pouvoir exécutif, judiciaire, administratif ou législatif » (…) exempts de restrictions, réglementations, contrôles et moratoires de toute nature ». Pas de commentaire. Le MES sera au dessus des lois. Sans aucun contrôle possible, d’aucun pouvoir. Ce qui est totalement contraire à tout principe démocratique, ou tout simplement d’état de droit.
    • « Les archives du MES et tous les documents qui lui appartiennent ou qu’il détient sont inviolables, ainsi que ses locaux ». Aucune transparence possible, ni aucune enquête judiciaire possible en cas de soupçon de fraude. Ca donne confiance.

    Les dirigeants européens ont ainsi créé une entité sous leur contrôle, mais qu’ils ont délibérément placé au dessus des lois de leurs pays, et en dehors de toute possibilité de contrôle par les parlements nationaux, par le pouvoir judiciaire etc… Il s’agit d’un déni de démocratie, plus même d’un déni de l’état de droit sans précédent. On voit quelle Europe sont en train de construire ceux qui le promeuvent…

     Le MES et le TSCG sont la mise en application à l’Europe entière de ce que la Grèce subit depuis 2 ans : l’abandon de toute démocratie, de toute souveraineté nationale au nom de la rigueur budgétaire et de l’austérité.

     C’est un projet digne de la droite ultralibérale la plus dure, qui doit être combattu avec force. Et je m’étonne, je m’inquiète même que le Parti Socialiste se contente de s’abstenir sur une question aussi grave. Mais, faut-il rappeler qu’il a toujours été solidaire du gouvernement socialiste grec dans la mise en place de ces mesures d’austérité.

    http://pensees-politiques.over-blog.net/


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  • La Banque centrale européenne (BCE) a procédé, mercredi 29 février 2012, à une deuxième vague de prêts à trois ans et au taux  de 1%.

    La Banque centrale européenne (BCE) a procédé, mercredi 29 février 2012, à une deuxième vague de prêts à trois ans et au taux de 1%.AFP

    Un succès. Pour sa seconde opération de soutien aux banques, la Banque centrale européenne (BCE) a prêté 529,5 milliards d'euros à 800 établissements bancaires – soit encore plus que lors de sa première opération de refinancement à long terme (LTRO) du 21 décembre, qui s'élevait à 489 milliards.

    Ce montant, prêté au taux avantageux de 1 % et pour une durée de trois ans, est globalement en phase avec les estimations des observateurs, qui tablaient sur un montant de 400 à 500 milliards. L'objectif du dispositif – enrayer la paralysie du système bancaire et éviter tout credit crunch (pénurie de crédits) – semble donc atteint.

     REMBOURSEMENT DE LA DETTE

    L'annonce de la BCE a fait brièvement grimper les Bourses européennes et l'euro face au dollar. Mais la monnaie unique a rapidement effacé ses gains et se traitait vers midi autour de 1,3440 dollar. Le marché se demande désormais quel usage les établissements feront de cet argent à l'heure où la croissance montre des signes de faiblesse en Europe.

    Le président de la BCE, Mario Draghi, qui avait déclaré après le premier LTRO qu'un "credit crunch majeur" avait été évité, a exhorté dimanche les banques à soutenir la croissance économique en prêtant aux ménages et aux entreprises les liquidités qu'elles auront empruntées. Lors de l'opération de décembre, les banques avaient utilisé la majeure partie des fonds empruntés pour rembourser de la dette arrivant à maturité, et non pour accroître leur offre de crédit.

    Ce programme d'injection de liquidités, considéré par certains comme une opération détournée de création de masse monétaire, alimente les craintes de certains dirigeants, notamment allemands, qui redoutent que les LTRO n'aient des conséquences néfastes à l'avenir. Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a ainsi déclaré ce mois-ci qu'une offre de liquidité "trop généreuse" pourrait déboucher à terme sur des risques inflationnistes.

     Le Monde.fr (avec agences)


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  • Intervention de Michelle DEMESSINE sur le Mécanisme Européen de Stabilité

     

    Le Parlement ratifie le Mécanisme européen de stabilitéDébat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012

    (Intervention générale au Sénat, séance du mardi 28 février)

     

    Michelle Demessine, sénatrice du Nord

     

    Notre débat de ce soir, préalablement au Conseil européen d’après-demain à Bruxelles, a quelque chose de surréaliste

    En effet, à la suite de votre déclaration liminaire, monsieur le ministre, vous sollicitez l’analyse des différents groupes de notre assemblée, puis nous vous interrogerons sur quelques points particuliers.

    Mais cette sympathique discussion à cette heure tardive est vraiment un théâtre d’ombres.

    Les décisions ont déjà été prises avant, et ailleurs, et ce que nous vous disons n’aura qu’un effet limité, voire aucun effet du tout, sur la décision du Président de la République de signer le traité dit : de stabilité, de coordination et de gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.

    Car c’est bien de la signature de ce traité qu’il s’agira le 1er mars prochain. 25 des 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, l’adopteront solennellement, en marge de la réunion du Conseil, et c’est cet évènement qui fera date et qui sera le seul point que l’histoire retiendra de ce sommet.

    A nos yeux, le grand danger de ce traité que le chef de l’Etat signera au nom de la France, est d’être un nouvel instrument antidémocratique pour imposer, sous couvert de discipline budgétaire, la loi des marchés financiers aux Etats et aux peuples d’Europe.

    Ce traité, concocté entre la Chancelière et le Président de la République, aggrave encore les quelques dispositions sur la gouvernance économique et le semblant de solidarité européenne, contenues dans son prédécesseur de 2005. Le peuple français l’avait rejeté par référendum, le Chef de l’Etat le lui avait alors imposé par la voie parlementaire.

    Aujourd’hui nous refuserons le nouveau scénario qui s’annonce.

    C’est dès maintenant que nous dénonçons le danger d’une signature du Chef de l’Etat. Nous refusons ce traité car il est profondément antidémocratique et contraire à l’intérêt national puisqu’il s’agit de limiter la souveraineté budgétaire des Etats et de leur dicter leurs politiques économique et sociale.

    De surcroît c’est de lui que procèdent tous les plans d’austérité qui sont imposés aux pays en difficulté en échange de financements pour tenter de payer leurs dettes.

    Cette filiation montre également le lien incontestable et indéfectible qui existe entre les deux projets de loi autorisant la création du Mécanisme européen de stabilité, contre lesquels notre groupe a voté cet après-midi, et le traité que va signer le Président de la République.

    En effet, la possibilité pour un Etat membre de l’Union européenne de participer à ce Mécanisme, à ce Fonds de soutien, est conditionnée à l’approbation de ce traité. Ce n’est qu’à cette condition, en effet, que pourra être activé, à partir du 1er juillet, ce fonds monétaire européen dont la mission est d’imposer l’austérité aux peuples dont les Etats n’arrivent pas à financer leurs dettes sur les marchés.

    C’est la carotte pour accepter les coups de bâtons !

    L’intérêt du débat de ce soir pourrait être ainsi d’éclairer les enjeux et de montrer toutes les conséquences négatives pour notre pays, pour notre peuple, mais aussi pour l’Europe, d’une signature du chef de l’Etat.

    Fruit de deux mois de laborieux compromis avec l’Allemagne, ce traité vise à instaurer une forme autoritaire de gouvernement économique de la zone euro en prétendant la protéger contre les attaques spéculatives des marchés financiers, et faciliter les prises de décisions rapides qui ont tant fait défaut ces dernier mois.

    De nouvelles règles communes, des budgets favorisant le développement économique et social des Etats membre, des solidarités concrètes entre les pays face à la puissance déstabilisatrice des marchés, voila ce dont aurait besoin l’Europe !

    Mais ce qui sera avalisé par Nicolas Sarkozy à Bruxelles n’est qu’une fausse solidarité qui enfoncera un peu plus encore les pays dans leurs difficultés.

    Car ce traité, bien qu’il prétende lutter contre les marchés financiers pour protéger la zone euro de leurs attaques, ne s’en donne, en réalité, pas les moyens. Et ceci tout simplement parce que les gouvernements des pays membres n’en ont pas la volonté politique.

    Tout au contraire. Les dispositions prévues, que ce soit l’instauration de la « règle d’or », ou plutôt de la « règle d’airain » interdisant tout déficit budgétaire, ou bien les sanctions automatiques contre les Etats contrevenants, toutes ces mesures vont précisément dans le sens de la logique de l’austérité économique et sociale réclamée par les marchés.

    Et pourtant l’expérience de ces derniers mois a démontré combien la mise en œuvre de ces politiques d’austérité était totalement inefficace pour résoudre la crise qui secoue l’euro.

    Mais prenons garde, car si cette crise n’était pas jugulée, elle détruirait les économies européennes les unes après les autres. C’est pour cela qu’il faut changer de méthode. Si notre groupe est si vivement hostile à cette signature, c’est que nous considérons que la méthode et les politiques publiques qu’il inspire, sont mauvaises et dangereuses pour les économies et les peuples. Elles vont même à l’encontre des objectifs affichés.

    Car ce sont justement ces politiques qui alimentent la crise.

    Ce sont ces politiques d’austérité qui, en comprimant la demande, font reculer l’activité, ce qui à son tour réduit les rentrées fiscales et creuse encore plus vite les déficits. Partout où elles ont été mises en œuvre, les résultats parlent d’eux-mêmes. Ces pays se sont enfoncés dans la récession, ils ont subi un appauvrissement sans précédent, ils sont accablés par le chômage et atteints dans leur dignité même.

    Tout cela s’accompagnant d’un démantèlement systématique des services publics des systèmes sociaux, du droit du travail qui provoque la colère des peuples et prépare dans certain pays un véritable séisme social.

    Où est la solidarité pour aider les pays menacés par les attaques des marchés financiers, quand par exemple depuis le début de la crise, le produit intérieur brut de la Grèce a baissé de près de 20%, et que les salaires et les retraites en baisse seront bientôt au même niveau qu’en Roumanie ? Est-ce là le résultat d’une vraie solidarité européenne envers les victimes des marchés financiers ?

    Les prévisions de la Commission européenne présentées jeudi dernier sont d’ailleurs l’éclatante illustration de ce que ce mécanisme dit de soutien ne préconise qu’une austérité asphyxiant l’économie réelle et empêchant la croissance.

    La Commission a tout simplement annoncé la récession dans la zone euro, avec un recul du PIB de 0,3%, et une quasi absence de croissance dans l’Union européenne. Huit des dix-sept Etats de la zone euro, la Grèce en tête, mais aussi le Portugal, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique seront en récession.

    La France et l’Allemagne, quant à elles, comme l’ensemble des 27, n’auront qu’une croissance infime de 0,4 à 0,6%.

    Avec le Mécanisme européen de stabilité dont le Sénat, à l’exception de notre groupe, a accepté la mise en place, ce sera l’aggravation de ces politiques, car il se fonde sur la même logique que son prédécesseur, le Fonds européen de stabilité.

    La seule différence, maintenant, est qu’il est pérenne et que les décisions seront plus rapides à prendre pour mieux les imposer aux Etats.

    On peut d’ailleurs d’ores et déjà douter de son avenir, car Standard’s and Poors vient de le placer sous perspective négative, et l’Allemagne a annoncé qu’elle ne céderait pas face à ceux qui demandent déjà le renforcement le renforcement de ce soi-disant pare-feu européen.

    Le dispositif lié à l’adoption du traité va au-delà de tout ce qu’on a connu jusqu’à présent au niveau européen en matière d’abandon de souveraineté, d’opacité et de recul démocratique.

    Il implique une perte évidente de souveraineté budgétaire, puisque c’est le regroupement des gouverneurs de ce fonds qui décidera du dépassement de son plafond sans l’avis des Parlements nationaux.

    Sous la direction du condominium franco-allemand, une mécanique implacable de contrôle et de corsetage des finances publiques nationales se met en place.

    Mesurez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, que pour la fameuse troïka que sont, la Commission, la Banque centrale européenne, et le FMI invité à participer à l’affaiblissement des économies européennes, ce qui se passe en Grèce est une expérience grandeur nature pour démanteler les droits démocratiques et sociaux partout en Europe.La Grèce est leur laboratoire.

    Et ce sont ces politiques, formalisées dans un traité, que le chef de l’Etat et votre gouvernement accepterait de faire inscrire dans le marbre des législations nationales !

    Cette discipline budgétaire aveugle, sous prétexte de davantage maîtriser leurs finances publiques, contraint les Etats à voter des budgets équilibrés en limitant leur déficit structurel à 0,5% de leur PIB.

    Réclamée par l’Allemagne, cette règle est impitoyable avec ceux qui l’enfreindraient puisqu’elle prévoit des amendes allant jusqu’à 0,1% du PIB et des sanctions quasi automatiques pour les pays affichant un déficit supérieur à 3% du PIB.

    Cette règle d’airain, plutôt que d’or, pourrait sembler aux naïfs être une saine gestion des affaires publiques.

    Il n’en est rien, car ses conséquences sont contraires à nos principes démocratiques. Son principal danger est de limiter la souveraineté parlementaire sur le budget en nous obligeant notamment à soumettre préalablement à Bruxelles les projets de lois de finances.

    Il place ainsi les budgets nationaux sous la tutelle des institutions européennes, mais aussi, indirectement, du Fonds monétaire international.

    Ce serait ainsi, pour un gouvernement, accepter d’avance de renoncer à la liberté de décider de la politique qu’il veut appliquer, à la liberté de mener une politique de transformation sociale.

    Et il est prévu que cela se fasse en vertu de dispositions contraignantes et permanentes venues d’ailleurs et qui s’imposeraient à nos lois de finances.

    Dans ces conditions, que devient l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’un des fondements de notre Constitution, qui nous dit, je le cite, que « les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » ?

    Qu’en est-il aussi de l’article 39 de notre Constitution, qui dispose que « les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale » ?

    Soumettre ainsi nos budgets à une institution supranationale composée de technocrates non élus est clairement incompatible avec nos principes constitutionnels. Je le répète avec force, les fondements même de ce traité heurtent fondamentalement les principes démocratiques énoncés dans notre Constitution.

    De ce point de vue, à la veille d’échéances électorales qui peuvent changer l’avenir de notre pays, il n’est pas souhaitable que le Président de la République sortant décide, seul, aujourd’hui, de les mettre en cause lors de ce prochain Conseil européen.

    Lorsqu’il faudra, dans quelque temps, ratifier ce traité, qui comprends tant de mesures néfastes pour l’intérêt national et celui des peuples d’Europe, il faudra donc consulter notre peuple pour qu’il s’exprime en toute connaissance de cause.

    Nos institutions le permettent, c’est la voie du référendum que le Président de la République, quel qu’il soit, devra choisir !

    Telles sont monsieur le ministre, les appréciations dont le groupe communiste, républicain et citoyen souhaitait vous faire part à la veille de ce Conseil.

     

    L'hémicycle de l'Assemblée nationale.

    L'hémicycle de l'Assemblée nationale. AFP/JOEL SAGET

    Le Parlement français a donné mardi 28 février son feu vert au Mécanisme européen de stabilité (MES), structure commune permanente pour financer les pays en difficulté de la zone euro. Le vote s'est tenu dans un climat de polémique politique, attisé par la campagne électorale.

    Après l'Assemblée nationale le 21 février, le Sénat a approuvé mardi les deux traités qui vont remplacer à terme l'actuel Fonds européen de solidarité par le MES. Le premier texte, qui modifie un article du traité de l'Union européenne, autorise la création d'un tel mécanisme, tandis que le second traité fixe ses modalités de fonctionnement.

    ABSTENTION SOCIALISTE

    Ces deux traités sont juridiquement distincts du pacte de stabilité budgétaire conclu entre 25 pays de l'UE, qui doit être officiellement signé le 1er mars et que le candidat socialiste à l'élection présidentielle, François Hollande, veut renégocier. Mais un lien fort existe entre les deux car les prêts du MES ne pourront être accordés qu'à des pays membres du pacte. Ce lien a justifié l'abstention socialiste. La gauche s'est toutefois divisée, les communistes du Front de gauche votant contre. Cette abstention a été qualifiée de "faute historique" par le premier ministre François Fillon.

    Ce vote intervient alors que le sommet de la zone euro prévu le 2 mars à la fin du sommet européen des 27 a été annulé en raison des réticences de l'Allemagne à discuter des moyens alloués au MES, ce pare-feu contre les crises des dettes.

    http://www.lemonde.fr

    Le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le Mécanisme Européen de Stabilité a été adopté par le Sénat le 28 février 2012

    Les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen ont voté contre le MES mais aussi contrele projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.

    Les sénateurs socialistes se sont abstenus

    - Voir le scrutin

    Lire les interventions :

    - Un instrument de vassalisation des peuples européensModification de l’article 136 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne - Par Eric Bocquet / 28 février 2012

    - Pourquoi je vote contre le MES (Mécanisme européen de stabilité) - Par Annie David / 28 février 2012

    - Un nouveau coup de force des partisans de l’Europe libéraleMécanisme européen de stabilité : exception d’irrecevabilité - Par Eliane Assassi / 28 février 2012

    - Vous devez refuser la soumission de notre peuple aux partisans d’un libéralisme sans frein en Europe - explication de vote sur l’exception d’irrecevabilité - Par Eliane Assassi / 28 février 2012


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  • L’Europe, malade de l’austérité, par Paul Krugman
     
    28 février 2012

    « De quoi souffre l ’Europe ? En vérité, le problème est essentiellement monétaire. En introduisant une monnaie unique sans disposer des institutions nécessaires pour lui permettre de fonctionner, l’Europe a en fait recréé les vices de l’étalon-or - vices qui ont joué un rôle majeur dans l’apparition et la prolongation de la Grande Dépression. » Le prix Nobel Paul Krugman met en garde ses compatriotes contre les politiques « cruelles et destructrices » appliquées en Europe.

    Par Paul Krugman, New York Times, 26 février 2012

    Lisbonne - La situation est ici dramatique, avec un taux de chômage qui s’est envolé au-delà de 13%. C’est encore pire en Grèce, en Irlande, et sans doute en Espagne. L’Europe dans son ensemble paraît retomber dans la récession.

    Pourquoi l’Europe est-elle devenue « l’homme malade » de l’économie mondiale ? Tout le monde connaît la réponse. Malheureusement, la plupart de ce que les gens croient savoir est faux - et ces lectures erronées des malheurs de l’Europe déforment nos conceptions en matière économique.

    Lisez une tribune sur l’Europe - ou un compte rendu soi disant factuel - et vous rencontrerez probablement l’une de ces deux thèses, que je qualifie de version républicaine et de version allemande, mais dont aucune ne s’accorde avec les faits.

    La version républicaine - qui constitue l’un des thèmes centraux de la campagne de Mitt Romney -, c’est que l’Europe est en difficulté parce qu’elle dépense trop pour aider les pauvres et les malheureux, et que nous assistons à l’agonie de l’État-providence. Cette version est d’ailleurs un thème favori de la droite. En 1991, lorsque la Suède était victime d’une crise bancaire provoquée par la déréglementation (cela ne vous rappelle rien ?), le Cato Institute a publié un rapport triomphant clamant que cela prouvait la faillite du modèle de l’État providence.

    Ai-je mentionné que la Suède, qui a encore un État-providence très généreux, enregistre actuellement des performances brillantes, avec une croissance économique plus rapide que celle de toute autre nation développée ?

    Mais, soyons systématiques. Observons les 15 nations européennes qui utilisent actuellement l’euro (en laissant de côté Malte et Chypre), et classons-les en fonction du pourcentage du PIB qu’ils consacraient aux programmes sociaux, avant la crise. Les pays en difficulté (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Italie) se distinguaient-ils par des programmes sociaux exceptionnellement importants ? Non, ce n’est pas le cas ; seule l’Italie était parmi les cinq premiers, mais ses dépenses étaient cependant inférieures à celle de l’Allemagne.

    Ce ne sont donc pas les dépenses de l’États-providence qui ont provoqué leurs difficultés.

    Voyons ensuite la version allemande, qui affirme que c’est tout le mal provient d’une irresponsabilité budgétaire. Cette version semble correspondre à la situation de la Grèce, mais à personne d’autre. L’Italie avait connu des déficits dans les années précédant la crise, mais ils étaient seulement légèrement supérieurs à ceux de l’Allemagne (l’importante dette de l’Italie est un héritage de politiques irresponsables menées il y a plusieurs années). Les déficits du Portugal étaient significativement inférieurs, tandis que l’Espagne et l’Irlande dégageaient en fait des excédents.

    Au fait, des pays qui ne sont pas dans l’euro paraissent se permettre un déficit et une dette importants, sans pour autant être confrontés à des crises. La Grande-Bretagne et les États-Unis peuvent emprunter à long terme à des taux d’intérêt d’environ 2%. Le Japon, qui est beaucoup plus endetté que n’importe quel pays en Europe, Grèce incluse, ne paie que 1%.

    En d’autres termes, l’hellénisation de notre discours économique, affirmant qu’il suffirait d’une année supplémentaire ou deux de déficits avant de se transformer en une nouvelle Grèce, est complètement dépourvue de fondement.

    Alors, de quoi souffre l ’Europe ? En vérité, le problème est essentiellement monétaire. En introduisant une monnaie unique sans disposer des institutions nécessaires pour lui permettre de fonctionner, l’Europe a en fait recréé les vices de l’étalon-or - vices qui ont joué un rôle majeur dans l’apparition et la prolongation de la Grande Dépression.

    Plus précisément, la création de l’euro a favorisé un sentiment de sécurité illusoire parmi les investisseurs privés, faisant ainsi déferler d’énormes et insoutenables flux de capitaux vers toutes les nations appartenant à la périphérie de l’Europe. En conséquence de cet afflux de capitaux, les coûts de production et les prix ont augmenté, l’industrie est devenue non compétitive, et des nations dont les échanges commerciaux étaient relativement équilibrés en 1999, ont commencé a enregistrer d’importants déficits commerciaux. Puis la musique s’est arrêtée.

    Si les pays de la périphérie avaient encore leurs propres monnaies, ils pourraient et voudraient utiliser la dévaluation pour rétablir rapidement leur compétitivité. Mais ils ne le peuvent pas. Ce qui signifie qu’ils vont subir une longue période de chômage de masse et seront lentement broyés par la déflation. Leurs crises de la dette sont principalement une conséquence de cette funeste perspective, parce que les économies déprimées aggravent les déficits budgétaires et que la déflation alourdit le fardeau de la dette.

    Pourtant, comprendre la nature des difficultés de l’Europe ne procure que bien peu d’avantages aux Européens eux-mêmes. Les nations concernées n’ont à leur disposition que de mauvaises options : soit elles subissent les douleurs de la déflation, soit elles prennent la décision radicale de quitter la zone euro, ce qui n’est pas faisable, politiquement, avant que tout le reste n’ait échoué (la Grèce semble être proche de ce point). L’Allemagne pourrait aider à la résolution des problèmes en renonçant à sa propre politique d’austérité et en acceptant une inflation plus élevée, mais cela ne se produira pas.

    Pour nous, cependant, comprendre ce qui se passe en Europe fait une énorme différence, car les lectures erronées de la situation de l’Europe sont utilisées pour mener des politiques qui seraient cruelles, destructrices, ou les deux à la fois. La prochaine fois que vous entendrez des gens qui invoquent l’exemple européen pour exiger que nous détruisions notre filet social de sécurité ou sabrions dans les dépenses au moment où l’économie reste profondément déprimée, voici ce que vous devrez garder en tête : ils ne savent pas de quoi ils parlent.


    Publication NYT, traduction Contre Info

    http://www.nytimes.com/2012/02/27/opinion/krugman-what-ails-europe.html ?_r=1&hp


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  • Par Yves Dimicoli, responsable du secteur financier et économique ( PCF )

     À crise systémique réponses systémiques, Les tentatives de réponses capitalistes aux défis des révolutions informationnelle, écologique, démographique et monétaire préparent le risque d'un nouvel éclatement du surendettement et de la suraccumulation beaucoup plus grave encore qu'en 2008.

     

    Depuis le grand tournant de 2008-2009, les États interviennent massivement et leurs dirigeants mettent en avant des projets de transformation qui peuvent apparaître d'ampleur. Cela reste toutefois très limité car on vise, par- dessus tout, à respecter les intérêts établis, à répondre aux exigences de rentabilité financière des capitaux dominants et aux injonctions des marchés financiers, d'où une exacerbation des antagonismes. Déjà, en zone euro, les essais successifs de règlement de la « crise des dettes souveraines » brisent la demande, font rechuter la croissance et repartir, sans cesse, la spéculation.

    Elles rationnent les dépenses, redoublent dans l'endettement sur les marchés financiers et le refinancement bon marché des banques sans changement des critères du crédit.

    Elles alignent l'Europe derrière les exigences allemandes en sanctuarisant le pouvoir de création monétaire de la BCE au service de la finance.

    Mais, au delà, grandissent les risques d'effondrement des bons du trésor des États-Unis et du dollar et, dans leur sillage, d'une remontée des taux d'intérêt à long terme. Cela précipiterait d'autant plus l'économie planétaire dans la dépression qu'éclateraient aussi les surinvestissements dans l'industrie, dans les pays émergents notamment. Dépasser les marchés du capitalisme mondialisé

     

    C'est dire le besoin de commencer à rompre pour un nouveau type de croissance et de développement.

     

    Pour sortir de la crise systémique, il faut des réponses de portée systémique tendant à maîtriser et commencer à dépasser tous les marchés du capitalisme mondialisé, au lieu de chercher à les « réguler » ou « moraliser ».

     

    Il s'agit, d'abord, du marché du travail avec l'avancée vers un système de sécurité d'emploi ou de formation par des mesures progressives contre la « flexisécurité »: reclassement choisi des salariés licenciés, nouveaux contrats de travail sécurisés, gros progrès de l'indemnisation et du retour à l'emploi des chômeurs, généralisation des mises en formation avec conservation du salaire, affiliation de chacun-e à un service public d'emploi et de formation dès la fin de la scolarité, conférences nationales et régionales pour des objectifs chiffrés annuels d'emploi et de formation avec les moyens nécessaires pour les réaliser... Ce système, une fois achevé, assurerait à chacun-e soit un emploi de qualité, soit une formation correctement rémunérée afin de pouvoir accéder à un meilleur emploi choisi, avec une continuité ascensionnelle des droits et revenus.

    Cette rotation entre emploi et formation, tout le long de la vie active de chacun-e, permettrait de métamorphoser le travail, de réduire son temps et son rapport au temps « hors travail », de progresser vers l'éradication du chômage et un dépassement du salariat lui-même.

     

    Avec un grand élan novateur des principes de mutualisation de la protection sociale et un essor considérable des services publics, tous les temps de la vie de chacun-e pourraient être sécurisés.

     

    Maîtriser les marchés monétaires et financiers

    Cela concerne deux grands enjeux.

    Le premier consiste à promouvoir un nouveau crédit bancaire pour les investissements matériels et de recherche. Il serait sélectif, avec des taux d'intérêt d'autant plus abaissés, jusqu'à être nuls, voire négatifs, que seront créés de bons emplois et de bonnes formations. Au plan institutionnel, cela va de la création de Fonds publics régionaux de prise en charge de tout ou partie des intérêts du crédit, à la constitution, au niveau national, d'un pôle financier public à partir des organismes publics (CDC, la Banque postale, Oséo...) et avec des banques nationalisées. Cela concerne, aussi, le niveau européen, avec un refinancement des banques ordinaires par la BCE modulé pour encourager le développement du nouveau crédit. Au-delà, il y a la visée d'une monnaie commune mondiale, alternative au dollar, à partir des droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international qu'il faut transformer radicalement, de concert avec la Banque mondiale.

    Le second enjeu concerne la prise systématique de dettes publiques par la création monétaire de la BCE et par le FMI transformé.

     Il s'agit non seulement de casser les reins à la spéculation sur ces dettes et d'organiser des re-négociations, mais aussi de financer une grande expansion des services publics nationaux et de leurs coopérations via un « Fonds social, solidaire et écologique de développement européen » démocratique, au lieu du pacte de stabilité. Maîtriser les productions

    Troisième marché à maîtriser, celui des productions. Il s'agit d’inventer de nouveaux critères de gestion d'efficacité sociale des entreprises pour que reculent les gâchis de capitaux, progressent toutes les capacités humaines, avancent d'autres modes de production et de consommation.

     

    Cela appelle des droits nouveaux des travailleurs et de leurs organisations pour faire prévaloir des propositions aptes à sécuriser l'emploi, la formation, les salaires, l'environnement, en sollicitant les institutions de crédit, en cherchant, face aux problèmes de compétitivité, à faire baisser les coûts du capital (intérêts et dividendes) et non les « coûts du travail ».Il s'agit aussi d'accroître les participations publiques dans les entreprises et de promouvoir de nouvelles entreprises publiques et socialisées visant, avec une planification stratégique, une cohérence nouvelle des filières industrielles et de services.

     

    Enfin, il faut maîtriser le marché mondial avec le remplacement de l'OMC par une institution organisant les coopérations nécessaires à la maîtrise du commerce mondial, au recul des dissymétries qui encouragent délocalisations et dumping social, pour un co-développement.

    Cela exige aussi de promouvoir des services et biens communs publics mondiaux comme l'environnement, l'eau, l'alimentation, l'énergie, les transports, la culture, la monnaie... toutes choses qui, en articulation avec l'avancée de nouvelles valeurs et une convergence des luttes contre toutes les dominations, feraient cheminer vers une autre civilisation.

     

     *Yves Dimicoli est responsable du secteur Économie, Finances du PCF.


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  • Ne soyez plus spectateur du désastre qui s’installe :

    avec le Parti Communiste Français et le Front de Gauche, prenez votre avenir en mains !

    Aux assemblées citoyennes, prenez le pouvoir !



    -    pour une Gauche qui ose s’attaquer aux vrais privilégiés
    -    pour reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers
    -    pour s’affranchir du traité de Lisbonne et construire une autre Europe
    -    pour une réelle planification écologique
    -    pour interdire les licenciements boursiers et faire reculer la précarité de l’emploi
    -    pour partager les richesses et instaurer un écart de salaires maximum de 1 à 20
    -    pour porter le SMIC à 1700 euros mensuels
    -    pour rétablir le droit à la retraite à 60 ans à taux plein

    Ils prétendent que c’est irréaliste, discutons-en !
    Et vivre avec moins de 1000 euros par mois, c’est réaliste ?
    Au Front de Gauche, la règle d’or, c’est l’humain d’abord !

    Ils nous enfument avec la saga de la dette publique et la vénération du triple A
    Une partie de cette dette est injustifiée. Décryptons l’entourloupe !

    Le Front de Gauche de la 3ième circonscription et ses candidats

    Serge DESBROSSES et Sylvie LEFEVRE

    vous invitent à prendre part à l’Assemblée citoyenne d’Autun :
    Mercredi 29 février  2012  à  18 h 00
    rue du Faubourg St Blaise

    CAFE-EPICERIE
    Chez Françoise Maltaire


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  • De l’oubli de la Seconde période des désordres en Russie à l’oubli du Siècle des humiliations en Chine


    Domenico LOSURDO

    Grand Soir 76

    […] Avec une longue histoire derrière elle, qui l’avait vue pendant des siècles ou des millénaires en position éminente dans le développement de la civilisation humaine, la Chine, en 1820 encore, s’honorait d’un PIB qui constituait 32,4% du produit intérieur brut mondial ; en 1949, au moment de sa fondation, la République populaire chinoise est le pays le plus pauvre, ou parmi les plus pauvres, du monde [1]. Ce qui a déterminé cet effondrement est l’agression colonialiste et impérialiste qui commence avec la Guerre de l’opium. Célébrées en termes même emphatiques par les plus illustres représentants de l’Occident libéral (qu’on pense à Tocqueville et à John Stuart Mill), ces guerres infâmes ouvrent un chapitre extrêmement tragique pour le grand pays asiatique. Le déficit dans la balance commerciale chinoise provoqué par la victoire des « narcotraficantes britanniques », la terrible humiliation subie (« Des femmes chinoises sont approchées et violées » par les envahisseurs. « Les tombes sont violées au nom de la curiosité scientifique. Le minuscule pied bandé d’une femme est extirpé de sa tombe »), et la crise mise en évidence par l’incapacité du pays à se défendre des agressions externes, jouent un rôle de premier plan pour déterminer la révolte des Taiping (1851-64), qui mettent à l’ordre du jour la lutte contre l’opium. C’est « la guerre civile la plus sanglante de l’histoire mondiale, avec une estimation de vingt à trente millions de morts » [2]. Après avoir puissamment contribué à la provoquer, l’Occident en devient le bénéficiaire, car il peut étendre son contrôle sur un pays tenaillé par une crise de plus en plus profonde, et un pays de plus en plus dépourvu de défenses. S’ouvre alors une période historique qui voit « la Chine crucifiée » (la Russie et le Japon se sont joints entre temps aux bourreaux occidentaux). Car :... Lire la suite de l'article


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  • De l’oubli de la Seconde période des désordres en Russie à l’oubli du Siècle des humiliations en Chine


    Domenico LOSURDO

    Grand Soir 76

    […] Avec une longue histoire derrière elle, qui l’avait vue pendant des siècles ou des millénaires en position éminente dans le développement de la civilisation humaine, la Chine, en 1820 encore, s’honorait d’un PIB qui constituait 32,4% du produit intérieur brut mondial ; en 1949, au moment de sa fondation, la République populaire chinoise est le pays le plus pauvre, ou parmi les plus pauvres, du monde [1]. Ce qui a déterminé cet effondrement est l’agression colonialiste et impérialiste qui commence avec la Guerre de l’opium. Célébrées en termes même emphatiques par les plus illustres représentants de l’Occident libéral (qu’on pense à Tocqueville et à John Stuart Mill), ces guerres infâmes ouvrent un chapitre extrêmement tragique pour le grand pays asiatique. Le déficit dans la balance commerciale chinoise provoqué par la victoire des « narcotraficantes britanniques », la terrible humiliation subie (« Des femmes chinoises sont approchées et violées » par les envahisseurs. « Les tombes sont violées au nom de la curiosité scientifique. Le minuscule pied bandé d’une femme est extirpé de sa tombe »), et la crise mise en évidence par l’incapacité du pays à se défendre des agressions externes, jouent un rôle de premier plan pour déterminer la révolte des Taiping (1851-64), qui mettent à l’ordre du jour la lutte contre l’opium. C’est « la guerre civile la plus sanglante de l’histoire mondiale, avec une estimation de vingt à trente millions de morts » [2]. Après avoir puissamment contribué à la provoquer, l’Occident en devient le bénéficiaire, car il peut étendre son contrôle sur un pays tenaillé par une crise de plus en plus profonde, et un pays de plus en plus dépourvu de défenses. S’ouvre alors une période historique qui voit « la Chine crucifiée » (la Russie et le Japon se sont joints entre temps aux bourreaux occidentaux). Car :

     

    A mesure que l’on approche de la fin du 19ème siècle, la Chine semble devenir le jouet d’un destin contre lequel elle n’a plus aucun recours. C’est une conjuration universelle des hommes et des éléments. La Chine des années 1850-1950, celle des plus formidables insurrections de l’histoire, des canonnades étrangères, des invasions et des guerres civiles est aussi celle des grands cataclysmes naturels. Jamais sans doute dans l’histoire du monde le nombre de victimes n’avait été aussi élevé.

     

    L’abaissement général et drastique du niveau de vie, la désagrégation de l’appareil d’Etat et de gouvernement, avec son incapacité, sa corruption, sa subalternité et son assujettissement à l’étranger : tout cela rend l’impact des inondations et des famines encore plus dévastateur : « La grande famine de Chine du nord en 1877-78 […] tue plus de neuf millions de personnes » [3]. C’est une tragédie qui a tendance à revenir périodiquement : en 1928, le nombre des morts se monte à « près de trois millions dans la seule province du Shanxi » [4]. On n’échappe pas à la faim ni au froid : « Les poutres des maisons sont brûlées pour pouvoir se chauffer » [5].

     

    Il ne s’agit pas que d’une crise économique dévastatrice : « L’État est quasi détruit ». Une donnée est en soi significative : « 130 guerres civiles opposent entre eux 1.300 seigneurs de la guerre entre 1911 et 1928 » ; les « militaristes regroupés en cliques » ennemies sont parfois appuyés par telle ou telle puissance étrangère. Par ailleurs, « les guerres civiles répétées entre 1919 et 1925 peuvent être considérées comme de nouvelles Guerres de l’Opium. Leur enjeu est le contrôle de la production et du transport » de cette drogue [6]. Au-delà des corps armés des seigneurs de la guerre, le banditisme véritable déferle, alimenté par les déserteurs de l’armée et par les armes vendues par les soldats. « Vers 1930 on estime que la Chine compte 20 millions de bandits, soit 10% de la population masculine totale » [7]. D’autre part, on imagine facilement le destin qui incombe aux femmes. Dans l’ensemble, c’est la dissolution de tout lien social : « Parfois le paysan vend sa femme et ses enfants. On décrit dans la presse des colonnes de jeunes femmes ainsi vendues qui parcourent les routes, encadrées par des trafiquants, dans le Shaanxi ravagé par la famine en 1928. Elles deviendront des esclaves domestiques ou des prostituées ». Rien qu’à Shanghai, il y a « environ 50.000 prostituées régulières ». Et les activités de brigandage, tout comme le milieu de la prostitution, peuvent compter sur la complicité des concessions occidentales, qui développent à ce sujet de « lucratives activités » [8]. La vie des Chinois ne vaut à présent plus grand-chose, et les opprimés tendent à partager ce point de vue avec leurs oppresseurs. En 1938, dans sa tentative de freiner l’invasion japonaise, l’aviation de Tchang Kaï-chek fait sauter les digues du Fleuve Jaune : 900.000 paysans meurent noyés et 4 millions sont obligés de fuir [9]. Quinze ans avant environ, Sun Yat-Sen avait exprimé sa crainte qu’on puisse arriver « à l’extinction de notre pays et à l’annihilation de notre race » ; oui, peut-être les Chinois se préparaient-ils à subir la fin infligée aux « indigènes rouges » sur le continent américain [10].

     

    Cette histoire tragique en amont de la révolution chinoise disparaît dans l’historiographie et dans la propagande qui entourent le culte négatif des héros. Si dans la lecture de l’histoire de la Russie on procède au refoulement de la Seconde période des désordres, pour le grand pays asiatique on glisse sur le Siècle des humiliations (la période qui va de la Première guerre de l’opium à la conquête communiste du pouvoir). Comme en Russie, en Chine aussi, ce qui va sauver la nation et jusque l’Etat, est en dernière analyse la révolution conduite par le parti communiste. Dans la biographie citée plus haut de Mao Tsétoung, non seulement on ignore l’histoire sommairement reconstruite ici, mais le primat de l’horreur est attribué au leader communiste chinois en portant à son compte les victimes provoquées par la disette et par la famine qui ont affecté la Chine. Un silence rigoureux est observé sur l’embargo infligé au grand pays asiatique immédiatement après l’avènement au pouvoir des communistes.

     

    Sur ce dernier point il faut alors consulter le livre d’un auteur états-unien qui décrit avec une grande empathie le rôle de premier plan joué au cours de la Guerre froide par la politique d’encerclement et d’étranglement économique opérée par Washington aux dépens de la République populaire chinoise. Celle-ci, à l’automne 1949, se trouve dans une situation désespérée. Notons qu’entre-temps la guerre civile est loin d’être terminée : le gros de l’armée du Kuomintang s’était réfugié à Taiwan, et de là continuait à menacer le nouveau pouvoir par des raids aériens et des incursions, d’autant plus que des poches de résistance continuaient à être actives sur le continent. Mais ceci n’est pas l’aspect principal : « Après des décennies de guerres civiles et internationales, l’économie nationale était au bord du collapsus total ». L’inflation s’intrique à l’écroulement de la production agricole et industrielle. Et ce n’est pas tout : « Cette année-là de graves inondations avaient dévasté une grande partie de la nation, et plus de 40 millions de personnes avaient été frappées par cette calamité naturelle » [11].

     

    L’embargo décrété au moment opportun par les USA rend cette crise économique et humanitaire plus catastrophique que jamais. Les objectifs de cet embargo ressortent clairement des études et des projets de l’administration Truman, et de ce que ses dirigeants admettent ou déclarent : faire en sorte que la Chine « subisse la plaie » d’un « niveau de vie général autour ou en dessous du niveau de subsistance » ; provoquer une « arriération économique », un « retard culturel », « un taux de natalité primitif et incontrôlé », des « désordres populaires » ; infliger « un coût lourd et plutôt prolongé pour toute la structure sociale » et créer, en dernier ressort, « un état de chaos » [12]. C’est un concept qui revient de façon obsédante : il faut conduire un pays aux « besoins désespérés » vers une « situation économique catastrophique », « vers le désastre » et le « collapsus » [13]. Ce « pistolet économique » pointé contre un pays surpeuplé est meurtrier, mais cela ne suffit pas à la Cia : la situation provoquée « par les mesures de guerre économique et par le blocus naval » pourrait être ultérieurement aggravée par une « campagne de bombardements aériens et navals contre des ports sélectionnés, des centres ferroviaires, des structures industrielles et des dépôts » ; pour faire bonne mesure, et avec l’assistance des USA, les raids aériens du Kuomintang se poursuivent sur les villes industrielles, Shanghai comprise, de la Chine continentale [14].

     

    A la Maison-Blanche, un président succède à un autre, mais l’embargo reste et il inclut médicaments, tracteurs et engrais [15]. Au début des années soixante, un collaborateur de l’administration Kennedy, Walt W. Rostow, fait remarquer que, grâce à cette politique, le développement économique de la Chine a été retardé « pour des dizaines d’années » au moins, tandis que les rapports de la Cia soulignent « la gravité de la situation agricole en Chine communiste », désormais gravement affaiblie par « une surcharge de travail et de malnutrition » (overwork and malnutrition) [16]. S’agit-il alors de diminuer la pression sur un peuple réduit à la faim ? Au contraire, il ne faut pas ralentir l’embargo « pas même pour un réconfort humanitaire ». Profitant aussi du fait que la Chine « est privée de ressources naturelles-clé, en particulier de pétrole et de terre cultivable » et s’appuyant aussi sur la grave crise intervenue entre-temps dans les rapports entre Chine et URSS, on peut tenter l’estocade finale : il s’agit d’ « explorer les possibilités d’un embargo occidental total contre la Chine » et de bloquer dans la mesure la plus complète possible les ventes de pétrole et de blé [17].

     

    Quel sens cela a-t-il alors d’attribuer exclusivement ou principalement à Mao les responsabilités de la catastrophe économique qui s’est longuement abattue sur la Chine, et qui a lucidement et impitoyablement été projetée par Washington dès l’automne 1949 ? Engagés comme ils le sont à faire un portrait grandguignolesque de Mao et à dénoncer ses folles expériences, les auteurs de la monographie à succès ne se posent pas cette question. Et pourtant, ce sont les dirigeants états-uniens eux-mêmes qui, au moment de l’imposer, savent que l’embargo sera encore plus dévastateur à cause de l’ « inexpérience communiste dans le domaine de l’économie urbaine » [18]. Ce n’est pas un hasard si nous les avons entendus parler explicitement de « guerre économique » et de « pistolet économique ».

     

    C’est une pratique qui ne disparaît pas, même après la fin de la Guerre froide. Quelques années avant l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce, un journaliste états-unien décrivait ainsi en 1996 le comportement de Washington : « Les leaders américains dégainent une des armes les plus lourdes de leur arsenal commercial, en visant de façon ostentatoire la Chine, et discutent ensuite furieusement s’ils appuient ou non sur la gâchette ». Une fois mis en acte, l’effacement des rapports commerciaux normaux qu’ils menacent de faire aurait constitué, « en termes de dollars, la plus grande sanction commerciale dans l’histoire des USA, à l’exclusion des deux Guerres mondiales » ; cela aurait été « l’équivalent commercial d’une attaque nucléaire » [19]. C’était aussi l’opinion d’un illustre politologue états-unien, Edward Luttwak : « On pourrait affirmer dans une métaphore que le blocus des importations chinoises est l’arme nucléaire que l’Amérique tient pointée sur la Chine » [20]. Agitée comme menace dans les années quatre-vingt dix, l’ « arme nucléaire » économique a été systématiquement utilisée au cours de la Guerre froide contre le grand pays asiatique, alors que Washington se réservait le droit, de façon explicite et répétée, d’avoir recours aussi à la véritable arme nucléaire.

     

    Au moment de la conquête du pouvoir, Mao est bien conscient du fait que le « problème assez difficile de la reconstruction économique » l’attend : car il est nécessaire d’ « apprendre le travail dans le domaine industriel et économique » et d’ « apprendre de tout expert (quel qu’il soit) » [21]. Dans ce contexte le Grand Bond en avant apparaît comme la tentative désespérée et catastrophique d’affronter l’embargo [22]. Ceci est en partie valable pour la Révolution culturelle elle-même, caractérisée elle aussi par l’illusion de pouvoir promouvoir un développement économique rapide en faisant appel à la mobilisation de masse et aux méthodes adoptées avec succès dans la lutte militaire. Le tout, dans l’espoir toujours de mettre fin une fois pour toutes aux dévastations de la « guerre économique », derrière laquelle s’entrevoit la menace d’une guerre encore plus totale. En ce qui concerne aussi le comportement de despote oriental assumé par Mao surtout pendant la Révolution culturelle, deux choses vont s’employer à l’expliquer : l’histoire de la Chine ainsi que l’idéologie et la personnalité de celui qui exerce le pouvoir ; il n’en demeure pas moins qu’on n’a jamais vu progresser sur la voie de la démocratisation un pays qui est sauvagement agressé sur le plan économique, isolé sur le plan diplomatique et soumis à une terrible et constante menace sur la plan militaire. Devant cet état de fait, il est doublement grotesque de porter exclusivement au compte de Mao « plus de soixante-dix millions de personnes […] mortes en temps de paix à cause de son mauvais gouvernement » [23].

     

    En réalité, « les conquêtes sociales de l’ère de Mao » ont été « extraordinaires » : elles ont vu un nette amélioration des conditions économiques, sociales et culturelles et une forte augmentation de l’ « espérance de vie » du peuple chinois. Sans ces présupposés, on ne peut pas comprendre le prodigieux développement économique qui, ensuite, a libéré des centaines de millions de personnes de la faim, et même de la mort par famine [24]. Si ce n’est qu’on assiste, dans l’idéologie dominante, à un véritable renversement des responsabilités : le groupe dirigeant qui a mis fin au Siècle des humiliations devient une ramassis de criminels, tandis que les responsables de l’immense tragédie d’un siècle et ceux qui ont tout fait pour la prolonger avec leur embargo, se présentent comme les champions de la liberté et de la civilisation.

     

    D. Losurdo

     

    Extrait du livre de D. Losurdo, Staline. Histoire et critique d’une légende noire (Editions Aden, Bruxelles, 2011, traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio), p. 424-32.

     

    http://www.aden.be/index.php?aden=staline-histoire-et-critiq...

     

    Avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur.

     

    [1] Davis (2001), p. 299.

    [2] Losurdo (2005), chap. IX, § 6 et VIII, § 3 (pour Tocqueville et J. S. Mill) ; Davis (2001), p. 22 et 16 ; Spence (1998), p. 53, 62, 134-5 et 234-5 (pour les infamies des envahisseurs et la lutte des Taiping contre l’opium).

    [3] Gernet (1972), p. 530 ; Roux (2007), p. 40.

    [4] Gernet (1972), p. 530.

    [5] Roux (2007), p. 41.

    [6] Idem, p. 34-6.

    [7] Idem, p. 39 et 37.

    [8] Idem, p. 41 et 37.

    [9] Idem, p. 72.

    [10] Sun Yat-Sen (1927), p.32 et 53.

    [11] Zhang (2001), p. 52 et 56.

    [12] Idem, p. 20-1.

    [13] Idem, p. 22, 25 et 27.

    [14] Idem, p. 24, 32 et 71.

    [15] Idem, p. 83, 179 et 198.

    [16] Idem, p. 250 et 244.

    [17] Idem, p. 249-52.

    [18] Idem, p. 22.

    [19] Dale (1996).

    [20] Luttwak (1999), p. 151.

    [21] Zhang (2001), p. 53 et 55.

    [22] Idem, p. 218 et 235.

    [23] Chang, Halliday (2006), p. 734.

    [24] Arrighi (2008), p. 406-7.

     

    URL de cet article 15934 
    http://www.legrandsoir.info/de-l-oubli-de-la-seconde-periode-des-desordres-en-russie-a-l-oubli-du-siecle-des-humiliations-en-chine.html


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  • Louis ARAGON (1897-1982)


    Nous célébrerons cette année le trentième anniversaire de sa disparition. 


    Il était un poète appartenant au mouvement "surréaliste", il était également connu pour son engagement au sein du Parti Communiste Français de 1927 à sa mort, et dirigeant du parti.

     

    On retient de lui une oeuvre considérable, comme des recueils de poèmes (Le Roman inachevé, Les Yeux d'Elsa, ...) et des romans comme Le Paysan de Paris.

     

    Nombre de ses oeuvres ont été mises en musique par Jean Ferrat (Hereux celui qui meurt d'aimer, Un jour un jour, Aimer à perdre la raison, Que serais-je sans toi), Marc Ogeret, mais aussi Léo Ferré avec le poème qui suit, Strophes pour se souvenir. Il s'agit d'un hommage aux résistants étrangers du groupe Manouchian, qui sont morts pour la France.

     

     

    Strophes pour se souvenir

    (1955)

     

    Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes

    Ni l'orgue ni la prière aux agonisants

    Onze ans déjà que cela passe vite onze ans

    Vous vous étiez servi simplement de vos armes

    La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

     

    Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes

    Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants

    L'affiche qui semblait une tache de sang

    Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles

    Y cherchait un effet de peur sur les passants

     

    Nul ne semblait vous voir français de préférence

    Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant

    Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants

    Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

    Et les mornes matins en étaient différents

     

    Tout avait la couleur uniforme du givre

    À la fin février pour vos derniers moments

    Et c'est alors que l'un de vous dit calmement

     

    Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre

    Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

     

    Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses

    Adieu la vie adieu la lumière et le vent

    Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent

    Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses

    Quand tout sera fini plus tard en Erivan

     

    Un grand soleil d'hiver éclaire la colline

    Que la nature est belle et que le coeur me fend

    La justice viendra sur nos pas triomphants

    Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline

    Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

     

    Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent

    Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps

    Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant

    Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir

    Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.

     

    Louis Aragon, Le Roman Inachevé


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  • Ce texte est la traduction d’une interview de Mario Draghi, président de la BCE, et d’un article du Wall Street Journal (WSJ) des 23 et 24 février.

    Ces traductions ont été réalisées par Valérie Courteau (que je remercie ! Autres traducteurs bienvenus !) pour www.les-crises.fr.

    L’interview de Mario Draghi par le WSJ

    Questions & Réponses : au Président de la BCE, Mario Draghi

    Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, a accordé une interview à Brian Blackstone, Matthew Karnitschnig et Robert Thomson, du Wall Street Journal, le 22 février, sur l’importance de l’austérité en Europe, le plan de sauvetage de la Grèce et la récente décision de la BCE de refuser toute perte sur son portefeuille obligataire grec.

    Wall Street Journal : Combien de tours de batte [O.B. : = image empruntée au baseball ; en français on parlerait de manches ou de mi-temps] faudra-t-il avec la Grèce avant que nous sachions si nous en sommes enfin à la résolution qui mettra fin à toutes les résolutions?

    Mario Draghi : Je ne connais pas le baseball. Mais si nous n’avions pas finalisé ce package, on aurait cessé de jouer. Donc, ce pourrait être le début d’un nouveau monde pour la Grèce où les problèmes de financement en suspens ont été réglés. Maintenant, les réformes devront être adoptées. Le gouvernement grec a pris des engagements très sérieux en termes de politique fiscale et dans le domaine des politiques structurelles. Mais il y a des risques concernant leur mise en œuvre et à cause des élections qui approchent. L’Eurogroupe a calculé des probabilités raisonnables de réussite du programme si les mesures, en particulier les mesures structurelles, sont entreprises.

    Aussi on peut voir qu’il y a une prise de conscience différente dans l’opinion publique grecque, dans la mesure où ce qui se passe est douloureux, mais nécessaire. Les personnes, qui sont favorables au défaut, à l’inflation ou encore à la sortie de l’euro ne semblent pas largement majoritaires en Grèce.

    WSJ. : Pensez-vous que la phase aiguë de la crise est passée? Nous n’avons pas observé cette semaine, lorsque la transaction a été décidée, le genre d’exaltation que nous avions pu remarquer avec les plans précédents.

    M.D. : Il est difficile de dire si la crise est terminée. Penchons-nous sur les changements positifs des derniers mois. Il y a une plus grande stabilité des marchés financiers. De nombreux gouvernements ont pris des décisions concernant l’assainissement budgétaire et les réformes structurelles. Nous avons un pacte budgétaire où les gouvernements européens commencent à se libérer de la souveraineté nationale dans l’intention commune d’être ensemble. Le système bancaire semble moins fragile qu’il ne l’était il y a un an. Certains marchés obligataires ont rouvert leurs portes.

    Mais la reprise se déroule très lentement et reste sujette aux risques baissiers. Je suis surpris aussi qu’il n’y ait pas d’exaltation après l’adoption du package, ce qui signifie sans doute que les marchés veulent voir la mise en œuvre des mesures politiques.

    WSJ. : Quand vous regardez le descriptif des risques du package et l’accord, quel est le plus grand risque ? Celui découlant de la rue grecque, ou celui résultant d’une absence de croissance en Grèce?

    M.D. : En fin de compte il semble que le plus grand risque soit le manque de mise en œuvre. Certaines mesures visent directement à améliorer la compétitivité et la création d’emplois. D’autres prévoient une consolidation budgétaire radicale. Les deux sont très complémentaires pour assurer un retour à la croissance après la contraction inévitable de l’activité économique.

    WSJ. : Mais certaines personnes [sic.] disent que Grèce souffre vraiment de conditions similaires à la dépression, avec un écart de PIB de 15% ou 16% depuis le pic. Quel est votre point de vue sur ces politiques d’austérité dans la stratégie plus globale du moment, ce qui oblige à l’austérité à tous les niveaux de coûts afin de réduire les déficits budgétaires?

    M.D. : C’est effectivement une question d’ordre général sur l’Europe. Existe-t-il une alternative à l’assainissement budgétaire? Dans notre cadre institutionnel, les ratios dette/PIB étaient excessifs. Il n’y avait pas d’alternative à l’assainissement budgétaire, et nous ne devrions pas nier que c’est récessif à court terme. À l’avenir, il y aura ce que l’on appelle la voie de confiance, qui va réactiver la croissance, mais ce n’est pas quelque chose qui se produit immédiatement, et c’est pourquoi les réformes structurelles sont si importantes, parce que la contraction à court terme ne sera remplacée par une croissance durable à long terme que si ces réformes sont en place.

    WSJ. : L’austérité signifie des choses différentes, alors qu’est-ce qu’une bonne et qu’est-ce qu’une mauvaise austérité ?

    M.D. : Dans le contexte européen, les taux d’imposition sont élevés et les dépenses publiques se concentrent sur les dépenses courantes. Une “bonne” consolidation est celle où les impôts sont plus bas et les dépenses réduites du gouvernement portent sur les infrastructures et autres investissements.

    WSJ. : et la mauvaise austérité?

    M.D. : La mauvaise consolidation est en fait la plus facile à obtenir, parce que l’on pourrait produire de bons chiffres en augmentant les impôts et réduire les dépenses en capital, ce qui est beaucoup plus facile à faire que de couper dans les dépenses courantes. C’est la voie facile en un sens, mais ce n’est pas une bonne solution. Cela déprime la croissance potentielle.

    WSJ. : Quelles sont, selon vous les réformes structurelles les plus importantes?

    M.D. : En Europe ce sont d’abord les réformes des marchés des produits et des services. Et la seconde est la réforme du marché du travail qui prend des formes différentes selon les pays. Dans certains d’entre eux il faut rendre les marchés du travail plus flexibles également plus équitables que ce qu’ils le sont aujourd’hui. Dans ces pays, il existe un double marché du travail : très souple pour la partie jeune de la population, où les contrats de travail sont de trois mois, six mois, des contrats qui peuvent être renouvelés pendant des années. Le même marché du travail est très rigide pour la partie protégée de la population, où les salaires suivent l’ancienneté plutôt que la productivité. Dans un sens, les marchés du travail à l’heure actuelle sont injustes dans un tel contexte, car ils mettent tout le poids de la flexibilité sur la partie jeune de la population.

    WSJ. : Pensez-vous que l’Europe va devenir moins sociale que le modèle qui l’a définie?

    M.D. : Le modèle social européen est déjà mort, quand nous voyons les taux de chômage des jeunes qui prévalent dans certains pays. Ces réformes sont nécessaires pour accroître l’emploi, l’emploi des jeunes en particulier, et donc les dépenses et la consommation.

    WSJ. : L’emploi à vie …

    M.D. : Vous savez qu’il y a eu une époque où (l’économiste) Rudi Dornbusch avait coutume de dire que les Européens étaient si riches qu’ils pouvaient se permettre de payer tout le monde pour ne pas travailler. Ce temps est révolu.

    WSJ. : Avec la Grèce il y a eu beaucoup de concentration sur la réalisation des objectifs numériques. Maintenant, si vous prenez des pays comme le Portugal ou l’Espagne, s’ils parviennent à réaliser ces grandes réformes économiques structurelles, devraient-ils être aussi concentrés sur la satisfaction d’objectifs de déficit spécifiques?

    M.D. : Il n’y a pas de compromis possible entre les deux. L’assainissement budgétaire est inévitable dans la présente configuration, et il donne le temps nécessaire aux réformes structurelles. Faire marche arrière sur les objectifs budgétaires serait provoquer une réaction immédiate du marché. Les spreads souverains et le coût du crédit vont augmenter. Nous avons tous connu cela.

    WSJ. : Pensez-vous que le Portugal aura besoin d’un autre plan de sauvetage?

    M.D. : Non, nous considérons que le programme est sur la bonne voie.

    WSJ. : Où voyez-vous le marché interbancaire aujourd’hui? Est-il guéri ? Est-il encore dysfonctionnel?

    M.D. : Ce que nous avons vu c’est qu’après la première opération de refinancement à plus long terme, le marché obligataire senior non garanti a rouvert. Dans les deux derniers mois, nous avions quelque chose comme 40 Md€ de nouvelles émissions, ce qui est aussi à peu près autant ou plus que dans les six derniers mois. Nous avons également vu 30 Md€ de nouvelles émissions d’obligations couvertes. Mais pour que les marchés interbancaires fonctionnent, nous avons besoin d’un retour à la pleine confiance en contrepartie. Nous pouvons régler les aspects de liquidité du problème. Mais c’est alors que les perspectives de croissance doivent prendre la relève. Après un quatrième trimestre très faible, l’activité économique dans la zone euro se stabilise progressivement à des niveaux faibles.

    WSJ. : Il semble pourtant aussi que le crédit s’est tari en Espagne, en Italie et ailleurs.

    M.D.: Notre dernière enquête sur le crédit bancaire a été effectuée entre le moment où la première LTRO (opération de refinancement à plus long terme) a été décidée et le moment où elle a été exécutée, et ne donne donc qu’une image partielle de ce qui se passe. Cette image n’a pas été positive. Le crédit était resserré sur toute la zone euro à des degrés divers d’intensité, et de façon plus spectaculaire dans les régions méridionales. Nous devons nous demander pourquoi il en est ainsi. L’opération LTRO (en décembre) a atteint 490 Md€. Le retour des liquidités à court terme du système bancaire avant la LTRO était d’environ 280 Md€, de sorte que l’injection nette s’est seulement montée à 210 Md€. Et les obligations bancaires venant à échéance au premier trimestre étaient également d’environ 210 Md€. Par conséquent, il est probable que les banques ont tout simplement racheté leurs propres obligations venant à échéance. Nous avons évité un resserrement encore pire du crédit.

    WSJ. : Seriez-vous prêt à faire plus, ou plus d’opérations de refinancement en cas de besoin?

    M.D. : Vous savez comment nous répondons à ces questions. Nous ne prenons jamais d’engagement précoce.

    WSJ. : La BCE a protégé ses avoirs en obligations grecques en échangeant des obligations pour de nouvelles. Des analystes disent que la BCE devrait subir le même sort qu’ont subi les détenteurs d’obligations du secteur privé. Quelle est votre réaction à cela?

    M.D. : Le Programme de Marché des Valeurs mobilières (SMP) a acheté ces obligations parce que les canaux de transmission des politiques monétaires ont été brisés. L’achat de ces obligations a été effectué pour des raisons d’intérêt public. Aussi les gens ont tendance à oublier que cet argent de la BCE n’est pas de l’argent privé. C’est de l’argent public, ce sont des capitaux que la BCE s’est engagée à protéger, c’est l’argent des contribuables.

    WSJ. : Est-ce que cela réduit l’impact des futurs achats, ou êtes-vous prêts à réduire progressivement le SMP?

    M.D. : Le fonds de SMP sont de petite taille si on les compare à la taille des marchés obligataires européens, et les interventions sont devenus de plus en plus rares, ces derniers temps.

    WSJ. : Pouvez-vous exclure les restructurations de la dette à venir? Certains analystes disent qu’un pays comme le Portugal pourrait en avoir besoin.

    M.D. : Nous sommes confiants sur le fait que les pays de la zone prendront des mesures appropriées et que les objectifs de leurs programmes sont réalisables et réalistes.

    WSJ. : Il y a eu de nombreuses discussions quant à savoir si les Chinois vont s’impliquer, si la Chine va acheter des obligations. Que pensez-vous de la participation institutionnelle chinoise sur les marchés financiers européens?

    M.D. : Jusqu’ici, je ne vois aucune participation officielle sur les marchés financiers publics européens. Il y a eu beaucoup de discussions et de conversations. J’en entends parler, mais je n’ai vu aucun investissement officiel sur les marchés financiers européens.

    WSJ. : Au cours de la dernière année deux hauts responsables allemands de la BCE ont démissionné. Le président actuel de la Bundesbank s’est opposé à l’échange d’obligations et a parlé des risques associés aux opérations de refinancement à trois ans. Y a-t-il un risque que l’Allemagne soit isolée au sein de la BCE?

    M.D. : Le vote pour les opérations de refinancement à trois ans a été unanime. Étant donné la nature particulière de la BCE, l’un de mes objectifs est que nous ayons, tant que possible, un consensus. Nous devons faire les bons choix, et nous devons les faire ensemble.

    WSJ. : Quand on regarde la crise de la dette depuis l’extérieur, les gens voient toutes ces réunions de crise et même si l’Europe a beaucoup de richesses, elle ne semble pas être en mesure de canaliser l’argent et a s’en remettre trois fois au FMI. Que voulez-vous dire aux non-Européens ? L’Europe semble être un risque majeur et ne semble pas pouvoir résoudre ses problèmes toute seule.

    M.D. : Je n’aurai pas un point de vue si négatif. Beaucoup de choses ont eu lieu en Europe depuis un an et demi. L’Europe est composée de différents pays : des pays qui possèdent des conditions initiales de dette forte, des pays à faible croissance et des pays à faible dette et à forte croissance, et se pose alors la question fondamentale de savoir comment nous allons faire une union budgétaire. Nous ne pouvons pas avoir un système qui vous permette de dépenser ce que vous voulez, puis demander d’émettre une dette commune. Vous ne pouvez pas avoir un système où vous dépensez et où je paie pour vous. Avant de passer à une union financière, nous devons avoir en place un système où les pays peuvent montrer qu’ils peuvent se tenir debout seuls. Et c’est la condition sine qua non pour que les pays fassent confiance aux autres. Ce soi-disant traité budgétaire est en fait une réalisation politique majeure, car c’est le premier pas vers une union fiscale. Il s’agit d’un traité par lequel les pays vont se libérer de la souveraineté nationale [sic.] dans le but d’accepter des règles budgétaires communes qui sont particulièrement contraignantes, d’accepter la surveillance et d’accepter d’avoir ces règles inscrites dans leur Constitution afin qu’elles ne soient pas faciles à changer. Donc, c’est le début.

    WSJ. : Vous êtes en fonction depuis maintenant quatre mois. Y a-t-il quelque chose qui vous a surpris? Regrettez-vous d’avoir pris ce travail ?

    M.D. : Vous le dirais-je si c’était vrai ? Non, je ne regrette pas d’avoir pris ce travail. J’ai été membre du Conseil d’administration pendant six ans, alors certes cette nouvelle partie du poste est axée sur le mécanisme interne de la BCE. Mais des décisions de politique monétaire et les décisions connexes ont fait partie de mes fonctions, même avant, parce que nous avons partagé des décisions qui ont été prises dans le passé.

    WSJ. : Vos premiers mois à la tête de la BCE ont été marqués beaucoup d’activité. La BCE peut-elle faire beaucoup plus quand il s’agit de la stabilité financière et la croissance économique? A-t-elle fait à peu près tout ce que faire se peut?

    M.D. : Ce que je vais dire ne concerne que les futures décisions de politique monétaire. Par son mandat principal, la BCE fera tout son possible pour assurer la stabilité des prix à moyen terme et il est de la compétence du traité de favoriser la stabilité financière.

    WSJ. : Quelle est les premiers chiffres vous regardez le matin?

    M.D. : les marchés boursiers.

    WSJ. : Vous regardez le taux de change de l’euro?

    M.D. : Pas au petit matin.

    Source : Wall Street Journal

    dessin humour cartoon mario draghi

    Retour sur quelques phrases marquantes

    Mario Draghi est ce genre de personne qu’on qualifie volontiers de “technocrate”, de “technicien” “apolitique” – un saint homme défenseur du bien public et un partisan des mesures “courageuses” qui vont sauver un pays.

    Bien entendu, c’est rarement le cas, et on voit bien aussi le projet qui est défendu – sans grande surprise, les saints sont rarement passés par Goldman Sachs…

    Je trouve au passage “étonnant” cet acharnement a détruire nos modèles sociaux. Certes, ils doivent évoluer, mais bon, ils ont accompagné les 30 Glorieuses par la réduction des inégalités qu’ils ont permise. Et quand on a cassé en partie ce modèle, les inégalités ont augmenté, et l’économie est rentrée en crise. Je n’aime pas les conclusions trop faciles et hâtives, mais bon, de là à conclure que le modèle social est un handicap, c’ets faire montre d’une logique singulière…

    Verbatim :

    M.D. : C’est effectivement une question d’ordre général sur l’Europe. Existe-t-il une alternative à l’assainissement budgétaire? Dans notre cadre institutionnel, les ratios dette/PIB étaient excessifs. Il n’y avait pas d’alternative [O.B : AHHHH, enfin, le fameux TINA, « il n’y a pas d’alternative », circulez] à l’assainissement budgétaire, et nous ne devrions pas nier que c’est récessif à court terme. À l’avenir, il y aura ce que l’on appelle la voie de confiance, qui va réactiver la croissance [O.B. : Théorie classique de la « Lourdes School of Economics », dont Émile Coué et Sainte Rita sont les figures tutélaires], mais ce n’est pas quelque chose qui se produit immédiatement [O.B. : comptez quelques décennies quand même…], et c’est pourquoi les réformes structurelles sont si importantes, parce que la contraction à court terme ne sera remplacée par une croissance durable à long terme que si ces réformes sont en place.

    Une “bonne” consolidation est celle où les impôts sont plus bas [O.B. : « apolitique » le technocrate, on a bien dit…]

    M.D. : La mauvaise consolidation est en fait la plus facile à obtenir, parce que l’on pourrait produire de bons chiffres en augmentant les impôts et réduire les dépenses en capital, ce qui est beaucoup plus facile à faire que de couper dans les dépenses courantes. C’est la voie facile en un sens, mais ce n’est pas une bonne solution. Cela déprime la croissance potentielle. [O.B. : « apolitique » le technocrate, on a bien dit…]

    M.D. : Le modèle social européen est déjà mort [O.B. : il va être urgent de se mettre à croire en la résurrection... Qui ne tient qu'à nous... En revanche, c'est moi où il a oublié de dire que le financiarisme aussi était mort ? À force de fréquenter des banques zombies, il a dû oublier...]

    M.D. : En Europe ce sont d’abord les réformes des marchés des produits et des services. Et la seconde est la réforme du marché du travail qui prend des formes différentes selon les pays. Dans certains d’entre eux il faut rendre les marchés du travail plus flexibles [O.B. « flexible » = diminuer les droits des travailleurs, cela va sans dire…] et également plus équitables que ce qu’ils le sont aujourd’hui. Dans ces pays, il existe un double marché du travail : très souple pour la partie jeune de la population, où les contrats de travail sont de trois mois, six mois, des contrats qui peuvent être renouvelés pendant des années. Le même marché du travail est très rigide pour la partie protégée de la population, où les salaires suivent l’ancienneté plutôt que la productivité. Dans un sens, les marchés du travail à l’heure actuelle sont injustes dans un tel contexte, car ils mettent tout le poids de la flexibilité sur la partie jeune de la population. [O.B. heureusement, tout le monde va être flexible bientôt…]

    M.D.: Notre dernière enquête sur le crédit bancaire a été effectuée entre le moment où la première LTRO (opération de refinancement à plus long terme) a été décidée et le moment où elle a été exécutée, et ne donne donc qu’une image partielle de ce qui se passe. Cette image n’a pas été positive. Le crédit était resserré sur toute la zone euro à des degrés divers d’intensité, et de façon plus spectaculaire dans les régions méridionales. Nous devons nous demander pourquoi il en est ainsi. [O.B. : = on a injecté en aveugle 200 Md€, et cela ne marche pas. Donc dans le doute, on recommence mercredi, mais en plus grand, pour être sûr…]

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    L’article du WSJ : Âpres discussions des Banquiers Européens

    Draghi déclare que le modèle social du continent européen est « mort » et qu’il ne reviendra pas sur l’austérité

    Par Brian BLACKSTONE, Matthew KARNITSCHNIG et Robert THOMSON

    FRANCFORT – Le Président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a mis en garde les pays de la zone euro en difficulté au sujet du fait qu’ils ne pourront pas échapper aux mesures d’austérité et que le contrat social traditionnel du continent est obsolète, alors qu’il s’engageait dans un débat de plus en plus conflictuel sur la manière de faire face aux difficultés économiques et financières de la région.

    Dans une longue interview au Wall Street Journal, dans son bureau du centre-ville de Francfort, M. Draghi réfléchit à la manière dont les vicissitudes de la région ont poussé l’Europe vers une union plus étroite. Il a dit que le modèle d’Europe sociale tant vantée, qui met l’accent sur la sécurité de l’emploi et de généreux filets de sécurité – est “déjà obsolète”, en citant le chômage élevé chez les jeunes; en Espagne, il dépasse les 50%. Il demande instamment des réformes économiques pour stimuler la création d’emplois pour les jeunes.

    Il n’y a pas de solution miracle aux problèmes de l’Europe, a-t-il dit, ajoutant que les attentes de cash chinois, arrivant à notre rescousse, étaient irréalistes. Il a fait valoir au contraire que la poursuite des chocs économiques contraindrait les pays à des changements structurels des marchés du travail et d’autres aspects de l’économie, pour pouvoir retourner à la prospérité à long terme.

    “Vous savez qu’il y a eu une époque où [l'économiste] Rudi Dornbusch avait coutume de dire que les Européens étaient si riches qu’ils pouvaient se permettre de payer tout le monde pour ne pas travailler. Ce bon temps est fini», a déclaré M. Draghi.

    “Il n’y a pas de compromis possible” entre des réformes économiques et des mesures d’austérité budgétaires, a déclaré M. Draghi au cours de l’interview, sa première depuis que la Grèce a conclu son second plan de sauvetage.

    “Un retour arrière sur les objectifs budgétaires provoquerait une réaction immédiate des marchés”, poussant les taux d’intérêt à un niveau plus élevé.

    Les commentaires de M. Draghi arrivent au milieu d’un débat s’intensifiant en Europe quant à savoir si une plus forte austérité est la meilleure prescription pour les pays confrontés à une contraction économique substantielle et ils le placent carrément dans le camp de la ligne dure, aux côtés d’Angela Merkel et d’autres responsables allemands.

    Ces commentaires arrivent aussi dans un contexte de prévisions moroses au sein l’Union économique européenne qui montre la zone euro en risque de récession. Certains gouvernements, en revanche, ont bien résisté en mettant l’accent sur les réductions des dépenses, en faveur de hausses d’impôts, même si celles-ci peuvent étouffer l’entreprise. Accroître les taxes sur la consommation peut aussi augmenter l’inflation, ce qui rend plus difficile, pour la BCE, de maintenir des taux d’intérêt bas et de stimuler la croissance.

    Bien que M. Draghi se soit félicité du calme relatif qui s’est abattu sur les marchés de la dette européenne ces derniers mois, le crédit est demeuré rare, en particulier pour l’Europe du Sud en difficulté.

    Malgré l’immense richesse de l’Europe, il est allé demander des aides au Fonds monétaire international à trois reprises -pour la Grèce, le Portugal et l’Irlande et va y retourner pour demander une aide supplémentaire pour la Grèce. Des responsables de la zone euro ont appelé à l’aide les marchés émergents comme la Chine en proposant l’acquisition, par ces pays, de la dette de la zone euro ou des obligations émises par le plan de sauvetage.

    “Il y a eu beaucoup de discussions et de conversations. J’en entends parler, mais je n’ai vu aucun investissement officiel [de la Chine] dans les marchés financiers européens», a déclaré M. Draghi.

    La Grèce, en dépit de son dernier plan de sauvetage à  130 Md€, demeure un risque majeur, a-t-il dit. Alors qu’Athènes a décidé de réduire son endettement et de réformer son économie, les dirigeants du pays doivent maintenant montrer qu’ils tiendront leurs engagements et mettront les mesures en œuvre.

    “Il est difficile de dire si la crise est terminée”, dit-il.

    Le point de vue des responsables de la BCE sur les programmes d’austérité sera testé dans l’isoloir au cours des prochains mois. Grèce et France voient la tenue d’élections ce printemps, ce qui peut entraîner l’élection de nouveaux dirigeants moins disposés à embrasser pleinement la position de la banque.

    Un certain nombre de dirigeants européens, menés par le Premier ministre italien, Mario Monti, veulent réorienter les priorités de l’Europe loin des réductions de dépenses.

    M. Monti  et le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, qu’il a rencontré à Rome jeudi, ont exhorté les pays de l’UE à travailler plus dur, à rendre leurs économies locales plus compétitives, comme moyen de favoriser la croissance et à contrecarrer les mesures d’austérité sévères.

    M. Draghi a fait valoir que l’austérité, couplée à un changement structurel, est la seule option pour la relance économique. Alors que les réductions des dépenses publiques nuisent l’activité à court terme, a-t-il dit, les effets négatifs peuvent être compensés par des réformes structurelles.

    Son opinion a été appuyée jeudi par la Commission européenne. Malgré la prévision d’une récession pour la zone euro cette année, la commission estime que les gouvernements en difficulté financière « devraient être prêtes à atteindre les objectifs budgétaires.”

    Mais les critiques ont fustigé l’objectif d’austérité forte de l’Europe, en disant que cet objectif entraîne la zone euro, laquelle représente environ un cinquième de la production mondiale, à stagner ou à se contracter, menaçant la reprise mondiale.

    L’affirmation de M. Draghi, selon laquelle des réformes peuvent compenser les effets négatifs de l’austérité, a également été accueillie avec un certain scepticisme. Éradiquer l’inefficacité des marchés du travail ou couper dans les bureaucraties gouvernementales fait baisser la croissance dans le court terme quels que soient les avantages à long terme, disent certains économistes.

    “C’est juste enrober de sucre le message», a déclaré Simon Johnson, ancien économiste en chef au Fonds monétaire international.

    “Une grande partie de ce discours sur la réforme structurelle est illusoire, au mieux, dans le court terme… mais c’est mieux que de dire que vous allez avoir environ 10 années terribles”, a-t-il dit.

    Dans l’interview, M. Draghi a défendu la décision de la BCE de protéger son portefeuille obligataire grec de 50 Md€ des pertes abruptes du secteur privé face aux porteurs d’obligations, dans le cadre d’un accord séparé entre la Grèce et ses créanciers d’effacer € 107 milliards de dettes. La BCE “s’est engagée à protéger l’argent des contribuables.”

    Jeudi,  le chef de la direction de Commerzbank AG, Martin Blessing, a critiqué la décote soi-disant volontaire des investisseurs privés détenant des obligations grecques dans un langage anormalement brutal, la qualifiant “de volontaire comme un aveu pendant l’Inquisition espagnole.”

    Sur d’autres questions liées à la crise de la dette de l’Europe qui dure depuis deux ans, M. Draghi – qui a pris la tête de la BCE il y a moins de quatre mois après avoir été à la tête de la Banque d’Italie pendant six ans, était plus optimiste. Après un quatrième trimestre faible, l’économie de l’ensemble de la zone euro se stabilise, a-t-il dit.

    Les gouvernements ont fait des progrès sur la réduction du déficit, pour rendre les économies plus compétitives. Les banques se sont stabilisées et les marchés obligataires ont réouvert. Le Portugal, que de nombreux analystes pensent être le suivant sur la liste, après la Grèce, pour un plan de sauvetage, n’aura pas besoin d’être secouru à nouveau, a déclaré M. Draghi.

    M. Draghi a reçu des éloges des investisseurs pour sa gestion de la crise ces derniers mois. Il a baissé les taux d’intérêt à des planchers record dos à dos avec des coupes budgétaires.

    La BCE a, en décembre, inondé les banques avec 489 Md€ en prêts à trois ans abordables, et a élargi les types de banques collatérales.

    Pris dans leur ensemble, les mouvements ont conduit à un rassemblement des marchés boursiers et a contribué à exiger un rendement baissier des obligations d’État de l’Italie et de l’Espagne, pays considérés comme essentiels pour empêcher que la crise de la dette de la Grèce ne se propage dans tout le bloc euro.

    Malgré les efforts de la BCE, cependant, le crédit s’est resserré dans toute la zone euro, en particulier dans les régions méridionales de la région. Les banques semblent avoir utilisé une part importante des prêts à trois ans pour racheter leurs propres obligations arrivant à échéance, a dit M. Draghi.

    La crise grecque a mis à nu un grand nombre des faiblesses structurelles dans la configuration de l’euro, qui est régi par une politique du taux d’intérêt unique et n’a pas encore de ministère des Finances commun pour orienter l’argent des pays riches vers les pays pauvres.

    M. Draghi, dont les commentaires sont intervenus avant la réunion des hauts fonctionnaires des finances du Groupe des 20 plus grandes économies développées et émergentes ce week-end, a rejeté les critiques disant que l’Europe ne peut pas avoir de prise sur la crise de sa dette. Les récentes mesures prises par les gouvernements pour créer des contrôles contraignants des déficits sont “une avancée politique majeure” et la “première étape” vers l’union budgétaire, a-t-il dit.

    Il a également fait fi des préoccupations de certains au sujet des mesures agressives de gestion de la crise par la BCE  qui éloigneraient de la banque centrale son membre le plus puissant, l’Allemagne. Deux hauts responsables de l’Allemagne à la BCE qui ont démissionné l’année dernière en opposition aux achats d’obligations d’État par la BCE, craignent que la banque centrale ait été d’une extrême prodigalité. L’actuel président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a averti des risques associés aux programmes de la BCE en matière de prêts généreux.

    “Un de mes objectifs est que nous ayons un consensus, autant que possible. Nous devons faire les bons choix, et nous devons les faire ensemble”, a déclaré M. Draghi. La décision de la BCE de prêter de l’argent aux banques pendant trois ans a été unanime, ce qui suggère qu’il n’y a pas autant de divisions au sein de la BCE que certains observateurs le pensent.

    Source : Wall Street Journal

    “Draghi enterre le modèle social européen”, l’analyse de Philippe Mabille pour Presseurop

    Alors que la BCE s’apprête à faire un nouveau chèque de 500 milliards d’euros aux banques, son patron a affirmé sans détour que, pour sortir de la crise, les pays surendettés n’ont pas d’autre choix que d’appliquer une politique de rigueur extrême. Des mots choquants, mais nécessaires, estime La Tribune.

    “Le modèle social européen est mort” ! Jamais un banquier central n’avait parlé avec autant de brutalité de la crise que nous traversons. Les propos tenus par l’Italien Mario Draghi, le successeur de Jean-Claude Trichet, dans le long entretien qu’il a accordé au Wall Street Journal vendredi 24 février, sont tellement violents, par ce qu’ils impliquent, qu’il n’aurait jamais pu les tenir ailleurs que dans la “bible” de la finance mondiale. Même Jean-Claude Trichet avait plus de précautions de langage quand il tentait d’expliquer aux peuples européens ce qui les attend.

    Pour Mario Draghi, ancien banquier de Goldman Sachs et nouvelle statue du Commandeur de la monnaie en Europe, sauver l’euro aura un prix élevé. Selon lui, il n’y a “pas d’échappatoire” possible à la mise en œuvre de politiques d’austérité très dures dans tous les pays surendettés et cela implique de renoncer à un modèle social fondé sur la sécurité de l’emploi et une redistribution sociale généreuse.

    Ce modèle sur lequel l’Europe a basé sa prospérité depuis la Seconde guerre mondiale a disparu (“has gone”), estime Mario Draghi qui rappelle aux journalistes du WSJ la formule de l’économiste allemand Rudi Dornbusch : “Les Européens sont si riches qu’ils peuvent se permettre de payer les gens pour ne pas travailler”.

    La Margaret Thatcher des temps modernes

    L’intervention du patron de la BCE pourrait sembler une provocation, quelques jours avant que la banque centrale ne renouvelle un deuxième chèque de 500 milliards d’euros aux banques qui viendront mercredi 29 février emprunter de l’argent au guichet illimité qu’elle a mis en place pour sauver l’euro. Comment échapper, avec de tels propos, à la critique montante selon laquelle le système est en train de sacrifier les peuples pour sauver les banques ?

    Les arguments mis en avant par Mario Draghi sont sans appel : tout recul sur les ambitions des programmes de désendettement publics provoquera une immédiate réaction des marchés qui pousseront les taux d’intérêt payés par les États à la hausse, rendant encore plus difficile, sinon impossible, le rétablissement des finances publiques. C’est ce qui est arrivé à la Grèce et a failli se produire au Portugal, en Espagne, en Italie.

    Les propos de Mario Draghi ne sont évidemment pas sans lien avec le calendrier électoral européen. En avril en Grèce, en mai en France, au printemps 2013 en Italie, les peuples vont voter pour choisir leur destin.

    En expliquant, à la façon d’une Margaret Thatcher des temps modernes, que quel que soit le résultat du vote, les gouvernements élus n’auront pas d’autre alternative que de poursuivre des politiques de rigueur extrêmes, de mener des réformes structurelles du marché du travail et de démanteler encore un peu plus leur modèle social, le président de la BCE affiche la couleur.

    Le choix des anciens de Goldman Sachs

    Et qu’on ne vienne pas lui dire que l’accalmie actuelle sur les marchés signifie que la crise est finie. La preuve que ce n’est pas le cas viendra mercredi 29 février, quand les banques viendront chercher auprès de la BCE le soutien sans lequel le système financier ne peut pas tenir.

    Sans la perfusion des banques centrales, aux États-Unis avec le Quantitative Easing [QE, réduction à presque zéro du taux directeur] de la Fed, en Europe avec l’opération de financement à long terme [LTRO] de la BCE, tout s’écroulerait ! Même la Chine en est réduite à soutenir ses banques en difficultés. Bienvenue dans le monde cruel du “QE world”.

    Par cette prise de position très dure, Mario Draghi appelle à une prise de conscience. Mieux vaut selon lui en passer par une purge sévère et des réformes structurelles tout de suite pour rétablir la confiance des marchés que de vivre dix années terribles sous leur pression.

    C’est le choix fait par Mario Monti en Italie, avec succès jusqu’à présent puisqu’en cent jours, cet autre ancien de Goldman Sachs a réussi a sortir son pays de l’œil du cyclone, en changeant comme jamais le visage de l’Italie. La leçon vaut [aussi] pour les autres pays.

    Philippe Mabille

    RÉACTION : Relancer le modèle social au lieu de l’abandonner

    La mort annoncée du modèle social européen est déplorable et vient mettre en péril le système financier et politique européen, écrit Die Wochenzeitung. En laissant les marchés financiers agir à leur guise et les taux d’intérêt à la merci des agences de notation, l’aide accordée à la Grèce est, pour l’hebdomadaire suisse de gauche, vouée à l’échec et “la prochaine aggravation de la crise une question de temps”.

    Celui-ci prône comme unique solution le rejet complet des demandes de la Troïka UE-BCE-FMI et le rétablissement de la souveraineté grecque sur son budget :

    Les objectifs devront être une pondération des niveaux de productivité et des salaires entre les pays. Une politique industrielle européenne dirigée vers une Europe écologique et solidaire serait nécessaire. La répartition patrimoniale et salariale entre les classes, mais également entre les pays de la zone euro, devrait être nivelée à travers une imposition plus forte des hauts salaires et fortunes. Le résultat serait une plus grande égalité devant l’impôt en Europe plutôt que seulement plus d’efficience en Grèce.

    Source : PressEurop

     

     Texte pris sur le blog d'Olivier Berruyer

     

     http://www.les-crises.fr:80/modele-social-draghi/


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