• Monique et Michel Pinçon-Charlot : 

    "La classe dominante use aussi d’une violence idéologique"

    Monique et Michel Pinçon-Charlot

    Fête de l’Humanité. Deux ans après la parution du Président des riches, Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon reviennent sur le devant de la scène avec la Violence des riches. Une plongée dans l’univers d’une classe dominante dont les instruments de pouvoir, économiques, financiers, culturels, médiatiques et politiques, déstabilisent 
de plus en plus notre démocratie au détriment du peuple. Ils étaient ce samedi les invités des Amis de l’Humanité à La Courneuve.

    Après plusieurs plongées au cœur de l’oligarchie française, vous avez décidé dans votre dernier livre de décrypter la violence que la classe dominante exerce sur le peuple. Comment se traduit cette violence ?

    Monique Pinçon-Charlot. De plusieurs manières… Il y a d’abord la violence économique, dans sa version néolibérale, avec une finance spéculative qui prend le pas sur la production industrielle. Les exemples d’entreprises françaises comme Peugeot, Arcelor et bien d’autres, licenciant à tour de bras malgré des bénéfices énormes sont légion. C’est l’exemple immédiat de cette violence exercée par la confrérie des grandes familles ! Il y a ensuite la violence politique avec le mensonge d’État comme technique assumée. Le président Hollande et son gouvernement ont beaucoup trahi leurs promesses de campagne et les valeurs socialistes. C’est une violence terrible que le mensonge politique. La classe dominante use aussi d’une violence idéologique puisqu’il s’agit de faire croire que le néolibéralisme est naturel. Que les marchés sont comme la lune qui brille ou les prés qui verdoient. Pour ce faire, cette classe très consciente d’elle-même utilise une autre forme de violence : la violence linguistique. Ici, il s’agit de manipuler le langage pour corrompre la pensée. Toutes ces violences forment au final une sorte de feu d’artifice qui aboutit chez les classes moyennes et populaires à un fatalisme mortifère avec le sentiment qu’il est impossible de changer les choses. Et c’est ça le plus terrible.

    Vous parlez de mensonge d’État comme violence politique. Le président Hollande continue à mener une politique dans la continuité de celle de son prédécesseur. N’est-il pas finalement lui aussi un «  président des riches  », comme le titrait votre précédent ouvrage faisant référence au quinquennat 
de Sarkozy ?

    Michel Pinçon. Une des violences les plus profondes, c’est la perte d’adhésion des couches populaires au discours politique. On peut parler aujourd’hui de trahison politique, c’est vrai. Mais le fait est que, dès 1985, François 
Hollande, jeune socialiste maître de conférences à l’université, cosignait un livre intitulé La gauche qui bouge, qui correspond point par point à son programme actuel basé sur l’idée qu’il faut faire des économies dans un seul système possible : le capitalisme. Expliquant au passage que cette politique libérale était la seule chance pour la gauche de succéder à la droite. Or avec un tel point de vue, il ne peut y avoir de vraie opposition.

    "L’alternative, telle que les principaux dirigeants du PS la conçoivent, c’est fini"

    Le changement, ce n’est donc pas 
pour maintenant ?

    Michel Pinçon. En fait, il y a deux mots pour parler de changement : ce sont les mots alternance et alternative. Or l’alternative, telle que les principaux dirigeants du PS la conçoivent, c’est fini. Il ne s’agit en réalité que d’alternance. La majorité des cadres dirigeants étant acquise au libéralisme. Ce livre qui se nomme La gauche qui bouge n’est d’ailleurs plus trouvable en librairie et a disparu de la bibliographie officielle du président. En fait, on se retrouve dans la situation des pays anglo-saxons. Avec des démocrates et des républicains comme aux États-Unis sans qu’il y ait de différences de fond sur le modèle économique. Obama a certes travaillé dans un sens social avec ses garanties santé. Mais il ne s’attaque pas à Goldman Sachs et aux têtes nocives de la finance anglo-saxonne. Obama, c’est l’alternance post-Bush. Blair, c’est l’alternance post-Thatcher. Hollande, c’est l’alternance post-Sarkozy.

    Monique Pinçon-Charlot. Il faut comprendre que parmi les hauts responsables de cette classe sociale, c’est-à-dire les présidents de club, d’institut, tous ces gens qui sont mobilisés pour la reproduction des intérêts de leur classe… beaucoup sont proches du PS ou votent socialiste, avec à leurs côtés des gens qui votent UMP. Tout ce petit monde s’entend très bien. En vérité l’alternance politique est une sorte de bicéphalisme plus ou moins organisé qui permet ainsi de maintenir la défense des intérêts de l’oligarchie.

    Au final, la Ve République, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, ne favorise-t-elle pas cette violence des riches ?

    Monique Pinçon-Charlot. Absolument. C’est pour ça que l’idée d’une VIe République permettrait, avec une nouvelle Constitution, de faire bouger les lignes. J’ai tenté de démontrer que l’évasion fiscale n’était pas une arme de destruction massive contre les États mais que ceux-ci étaient complices de ce jeu pervers. Si LVMH a quarante-six filiales dans les paradis fiscaux, c’est bien parce qu’il y a Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, qui est au conseil d’administration. Ça ne peut pas se faire sans qu’il soit au courant de tout cela. La classe politique est aujourd’hui totalement coupée du peuple. Les ouvriers et les employés, qui représentent 52 % de la population active, ne sont pas représentés du tout ou à hauteur de 0,01 % à l’Assemblée nationale et au Sénat. Voilà une violence concrète. Aussi je milite pour l’abolition du cumul des mandats, pour l’interdiction de faire carrière en politique. Je veux que l’on revoie le statut de l’élu, que l’on institue le vote obligatoire et la reconnaissance du vote blanc dans les suffrages exprimés. Si l’on met ensemble ces cinq mesures, alors ce serait une véritable révolution.

    "Les dominants n’ont pas ce problème de conscience de classe et leurs liens dépassent aussi les frontières"

    Parmi les violences symboliques que la classe dominante fait subir au peuple, vous parliez de la violence linguistique. N’est-ce pas justement par le langage que la lutte commence aujourd’hui à l’ère du tout-médiatique ?

    Michel Pinçon. Une des dimensions primordiales de cette lutte contre la violence symbolique est de réhabiliter les concepts du marxisme. Redire les mots tels qu’ils sont. C’est-à-dire parler de capital et de capitalistes. Parler de ces classes sociales qui sont antagoniques. Parce que les riches accaparent la plus grande part de la plus-value produite. Donc il y a une nécessité de réintroduire ces concepts qui n’ont rien perdu de leur pertinence dans notre société. Et de lutter contre cette dérive lexicale. Par exemple parler de flexi-sécurité, c’est aberrant : si c’est flexible, ce n’est pas de la sécurité. Si c’est de la sécurité, ce n’est pas flexible. Il y a une importance à parler franc et à dire les choses telles qu’elles sont. Parler d’exploitation. Mettre en cause la finance internationale. Expliquer qu’un individu qui gagne un million d’euros, ce qu’il gagne c’est sur le travail des autres. Nous tentons de restituer un état d’esprit de conscience de classe.

    Monique Pinçon-Charlot. Quand on est à la télévision, on tente de remettre les mots à leur place. Quand, devant les caméras, on se retrouve face à des membres de l’oligarchie comme Marc Ladreit de Lacharrière, Pierre Kosciusko-Morizet, toutes ces personnes qui se présentent toujours en bienfaitrices de l’humanité, créateurs de richesses et d’emplois, nous les remettons à leur place en les redéfinissant : vous êtes des spéculateurs, leur dit-on. On ne laisse rien passer. On parle de délinquance en cols blancs. De délits en bandes organisées. De délits des beaux quartiers. S’il le faut, nous inventons des néologismes ou nous réactualisons des termes. Le «  bourgeoisisme  » que nous dénonçons est un contre-pied linguistique au populisme péjoratif dont cette classe nous affuble. Nous en avons marre des flagorneries des riches entre eux. On en a marre du «  bourgeoisisme  » du Figaro. On en a marre du «  richissisme  » des chroniqueurs de la Bourse. On en a marre de «  l’oligarchisme  » de l’ENA et du Who’s Who ! Parler de bourgeoisisme comme nous le faisons en conclusion de notre livre est une arme linguistique rigolote… car avec l’humour aussi on peut faire avancer les choses. La prise de conscience est douloureuse. C’est tous ensemble qu’il faut animer cette prise de conscience. Lors de la promotion du Président des riches, j’exigeais que les gens ne partent pas avant la fin. Je voulais que l’on parte tous ensemble. Mais évidemment nos armes sont limitées. Parmi ces armes, il y a la conscience de classe à travailler… Les dominants n’ont pas ce problème de conscience de classe et leurs liens dépassent aussi les frontières.

    L’internationalisme bourgeois 
est-il une réalité ?

    Michel Pinçon. Bien sûr, dès l’Ancien Régime, les alliances entre familles princières dépassaient les frontières. Aujourd’hui, c’est tout à fait ordinaire de rencontrer quelqu’un qui possède dix mille hectares en Argentine et qui dans le même temps est directeur d’une grande entreprise en France tandis qu’il vient d’hériter d’un château dans un autre coin d’Europe. L’aspect international est lié à l’éducation. Beaucoup parmi les dominants sont trilingues. Espagnol, anglais français. Avec l’anglais toujours comme langue indispensable. Cette dimension internationale est une grande violence. Prenez par exemple des délégués syndicaux qui se retrouvent parachutés à Bruxelles… ils sont perdus parce qu’ils ne parlent pas anglais. Or à Bruxelles l’anglais est très important. Dans certains conseils d’administration, des syndicalistes se retrouvent avec des dossiers énormes en anglais et non traduits. C’est un des exemples les plus terribles où l’on ressent que l’on est dominé. Eux, ils parlent anglais couramment, il y a eu la nurse, il n’y a pas de problème. Ils ont fait un an dans un collège anglais et ont toujours l’occasion de pratiquer.

    Monique Pinçon-Charlot. Oui, l’organisation cosmopolite est absolument transversale à la classe. Dès la naissance, ils apprennent de façon maternelle plusieurs langues. Ils vont dans des collèges, en Espagne, en Angleterre, aux États-Unis. Autour de la table chaque jour, il y a plusieurs nationalités qui sont représentées, que ce soient des membres de la famille ou des amis. L’argent aussi est investi de manière complètement internationale. La culture également. Le monde du marché de l’art est profondément international. De telle sorte que l’internationalisme est consubstantiel à cette classe, et que par la médiation de la sociabilité mondaine, cet internationalisme est un mode de vie. Il n’est pas besoin d’imaginer une théorie du complot pour comprendre le mécanisme de création de groupes informels et très puissants comme Bilderberg, la trilatérale…

    "Nous pensons qu’au néolibéralisme correspond un individu néolibéral, pervers, narcissique, au-dessus des lois"

    Vous venez de le dire que la classe des riches domine l’espace de manière transversale, 
mais ne domine-t-elle pas aussi le temps 
en s’arrogeant l’histoire ?

    Michel Pinçon. Oui. C’est une des dimensions décisives dans la violence symbolique et qui renvoie au vécu de tout un chacun. Par exemple, je me souviens d’une visite chez un noble, très riche, qui nous avait reçus. Il faisait visiter la galerie des ancêtres à son petit-fils et expliquait que tel portrait était celui d’un aïeul du XVIIIe siècle. Donc on voit un enfant qui apprend à devenir membre de la dynastie : il a des ancêtres et il aura des héritiers. Cet enfant était d’emblée plongé dans un temps qui est beaucoup plus long que le temps vécu d’un immigré ou d’un membre de la classe populaire dont la mémoire ne dépasse pas celle du grand-père. Voilà une réalité qui forme une inégalité en profondeur du rapport à l’existence et au temps. Quelques jours après la visite de ce château en Limousin, j’assistais ainsi à la destruction d’une barre HLM à Aubervilliers. Il y avait des enfants qui avaient grandi dans cette barre et qui regardaient partir en poussière ce qui était le lieu de leur enfance. Ils n’auront aucun lieu qui comme ce château représentera leur passé. Il y a donc une vraie précarité de la vie populaire qui n’a pas de commune mesure avec l’espace de sérénité de la vie grande bourgeoise qui se nourrit de plus en plus d’impunité.

    Vous parlez d’impunité, cela implique une inversion des valeurs, l’individualisme prend-il définitivement le pas sur la solidarité ?

    Monique Pinçon-Charlot. En effet, cette classe, en tant que classe dominante, fait du déni de la règle, la qualité du dominant. Et cela, c’est nouveau par rapport au milieu des années 1980. Nous poussons un cri d’alarme car nous pensons qu’au néolibéralisme correspond un individu néolibéral, pervers, narcissique, au-dessus des lois, qui n’hésite pas à être dans la délinquance, sachant qu’il sera impuni car il y a très peu de sanction pénale à la délinquance des riches. Cet individu ultralibéral sans foi ni loi est une menace énorme pour la sécurité de notre pays, pour l’idée d’un changement collectif, organisé, qui ne soit pas la barbarie de tous contre chacun. Il faut que les classes populaires reprennent conscience de cette réalité.

    Monique et Michel Pinçon-Charlot

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  • ArcelorMittal : La solution n’est pas syndicale, elle est politique

    La lutte pour le maintien des outils et des emplois est rentrée dans une nouvelle phase dans le bassin sidérurgique liégeois. Mittal a décidé d’accélérer et veut clôturer au plus vite les négociations pour envoyer les C4. Les travailleurs ne l’entendent pas de cette oreille.

    Damien Robert

    La semaine dernière, les syndicats ont obligé le gouvernement de la Région wallonne à se mouiller dans les négociations. En effet, il y a un peu plus d’un mois, Jean-Claude Marcourt, le ministre de l’économie du gouvernement wallon avait déclaré que le problème chez Mittal était syndical et pas politique. Une façon de renvoyer la balle aux travailleurs et aux organisations syndicales pour leur faire porter le chapeau d’une fermeture que le gouvernement a déjà entériné malgré ses promesses. En effet, le gouvernement est mal à l’aise avec ce dossier dans lequel il multiplie les promesses d’expropriation et de sauvetage des outils  (soit via un repreneur, soit via une éventuelle mise sous statut public) mais pour lequel il n’ose pas faire autre chose que des déclarations gratuites.

    Cette déclaration a poussé les organisations syndicales à revendiquer que le gouvernement se mouille dans le dossier. Ce qu’il a été obligé de faire en acceptant de participer à des négociations tripartites.

    Contre attaque

    Les travailleurs, qui sont en attente d’un résultat positif et qui sentent que l’issue que Mittal veut imposer ne leur est nullement favorable, ont décidé de passer à la contre attaque. Jeudi, des assemblées ont été organisées par la FGTB sur tous les sites et à chacune des pauses. Progressivement, les masques commencent à tomber. Ces derniers jours, il apparaît de plus en plus clair à un nombre grandissant de travailleurs que Mittal ne veut rien négocier. Et que le gouvernement  est prêt à laisser faire Mittal.

    Lors de ces assemblées, les travailleurs ont donc décidé de monter à Namur ce lundi pour mettre la pression sur le gouvernement lors de la réunion tripartite entre ce dernier, les organisations syndicales et Mittal.

    Un front commun uni

    En outre, nombreux sont les travailleurs qui réclament le retour d’un front commun uni pour l’emploi et le maintien des outils. Il est difficile de prévoir l’avenir et les décisions qui vont tomber dans les jours ou dans les semaines à venir. Mais une chose est sûre, Mittal ne veut rien négocier. Tout d’abord, il ne veut pas revenir sur l’annonce de fermeture des lignes de janvier 2013. Ensuite, sa vision industrielle sur les 5 lignes restantes ne garantit même pas leur survie. Enfin, le volume d’emploi sur ces 5 lignes serait restreint, avec une forte externalisation et aucune garantie salariale.

    Si l’intransigeance de la multinationale ne fait aucun doute, la combativité des sidérurgistes a retrouvé des couleurs. Ils sont de plus en nombreux à défendre, à raison, que seule leur lutte pourra obliger les politiques du gouvernement à sauver leurs emplois et leurs outils. En exigeant notamment que le gouvernement mette la sidérurgie sous statut public et en utilisant le décret expropriation qui a tant été vanté par le ministre de l’économie. C’est la seule solution crédible pour le maintien de la colonne vertébrale de l’économie de la région et du bassin liégeois.

    http://www.ptb.be


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  • L’indépendance et le coup d’arrêt porté par Dilma. (La Jornada)

    Angel GUERRA CABRERA

    La seconde indépendance de l’Amérique Latine est probablement l’un des faits géopolitiques les plus importants au niveau mondial dans les quinze dernières années. C’est ce que souligne Mark Weisbrost, bon analyste étatsunien. C’est ce que nous disons en termes similaires depuis deux lustres.

    L’Amérique Latine et les Caraïbes forment aujourd’hui la région la plus indépendante de la planète, avant-garde à l’échelle internationale de la lutte contre le néo-libéralisme, pour la démocratie participative, pour la justice sociale, les droits de peuples originaires, et pour une relation amoureuse et harmonieuse avec la Nature. La la récupération par les gouvernements boliviens, équatorien et vénézuélien du Sumak Kawsay andin,« vivre bien » en quechua, constitue une avancée philosophique et de civilisation de proportions gigantesques qui pourrait servir de base à la construction de sociétés fort éloignées de la dégradation écologique et du consumérisme.

    Il est évident que ce monde arrivera plus tôt si un plus grand nombre de pays rejettent les politiques du concensus de Washington pour qu’il soit possible de construire, comme le propose l’ALBA, une zone économique latino-caribéenne qui gagne peu à peu en autonomie par rapport au marché capitaliste mondial.

    Nous n’oublions pas que plusieurs pays et non des moindres, restent gouvernés par la droite : Mexique, Costa-Rica, Panama, Colombie, Pérou, Chili, mais il faut bien qu’ils se fassent à cette nouvelle réalité comme le prouve leur adhésion aux institutions d’unité et intégration régionale comme l’Unasur et la CELAC. Ce n’est pas un hasard, pour citer un fait récent, si aucun d’entre eux n’a souscrit la déclaration des 25 pays présentée par Washington et exigeant une réponse internationale forte à la Syrie supposée avoir utilisé l’arme chimique.

    L’élection d’Hugo Chavez à la tête du Vénézuéla en 1998 a été le premier fait marquant cette étape pour la seconde indépendance de l’Amérique Latine. Le rejet de l’ALCA de Bush au sommet des Amériques de Mar Del Plata en 2005, rejet exprimé par Chavez à la tête de plusieurs présidents sud-américains constitué également un point déterminant.

    Les gestes d’indépendance et de dignité de la part d’un dirigeant latino-caribéen sont chaque fois plus fréquents. Cette semaine, nous pouvons admirer celui de la présidente du Brésil, Dilma Roussef annulant totalement la visite détat qu’elle devait réaliser aux USA fin octobre. Le fait surprend mais elle a averti Obama à plusieurs reprises, y compris au cours de leur rencontre pendant le G20, qu’elle n’irait pas si des explications complètes et des excuses écrites n’étaient pas présentées suite au scandale d’espionnage de ses lignes téléphoniques et courrier personnels, ceux de différents responsables et entreprises brésiliennes comme Pétrobras, dénoncées par l’informaticien Edward Snowden.

    Dilma nous a raconté son entrevue avec Obama : « je lui ai dit de tout m’expliquer, tout, everything en anglais, » Elle a ensuite déclaré : « les pratiques illégales d’interception des communications et des données de citoyens, d’entreprises et de membres du gouvernement brésiliens constituent un fait grave, attentatoire à la souveraineté nationale et aux droits individuels, ces fait sont incompatibles avec la coexistence démocratique de pays amis ».

    Le fait est d’autant plus notoire qu’une visite d’état, dans le protocole yanqui n’est pas une simple visite officielle, c’est un honneur conféré à bien peu de dignitaires étrangers et jusque là, il n’avait été refusé par personne. Il montre la hauteur du rejet de Dilma à la violation de la souveraineté de son pays.

    Ce n’est un secret pour personne comme le note Weisbrost, Washington considère le virage à gauche de la région -et l’indépendance consolidée par des gouvernements de gauche- comme un changement temporaire qui peut être retourné. Il donne l’exemple de l’appui état-unien aux coups d’état du Honduras et du Paraguay, et en général le peu de concrétisation dans les faits des promesses faites à l’Amérique Latine par le candidat à la présidence de 2009.

    Les États-Unis n’acceptent pas l’Amérique Latine indépendante. Le coup d’état contre Chavez en 2002, les expériences actuelles de déstabilisation de Caracas, les essais manqués contre Morales, la tentative de meurtre visant Correa, nous le rappellent, la surenchère quotidienne de l’armée des médias du pentagone contre les gouvernements indépendants de la région (au premier rang de laquelle on trouve tous les contre-révolutionnaires cubains qui paradent sur Cnn en esp), nous le montrent chaque jour.

    Ángel Guerra Cabrera

    La Jornada (mx) 19/09/13

    * http://www.jornada.unam.mx/2013/09/19/mundo/036a1mun
    URL de cet article 22536
    http://www.legrandsoir.info/l-independance-et-le-coup-d-arret-porte-par-dilma.html

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  • KSCM.jpgÉlections anticipées en République tchèque en octobre : vers une percée du Parti communiste

     

    Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Sans gouvernement depuis juin, la République tchèque est plongée dans une crise majeure, sur fond de colère populaire face aux scandales politiques, aux mesures d'austérité. Le Parti communiste pourrait être le grand gagnant des élections anticipées d'octobre.

     

    85 à 90 % d'opinions négatives, jamais un gouvernement n'avait été aussi discrédité que le gouvernement de droite mené par l'ultra-libéral et anti-communiste Petr Necas. Face à une telle fronde populaire, le gouvernement a été contraint à la démission le 16 juin dernier.

     

    La raison immédiate, un gigantesque scandale d'écoutes et de corruption éclaboussant les partis du droite, du pilier de l'ODS (Parti civique démocratique) jusqu'aux nouveaux partis libéraux, morts-nés, Affaires politiques (VV) et TOP 09.

     

    La raison plus profonde, une colère face à la politique menée par la droite depuis trois ans et le plan d'austérité adopté en avril 2012 : hausse de la TVA, gel des retraites, réduction drastique des budgets de l'éducation et de la santé, déremboursements médicaux, privatisation de la santé.

     

    La classe dominante tchèque a tenté de trouver une solution interne au système. Elle peut compter sur le nouveau président, le social-démocrate Milos Zeman. Fantasque, populiste, aux relations douteuses avec certains milieux d'affaires quasi mafieux, il se distingue de son prédécesseur Vaclav Klaus sur un point : son soutien résolu à l'Union européenne.

     

    Le 10 juillet dernier, il intronise un « gouvernement d'experts » dirigé par l'économiste social-démocrate Jiri Rusnok qui ne résistera pas au vote de confiance refusé, pour des raisons différentes, tant par certains partis de droite que par l'opposition socialiste et communiste le 7 août dernier.

     

    Le 20 août, la Chambre des députés s'auto-dissolvait par 140 voix sur 174, décision entérinée par le Président Zeman le 28 août qui annonce dans la foulée l'organisation d'élections anticipées les 25 et 26 octobre.

     

    Elections anticipées : vers une percée du Parti communiste

     

    Le paysage politique tchèque risque d'être profondément remanié par ces élections anticipées.

     

    Les grands perdants attendus se situent à droite, avec le parti de droite traditionnel, l'ODS de Vaclav Havel annoncé à 9-10% tandis que le parti mort-né Affaires politiques VV devrait disparaître. Le Parti social-démocrate, lui, devrait être le grand vainqueur avec de 26 à 28 % des intentions de vote.

     

    De nouveaux partis liés au grand capital devraient voir le jour, profitant de la dégénérescence de la vie politique : on peut citer les partis Usvit (L'aube, 3-5%) ou ANO 2011 (6-7%), créations de deux millardaires tchèques, respectivement de Tomio Okamura et dela seconde fortune du pays Andrej Babis.

     

    Toutefois, la percée la plus spectaculaire devrait venir du Parti communiste de Bohême-Moravie (KSCM) que les derniers sondages placent de manière stable entre 15 et 16% d'intentions de vote, plus que jamais seconde force du pays.

     

    Cela constituerait une progression spectaculaire par rapport aux élections de 2010, où le Parti communiste avait obtenu un peu plus de 11 % des voix.

     

    On peut rappeler aussi qu'il y a un an, les communistes réalisaient leur meilleur score depuis 1989 aux élections régionales, avec plus de 20% des voix et la reconquête d'une région, celle d'Ústí nad Labem, dirigée désormais par le communiste Oldrich Bubeníček.

     

    Si les partis de droite, les médias dominants continuent d'agiter l'épouvantail communiste, le KSCM ne fait plus peur : après les élections régionales, un sondage de l'institut STEM révélait qu'une majorité de tchèques n'était pas gênée par l'arrivée au pouvoir des communistes en région.

     

    Le sondage révélait alors également les raisons du vote communiste massif : d'abordleur rejet du système politique et économique actuel, ensuite la reconnaissance envers le seul parti ne baignant pas dans la corruption, enfin l'adhésion aux idées et au programme national du Parti.

     

    Les communistes au gouvernement ?

     

    L'idée d'une participation des communistes à un gouvernement national, tout du moins d'un soutien du Parti communiste à un gouvernement de gauche est désormais acceptée par une part croissante de la population: 42% des Tchèques soutiennent cette idée, 56% sont prêts à la considérer.

     

    Face à l'évolution de l'opinion publique tchèque, même modérée, le Parti social-démocrate (CSSD) doit bouger. Longtemps cantonné dans une ligne du cordon sanitaire vis-à-vis du Parti communiste, il a ouvert à son Congrès de mars la question d'une alliance gouvernementale avec le KSCM.

     

    Dans ses interventions de la presse, le secrétaire du CSSD est plus prudent, il écarte une possible « grande coalition » avec les partis de droite mais se dit défavorable à un gouvernement avec les communistes, préférant un gouvernement social-démocrate, soutenu par des alliés à définir.

     

    Du côté du Parti communiste, le débat est ouvert mais pas tranché depuis le VIII ème Congrès del juin 2012, avec les tensions entre aile « modérée » représentée par Jiri Dolejs, favorable à l'alliance avec la social-démocratie et une aile « radicale » excluant cette perspective.

     

    Le secrétaire du Parti Vojtech Filip a, lui, avancé devant la presse deux options majeures plus modestes : celle d'une « tolérance » du gouvernement, ou celle d'un soutien sans participation gouvernementale, mettant de côté l'hypothèse d'une participation gouvernementale.

     

    Tout dépendra des convergences programmatiques. Sur le plan de la politique intérieure, un accord n'est pas impossible sur un arrêt de l'austérité et l'adoption de mesures progressistes, bien que les socialistes aient déjà prouvé dans le passé leur manque de fiabilité concernant leurs promesses.

     

    Les communistes proposent comme programme minimal :

     

    • la défense ou la reconquête des services publics dans les secteurs-clés (énergie, télécoms, chemin de fer, banques) ;

    • une réforme fiscale insistant sur le rehaussement du taux d'impôt sur les sociétés, des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu ainsi qu'une taxe sur les millionnaires ;

    • enfin un référendum pour s'opposer à la restitution des biens confisqués à l’Église après 1948 ;

     

    Toutefois, sur le plan international, les vues semblent plus irréconciliables sur l'UE, et surtout sur l'OTAN, dont le Parti communiste revendique la sortie immédiate, tandis que le Parti social-démocrate en est le premier défenseur.

     

     

    Dans tous les cas de figure, les dernières évolutions en République tchèque rappellent une fois de plus que le communisme est désormais de retour en République tchèque et plus largement en Europe de l'Est.


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  • La lutte finale ?

     
    Va-t-il falloir lutter pour que la lutte sociale survive à l'enfer des négociations en marche arrière ?
    Depuis des années, il est de bon ton de se plaindre de la perte d'audience du syndicalisme en France, de la baisse inexorable du taux de syndicalisation.
    ... Et de mettre la faute sur le dos de la montée de l'individualisme, de la casse des grands groupes sociaux au travail, etc.
    Bien sûr, les évolutions d'une société dont les politiques n'ont d'autre objectif que de sauver le soldat Capital depuis plus de quatre décennies de crise n'y sont pas étrangères. Le chômage de masse et la précarisation, le recours massif au travail temporaire, l'externalisation et la fiabilisation en grappes de petites unités des grands ensembles industriels de jadis, la "mondialisation" des productions et de leur gestion, la célébration du "privé" pour mieux sacrifier le "public", tout concours à éparpiller les porteurs d'intérêts commun ou tout au moins à en parcelliser tant la représentation que l'image d'une force revendicative face au patronat ou au pouvoir associé a tendance à s'estomper.
    Un autre monde syndical s'est installé, subrepticement et de façon d'autant plus insidieuse que les périodes de gouvernement "de gauche" en ont accéléré le processus. Aujourd'hui, on parle de dialogue social avec des partenaires sociaux. Qu'on le veuille ou non le débat syndical n'est plus calé sur les attentes et les revendications des travailleurs, mais sur les propositions gouvernementales et patronales qui se rejoignent trop souvent sur les mêmes options.
    Il ne s'agit plus pour les travailleurs de projeter un avenir de progrès social en en délimitant les contours et en définissant ses principaux ressorts ; mais de tenter, les deux pieds sur le frein d'empêcher qu'on dévale un peu plus loin et plus vite la pente des reculs sociaux, des abandons d'acquis quasi séculaires et d'une régression sociale qui a aujourd'hui réussi à s'installer dans les consciences au point que la majorité de nos populations, jeunes et vieux confondus, est aujourd'hui convaincue que les générations futures devront vivre moins bien que les leurs !
    Ce scandale social est assuré par des organisations comme la CFDT qui se sont fait une spécialité de l'accompagnement des décisions gouvernementales et des desiderata patronaux.
    Mais les autres syndicats n'échappent pas à cette dérive gestionnaire.
    Le fossé s'est considérablement creusé entre une base de salariés peu organisés et contrainte par des organisations du travail qui rendent toujours plus difficile l'action collective et des directions d'organisation devenues des accessoires d'un pouvoir qui les instrumentalise à son gré.
    La dernière manifestation contre la réforme des retraites en est un bien triste emblème, posée à la rentrée, des mois après que le matraquage médiatique ait fait son oeuvre quand la messe est dite.
    Le même phénomène de brouillage et de posture défensive a contaminé le champ politique au seul bénéfice des forces réactionnaires et de ses extrêmes à la droite de la droite.
    Syndicalisme et politique ont toujours eu des difficultés à se poser dans un rapport à la fois respectueux et profitable dans un espace trop pollué par les enjeux du pouvoir. Mais les leçons de l'histoire ne manquent pas pour enseigner les écueils qui pourraient être fatals. Mais rien n'y fait.
    la revendication d'indépendance syndicale a bien permis d'amollir le profil plus consensuel du représentant syndical de mandant de sa base en partenaire social...
    La curée du syndicalisme de lutte dans la paysannerie bourbonnaise dont l'histoire de plus d'un siècle est balayée par quelques petites ambitions politiciennes illustre assez bien aussi cette instrumentalisation des organisations professionnelles qui devraient se satisfaire du rôle "glorieux" de faire-valoir. Le MODEF n'était pourtant pas né pour être le syndicat des friches. Ailleurs la négociation des plans dits "sociaux" et la revendication de primes de licenciement "supra légales" finit de désamorcer les consciences de lutte.
    Le réveil promet d'être brutal quand le degré extrême du supportable aura été franchi.
    Ce jour là, quand le couvercle saute, comme en 1968, les organisations en sont remises à des tactiques de récupération dont l'usage et les outils ne faisaient pas partie de leur arsenal stratégique ; et c'est aussi le résultat qu'on a connu à l'époque avec le retour réactionnaire qui a neutralisé nombre d'avancées progressistes.
    Ce jour-là il ne sera plus question de négocier au cas par cas un accord électoral avec les socialistes, ni de badigeonner une dérive gestionnaire en nouvelle ruralitude.
    Trop tard ?
    Pas si sûr ; le temps si court de la vie des hommes laisse à d'autres le temps de faire vivre les idées mises en gestation ou en pépinière par ceux qui passent. C'est sur cette forme d'espoir dans le temps que l'usage de la pensée de Marx fait encore montre aujourd'hui de sa pertinence. Le chantier révolutionnaire ne doit pas être laissé en jachère.
     

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  • Retraite : quel âge de départ pour vous ? calculateur officiel

    Lu sur le blog cgt lcl

     

     

    Retraite: quel âge de départ pour vous ? 

    Calculateur-retraite-212fe.png

    Calculateur officiel sur le site du ministère

    Le ministère met en ligne une application pour calculer son âge de départ à la retraite 

    (cliquer sur le dessin).

    Attention aux mauvaises interprétations !

    Le calculateur officiel cherche à répondre à deux questions qui donnent évidemment (!!!) deux réponses différentes !

    1. A quel âge puis-je prendre ma retraite ? 
    2. A quel âge puis-je bénéficier d’une retraite à taux plein (Attention: taux plein ne veut pas dire retraite complète)

    Attention, si le résultat de la 1ère question est différent de celui de la deuxième question, ce sera catastrophique pour le niveau de votre retraite, à cause de la décote:

    • Pénalite de - 1,25% par trimestre manquant;
    • Pénalité de - 5% par année manquante;
    • jusqu'à une pénalité de - 25% aux maximum (= pour 5 années manquantes)   

    Question que le calculateur ne pose pas (et donc n'y répond pas) => la retraite complète !

    La Décote (ou Pénalité), c'est important ! 

    Osons le dire: c'est du vol !

    Si vous ne réunissez pas tous vos trimestres de retraite de base au moment de votre demande de liquidation de retraite et si vous n’avez pas l'âge du taux plein, un abattement ou décote ou pénalités’applique au prorata des trimestres manquants.

    Si votre retraite de base a été établie avec abattement (rappel: -1,25% par trimestre manquant, -5% par années manquantes, 25% maximum = 5 années). Ce même abattement sera aussi appliqué à votre retraite complémentaire.

    La décote tombe à zéro dans tous les cas si vous partez en retraite à 67 ans

    Pour ne pas avoir de décote (ou pénalité) il faut avoir (il faudrait) :

    • => 164 trimestres pour les assurés nés en 1952, soit 41 ans.
    • => 165 trimestres pour les assurés nés en 1953 et 1954, soit 41 ans et 1 trimestre.
    • => 166 trimestres pour les assurés nés en 1955 et 1956, soit 41 ans et 2 trimestres.
    • => 167 trimestres (projet de loi Ayraut) pour les assurés nés en 1958,  1959,  et 1960, soit 41 ans et 3 trimestres, 
    • => 168 trimestres  (projet de loi Ayraut) pour les assurés nés en 1961 et 1962, soit 42 ans,
    • => 169 trimestres (projet de loi Ayraut) pour les assurés nés en 1964, 1965, et 1966, soit 42 ans et 1 trimestre,
    • => 170 trimestres (projet de loi Ayraut) pour les assurés nés en 1967, 1968, et 1969, soit 42 ans et 2 trimestres,
    • => 171 trimestres (projet de loi Ayraut) pour les assurés nés en 1970, 1971, et 1972, soit 42 ans et 3 trimestres,
    • => 172 trimestres (projet de loi Ayraut) pour les assurés nés à partir de 1973, soit 43 ans,

    C'est là que l'on voit que la "réforme" des retraites est faite pour baisser le niveau des retraites !

    Calculateur-retraite-212fe.png http://www.hervepolypcf62.com


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  • Billet d’humeur :: La trouille au ventre

    Anne Löwenthal

    Il y a quelques jours, un homme en a abattu un autre. Le second avait braqué le premier et s’était enfui, le premier lui a tiré dessus et l’a tué.

    Tout le reste ne compte pas.

    Prendre la défense d’un homme qui n’a encore été condamné à rien mais qui a été inculpé dans le cadre d’une instruction, c’est dire « Un homme tue un autre homme et il est injuste d’ouvrir une enquête ».

    S’empresser de hurler sur la justice qui a à peine commencé son travail, c’est du pur procès d’intention.

    Tenter de se mettre à la place d’un bijoutier pétri de trouille et armé et se demander ce qu’on aurait fait, nous, à sa place, sans rien savoir de sa place, c’est tenter de répondre à une question impossible.

    Hurler sa haine du braqueur, sa haine des braqueurs et prétendre que ce braqueur a eu ce qu’il méritait (alors même que le bijoutier ne le pense pas !) et que le bijoutier a bien fait, c’est nous faire croire qu’en flinguant un braqueur, on contribue à un monde meilleur.

    Pourtant, c’est de ça que tout le monde parle. Dans la page facebook aux 1 500 000 likes (à l’heure d’écrire ces lignes). Dans une page dont tout le monde sait qu’elle est d’extrême-droite. Dans une page que bien des gens essayent de discréditer à coups de statistiques non fiables sur la provenance des likes.

    Bref, on attendra encore longtemps (mais pas vainement, j’espère) que quelqu’un se penche sérieusement sur l’insécurité, sur le sentiment d’insécurité, sur le port d’armes. Prenne la peine d’expliquer aux gens ce qu’est une instruction judiciaire. Se demande comment un jeune peut en arriver là, à braquer violemment une bijouterie avec un pote. Se demande pourquoi un bijoutier est armé. S’arrange pour poser les problèmes autrement que de manière manichéenne. Cherche à apaiser tout le monde au lieu de faire vivre tout le monde la trouille au ventre.

    La misère n’est pas que matérielle. Et elle est vachement bien entretenue. Pas que par l’extrême-droite.

    http://www.ptb.be


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  • La France n'aime pas le travail

    7 Juillet 2013 , Rédigé par Le Mantois et Partout ailleurs 

    Voilà, c'est dit, de la part de Christophe Barbier, chroniqueur politique sur I-télé. Il est aussi directeur de l'Express et invité quasi permanent sur France 5 dans l'émission de Yves Calvi. Il pige aussi ailleurs, infatigable pour dire qu'il faille supprimer la 5e semaine de congés payés. Pour redresser la France sans doute? Celle des hors-sols comme lui qui ne connaîtront jamais la précarité et le chômage grâce à leurs relations mondaines?

     

    Les congés payés sont l'héritage des luttes populaires et non celui de la libéralité accordé par le patronat. Ils sont à préserver, voire à reconquérir tant la crise agresse notamment les couches populaires en leur interdisant le boulot (et donc les congés payés) et en réduisant leur pouvoir d'achat.

    Les statistiques parlent d'elles-mêmes. En 1995, 65% de nos concitoyens partaient en vacances, ils sont 58% en 2012. En 2007, 47% des foyers pourvus du Smic net partaient en vacances, ils ne sont plus que 37% en 2010 pour 78% disposant de 3 100 euros.

     

    En 1982, le gouvernement de Pierre Mauroy instaurait la 5e semaine de congés payés. En 2012, un socialiste loge à nouveau à l'Elysée: aucune mesure sociale n'a été votée.

    "Nous voulons que l'ouvrier, le paysan et le chômeur trouvent dans les loisirs la joie de vivre et le sens de la dignité ", écrivait Léo Lagrange, ministre socialiste chargé des sports et à l'organisation des loisirs en 1936.

    Oui, en 1936...

    Car de nos jours, c'est devenu un timbre et encore lorsque la Poste fonctionne bien:

    http://le-blog-de-roger-colombier.over-blog.com/la-france-n-aime-pas-le-travail


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  •  
    L’appel de Jakarta pour la souveraineté alimentaire
    dimanche, 7 juillet 2013 / Michel Peyret /

    Ancien député PCF de Gironde

    “Aujourd’hui, dit l’Appel de Jakarta, nous sommes confronté(e)s à une crise majeure de notre histoire, qui est systémique. Les systèmes alimentaires, d’emplois, énergétiques, économiques, climatiques, écologiques, éthiques, sociaux, politiques et institutionnels s’effondrent dans de nombreuses parties du monde. La crise énergétique amplifiée par la raréfaction des énergies fossiles est traitée avec de fausses solutions allant des agrocarburants à l’énergie nucléaire ; cette dernière constituant l’une des plus grandes menaces de la vie sur terre. “Nous rejetons le capitalisme caractérisé par des mouvements destructeurs de capitaux financiers et spéculatifs dans l’agriculture industrielle, la terre et la nature.”

    L’Appel nous dit comment ceux de La Via Campesina envisagent d’aller de l’avant. Bien évidemment, le fait que je diffuse ce texte ne peut signifier que je partage nécessairement toutes ses analyses et propositions qu’il expose. Par exemple, je pense que les choix énergétiques à effectuer devraient faire l’objet d’un vaste et approfondi débat et d’un mode de décision le plus démocratique possible, ce qui semble aller de soi...
    Peuples du monde, formons la ronde...

    Appel de Jakarta

    Appel de la VI Conférence de La Via Campesina – Egidio Brunetto (du 9 au 13 Juin 2013)

    (Djakarta, 12 Juin 2013)

    Nous, à La Vía Campesina, en appelons à toutes les organisations rurales et urbaines et aux mouvements sociaux à construire une nouvelle société fondée sur le souveraineté alimentaire et la justice. Nous sommes rassemblés ici, honorant la mémoire de nos ami(e)s et dirigeant(e)s et de celles et ceux dont le courage et l’engagement nous inspirent. La Via Campesina, mouvement paysan international rassemble plus de 200 millions de paysan(e)s, petits producteurs, paysan(e)s sans terre, femmes, jeunes, autochtones, les migrant(e)s et les travailleurs et travailleuses agricoles et alimentaires, de 183 organisations provenant de 88 pays. Nous sommes ici en Asie, terre de la majorité des paysan(e)s du monde pour célébrer nos deux premières décennies de luttes.

    Depuis notre rencontre de Mons (Belgique) en 1993 et celle de Tlaxcala (Mexique) en 1996, où nous avons élaboré notre vision radicale sur la souveraineté alimentaire, nous avons réussi à replacer les paysannes et paysans au centre de la résistance au modèle du commerce néo-libéral ainsi que du processus de construction d’alternatives. Nous, peuples de la terre, sommes des acteurs essentiels dans la construction non seulement d’un modèle agricole différent, mais aussi d’un monde juste, diversifié et égalitaire. Nous sommes celles et ceux qui nourrissons l’humanité et prenons soin de la nature. Les générations futures dépendent de nous pour protéger notre terre.

    Maintenant plus que jamais un autre monde est nécessaire. La destruction de notre terre, provoquée par la surexploitation et la dépossession des peuples et par l’appropriation des ressources naturelles a engendré la crise climatique actuelle, et de profondes inégalités mettant en danger l’humanité et la vie. La Via Campesina refuse catégoriquement cette destruction menée par les grandes entreprises.

    Nous construisons de nouvelles relations entre les peuples et la nature, basées sur la solidarité, la coopération et la complémentarité. C’est une éthique de vie qui anime toutes nos luttes. La Via Campesina s’engage à donner une visibilité à toutes les luttes locales dans le monde entier, s’assurant qu’elles soient comprises dans une perspective internationale. Elle s’engage également à intégrer dans un mouvement global pour la souveraineté alimentaire, le changement social et l’autodétermination pour les peuples du monde. Nous appelons nos organisations, nos alliés, amies, amis, et tous ceux et celles qui œuvrent à un avenir meilleur, à rejeter “l’économie verte” et à construire la souveraineté alimentaire.

    NOTRE MANIERE D’ALLER DE L’AVANT

    La souveraineté alimentaire maintenant – transformer notre monde La Souveraineté Alimentaire est l’élément central de la lutte pour la justice sociale, rassemblant de nombreux secteurs tant ruraux qu’urbains. La souveraineté alimentaire est le droit fondamental pour que tous les peuples, nations et États puissent contrôler leurs propres systèmes et politiques alimentaires et agricoles, garantissant à chacun une alimentation adaptée, abordable, nutritive et culturellement appropriée. Elle requiert le droit des peuples à définir et contrôler leurs modes de production, de transformation et distribution aux niveaux locaux et internationaux.

    Depuis bientôt deux décennies notre vision de souveraineté alimentaire a inspiré une génération d’activistes engagé(e)s dans le changement social. Notre vision du monde passe par une révolution agricole ainsi qu’une transformation socio-économique et politique.

    La souveraineté alimentaire articule l’importance cruciale de la production locale et soutenable, le respect des droits humains pour tous, des prix équitables pour les aliments et les produits agricoles, des échanges équitables entre pays, et la sauvegarde des communs contre la privatisation.

    Aujourd’hui, nous sommes confronté(e)s à une crise majeure de notre histoire, qui est systémique. Les systèmes alimentaires, d’emplois, énergétiques, économiques, climatiques, écologiques, éthiques, sociaux, politiques et institutionnels s’effondrent dans de nombreuses parties du monde. La crise énergétique amplifiée par la raréfaction des énergies fossiles est traitée avec de fausses solutions allant des agrocarburants à l’énergie nucléaire ; cette dernière constituant l’une des plus grandes menaces de la vie sur terre.

    Nous rejetons le capitalisme caractérisé par des mouvements destructeurs de capitaux financiers et spéculatifs dans l’agriculture industrielle, la terre et la nature. Il génère de vastes accaparements de terres et des expulsions brutales de paysannes et paysans de leurs territoires, détruit communautés, cultures et écosystèmes. Il crée un grand nombre de migrant(e)s et de sans emplois, augmentant les inégalités existantes.

    Les transnationales, en connivence avec les gouvernements et les institutions internationales, imposent - sous prétexte du concept d’économie verte - des monocultures d’OGM, des projets miniers, des barrages et des exploitations de gaz de schiste par fracturation à grande échelle, de grandes plantations forestières et d’agrocarburants, ainsi que la privatisation de nos mers, fleuves et lacs et de nos forêts. La Souveraineté Alimentaire remet le contrôle des communs dans les mains des populations.

    L’Agro-écologie est notre option aujourd’hui et pour l’avenir

    L’agriculture paysanne, la pêche artisanale et le pastoralisme produisent la plus grande partie de l’alimentation. L’agro-écologie paysanne est un système social et écologique qui comprend une grande variété de savoirs et de pratiques ancrées dans chaque culture et zone géographique. Elle élimine la dépendance aux agrotoxiques et la production animale industrielle hors sol, utilise des énergies alternatives et garantit une alimentation saine et abondante. Elle renforce la dignité, honore les savoirs paysans traditionnels et innovants. Elle restaure la fertilité et l’intégrité de la terre. La production alimentaire du futur doit être basée sur un nombre croissant de personnes produisant de manière plus résiliente et diversifiée.

    L’agro-écologie vise à défendre la biodiversité, refroidit la planète et protège nos sols. Notre modèle agricole peut, non seulement nourrir l’ensemble de l’humanité mais c’est aussi le seul moyen d’arrêter l’avancée de la crise climatique grâce à une production locale en harmonie avec les forêts, les cours d’eau ; l’amélioration de la biodiversité et en replaçant les matières organiques dans les cycles naturels.

    Justice sociale et climatique, et solidarité

    En nous basant sur notre diversité géographique et culturelle, notre mouvement pour la souveraineté alimentaire s’est renforcé en intégrant la justice sociale et l’égalité. En pratiquant la solidarité plutôtque la compétition, en rejetant le patriarcat, le racisme, le colonialisme et l’impérialisme, nous nous battons pour des sociétés participatives et démocratiques, sans exploitations d’enfants, de femmes, d’hommes ni de la nature.

    Nous exigeons la justice climatique et sociale. Ceux qui souffrent le plus du chaos climatique et environnemental ne sont pas ceux qui en sont responsables. Ceux qui poussent aux fausses solutions de l’économie verte empirent la situation. C’est pourquoi la dette climatique et écologique doit être réparée. Nous exigeons l’arrêt immédiat des mécanismes de marché de carbone, géo-ingénierie, REDD, agrocarburants.

    Nous maintiendrons de manière permanente notre combat contre les entreprises transnationales en manifestant notre opposition par un boycott de leurs produits et en refusant toute coopération avec leur pratiques d’exploitations. Les accords de libre échange et d’investissements ont crée les conditions de vulnérabilité extrême et des injustices pour des millions d’entre nous. Leur mise en œuvre engendre violence, militarisation et criminalisation de la résistance. Un autre résultat tragique est le déplacement massif des populations qui migrent pour ne trouver que des emplois faiblement rémunérés, précaires et dangereux où sévissent des violations de droits humains et la discrimination.

    La Via Campesina a réussi à mettre les droits des paysan(ne)s à l’ordre du jour du Conseil des Droits Humains des Nations Unies, nous demandons donc à tous les gouvernements nationaux d’appliquer ces droits. Notre combat pour les droits humains est au cœur de la solidarité et inclut les droits et la protection sociale des travailleurs/ses migrants et des travailleurs/ses du secteur alimentaire. Un monde sans violence et sans discrimination contre les femmes

    Notre lutte vise à construire une société basée sur la justice, l’égalité et la paix. Nous demandons le respect de tous les droits des femmes. En rejetant le capitalisme, le patriarcat, la xénophobie, l’homophobie et les discriminations basées sur le genre, les races ou l’ethnicité, nous réaffirmons notre engagement pour la totale égalité des femmes et des hommes. Ceci implique la fin de toutes les formes de violences domestiques, sociales et institutionnelles contre les femmes en zones rurales et urbaines. Notre campagne contre les violences faites aux femmes est au cœur de nos luttes.

    Paix et démilitarisation

    Les guerres et conflits d’appropriations, prolifération de bases militaires, criminalisation des résistances augmentent. Ces violences sont intrinsèques au système capitaliste mortifère basé sur la domination, l’exploitation et le pillage. Nos engagements sont ceux du respect, de la dignité, de la Paix. Nous pleurons et honorons les centaines de paysannes et paysans qui ont été menacés, persécutés, incarcérés ou même assassinés dans leurs luttes. Nous exigeons que tous ceux qui violent les droits humains et les droits de la Nature et qui perpétuent ces crimes soient poursuivis et punis. Nous exigeons la libéralisation immédiate des prisonniers politiques.

    La terre et les territoires

    Nous défendons une Réforme Agraire intégrale. Elle sécurise l’ensemble des droits fonciers, reconnaît les droits des peuples autochtones à leurs territoires , garantit l’accès et le contrôle des zones de pêche et écosystèmes aux communautés de pêcheurs, reconnaît les routes pastorales. Seules ces réformes garantissent un avenir pour les jeunes des campagnes.

    La réforme agraire intégrale se caractérise par une distribution massive de terre, de ressources productives, assurant des conditions de vie satisfaisantes et garantissant un accès permanent aux jeunes, femmes, aux sans-emplois, aux sans-terres, aux personnes déplacées et à tous ceux et celles qui veulent s’engager dans la production alimentaire agro-écologique à petite échelle. La terre n’est pas une marchandise. Les lois et régulations existantes doivent être renforcées et de nouvelles lois sont nécessaires pour la protéger des spéculations et des accaparements.

    Les semences, les communs et l’eau

    Les semences sont au cœur de la souveraineté alimentaire. Des centaines d’organisations à travers le monde se joignent à nous pour mettre en œuvre le principe des « Semences comme Patrimoine des Peuples au Service de l’Humanité ». Notre défi est maintenant de continuer à garder nos semences de vie dans les mains de nos communautés, en multipliant les semences dans nos fermes et nos territoires. Nous continuons à lutter contre l’appropriation abusive des semences due à diverses formes de propriété intellectuelle et contre la contamination des stocks par la technologie OGM. Nous nous opposons à la distribution de paquets technologiques combinant semences OGM avec l’utilisation massive de pesticides.

    Nous allons continuer à partager les semences sachant que notre connaissance, notre science, nos pratiques de gardiens de la diversité des semences sont cruciales pour l’adaptation au changement climatique.

    Les cycles de la vie coulent au travers de l’eau. L’eau est un élément essentiel des écosystèmes et de toute vie. L’eau est un commun et donc elle doit être préservée.

    MISER SUR NOS FORCES

    Notre force est la création et le maintien de l’unité dans la diversité. Nous présentons notre vision inclusive, large, pratique, radicale et pleine d’espoir comme une invitation à se joindre à nous dans la transformation de nos sociétés et la protection de la Terre Mère.
    - La mobilisation populaire, la confrontation avec les puissants, la résistance active, l’internationalisme et l’engagement local sont des éléments nécessaires pour effectuer le changement social.
    - Dans notre lutte courageuse pour la souveraineté alimentaire nous continuons à bâtir des alliances stratégiques essentielles avec les mouvements sociaux, y compris avec les travailleurs/ses, les organisations urbaines, les immigrant(e)s, les groupes résistants aux méga-barrages et à l’industrie minière.
    - Nos principaux outils sont la formation, l’éducation et la communication. Nous encourageons l’échange des savoirs accumulés concernant les méthodes et contenus de formation culturelle, politique, idéologique et technique. Nous multiplions nos écoles et nos expériences d’enseignement et nos instruments de communication avec notre base.
    - Nous sommes déterminé(e)s à créer des espaces qui vont favoriser l’ émancipation des jeunes en milieu rural. Notre plus grand espoir pour l’avenir, c’est la passion, l’énergie et l’engagement pris par la jeunesse dans notre mouvement.

    Nous allons de l’avant à partir de cette VIème Conférence Internationale de La Via Campesina, accueillant de nouvelles organisations, confiant(e)s en nos forces et rempli(e)s d’espoir pour l’avenir.

    Pour la terre et la souveraineté de nos peuples ! Dans la solidarité et dans la lutte !

    http://www.rougemidi.fr/spip.php?article7950


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  • Internationale socialiste, la dernière estocade, par Jean-Luc Mélenchon

    Par Jean-Luc Mélenchon| 5 juillet 2013
    Internationale socialiste, la dernière estocade, par Jean-Luc (...)

    Dans le numéro d’été de Regards, Jean-Luc Mélenchon consacre un long article à la fin de l’Internationale socialiste, l’occasion pour lui d’exprimer son point de vue sur l’union de la gauche.

    Fin mai 2013, le SPD allemand a entériné la mort de la social-démocratie en créant l’Internationale progressiste. Jean-Luc Mélenchon analyse les maux responsables de cette lente agonie.

     

    La social-démocratie était déjà à l’agonie au commencement de ce siècle. Car à la fin du précédent, les Blair, Schröder et Zapatero l’avaient ostensiblement diluée, autant qu’ils le pouvaient, dans la marée du libéralisme triomphant. Puis elle s’est effondrée politiquement en Grèce. Ce fut certes sans le vacarme du mur de Berlin mais tout aussi violemment. Cela se passa dans Athènes assommée, quand Georges Papandréou capitula sans condition sous l’assaut du capitalisme financier caractéristique du nouvel âge du capitalisme. Papandréou était le Premier ministre du pays mais surtout président de l’Internationale socialiste. À présent, le dépôt de bilan vient d’être prononcé. Le SPD allemand, le plus ancien et le plus puissant parti de l’histoire de la social-démocratie mondiale, a lancé le 22 mai dernier à Leipzig une nouvelle structure internationale baptisée l’Alliance progressiste. Avec 70 autres partis, dont le PS français, les sociaux-démocrates ont ainsi franchi un nouveau pas dans la rupture avec l’histoire du socialisme et du mouvement ouvrier qu’ils avaient façonnée. Une froide logique est à l’oeuvre : comme ils détruisent l’État social qu’ils avaient créé, les sociaux-démocrates sabordent l’outil qui l’avait construit. Comment un courant idéologique et politique aussi puissant en est-il arrivé à assumer un tel suicide politique ? L’affaire vient de loin. Mais sa conclusion nous touche de près. Il est aussi vain de vouloir « aiguillonner » de tels partis que d’espérer les voir revenir à leur raison d’être. Toute stratégie de conquête du pouvoir pour renouer le fil de la lutte pour l’émancipation passe donc par une compétition sans ambiguïté avec ce mutant « progressiste » dont le centre de gravité est ancré dans la perpétuation de la société et l’économie de marché financiarisée actuelle.

    Le socialisme est né comme discours d’élucidation des causes des crises du capitalisme cherchant à y apporter une réponse globale de long terme. Mais dans les faits réels, c’est l’incapacité de la social-démocratie à penser et à affronter le capitalisme au-delà du seul cadre national qui l’a mise dans des impasses historiques successives. D’abord, en la rendant incapable de résister aux chocs des impérialismes lors de la guerre de 14. Puis impuissante à résister au basculement européen des capitalistes dans le camp fasciste dans les années 1930. En dépit de ces échecs historiques, la social-démocratie s’est reconstituée en Europe dans les ambiguïtés des lendemains de la Deuxième Guerre mondiale, face à la fois aux brutalités du soviétisme et à la déchéance des classes dominantes dans la collaboration avec le nazisme. Mais elle a continué à reproduire la vieille stratégie du XIXe siècle. Elle consistait à faire des prises d’avantages pour les travailleurs dans le cadre du capitalisme à l’échelon national. La mondialisation libérale, en submergeant le cadre national, a placé la social-démocratie dans une nouvelle impasse stratégique. Les partis de l’Internationale n’ont pas pris la mesure du changement de nature du capitalisme du fait de la financiarisation de l’ensemble de l’économie, et de son changement d’échelle avec la transnationalisation du capital. Dans le cadre national, le capitaliste industriel pouvait trouver intérêt à discuter avec les syndicats et à peser dans la définition des normes. Dans la mondialisation libérale, le capitalisme financier n’a plus besoin d’aucun compromis politique ou social en contrepartie de ses prélèvements sur le travail. Le rapport de force que lui donne sa transnationalisation est d’autant plus écrasant qu’il est mal compris ou qu’il passe pour une loi de la nature. Sous toutes les latitudes une pression terrible s’est donc exercée pour sanctuariser le marché, pour le mettre hors de portée de la régulation citoyenne. Ce nouvel âge du capitalisme est allergique à la souveraineté populaire. Dans ces conditions, le credo social-démocrate de la « régulation » du capitalisme sonne dans le vide et ne peut avoir aucune prise sur le réel. Comment réguler en effet une réalité entièrement construite pour échapper a l’exercice ? L’autre impasse stratégique est évidemment dans le postulat du « partage des fruits de la croissance ». Double aberration. Elle suppose une croissance sans fin dans un écosystème limité. Et elle suppose que le rapport de force antérieur au nouveau partage ne servira pas les dominants dans le rapport de force !

    La ligne démocrate

    Cette contradiction majeure du discours social-démocrate sur la régulation et la croissance explique que les sociaux-démocrates sont si démunis face à la crise actuelle. Comme ils se refusent à penser le dépassement du capitalisme et du productivisme, et la nécessité d’introduire des ruptures avec l’ordre actuel, ils en sont réduits à soutenir le sauvetage et le rafistolage à tout prix du système. Leur impuissance s’est accrue avec la chute de l’URSS qui a entraîné une nouvelle étape de transnationalisation du capital tout en dégradant le rapport de force au détriment des classes populaires dans chaque État-nation. Ce capitalisme apparemment triomphant a alors exercé une immense force d’attraction sur les partis socialistes eux-mêmes. Cela a entraîné la mutation progressive de la vieille social-démocratie européenne. Fascinée par le modèle nord-américain auquel l’attachaient les liens les plus divers, pas toujours avouables, elle a programmé son évolution en mouvement « démocrate ». Cette mutation a commencé avec les New Democrats de Bill Clinton avant d’arriver en Europe avec le New Labour de Tony Blair, dans les années 1990. Ces modernisateurs ont longtemps essayé d’isoler la France au sein du mouvement social-démocrate en raison de l’histoire particulière du socialisme français. Son ancrage dans la République et son attachement à la puissance de la loi comme instrument de l’intérêt général l’ont longtemps rendu rétif à la culture du contrat qui a permis à la social-démocratie de dévaler la pente des renoncements. Dix ans après la chute du Mur, la France de Lionel Jospin était ainsi le seul pays industriel à compter des communistes et des écologistes au gouvernement.

    La ligne « démocrate » repose sur quelques invariants idéologiques. Le premier est l’abandon de toute référence aux intérêts de classes en jeu dans le partage de la richesse. Jusqu’au point de perdre tout ancrage social du discours. La pauvreté, le chômage ou l’exploitation, ces réalités sociales sont progressivement effacées au profit de la figure du pauvre, du chômeur ou du salarié renvoyé à sa « responsabilité » individuelle. Les démocrates nient l’existence d’un conflit entre classes sociales. Une fois écartée la perception du conflit, les « démocrates » pensent s’appuyer sur le « compromis  » entre « partenaires » sociaux comme si la rationalité et la modération des appétits ne dépendaient d’aucun rapport de force social ou culturel. Le moteur de l’action passe alors sur le terrain de la compassion et de « l’ordre juste » où les droits universels cèdent la place à un improbable « sur mesure » compassionnel et où l’équité remplace l’égalité. L’appareillage conceptuel des démocrates enracine l’idée de contrat jusque dans la sphère intime des relations humaines, comme s’y est appliqué le théoricien du blairisme Anthony Giddens. Mais après les mots viennent les réalités. Du compromis au consensus il n’y a que l’espace de la capitulation, sort promis à tous ceux qui prétendent aborder un conflit en le niant.

    De ce point de vue, le SPD est l’exemple le plus abouti avec les réformes engagées par Gerhard Schröder au nom de son Agenda 2010. Baisses d’impôts pour les plus riches et les entreprises. Réduction de l’indemnisation des chômeurs. Hausse de l’âge de la retraite jusqu’à 67 ans et baisse des pensions. Des réformes qui ont entraîné l’explosion de la pauvreté, des chômeurs, salariés et retraités. Au point que l’espérance de vie des Allemands les plus pauvres a reculé. Ce dumping social a fracassé la parfaite égalité des nations sans laquelle la construction européenne est nécessairement une nouvelle forme de domination impériale. Le capitalisme décrépit des Allemands domine l’Europe actuelle et la soumet à ses intérêts les plus bornés.

    Pourtant, François Hollande a rendu un hommage appuyé à ce désastre social lors de son discours à Leipzig pour les 150 ans du SPD : « Le progrès, c’est aussi de faire des réformes courageuses pour préserver l’emploi et anticiper les mutations sociales et culturelles comme l’a montré Gerhard Schröder. On ne construit rien de solide en ignorant le réel », a-t-il déclaré. Par ces mots, François Hollande a acté l’alignement du PS français sur ce qu’est devenu le SPD allemand. Il a ainsi fait sauter le dernier verrou qui subsistait en Europe face à la mutation « démocrate » de la social-démocratie. Hollande est acquis de longue date à cette orientation. Dans un texte de 1984 intitulé « Pour être modernes soyons démocrates  », il appelait déjà à « proposer un consensus stratégique entre nous [le PS] et les courants démocratiques du pays », « au-delà du clivage gauche-droite  ». Dans cette trajectoire « démocrate  », la campagne présidentielle n’a ainsi été pour Hollande qu’une parenthèse. Le dynamisme du Front de gauche l’a obligé à quelques embardées rhétoriques contre la finance ou les hauts revenus. Désormais, président de la République, il profite à plein de la monarchie présidentielle de la Ve République pour imposer totalement cette ligne idéologique à sa majorité et à son propre parti. Traité européen Merkozy, politique de l’offre, pacte de compétitivité, accord « Made in Medef » sur l’emploi, austérité budgétaire, privatisations etc. En un an, le ralliement de Hollande à la ligne « démocrate  » est total et spectaculaire. Avec Hollande président, le PS rompt explicitement avec son appartenance au mouvement ouvrier en refusant de voter la loi d’amnistie sociale. Cette destruction de l’État social que les « socialistes » avaient largement contribué à bâtir va se poursuivre avec une nouvelle régression des droits à la retraite. Quelle est alors l’identité politique d’un tel parti ? Je le nomme « solférinien  » pour décrire le parti dont le lien avec l’histoire socialiste se réduit à l’adresse de son siège historique, situé 10 rue de Solférino à Paris.

    Dans tous les pays qui ont connu cette mutation « démocrate », la destruction idéologique et culturelle de la gauche a ensuite entraîné sa disparition politique et électorale. Cela s’est vérifié et se vérifie encore en Allemagne. Entre la victoire de Schröder en 1998 et les dernières élections de 2009, le SPD est passé de 41 à 23 % des voix. Et les sondages pour les élections de septembre prochain n’indiquent aucune remontée après huit ans d’Angela Merkel.

    L’Italie est un autre exemple de cette faillite idéologique et électorale. Là-bas, l’ancien Parti communiste, devenu Parti des démocrates de gauche, se saborde en 2007, fusionnant avec une partie de la démocratie-chrétienne pour fonder le Parti démocrate. Le nouveau nom du parti efface toute référence à la gauche et affirme clairement l’objectif politique : l’alignement sur les démocrates américains. Après six ans d’existence, le bilan est terrible. En 2008, le nouveau Parti démocrate est battu laissant le champ libre à Silvio Berlusconi. En 2011, le Parti démocrate apporte son soutien au gouvernement non élu de Mario Monti et à sa politique d’austérité. En 2013, le Parti démocrate recule encore, ne devance la droite que d’un souffle et finit par former un gouvernement avec elle, comme le SPD avec la CDU en 2005. La boucle est bouclée.

    Les fronts du peuple

    Partout, cette orientation idéologique des principaux partis sociaux- démocrates conduit au naufrage. Partout, le rétrécissement de leur base sociale les pousse à rechercher des solutions artificielles d’union nationale pour faire avaler de force les politiques d’austérité. Face à cet effondrement historique de la « gauche » social-démocrate, une autre gauche a commencé à prendre la relève. En portant le drapeau de la résistance du peuple contre l’oligarchie, système qui lie les libéraux et sociaux-libéraux à la finance pour appliquer « la seule politique possible ». Sous le nom de révolution citoyenne, cette nouvelle prise de pouvoir du peuple a commencé en Amérique latine et se prolonge au Maghreb. Elle travaille désormais l’Europe en commençant par le Sud et ses marées citoyennes. Des fronts de partis y jouent un rôle de déclencheur social et culturel. Ils font naître alors des « fronts du peuple », mêlant dans un mouvement politico- social toutes les formes de la lutte contre la déchéance sociale et la catastrophe écologique. Des luttes aux urnes, ils se proposent de mettre la souveraineté populaire en état de changer radicalement le rapport de force économique et social. C’est pourquoi surgit partout comme une caractéristique commune, révélant la profondeur du processus populaire et la hauteur de son horizon, la revendication d’assemblée constituante. Ce point signale alors une volonté de souveraineté populaire qui est à proprement parler révolutionnaire si l’on veut se souvenir du caractère nécessairement autoritaire du nouvel âge du capitalisme. Mais pour entraîner durablement la société et changer profondément les valeurs aux postes de commande des institutions, cette énergie populaire a besoin de se repérer sur un horizon global. Il a besoin de construire un nouveau modèle de société. C’est le but de l’éco-socialisme, qui lie question sociale et impératif écologique au nom du progrès humain universel. Mais il ne le propose pas comme une utopie sur laquelle le réel devrait se régler. Il l’avance comme une réponse concrète aux exigences de l’intérêt général humain. Telle est la révolution nécessaire pour notre temps face à laquelle la mutation « progressiste  » ou démocrate de l’ancienne social-démocratie échoue comme un encombrement hostile.

     http://www.regards.fr/web/Internationale-socialiste-la,6874


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  • La marche des chômeurs et des précaires est arrivée à Paris

     

    logo_marche-petit-300x295.jpgPartis le 10 juin de toute la France, les 150 marcheuses et marcheurs sont arrivés samedi à Paris à la mi-journée... voici quelques photos prises par les copains venus soutenir l’arrivée de la marche des chômeurs et précaires, ce 6 juillet, place Stalingrad, à Paris.

     

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    Ci-dessous : Pascal Durand et Martine Billard

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    Ci-dessous :  Jean Dessessard, sénateur eelv de Paris

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     http://blogs.mediapart.fr/blog/ivan-villa/060713/la-marche-des-chomeurs-et-des-precaires-est-arrivee-paris


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  •  Pour le Parti communiste égyptien, la révolution continue après la chute de Morsi

    revolution-egypte.jpgLe triomphe de la révolution du grand peuple égyptien

     

    Communiqué du Parti communiste égyptien

     

    Traduction JC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

     

    Notre parti salue les masses du peuple égyptien, héroïque dans sa grande victoire sur les forces de la tyrannie, arriérées et communautaristes.

     

    Notre peuple a tourné, aujourd'hui, une page sombre de son histoire, rouvrant la voie vers la réalisation des objectifs de sa grande révolution : démocratie réelle, dignité humaine, justice sociale et une société civile moderne, ouverte et populaire. Nous avons déposé un président qui n'a pas tenu ses promesses, bradé les intérêts de la patrie et de notre peuple. Le peuple a donc repris sa lutte et sa révolution, commencée le 15 janvier 2011, pour qu'elle prenne une forme plus en adéquation avec ses aspirations, espoirs et sa nature de grand peuple civilisé.

     

    Cette victoire n'aurait pas été possible sans une résolution de fer, une persévérance et le rassemblement inédit de dizaines de millions de personnes pendant plusieurs jours consécutifs, construit par les masses de ce peuple insoumis.

     

    Nos vaillantes forces armées ont réaffirmé leur dévouement profond, leur loyauté absolue à notre peuple et son droit à vivre une vie dans la dignité et la liberté, elles ont donc répondu à sa demande, sont entrées dans la lutte révolutionnaire, et se sont placées comme un bouclier protecteur, une force pour réaliser ses exigences et objectifs.

     

    Les efforts magnifiques de la jeunesse égyptienne ont relancé la révolution– par leur imagination débordante, leur conscience aiguë et leur maturité d'analyse – ont redonné un élan à la révolution, récupérée par les forces obscurantistes. La pétition « Rebellion » a inspiré les masses, et a redonné un élan à leur action, une nouvelle vigueur énorme au mouvement.

     

    A été annoncée une nouvelle feuille de route sur laquelle toutes les forces politiques, la jeunesse révolutionnaires, les forces armées, les responsables des principales institutions religieuses en Egypte, le cheikh Al-Azhar et le pape de l'Eglise St-Marc, reflétant un consensus national, et non des idées étrangères à la nature, aux traditions et à l'identité de notre grande nation.

     

    La future feuille de route a ouvert grand la porte d'un changement de cap dans la révolution, vers la rédaction d'une constitution démocratique répondant aux aspirations de notre peuple, et à la formation d'un gouvernement national technique pendant la phase de transition.

     

    Notre parti lance un appel pour que la priorité absolue soit donnée à la réalisation des revendications des classes laborieuses, à leur droit à vivre dans la dignité et la sécurité.

     

    Notre parti demande également que Morsi soit porté devant la justice, lui et les piliers de sa clique et de leurs alliés terroristes, impliqués dans la politique de terreur exercée contre le peuple égyptien.

     

    Le Parti communiste appelle les masses égyptiennes à rester dans la rueet à continuer à rester vigilants afin de s'assurer de la victoire complète de la révolution et de mettre en échec les complots de nos ennemis.


    Vive la lutte du peuple égyptien !

    Vive la glorieuse révolution égyptienne !


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  • Histoire du projet de traité euro-atlantique...

    L’objectif ultime des libéraux de droite et de gauche : une Europe euro-américaine.

    mercredi 3 juillet 2013

    « L’Europe est (…) vouée à un destin analogue à celui du Canada, c’est-à-dire à être progressivement dépossédée de toute indépendance économique et culturelle à l’égard de la puissance dominante. En fait l’Europe vraiment européenne fonctionne comme un leurre dissimulant l’Europe euro-américaine qui se profile et qu’elle facilite en obtenant l’adhésion de ceux qui en attendent l’inverse exact de ce qu’elle fait et de ce qu’elle est en train de devenir. » Pierre Bourdieu, Vienne, 10 novembre 2000 et Contre-feux 2, Raisons d’Agir, 2001, p.68.

    Dans ce livre qu’avait voulu Pierre Bourdieu, « Europe la trahison des élites », (2004), je décrivais (p. 72 et suivantes) le processus préparé par la Commission européenne qui confirmait l’affirmation de Bourdieu : créer une zone transatlantique unique. Je fournissais en annexe le long « programme d’action » de la Commission qui décrivait les étapes à réaliser pour y parvenir. Ce document reçut l’aval des deux grands courants du Parlement européen, chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates, en ce compris les « socialistes » français. Mais jamais, les médias, dans leur écrasante majorité, n’en ont fait état.

    Le 7 mars 2006, consultant au Parlement européen auprès de la Gauche Unitaire Européenne, je signais une chronique intitulée « Le PET ou la disparition de l’Europe » (dont voici le lien : http://www.jennar.fr/?p=265 ). Le PET signifiait alors « Partenariat Economique Transatlantique ». Puis, c’est devenu le « grand marché transatlantique » (dont traite bien un petit livre de R. Cherenti et B. Poncelet publié en 2011 chez Bruno Leprince).

    A l’évidence, nous sommes confrontés à un projet patronal soutenu depuis plus de dix ans par les libéraux de gauche comme de droite. Après le temps des propositions et des programmations, voici venue l’heure de la mise en œuvre. Le Parlement européen vient de donner le feu vert à l’ouverture de négociations « en vue d’un accord de l’UE en matière de commerce et d’investissement avec les États-Unis ». Une phraséologie qui dissimule mal qu’il s’agit de créer une zone de libre échange très avancée, disons-le tout net, un marché commun, entre l’Union européenne et les USA.

    Même si elle n’a valeur que d’avis, il faut lire la Résolution présentée par le « socialiste » portugais Vital Moreira et adoptée le 23 mai par une majorité de parlementaires censés représenter et défendre les intérêts des peuples d’Europe : http://www.europarl.europa.eu/sides...

    C’est un texte absolument consternant. Prenons quelques-uns des motifs par lesquels le Parlement justifie la création d’un tel accord.

    D’abord, la tarte à la crème qui a toujours justifié l’alignement et la soumission des pays européens sur l’empire (avec quelques exceptions tellement rares qu’elles confirment largement la pratique courante) :

    « considérant que l’Union et les États-Unis partagent des valeurs communes et ont des systèmes juridiques comparables ainsi que des normes d’une rigueur analogue, même si elles sont différentes, en matière d’emploi, de protection des consommateurs et de protection de l’environnement »

    Où sont ces fameuses « valeurs communes » dont nous rabâchent les partisans d’une société du chacun pour soi dont les USA offrent le modèle exacerbé et dont la Commission européenne, depuis Delors, se fait le protagoniste ? Sur l’essentiel, nous différons totalement dans le rapport de la puissance publique avec le religieux. Même si force est d’observer un retour inquiétant de l’obscurantisme dans certains de nos pays, le puissant mouvement de sécularisation des peuples européens demeure une caractéristique dominante qui tranche radicalement avec le déisme ambiant qui sature la vie américaine. Dans les pays d’Europe ancrés depuis longtemps dans les pratiques démocratiques, l’intérêt général n’est plus dicté par les Églises.

    Dans ces mêmes pays s’est forgé, au cours de décennies de luttes, un modèle social original qui demeure une caractéristique majeure, même s’il subit depuis une trentaine d’années un processus de démantèlement voulu par les partisans de l’intégration dans le modèle américain.

    Nos systèmes juridiques sont profondément différents. En effet, mis à part l’usage de la common law uniquement dans deux pays, la Grande-Bretagne et l’Irlande – qui seraient ainsi soudainement devenus le modèle général pour toute l’Europe – tous les autres États pratiquent ce qu’on appelle parfois le droit romano-germanique et qu’il est plus correct d’appeler le droit continental puisqu’il est également pratiqué à l’est et à l’extrême-est de l’Europe, jusqu’au Japon. Que des parlementaires aient pu adopter une phrase invoquant des « systèmes juridiques comparables » donne la mesure soit de leur soumission, soit de leur ignorance. [1]

    Il y a un fossé entre la conception américaine des relations entre les entreprises privées et les partis politiques et ce qui se pratique dans la plupart des pays d’Europe. Le 23 janvier 2010, la Cour Suprême des États-Unis déclarait illégales les limitations imposées aux entreprises dans le financement des campagnes électorales. Désormais, les entreprises pourront, sans la moindre limite, choisir, organiser, financer et faire élire leurs candidats. Alors que dans sa Résolution, le Parlement européen « s’engage à jouer un rôle proactif pour collaborer avec ses homologues américains lors de l’adoption de nouvelles réglementations ». Des homologues transformés en représentants du patronat américain.

    De même, les normes en matière d’emploi, de protection des consommateurs et de protection de l’environnement ne sont en rien comparables puisque dans ces matières, aux États-Unis, c’est le primat de l’individu qui s’impose. L’État ne prend pas en charge l’intérêt général et laisse aux individus la liberté de se défendre face aux abus en tous genres et de recourir aux tribunaux. Comme l’observe Jean-Luc Mélenchon sur son blog :

    « Les États-Unis sont aujourd’hui en dehors des principaux cadres du droit international en matière écologique, sociale et culturelle. Ils ne souscrivent pas à plusieurs conventions importantes de l’OIT sur le droit du travail. Ils n’appliquent pas le protocole de Kyoto contre le réchauffement climatique. Ils refusent la convention pour la biodiversité. Ainsi que les conventions de l’Unesco sur la diversité culturelle. Autant d’engagements qui sont souscrits par les pays européens. Les standards réglementaires états-uniens sont donc dans la plupart des cas moins contraignants que ceux de l’Europe. Un marché commun libéralisé avec les États-Unis tirerait donc toute l’Europe vers le bas. »

    Nous sommes en fait devant deux conceptions radicalement différentes de la vie en commun.

    Une autre motivation laisse clairement apparaître le véritable objectif d’un tel accord :

    « considérant que l’Union est convaincue que le développement et le renforcement du système multilatéral sont un objectif essentiel ; considérant néanmoins que cela n’exclut pas la conclusion d’accords bilatéraux allant plus loin que les engagements de l’OMC et complétant les règles multilatérales étant donné que les accords régionaux comme les accords de libre échange permettent une plus grande harmonisation des normes et une libéralisation plus poussée qui favorisent le système commercial multilatéral »

    Telle est bien la volonté : aller au-delà des accords en vigueur à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Le fameux « cycle de Doha » lancé en 2001 et dont l’objectif était d’imposer au monde encore plus de libéralisation, encore plus de privatisations, encore plus de dérégulation est bloqué. Bloqué par les pays les plus pauvres et les pays émergents confrontés à l’intransigeance de l’UE et des USA, intransigeance exprimée avec zèle par le « socialiste » Pascal Lamy [2]. Puisque l’OMC n’est plus le cadre approprié pour de nouvelles avancées ultra-libérales, les accords de libre échange offrent la meilleure alternative pour les attentes patronales. C’est ainsi que l’UE tente d’imposer sa loi à l’Inde, aux pays d’Asie du Sud-Est, d’Amérique latine, d’Afrique. Et les USA font de même de leur côté.

    On retrouve, dans la Résolution du Parlement européen, qui a toujours soutenu les négociations à l’OMC, tous les thèmes habituels de ces négociations, c’est-à-dire tous les sujets sur lesquels le patronat des deux rives de l’Atlantique insiste depuis des années dans des cénacles comme la Commission Trilatérale, le Groupe de Bilderberg, le TransAtlantic Business Dialog, le Forum de Davos… : les droits de propriété intellectuelle (et donc le brevetage du vivant, la bio-piraterie, les OGM…), la liberté d’investir où on veut, comme on veut, ce qu’on veut, sans avoir à tenir compte des législations locales, la mise en concurrence de toutes les activités de services (y compris l’enseignement, la santé…), l’ouverture des marchés, le démantèlement des « barrières réglementaires », la libre circulation des capitaux, le commerce agricole, le caractère contraignant des termes de l’accord :

    la Résolution « souligne que ce partenariat doit être ambitieux et contraignant pour tous les niveaux d’administration des deux côtés de l’Atlantique, y compris les autorités de régulation et les autres autorités compétentes ».

    Quand on lit qu’il s’agit d’« harmoniser les normes » dans le cadre d’un accord de libre-échange entre les USA et l’UE, cela signifie très clairement un alignement pur et simple sur les normes américaines. Qui pourrait un seul instant penser qu’il en ira autrement ?

    Sans doute quelques naïfs. Mais surtout les cyniques praticiens de l’enfumage qui brandissent tout à la fois les promesses en termes de croissance et d’emploi et les « garanties » inscrites dans le texte de la Résolution du Parlement européen pour faire accepter l’essentiel : l’ouverture des négociations. Nous savons que le gouvernement « socialiste » excelle en matière d’enfumage (voir l’excellent livre de Laurent Mauduit, L’étrange capitulation).

    L’histoire des négociations commerciales internationales (OMC, zones de libre-échange) nous apprend en effet que les praticiens de l’enfumage recourent à deux procédés : présenter les avantages mirobolants d’un tel accord de libre-échange et introduire des « garanties » dans le mandat de négociation. Des avantages toujours démentis par les faits et des garanties qui ne durent que le temps de l’obtention du mandat de négociation.

    Côté avantages, la Résolution affirme sans rire qu’

    « un partenariat transatlantique ambitieux et de grande ampleur en matière de commerce et d’investissement pourrait, une fois complètement mis sur pied, apporter des profits substantiels à l’Union (119,2 milliards d’euros par an) et aux États-Unis (94,9 milliards d’euros par an) ; considérant que les exportations de l’Union vers les États-Unis pourraient donc augmenter de 28 % et le total des exportations de l’Union de 6 %, hausses qui profiteraient, au niveau de l’Union, tant aux exportateurs de biens et de services qu’aux consommateurs. »

    Des chiffres qui se fondent sur des postulats contestables s’agissant du nombre et de la valeur des barrières non tarifaires (les réglementations) qui seraient démantelées et de l’ampleur des effets produits par la suppression des droits de douane. Des chiffres qui viennent d’un centre d’études britannique entièrement consacré à la défense des thèses les plus libérales. Des chiffres qui, bien entendu, ne prennent pas en compte le coût humain et social des destructions d’emplois, des « réformes structurelles », de la paupérisation, de la dégradation de la qualité alimentaire et sanitaire de l’alignement sur le modèle américain.

    Côté « garanties », Mme Nicole Bricq, ministre PS du commerce, a des accents pathétiques pour se réjouir de l’inscription de telles « garanties » (http://proxy-pubminefi.diffusion.fi...). Et c’est vrai qu’on trouve des paragraphes – qui d’ailleurs sont en totale contradiction avec les motivations énoncées en début de Résolution – où on nous parle d’exception culturelle, de protection de l’audiovisuel, de protection des données à caractère personnel (qu’on fournit déjà aux USA), des pratiques européennes en matière d’OGM (alors que la Commission européenne n’a de cesse de les autoriser).

    Ces « garanties » ne servent qu’à amadouer les plus réticents de la sainte alliance sociaux-démocrates/chrétiens démocrates qui fait la pluie et le beau temps au Parlement européen. Et bien de prétendus socialistes sont tout disposés à se laisser convaincre. Enfin, ces « garanties » servent aussi aux médias toxiques (Le Figaro, Libé, Le Monde, la presse économique, les directeurs de pensée qui sévissent en radio et en télévision) toujours prompts à justifier l’inacceptable pourvu qu’il réponde aux attentes patronales.

    Nul ne s’étonnera que ces prétendues « garanties » inscrites dans la Résolution ne rassurent personne en dehors de ceux qui ne demandent qu’à l’être. Le passé des négociations commerciales internationales rappelle que de telles « garanties » sont vite oubliées par le négociateur unique qu’est la Commission européenne. Car, pendant les négociations, ceux qui sont à la manœuvre, ce sont les représentants des multinationales qui ont leurs grandes et petites entrées à la Commission. Pas les parlementaires. Ceux-ci, les négociations terminées, seront priés d’accepter le résultat final au motif qu’il s’agira d’un compromis. C’est ce qu’a bien compris, par exemple, la Confédération paysanne qui, dans un communiqué du 24 mai, prend les devants et souligne que

    « la pression des multinationales américaines derrière ce « partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement » n’est plus à démontrer. (…) La boite de Pandore risque de s’ouvrir. Depuis 20 ans, la Confédération paysanne, avec la Via Campesina Europe et international et de multiples partenaires de la société civile, a rejeté les cultures d’OGM, la confiscation des semences, l’importation des viandes bovines hormonées le poulet désinfecté au chlore et les carcasses de viande bovine trempées dans l’acide lactique pour dissimuler la médiocrité sanitaire des abattoirs américains. Le rejet de l’hormone laitière de Monsanto et le refus de produits animaux issus du clonage sont aussi à notre actif et ne doivent sous aucun prétexte être renégociés. Aucune justification ne peut être admise pour céder sur l’alimentation des Européens et le travail des paysans du continent. »

    Ne pas prendre au sérieux ces « garanties » est d’autant plus indispensable quand on sait que les États-Unis exigent qu’aucun sujet ne soit exclu des négociations comme le rappelle Élisabeth Delcamp dans son article sur Mediapart.

    Après le feu vert du Parlement européen, c’est l’organe de décision de l’UE, le Conseil des ministres – c’est-à-dire les 27 gouvernements – qui doit décider du mandat de négociation préparé par la Commission européenne. Ce mandat est important puisqu’il fixe les objectifs et les limites de la négociation pour la partie européenne C’est le Conseil qui ensuite autorise l’ouverture des négociations. Celles-ci seront conduites par celui qui a proposé le mandat de négociation, le Commissaire au commerce international, le très libéral Karel De Gucht. Il sera l’unique négociateur au nom des 27 États membres. En effet, en vertu de l’article 207 du Traité sur le fonctionnement de l’UE,

    « Ces négociations sont conduites par la Commission, en consultation avec un comité spécial désigné par le Conseil pour l’assister dans cette tâche, et dans le cadre des directives que le Conseil peut lui adresser. »

    Le Comité spécial dont il s’agit, autrefois baptisé comité 133 et aujourd’hui comité 207, est un des plus bel exemple de l’opacité qui sévit dans les institutions européennes. Ses travaux sont particulièrement discrets. On a pu relever que ce comité recevait, dans des réunions dites « informelles », pour débattre des négociations à venir ou en cours, les représentants de certains lobbies du monde des affaires. Jamais les organisations syndicales ; jamais les ONG actives dans les domaines des droits humains, du développement ou de l’écologie.

    La décision du Conseil des Ministres est attendue pour le 14 juin. On a compris, après les propos de Mme Bricq satisfaite des « garanties » obtenues et convaincue que cet accord de libre échange est « une chance pour la France » [3], que le gouvernement français donnera son feu vert. On aura ainsi, une fois de plus, la confirmation que le « socialisme » de Hollande, c’est celui de Pascal Lamy.

    Les négociations commenceront dès juillet.

    Raoul Marc JENNAR

    29 mai 2013



    [1] Le système anglo-saxon appelé « common law » s’appuie sur la jurisprudence issue des décisions des tribunaux ; le système continental s’appuie sur la loi décidée par les représentants du peuple.

    [2] Membre du comité directeur du PS de 1985 à 1994, Commissaire européen au commerce international de 1999 à 2004, directeur général de l’OMC de 2005 à 2013. Connu pour son adhésion aux thèses néo-libérales.

    [3] Voir l’article de ce ministre « socialiste »publié dans l’organe du patronat Les Echos du 19 mars 2013 :http://www.lesechos.fr/opinions/poi...

    http://lepcf.fr/L-objectif-ultime-des-liberaux-de


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  • vendredi 5 juillet 2013
    Qui est Edward Snowden ? - Discours de Glenn Greenwald, le journaliste qui a divulgué l’affaire Snowden/NSA au monde. (Niqnaq)

    Glenn GREENWALD

    A la Conférence Annuelle du Socialisme à Chicago la nuit dernière, Glenn Greenwald prononça un discours dans lequel il a relaté comment il avait été contacté et rencontré Edward Snowden la première fois. Il a parlé de sa surprise de le voir si jeune et comment sa détermination et sa conviction pour divulguer les fonctionnements internes de la NSA lui avaient inspiré le courage de publier les documents qui lui seraient transmis lors des trois ou quatre mois qui suivirent.

    Greenwald décrit comment les révélations sur la NSA ont non seulement exposé les Etats-Unis en tant qu’état sous surveillance mais aborde aussi la corruption et le pourrissement moral de l’establishment du journalisme dans ce pays. Il a également laissé à l’auditoire le message qu’il ne fallait pas craindre le “climat de peur” que le gouvernement américain souhaite imposer à ceux qui osent défier son pouvoir. Ce qui suit est la transcription de son discours après une introduction et un préliminaire au cours duquel il rendit hommage à Jeremy Scahill qui venait de le présenter à l’auditoire. Puis, après quelques réflexions, il décida de s’assoir sur une chaise pour le discours qui suit.

    Qui est Edward Snowden ?

    … J’ai été contacté par Edward Snowden il y a de ça plusieurs mois. Il m’a contacté par mails. Il ne disait pas son nom. Il ne disait pas grand chose. Il disait simplement qu’il avait des documents qu’il pensait pourraient m‘intéresser ce qui devait devenir par la suite le plus grand euphémisme de la décennie. Mais il ne me disait pas grand chose le concernant et plusieurs mois ont passé parce que nous parlions d’un système de code et d’autres choses et ce n’est que lorsqu’il est arrivé à Hong Kong avec les documents qu’on a commencé à avoir des discussions substantielles à propos de lui, de ce qu’il faisait et quel genre de documents il avait. Et j’ai passé de nombreuses heures à discuter en ligne avec lui à Hong Kong mais j’ignorais, son nom. Je ne connaissais rien de son parcours, son âge, ni même où il travaillait. Et il essayait de me faire venir à Hong Kong pour lui parler et avant que je fasse ça, faire la moitié du tour du monde en avion, je voulais des garanties que ça en valait vraiment la peine, qu’il y avait une substance derrière ce qu’il disait. Donc il m’a envoyé un hors d’oeuvre, comme lorsque vous avez un chien, vous lui présentez un biscuit sous le nez pour le faire aller là où vous voulez qu’il aille. C’est ce qu’il a fait pour m’amener à Hong Kong. Ces documents, même si ce n’était qu’un petit échantillon, étaient les choses les plus extraordinaires que j’avais jamais vues. Je me souviens qu’après avoir lu les deux premières pages, j’étais littéralement étourdi, étourdi par une sorte d’extase et d’euphorie par rapport à ce qu’il avait en sa possession. Et comme la plupart d’entre nous lorsque nous communiquons exclusivement en ligne avec quelqu’un, j’ai commencé à former une sorte d’impression mentale de qui il était. J’étais plutôt certain qu’il était plus âgé, voire même la soixantaine. Qu’il était comme un cadre bureaucrate à l’intérieur d’une des agences d’état de la sécurité nationale, plutôt grisonnant et approchant la fin de sa carrière. Et la raison pour laquelle je pensais cela c’est qu’il avait à l’évidence un accès assez haut placé à des documents top secrets. Il avait aussi une vision incroyablement pénétrante et mûrement réfléchie sur la nature de l’appareil de sécurité nationale ainsi que sur sa propre relation avec cet appareil si bien que je me suis dit que ça voulait dire qu’il avait dû réfléchir à tout cela et interagir avec ces éléments sur une période de nombreuses années. Mais la vraie raison pour laquelle je pensais qu’il avait cet âge, approchant de la retraite, peut-être même approchant la fin de sa vie, c’est qu’il soulignait, et ce dès nos premiers contacts, le fait qu’il savait pertinemment que ce qu’il faisait allait pour l’essentiel bouleverser sa vie et probablement la détruire. Qu’il y avait de grandes chances, voire même inévitables, qu’il atterrisse probablement en prison, si ce n’est pire. Ou du moins, qu’il devrait fuir pour le reste de sa vie l’état le plus puissant du monde. Je n’y ai pas pensé consciemment, mais je pense que j’ai tacitement assumé que quiconque envisageait de faire un sacrifice de sa vie de cette ampleur était probablement quelqu’un qui avait pas mal souffert et était proche de la fin pour accumuler autant de bravoure.

    Quand je suis arrivé à Hong Kong et que je l’ai rencontré pour la première fois, je me suis trouvé désorienté et dans une confusion complète comme jamais je ne l’avais été dans ma vie. Non seulement il n’avait pas soixante-cinq ans, il avait vingt-neuf ans mais il avait l’air beaucoup plus jeune. Et donc, lorsque nous sommes allés dans sa chambre d’hôtel pour commencer à lui poser des questions (Laura Poitras, la caméraman, et moi-même) ce que je voulais comprendre par dessus tout était ce qui l’avait poussé à faire ce choix extraordinaire, d’une part parce que je ne voulais pas faire partie d’un évènement qui allait détruire la vie de quelqu’un si cette personne n’était pas complètement lucide et rationnelle vis à vis de la décision qu’elle était en train de prendre, mais aussi parce que je voulais vraiment comprendre, juste par curiosité personnelle, ce qui poussait quelqu’un qui a toute la vie devant lui, qui vivait en couple depuis un certain temps dans un cadre des plus désirables à Hawaï, dans un emploi stable relativement bien payé, à tout jeter ainsi pour devenir instantanément un fugitif et un individu qui allait probablement passer le reste de sa vie dans une cage. Plus je lui parlais, plus je comprenais et plus j’étais,dépassé et plus cela devenait une expérience formatrice pour moi et pour le reste de ma vie parce que ce qu’il me disait encore et toujours, de plusieurs façons, et toujours avec une attitude si pure et passionnée que je n’ai jamais douté un seul instant de son authenticité, est qu’il y avait dans la vie des choses plus importantes que le confort matériel, que la stabilité d’un emploi, ou bien que juste essayer de prolonger sa vie le plus longtemps possible. Ce qu’il n’a eu de cesse de me dire, c’est qu’il ne jugeait pas sa vie à l’aune de ce qu’il pensait de lui mais par les actions qu’il prenait à la poursuite de ces convictions. Lorsque je lui ai demandé comment il en était arrivé au point de vouloir prendre le risque qu’il savait qu’il prenait, il m’a répondu qu’il cherchait depuis longtemps un chef de file, quelqu’un qui arriverait et réglerait ces problèmes. Et puis un jour, il s’est aperrcu que ça ne servait à rien d’attendre, qu’être un chef de file, c’est s’engager soi-même d’abord et donner l’exemple aux autres. Ce qu’il disait au final, c’est qu’il ne voulait pas vivre dans un monde où le gouvernement US se permettait ces extraordinaires envahissements pour construire un système ayant pour objectif la destruction de toute vie privée individuelle, qu’il ne voulait pas vivre dans un tel monde, et qu’il ne pouvait, en bonne conscience, juste regarder et permettre que cela se passe ainsi, sachant qu’il avait le pouvoir d’aider à ce que cela s’arrête.

    La chose la plus frappante pour moi à ce sujet, je suis resté onze jours consécutifs avec lui, alors qu’il était toujours un inconnu parce que nous n’avions pas encore divulgué son identité, et je le regardais suivre les débats sur CNN, NBC ou MSNBC ou les autres chaines du monde ntier pour voir ce qu’il avait essayé de provoquer par les actions qu’il avait prises. Et je l’ai vu aussi une fois qu’on avait révélé qu’il était l’homme le plus recherché du monde, que les officiels de Washington l’appelaient un traître, voulaient sa tête. Ce qui était ahurissant et continue à l’être encore maintenant, c’est qu’il n’y avait en lui aucun un soupçon de remords, de regrets, ou de peur. C’était un individu complètent en paix avec le choix qu’il avait fait parce que ce choix qu’il avait fait était tellement incroyablement puissant, j’étais incroyablement inspiré d’être à côté de quelqu’un qui avait atteint un tel degré de tranquillité parce qu’il était tellement convaincu d’avoir fait ce qui était juste et son courage, sa passion m’infectèrent au point que j’ai juré que quoi que je fasse dans la vie avec cette histoire et au delà, j’allais dédier ma vie à faire justice à l’incroyable acte de sacrifice personnel qu’Edward Snowden a accompli. Et cette énergie, je le constatais alors, infecta tout le monde au Guardian, qui est une organisation médiatique assez grande, et je suis la dernière personne à faire l’éloge d’une organisation médiatique, même une pour laquelle je travaille, surtout une pour laquelle je travaille. Pourtant j’ai vu depuis quatre semaines, les rédacteurs du Guardian, les rédacteurs en chef qui ont dirigé le Guardian depuis des années, s’engager dans un journalisme intrépide et courageux en ignorant jour après jour le climat de terreur et les menaces dun gouvernement US et en disant nous allons continuer à publier toute information que nous pensons devoir publier pour le bien commun.

    Si vous parlez à Edward Snowden et vous lui demandez, comme je l’ai fait, ce qu’il l’a inspiré, il parle d’autres individus qui se sont engagés courageusement dans une situation similaire, comme Bradley Manning ou ce vendeur tunisien qui s’est immolé et a déclenché une des plus grandes révolutions démocratiques de ces quatre ou cinq derniers siècles. Ce dont j’ai commencé à me rendre compte à propos de tout cela, c’est deux choses. Premièrement, le courage est contagieux. Si vous faites un acte courageux en tant qu’individu, vous changerez littéralement le monde, parce que vous allez affecter les gens de votre entourage immédiat qui ensuite affecteront d’autres puis ceux-la encore d’autres. Vous ne devriez jamais douter de votre capacité à changer les choses. L’autre chose dont je me suis rendu compte, ce que vous êtes en tant qu’individu ou ce que représentent, en terme de pouvoir, les institutions que vous défiez, tout cela n’a aucune importance. M. Snowden n’a jamais eu son bac. Ses parents travaillent pour le gouvernement fédéral. Il a grandi dans un milieu modeste de la classe moyenne au sein d’une communauté militaire en Virginie Il a rejoint l’Armée US parce qu’il pensait que la guerre en Irak était noble. C’est quelqu’un qui a zéro privilège, zéro pouvoir, zéro position, zéro prestige, et pourtant, lui tout seul, a littéralement changé le monde… une des choses que j’ai réalisées assez tôt est que non seulement lui mais aussi toutes les personnes qui auraient à faire quelque chose dans la publication de ces articles, nous allions être attaqués et diabolisés de la manière que Jeremy a décrite. On voit toutes sortes d’attaques sur lui qui sont absurdes et contraires à la réalité. On entend des affirmations de la part de psychologues de salon du genre qu’il serait narcissique. Je ne suis même pas sûr qu’ils sachent ce que cela veut dire, mais c’est devenu le scénario qu’ils récitent tous. C’est quelqu’un qui aurait pu vendre ces documents à des services de renseignement pour des millions et passer le reste de sa vie secrètement enrichi au delà de ses rêves les plus fous et il n’a rien fait de tout cela. Au contraire, il s’est mis en avant et est devenu une cible pour le bien de nous tous. Ou alors ils essaient de remettre en question ses motivations et disent que c’est quelqu’un qui cherche la célébrité, ou une “pute pour la célébrité” qui est leur phrase préférée en ce moment. J’ai passé ces trois dernières semaines à me faire harceler par les plus ridicules stars des médias des US qui sont complètement désespérés pour obtenir un entretien avec Edward Snowden et le mettre dans leur émission quotidienne. Il aurait pu être une des personnes les plus célèbres dans le monde. Il est bien plus du genre reclus que “pute pour la célébrité”. Il a refusé toutes ces propositions d’entretien parce que sa vraie motivation pour faire ce qu’il a fait est exactement ce qu’il a dit, c’est, non pas se rendre célèbre, mais de rendre compte aux gens des Etats-unis et du monde de ce qui est en train de leur être fait en secret par le gouvernement US. La raison pour laquelle c’est toujours une habitude pour les gens comme Edward Snowden d’être diabolisées, la raison pour laquelle il est important de leur attribuer une maladie psychologique, comme ils l’ont fait avec Bradley Manning, comme ils essaient de faire avec tous les déclencheurs d’alerte, comme ils l’ont fait avec Daniel Ellsberg, c’est parce qu’ils savent précisément ce que j’ai dit, que le courage est contagieux. Et qu’il va être un exemple pour d’autres gens qui vont venir donner l’alerte sur le devant de la scène en ce qui concerne la tromperie, l’illégalité et la corruption des choses qu’ils font dans l’ombre. Ils ont besoin de faire un exemple négatif pour que cela ne se reproduise pas et c’est la raison pour laquelle les gens comme Edward Snowden sont diabolises et attaqués et c’est pourquoi c’est à chacun de nous qu’il revient de le défendre pour le maintenir comme le noble exemple qu’il est et pour qu’il ait une juste reconnaissance. Voilà les choses sur lesquelles j’ai personnellement ouvert les yeux dans cette affaire et je suis sûr que je n’ai pas encore réfléchi à toutes les implications et je continuerai à le faire dans le temps. Mais j’ai une certitude c’est que cette expérience sera une expérience formatrice pour moi et pour des millions de gens dans le monde entier et par bien des manières.

    Traduction : Pierre MILLE

    Article paru le 28 juin 2013, http://niqnaq.wordpress.com/2013/06/30/i-shall-be-interested-to-see-wh...

    http://avicennesy.wordpress.com/2013/07/02/discours-de-glenn-greenwald...
    http://avicennesy.wordpress.com/2013/07/02/discours-de-glenn-greenwald-le-journaliste-qui-a-divulgue-laffaire-snowdennsa-au-monde-i-qui-est-edward-snowden/
    http://www.legrandsoir.info/qui-est-edward-snowden-discours-de-glenn-greenwald-le-journaliste-qui-a-divulgue-l-affaire-snowden-nsa-au-monde-niqnaq.html

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    BASTA !

    http://www.bastamag.net/article3181.html

    Justice

    Médias censurés sur l’affaire Bettencourt

    Par Agnès Rousseaux (5 juillet 2013)

    Mediapart et Le Point viennent d’être condamnés par la Cour d’appel de Versailles. Ils doivent retirer de leurs sites, sous huit jours, « toute publication de tout ou partie de la retranscription des enregistrements illicites réalisés au domicile de Liliane Bettencourt ». Sous peine de devoir payer 10 000 euros par jour de retard, et par infraction constatée. Cette diffusion, estime la Cour d’appel dans son arrêt du 4 juillet 2013, est une atteinte à la vie privée de la milliardaire.

    Une décision qui concerne « un millier d’articles, près de deux mille billets de blogs, des dizaines de milliers de commentaires », rappelle François Bonnet, directeur éditorial de Mediapart. Car chaque phrase ou brève citation de ces enregistrements sont désormais interdites. « Faudra-t-il aller relire un par un les presque 2 millions de commentaires postés sur Mediapart ? », s’interroge le journaliste, qui fait le calcul : avec l’ensemble des articles et billets de blogs actuellement en ligne sur l’affaire Bettencourt, Mediapart serait condamné à verser 752 millions d’euros par mois !

    Une telle décision constitue une « atteinte insupportable au droit de l’information, une lecture ahurissante de la convention européenne des droits de l’homme, un coup de gomme stalinien effaçant l’un des événements les plus importants du quinquennat Sarkozy », estime François Bonnet. Il s’agit d’effacer « ce qui est devenu une page d’histoire de ce pays : comment la femme la plus riche de France, à la tête d’un des plus grands groupes mondiaux, fraudait le fisc, dissimulait ses avoirs, négociait avec le pouvoir politique, celui-ci faisant pression sur la justice ». La Cour d’appel a tranché : les médias sont sommés de ne pas en parler. Et les lecteurs de ne pas en débattre.

    La décision de la Cour d’appel ne sera effective qu’après demande d’exécution de l’arrêt par le plaignant. Raison pour laquelle Mediapart demande à Madame Bettencourt et son tuteur de ne pas procéder à cette exécution. Le site prévoit aussi un pourvoi en cassation (mais celui-ci ne suspend pas la décision, qui devra être mise en œuvre en attendant le résultat du pourvoi).

    « Sale temps pour les lanceurs d’alerte », titre Mediapart, qui rappelle que les révélations sur la fraude fiscale de Liliane Bettencourt ont notamment permis aux pouvoirs publics d’opérer un redressement fiscal qui dépasse les 100 millions d’euros. Les enregistrements de l’Affaire Bettencourt sont d’ores et déjà disponibles sur d’autres sites, et plusieurs médias ont annoncé qu’ils publieraient les enregistrements si Mediapart est contraint de les retirer de son site.


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