• 12e Congrès de la Confédération européenne des syndicats

    Athènes, 16-19 mai 2011

    Théorie marxiste

    Intervention de Bernard Thibault au 12e congrès de la CES

    12e Congrès de la Confédération européenne des syndicats Athènes, 16-19 mai 2011

    Intervention de Bernard Thibault Secrétaire général, CGT France

    Chers Camarades, bonjour,

    « Résister pour rebondir » : ces deux verbes résument bien les enjeux auxquels nous sommes tous confrontés en tant que syndicalistes.

    Dans son intervention, John Monks a décrit avec la mesure et les mots justes, l’analyse de la crise, qu’il s’agisse de ses origines ou des responsabilités, mais aussi de ses conséquences dramatiques pour les salariés et l’ensemble des populations en Europe.

    Nous partageons ces constats.

    Dès le début de la crise, la CES a su réagir avec ses organisations pour tenter de résister aux plans d’austérité qui se sont multipliés dans les pays.

    Pour ne prendre que les huit derniers mois, nous avons pu mesurer combien il était utile, nécessaire et possible de coordonner nos mobilisations, et combien les salariés y étaient sensibles. Nous mesurons aussi les limites de nos capacités à peser contre les politiques d’austérité inspirées des positions patronales.

    Aujourd’hui, c’est le pacte « Euro + » imaginé par le président français et la chancelière allemande. Nous savons ce qu’il en est : le code du travail anglais ou roumain est trop rigide, les salaires et retraites sont trop élevés en Pologne et ailleurs, le principe du salaire minimum en Belgique et en France doit être aboli.

    Nos camarades grecs doivent rembourser une dette dont ils ne sont pas responsables, la retraite serait un acquis du passé. Il faudrait privatiser les services publics et réduire les budgets sociaux. J’ai bien entendu l’appel que nous adresse Madame Reding ce matin au nom de la Commission européenne : « à vous de créer un climat de confiance » nous dit-elle !

    Cela, nous savons le faire, nous savons diffuser la confiance. Mais la confiance ça se mérite, nous ne pouvons pas donner confiance dans une Europe où la parole des banquiers et des agences de notations compte plus que l’opinion des citoyens et des travailleurs. C’est difficile de donner la confiance quand le tableau de bord de l’Europe s’inquiète d’abord des bonus, des dividendes des actionnaires et non du chômage, de la précarité et des bas salaires, d’un autre partage de la richesse créée par les travailleurs.

    L’Europe est en panne sur le plan économique et sur le plan politique.

    Cette situation alimente la montée des thèses et des partis de l’extrême droite, nationaliste et xénophobe, dans un grand nombre de pays d’Europe. La France n’échappe pas à cette menace, à l’opposé des valeurs que porte le mouvement syndical international.

    Le pacte « Euro + » nous impose de décider dans ce congrès de passer à une étape supérieure d’organisation, de fonctionnement et d’exigences revendicatives coordonnées, entre nous, dans la CES. A partir du moment où les gouvernements et les employeurs se coordonnent pour imposer dans chaque pays les mêmes orientations fondamentales, le syndicalisme a impérativement besoin de s’entendre afin de prolonger les mobilisations nationales par des revendications communes et des mobilisations au plan européen.

    C’est ce que proposent notamment le document de discussion « Vers un marché du travail européen » et le rapport complémentaire « Pour une campagne de la CES contre le dumping social et salarial en Europe ».

    En effet, nous pensons que la question des salaires devrait être un axe fort et commun pour porter des exigences offensives en la matière, comme réponse pour sortir durablement de la crise. Structurer et mener une campagne pour gagner partout cette exigence qu’à « travail égal, salaire égal » devrait, avec le principe d’un salaire minimum, devenir la « carte de visite » de la CES. Cela donnerait du corps à nos batailles pour lutter contre le dumping social entre salariés et entre pays, par la garantie de droits salariaux de haut niveau opposables aux employeurs, partout où s’exerce la mobilité géographique et professionnelle.

    C’est par une solidarité dans l’action et dans la revendication que nous apporterons la meilleure réponse syndicale aux tentations du repli sur soi ou du chacun pour soi.

    Pour conclure, je veux remercier John pour le travail accompli comme Secrétaire général, Joël Decaillon, issu de nos rangs, ainsi que le Secrétariat qui a achevé son mandat dans des conditions difficiles.

    Je veux renouveler, au nom de la CGT française, notre solidarité à l’égard des syndicalistes et des travailleurs grecs, et les remercier d’avoir trouvé l’énergie pour nous recevoir chaleureusement pour les travaux de ce Congrès.

    Je vous remercie.

    Discours prononcé par John Monks, Secrétaire général de la CES, au Congrès de la CES

    Nous avons choisi la ville d’Athènes pour notre 12e Congrès parce que c’est l’œil du cyclone qui menace l’Europe et l’euro.  Nous sommes ici pour montrer notre solidarité. Nous ne sommes pas des bureaucrates en vacances, comme l’affirment certaines affichent dans les rues d’Athènes.  La Grèce est le premier pays qui a été confronté à des difficultés mais il y en aura d’autres.

    La Grèce est le berceau de la civilisation occidentale, mais aujourd’hui elle est aussi le berceau de la crise économique européenne.

    Les agences de notation tournent autour du pays telles des requins autour d’une victime blessée, et l’UE hésite manifestement à lancer un autre plan de sauvetage.

    Cette situation est en partie due à la Grèce elle-même – et en particulier aux problèmes liés à la collecte des impôts.  Mais les clauses de l’UE / du FMI sont trop sévères.  Les remboursements de la dette sont trop élevés et trop précoces.

    Nous l’avons dit dès le départ.  Et je n’ai aucun plaisir à l’affirmer – nous vous l’avions dit.

    Aujourd’hui, les options sont de plus en plus réduites. Personne ne veut commettre d’erreur – et tuer les banques grecques et peut-être d’autres –, ni voir la Grèce sortir de l’euro.  Mais il est urgent de restructurer la dette, d’assouplir les conditions de l’austérité, avec les efforts réciproques de la Grèce. L’austérité ne donne pas de résultats.  La Grèce ne pourra répondre à ses obligations que par la croissance, le respect par les riches et les nantis de leurs obligations à l’égard du pays, en particulier en ce qui concerne l’impôt, et l’adoption de programmes, y compris avec les syndicats, quant aux mesures à prendre.  Il est temps pour la Grèce de se rassembler et non de se désunir – et il est temps pour l’UE d’apporter son aide.

    C’est là un message de ce Congrès.

    Mais ce n’est pas le seul. Si des problèmes menacent aujourd’hui d’engloutir la Grèce, l’Irlande et le Portugal, c’est en réalité toute l’Europe qui est menacée.

    Telle un raz de marée, la  crise financière s’est abattue sur l’Europe en 2008.  Le crédit a disparu, la production industrielle s’est effondrée, les économies se sont arrêtées.

    Au début, l’UE s’en est bien tirée. Les banques ont été soutenues par les gouvernements qui ont assumé la responsabilité des créances douteuses.  Des programmes de travail à temps réduit, des systèmes de mise à la casse des véhicules, et d’autres incitants budgétaires ont permis de maintenir l’économie à flot.  Nous n’avons pas réitéré les décisions désastreuses des années 1930 qui ont précipité la récession et ont encore compliqué la situation.  Les leçons de Keynes semblaient avoir été tirées.

    Jusqu’à la Grèce, en 2010 !  La crise s’est alors déplacée des banques vers les dettes des Etats membres et certains pays individuels ont eux aussi été menacés.

    Alors que le sauvetage des banques a été facile à organiser – les principales décisions politiques ont été prises rapidement – il a été beaucoup plus difficile et tortueux de venir en aide aux pays.  Le “risque moral” a été ignoré lorsque les banques ont été confrontées à des difficultés, mais les Etats membres créditeurs considèrent les états débiteurs comme des bons à rien, des dépensiers incapables, méritant une aide mais aussi une punition.

    En règle générale, le Pacte Euro Plus opérera dans la zone euro et dans six autres pays à partir de 2013, en généralisant l’approche d’austérité, à moins que les économies nationales ne soient totalement compétitives.  Sinon, il est clair que les Etats membres devront abaisser les salaires, réduire les droits à la pension, opérer des coupes dans les dépenses sociales et dans d’autres dépenses publiques.

    Il est déjà clair que les mesures d’austérité sont inefficaces. En Grèce et en Irlande (et au Royaume-Uni où le gouvernement de coalition prescrit un remède similaire), la croissance stagne.

    L’UE doit changer d’orientation.  Elle doit davantage encourager la croissance et pas seulement invoquer les belles paroles de l’UE 2020.  La gouvernance économique ne peut pas être seulement une gouvernance d’austérité.

    Elle doit accorder davantage d’importance à l’égalité.

    Elle doit davantage aider les jeunes qui, à ce jour, sont les principales victimes de la récession.

    Elle doit rétablir la motivation en faveur d’un environnement plus durable et d’économies durables.

    Elle doit lutter contre la montée des eurosceptiques et de la droite nationaliste qui ravageront l’UE et ses voisins s’ils devaient un jour arriver au pouvoir.


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